jeudi 01 décembre 2022

Mamma Roma, de Pier Paolo Pasolini (1962)

mamma_roma.jpg, oct. 2022
"À ton âge, la seule femme dont tu as besoin, c'est ta mère."

Premier film que l'on peut considérer "normal" que je vois chez Pasolini, faisant suite à 4 tentatives sur une quinzaine d'années marquées par des tonalités hautement subversives, expérimentales, excessives, difficilement appréciables pour des raisons très diverses — Salò ou les 120 journées de Sodome, Théorème, Porcherie et le dernier en date, Œdipe roi. Au début des années 60, longtemps avant Salo (1975), son cinéma s'inscrivait ainsi dans une veine néo-réaliste assez classique avec une actrice on ne peut plus représentative de ce courant, Anna Magnani, en prostituée d'une quarantaine d'années récemment libérée de son mac souhaitant reprendre le cours d'une vie normale avec son fils.

Dans un style presque académique a posteriori, le réalisateur se fait très habile dans l'observation d'un environnement social verrouillé — que ce soit pour la mère, le fils, l'amie, tous les horizons sont bouchés. Il y une forme de fatalité dans le sort de la protagoniste éponyme Mamma Roma, victime comme d'autres de lois sociales inéluctables, qui permet d'aller au-delà de l'apparente simplicité d'un tel film avec des enjeux limpides. Initialement on peut craindre des excès propres au cinéma italien de l'époque dans le personnage très excentrique de Magnani lors du mariage et d'un repas faisant écho à la Cène, mais l'ensemble sera agréablement mesuré. Dans ce monde en ruines, les personnages se débattent comme ils peuvent, et c'est un écrin de choix pour Pasolini qui laisse libre cours à son inspiration spirituelle en multipliant les symboles christiques, le dernier d'entre eux étant probablement le plus fort, avec la quasi-crucifixion du fils dans un hôpital-prison.

Il y a dans l'arrière-plan un déterminisme social révoltant, exacerbé par une photographie en noirs prononcés et blancs éclatants (avec quelques passages nocturnes presque surréalistes), et rappelé par des terrains vagues omniprésents pour accueillir la jeunesse désœuvrée. Impossible d'échapper à sa condition (thème récurrent autour de l'actrice Anna Magnani), quand bien même une mère serait animée d'un amour maternel incandescent. L'opposition entre les deux corps, la mère solide et fière, le fils frêle et maladroit, accentue l'étrangeté de l'association et l'aveuglement d'une croyance en un salut impossible.

img1.jpg, oct. 2022 img2.jpg, oct. 2022 img3.jpg, oct. 2022

mardi 29 novembre 2022

Live at the Cathedral, de Moon Hooch (2017)

live_at_the_cathedral.jpg, nov. 2022

Moon Hooch était de passage à Toulouse en octobre pour un concert reporté, originellement programmé... la veille du tout premier confinement en mars 2020. L'occasion d'en remettre une couche, après un aperçu de leur premier album, avec cette captation live de 2015 dans la Cathedral Church of St. John the Divine, à New York. Le trio Mike Wilbur, Wenzl McGowen et James Muschler tourne à pleine régime — ce dernier, le batteur, est depuis parti explorer d'autres horizons musicaux (il a sorti un album en 2021, The Evolution of Life Forms on Earth : "a 40-minute musical simulation of Earth's 4-billion year ancestry. Sound is used as a medium to represent the fossil record's relative biodiversity and rates of genetic change. ") et été remplacé par Cyzon Griffin. Malgré un pépin technique il sont parvenus à assurer avec brio, même s'il faudrait dire à Mike Wilbur de moins se laisser tenter par le chant... et de se concentrer sur ses multiples talents avec ses tout aussi multiples saxophones. Énorme coup de cœur.

Extrait de l'album : Ewi et #6 / #9.

moon_hooch_live_cathedral.jpg, nov. 2022

lundi 21 novembre 2022

La Putain, de Ken Russell (1991)

putain.jpg, oct. 2022
"Oh, you got a flat. Need help pumping it up?"

Ce film de Ken Russell (un de ses derniers pour le cinéma et le plus récent que j'aie vu, c'est-à-dire 20 ans après Les Diables par exemple) a beau être d'une simplicité presque banale, il se situe dans un alignement — presque parfait à titre personnel — de thèmes et de tons dans la case "cynisme d'une prostituée lucide". C'est très subjectif, mais j'ai été particulièrement réceptif à l'humour décalé et au charme de l'actrice principale, Theresa Russell (sans lien de parenté a priori), dans le rôle d'une prostituée racontant avec beaucoup d'ironie sa vie quotidienne face caméra, dans un style pseudo-documentaire mais surtout frontalement décalé. C'est trois fois rien, Liz qui nous raconte ses déboires, ses fous rires et ses moments glauques, sans misérabilisme et avec un ton juste et neutre tout du long, avec un second degré très solide pour maintenir l'ambiance pas trop pesante. Toute la trame en lien avec son mac est assez paresseuse, un peu trop poussive et importante à mon goût, mais ça ne gâche en rien l'exploration de ce monde qui repose sur le sexe et l'hypocrisie — deux mamelles du cinéma de Ken Russell (on se rappelle encore la séquence d'orgie dans The Devils). Le quotidien de Liz est franchement sordide mais il y a tellement de séquences bien foutues (disons qui fonctionnent bien avec ma sensibilité en matière de comédie), ce n'est pas du tout le sentiment prédominant. On croise Danny Trejo en tatoueur (le mac tatoue ses filles comme du bétail), Antonio Fargas en clodo bienveillant (toujours aussi hypnotisé par sa tête), mais c'est clairement Theresa Russell qui a ma préférence de ce côté-là. Beaucoup de passages comiques en lien avec de la gérontophilie, sans pour autant que les plus jeunes soient épargnés : autant dire que ce contrepied à Pretty Woman (Russell aurait réalisé ce film en réponse) m'arrive comme un vent de fraîcheur, sans jugement, à forte consonance de satire sociale, avec son lot de confessions abominables formulées un sourire en coin, empreint d'une légèreté salvatrice, et non exempt de séquences aussi drôles que crados. On est presque dans la poésie du dégueulasse et de l'abject par moments.

Man in Car: I wanna fuck you up the ass!
Liz: You can stick it up your own, asshole!
Man in Car: Ha ha ha ha ha, I would if I could, bitch!
img1.jpg, oct. 2022 img2.jpg, oct. 2022

dimanche 20 novembre 2022

Just As I Am, de Bill Withers (1971)

just as i am.jpg, nov. 2022

Bill Withers, c'est avant tout pour les cinéphiles l'interprète du tube planétaire "Who Is He (And What Is He To You)?" que Quentin Tarantino utilisa dans Jackie Brown. Difficile de faire plus efficace en matière de Soul.

Mais c'est aussi l'auteur d'un trio de premiers albums d'une constance assez remarquable, trois albums très solides, très classiques dans tous les sens du terme. Just As I Am en 1971, Still Bill en 1972 (un peu plus Funk) et Just As I Am en 1974 (bis). On peut remarquer la présence de reprises surprenantes sur son tout premier album, des Beatles (Let It Be) et de Fred Neil (Everybody's Talkin'). Trois albums d'une trentaine de minutes assez incontournables pour les amateurs du genre, de la Soul chaude, douce, un peu mélancolique dans ses textes, avec des accents Funk et romantiques.

Extrait de l'album : Grandma's Hands.

À écouter également : I'm Her Daddy, Lonely Town, Lonely, You et Same Love That Made Me Laugh.

bill_withers.jpg, nov. 2022

jeudi 17 novembre 2022

Muna Moto, de Jean-Pierre Dikongué-Pipa (1975)

muna_moto.jpg, oct. 2022
"Amour, donne-moi ta force, et cette force me sauvera."

Quel agréable sentiment de dépaysement à l'occasion de cette tragédie romantique camerounaise ! Ce genre de moment, bien qu'imparfait, alimente une petite série de découvertes devenues extrêmement rares avec le temps et il faut essayer des dizaines de fois de se lancer sur des sentiers obscurs (c'est-à-dire trébucher sur des déceptions) pour en trouver un qui vaille vraiment le détour. Muna Moto arbore un noir et blanc très élégant en ce milieu des années 70, ainsi qu'une élégante structure en flashback expliquant le contexte de la séquence inaugurale dans laquelle on voit un homme enlever une jeune fille pour une raison inconnue à ce moment-là.  Le film file une tragédie quasiment shakespearienne autour d'une union impossible entre deux amants, comme un Roméo et Juliette africain dans lequel la dot est au centre des enjeux, et s'autorise en outre de nombreuses excursions dans la jungle : autant de points d'accroche attrayants pour rendre cette histoire d'amours contrariées très attachante.

Le couple maltraité dans ses intentions formé par David Endene et Arlette Din Bell est magnifique, que ce soit dans ses élans romantiques, conflictuels ou dramatiques, il dégage quelque chose de vraiment touchant et sincère. L'amour qui unit leurs personnages Ngando et Ddomé sera mis à mal par l'oncle de l'homme, polygame qui accaparera la femme à la faveur d'une demande de dot — trop chère pour le protagoniste qui était venu chercher de l'aide chez lui. Ainsi on comprend que Ngando enlevait sa propre fille dans la première scène du film, suite aux nombreuses déconvenues avec son oncle et le désarroi qui s'est ensuite emparé de Ddomé, au terme d'un long flashback amenant les détails nécessaires et les émotions liées.

Jean-Pierre Dikongue-Pipa présente ainsi la déviance de la dot, l'emprise néfaste des bateaux des pêcheurs blancs qui appauvrissent l'eau et les habitants locaux, et plus généralement la rigidité de coutumes ancestrales patriarcales vis-à-vis d'une nouvelle génération. La narration est (volontairement, en partie au moins) relativement erratique au début, le temps que les pièces du puzzle s'assemblent et que le flashback prenne tout son sens, et d'un sentiment initial de confusion naît une tragédie très intime qui trouve sa source dans des personnages en prise avec des conflits de tradition.

img1.png, oct. 2022 img2.png, oct. 2022 img3.png, oct. 2022 img4.png, oct. 2022

lundi 14 novembre 2022

Hello, de Mo'Some Tonebender (2001)

hello.jpg, nov. 2022

Mo'Some Tonebender, c'est un trio japonais de Garage Punk relativement obscur à la formation épurée à l'extrême : guitare-basse-batterie, et tout le monde se colle au chant. Hello est le second album d'une discographie qui en compte une quinzaine entre 2000 et 2015, et c'est de loin le meilleur d'un point de vue Punk : on notera un changement drastique de style par la suite, virage net vers quelque chose de Pop, Noise voire Hard Rock. Mais en réalité c'est à mes yeux le groupe d'une seule chanson qui détruit tout sur son passage : la première chanson de l'album, 冷たいコード (je n'ai pas trouvé d'écriture occidentalisée, toutes mes excuses). Le reste est presque superflu.

Extrait de l'album : 冷たいコード.

À écouter également : ジョニー・ボーイの話 et ニッケ.

mo-some_tonebender.jpg, nov. 2022

lundi 07 novembre 2022

André et les martiens, de Philippe Lespinasse (2016)

andre_et_les_martiens.jpg, sept. 2022
"Si Michel-Ange l'a fait, pourquoi pas moi ?"

Les méandres du sujet de André et les martiens deviennent progressivement tangibles à mesure que la petite heure du documentaire se déroule. Philippe Lespinasse nous embarque dans un voyage assez intime auprès d'artistes appartenant au courant de l'art brut (je ne connaissais pas, et la différence avec l'art naïf m'est encore étrangère), un terme par lequel le peintre Jean Dubuffet désigne les productions de personnes exemptes de culture artistique. L'exercice exige un minimum de pudeur et de sensibilité bien placée pour découvrir en douceur ces univers farfelus, extrêmement baroques, sans que cela ne vire au voyeurisme ou à la recherche du sensationnel. Devant sa caméra, la thématique n'a qu'à se développer délicatement, pour nous laisser contempler le spectacle de cette folie artistique et de ces saillies créatives.

André et les martiens ouvre le champ de ces mondes extraordinaires dans lesquels semblent vivre 5 individus, à la frontière de la marginalité, du handicap, et de la singularité. C'est à mes yeux un même thème voisin de celui de Le Pays du silence et de l'obscurité de Herzog, avec Fini Straubinger, une vieille dame sourde et aveugle qui a pu entendre et voir dans son enfance. Un film qui aborde notre limite de perception, notre rapport à la norme, notre carcan intellectuel et sensible. On aurait aimé en voir beaucoup plus que cette petite heure, entouré de personnes qui pensent en toute franchise et simplicité : "si Michel-Ange l'a fait, pourquoi pas moi ?". Encore que, il apparaît assez difficile de bien le cerner, André Robillard, notamment après la dernière séquence : ne serait-il pas en train de se foutre royalement de notre gueule ? Et je découvre qu’André dispose de sa propre page Wikipédia...

Il y a donc André, interné à 9 ans en 1935, fabriquant compulsivement des fusils par milliers, des fusils inoffensifs construits avec des objets très divers, regrettant que Bachar el-Assad ne les utilise pas (car ils ne font aucun mal).
Il y a Paul Amar, le grand constructeur de structures et objets en coquillages, avec des tableaux et des sculptures hors du commun, étalés entre le religieux et le grivois, qui se considère comme un bon ouvrier.
Il y a André Pailloux, un cycliste amateur avec son vélo chargé de manière très improbable mais surtout créateur de tourne-vent de toutes les couleurs, formes, et principes (et silencieux, surtout).
Il y a Richard Greaves, un architecte silencieux construisant ses cabanes poétiques au Québec selon des principes bien à lui — "les clous, ça fait mal au bois, c'est mieux la ficelle".
Et il y a Judith Scott, une jumelle trisomique abandonnée, tisseuse de cocons impressionnants, très affectueuse.

Le rapport de confiance qu'a installé le réalisateur est ténu, et même s'il est parvenu à conjuguer des dimensions sensibles et artistiques, la sensation que le documentaire aurait pu être un chef-d'œuvre est tenace. Il manque une vision, très clairement, mais aussi un minimum de technique — la qualité de l'image, de la mise en scène, du cadrage, etc. laisse vraiment à désirer. On accède ceci dit à une forme d'expression artistique totalement indépendante, évoluant presque en vase clos, sans filiation, et profondément singulière, en provenance de personnes très solitaires, évoluant dans des univers qui renversent pas mal de perspectives. Les codes esthétiques semblent abolis, l'inventivité est chaotique, des gens qui refusent la plupart du temps le qualificatif d'artiste (même si certaines de leurs œuvres se sont déjà vendues plusieurs milliers d'euros) et qui s'adonnent à une création extrêmement répétitive. Et André qui parle martien : ça n'a pas de prix.

img1.jpg, sept. 2022 img2.jpg, sept. 2022 img3.jpg, sept. 2022 img4.jpg, sept. 2022 img5.jpg, sept. 2022

jeudi 03 novembre 2022

I Hope You OD, de Bad Mojos (2018)

i_hope_you_od.jpg, nov. 2022

Histoire de pas oublier les fondamentaux : un peu de Punk Garage bas du front par des Suisses en forme. Un album bourrin et sincère, répétitif et débile, emballé en 15 minutes sur 10 morceaux par Voodoo Rhythm. Rien de neuf, rien de technique, mais c'est simple et efficace. Un nouvel album est sorti cette année, exactement dans le même esprit mais un peu plus long : Songs That Make You Wanna Die.

À écouter également : Diggin' My Own Grave.

bad_mojos.jpg, nov. 2022

mercredi 02 novembre 2022

Confession d'un commissaire de police au procureur de la république, de Damiano Damiani (1971)

confession_d-un_commissaire_de_police_au_procureur_de_la_republique.jpg, sept. 2022
Corruption de plomb

Le cinéma italien des années de plomb est un terreau qui a vu naître pas mal de films contestataires très efficaces, de Dino Risi (Au nom du peuple italien, 1971) à Francesco Rosi (Cadavres exquis, 1976) en passant par Elio Petri (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, 1970) pour ne citer qu'eux. C'est un corpus qui ne brille pas par sa subtilité et la profondeur de son analyse, avec quelques bâtons dans les roues de l'immersion en raison de tournages souvent en plusieurs langues conduisant à des versions parfois catastrophiques sur le plan du doublage, mais on ne pourra pas leur enlever leur énergie vindicative pour dénoncer la corruption des institutions et l'emprise de la mafia.

En ce sens Confession d'un commissaire de police au procureur de la république (je ne l'écrirai pas deux fois !) se rapproche davantage de Main basse sur la ville, appartenant à un courant et une époque différents mais avec lequel il partage pas mal de points communs. La fragmentation de la temporalité de la narration est assez bien gérée et n'avance pas ses flashbacks de manière gratuite comme c'est parfois le cas, pour présenter in media res les agissements du commissaire Bonavia dans tout leur pragmatisme, dans l'objectif de mettre fin aux méfaits de la raclure Lomunno — l'archétype du promoteur mafieux. Tout le film ou presque tourne autour de ses relations avec un jeune magistrat idéaliste, Traini, en se focalisant sur les obstacles qui permettent aux pourris de vivre en paix.

Un film sur l'impuissance des cœurs purs, et sur le déséquilibre dans les armes employées par le pouvoir institutionnel et par les barons de la corruption. Dans cette dimension-là, le duo Franco Nero / Martin Balsam fonctionne à merveille. La prise de conscience de l'idéaliste vis-à-vis de l'étendue de l'emprise de la mafia sur la société italienne n'est pas très originale mais conserve une efficacité aujourd'hui, avec pour conséquence une neutralisation du système judiciaire de l'intérieur. Les mécanismes criminels sont décrits avec une certaine outrance, mais pour peu qu'on accepte ce style, par exemple dans le tragique des assassinats des lanceurs d'alerte et dans l'autodestruction des hommes bons, il en résulte un souffle mélancolique plutôt attrayant.

img1.jpg, sept. 2022 img2.jpg, sept. 2022 img3.jpg, sept. 2022 img4.jpg, sept. 2022

jeudi 27 octobre 2022

Hootin' 'n Tootin', de Fred Jackson (1962)

hootin_n_tootin.jpg, oct. 2022

Pépite relativement inconnue de Soul Jazz en direction d'Atlanta, et unique album dirigé par Fred Jackson — qui compte beaucoup de projets et de collaborations par ailleurs. Un style versatile, avec une association de sax et d'orgue vraiment originale. Sans doute pas aussi virtuose que les grands classiques de Hard Bop mais beaucoup plus pragmatique et à ce titre beaucoup plus appréciable dans ce registre.

Extrait de l'album : Preacher Brother.

D'autres morceaux sympas : Easin' On Down et Dippin' In The Bag.

fred_jackson.jpg, oct. 2022

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