jeudi 18 avril 2024

Le soleil rouge de l'Assam, de Abir Mukherjee (2023)

Ce quatrième tome ne dépare pas des trois premiers dans cette série policière de Abir Mukherjee qui se déroule dans l’Inde des années 1920 au côté de deux enquêteurs, le capitaine écossais Sam Wyndham, et le sergent indien Satyendra Banerjee.

Le soleil rouge d’Assam commence sur le spectacle d’une « murmuration », un mot aussi joli que méconnu dont la signification fait une bonne question au Jeu des mille euros.

PROLOGUE 

Février 1922 Jatinga, Assam 

Les oiseaux se suicident. Pas quelques-uns, mais des milliers.

«Ce sont des étourneaux, dit la femme. Des "oiseaux suicide".»

Une question d'un maître d'école mort depuis longtemps résonne dans mon crâne.

«Vous, Wyndham. Le nom collectif pour un vol d'étourneaux est...?»

Mon ignorance, marquée par un claquement de règle sur le bureau.

«Murmuration, mon garçon! Une nuée d'étourneaux est une murmuration! N'oubliez pas.»

Ce mot suggérait la clandestinité. Le chuchotement. Un mystère. Il était peut-être lié à la manière dont volent ces oiseaux; d'immenses nuées qui pirouettent dans les nuages comme d'un même élan, sous les ordres d'une seule voix. […]

L’intrigue croise deux récits, deux temporalités. Les deux trames aussi prenantes l’une que l’autre mettent en scène le capitaine Wyndham dans le chaos de sa vie présente et passée. Le récit de sa désintoxication à son addiction à l’opium dans un ashram au cœur de l’Assam alterne avec le récit d’une ancienne enquête sur un féminicide dans les quartiers de Londres alors qu’il n’était encore qu’un novice dans la police.

Le dénouement qui tisse un pont entre les deux récits, se joue en quelques chapitres à la manière d’un huis-clos de Agatha Christie. Une nouvelle déclinaison du classique mystère de la chambre fermée de l’intérieur, un mort cathartique et une assemblée disparate de suspects forment un final divertissant. 

Au delà de l’intrigue maîtrisée, la mise en exergue de la xénophobie envers les juifs en Angleterre et envers les indiens par des anglais oppresseurs en Inde, fait froid dans le dos. Abir Mukherjee rejoue les mécanismes racistes trop ordinaires qui mènent aux pires discriminations et enferment les immigrants dans des positions subordonnées dans la vie économique et politique.

Sur ce point, l’auteur en postface s’indigne de ces temps de recrudescences nationalistes en Angleterre (comme ailleurs) au moment où il écrit le roman, et se remémore les phases du melting-pot britannique.

[…] ce pays caractérisé par la peur et l'intolérance n'est pas la Grande-Bretagne que je connais et que j'aime, et ce n'est pas celle qui a offert un refuge aux Juifs d'Europe de l'Est entre 1880 et 1914, ou aux Asiatiques fuyant la persécution en Ouganda dans les années 1970. Ce n'est pas non plus celle qui a invité la génération Windrush des Caraibes ou ceux venus du sous-continent indien comme mon père et ma mère, à venir ici dans les années 1950 contribuer à reconstruire une nation épuisée par la guerre et satisfaire nos besoins en main-d'œuvre et aide de toute sorte chauffeurs, infirmières, médecins, professeurs, ingénieurs et tant d'autres. Mais on dirait que chaque pas en avant provoque une réaction brutale : une peur que les choses ne s'aggravent. Or, chaque fois que l'intolérance a levé la tête, des Blackshirts de Mosley au discours des «fleuves de sang» d'Enoch Powell et au National Front des années 1970 la majorité honnête et respectueuse de l'humain s'y est opposée. J'ai l'espoir qu'elle fera de même cette fois. […]

Ce séjour à Jatinga en Assam polar-ise donc les intérêts. Aussi les bouleversements dans l’attitude du sergent indien Satyendra qui semble ne plus accepter aucune espèce de compromission face aux anglais, augurent un rééquilibrage dans ce formidable binôme d’enquêteurs.

La série compte un cinquième tome maintenant, Les ombres de Bombay (2024).

vendredi 12 avril 2024

Notre corps, de Claire Simon (2023)

notre_corps.jpg, avr. 2024

Écrins du corps féminin, nuée de cas particuliers L'horizon des régions hospitalières explorées par Claire Simon dans Notre corps est très vaste, et les 2h50 du documentaire sont presque insuffisantes — au sens où l'on serait prêt à en contempler facilement le double. Les domaines médicaux sont  […]

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jeudi 11 avril 2024

The Noah, de Daniel Bourla (1975)

noah.jpg, mars 2024

Solitude, folie et radiations Un homme seul (Robert Strauss pour son dernier film) dérive sur l'eau, à bord d'un radeau de fortune, et arrive sur une île vraisemblablement déserte perdue au milieu d'un océan inconnu. Des restes de matériel de propagande communiste jonchent les lieux. Il vérifie que  […]

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mardi 09 avril 2024

Blonde Vénus (Blonde Venus), de Josef von Sternberg (1932)

blonde_venus.jpg, mars 2024

Triangle amoureux et pathologique Pur produit du cinéma Pre-Code et accessoirement cinquième collaboration entre Marlene Dietrich et Josef von Sternberg, Blonde Venus s'était à l'époque illustré par une impopularité notable que l'on peut raisonnablement relier au rôle de l'actrice d'origine  […]

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lundi 08 avril 2024

D'Est, de Chantal Akerman (1993)

d-est.png, mars 2024

Travelling sur 2000 kilomètres Un dispositif extrêmement simple : filmer un voyage depuis l'Allemagne de l'Est jusqu'à Moscou au lendemain de la dislocation de l'URSS, sans aucun commentaire, sans aucun sous-titre. Avec seulement quelques séquences plus scriptées, en plans fixes, qui viennent  […]

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samedi 06 avril 2024

Des terroristes à la retraite, de Mosco Boucault (1985)

terroristes_a_la_retraite.jpg, mars 2024

Exil, résignation, rébellion L'histoire des unités "Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée" (FTP-MOI) et de Missak Manouchian est revenue dans l'actualité à l'occasion de son récent transfert avec sa femme au Panthéon, suscitant à cette occasion quelques remous au creux de  […]

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jeudi 04 avril 2024

Happy Together (春光乍洩, Cheun Gwong Tsa Sit), de Wong Kar-wai (1997)

happy_together.jpg, mars 2024

"Turns out that lonely people are all the same." Je referme (sans m'en être rendu compte) le chapitre Wong Kar-wai en terminant sur la période qui m'aura le plus convaincu et passionné chez lui, le tournant des années 1990 / 2000, fin du XIXe et début du XXe, avec la toile de fond de la  […]

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mardi 02 avril 2024

Ouvrir la voix, de Amandine Gay (2017)

ouvrir_la_voix.jpg, mars 2024

La sobriété du témoignage Ouvrir La Voix a les avantages et les défauts de sa radicalité (qui trouve son origine dans une absence de financement institutionnel) : deux heures d'entretiens avec des militantes qui revendiquent leur identité de femme et de noire, cadrées en plan serré sur leurs  […]

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