Je m'attarde - Mot-clé - Abel Gance le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearNapoléon, de Abel Gance (1927)urn:md5:faffd3adf99089717e606f3dd6f5297e2021-01-04T21:43:00+01:002021-01-04T21:43:00+01:00RenaudCinémaAbel GanceCinéma muetCorseFresqueGuerreNapoléonRévolution <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/napoleon/.napoleon_m.jpg" alt="napoleon.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>L'orgie du portrait<br /></strong></ins></span></div>
<p>Aux 5h30 de cette version restaurée par le BFI en 2016 (en attendant la nouvelle restauration de 6h30 promise par la Cinémathèque française depuis de nombreuses années), on a envie d'y répondre par un assentiment bref et concis. À cette épopée monumentale autant sur le plan de la forme que dans sa dimension démesurément hagiographique, la sobriété et l'humilité en contraste total avec le gigantisme du projet d'<strong>Abel Gance </strong>s'imposent d'elles-mêmes. Il faudrait sans doute des heures de recherche et des pages de synthèse pour parvenir à recontextualiser cette œuvre pharaonique dans son contexte historique, à une époque où la célébration du patriotisme avait une dimension très différente, quand bien même elle serait exécutée avec une telle incandescence, une telle fougue, une telle vigueur, en insistant sur des éléments fondateurs de l'histoire moderne comme la Déclaration des Droits de l’Homme ou la République. <strong>Gance </strong>martèle ses symboles comme un ferronnier son métal : techniquement c'est impressionnant, mais il ne faut pas nécessairement venir y chercher de la dentelle.</p>
<p><ins>Napoléon</ins> se ressent comme la réponse à une autre fresque phénoménale de 12 ans son aînée, outre-Atlantique : c'est d'ailleurs précisément en voyant l'œuvre de <strong>Griffith </strong><ins>Naissance d'une nation</ins> que <strong>Gance </strong>trouva l'audace de s'attaquer à un morceau aussi costaud de l'histoire de France. On retrouve à ce titre une très belle continuité dans la forme et dans la narration des deux colosses, même si l'excroissance mégalomaniaque du côté français se situe beaucoup plus près de la fin de l'âge d'or du cinéma muet — ce qui nuira considérablement à l'export du film, les moyens nécessaires à la traduction n'ayant pas été trouvés au terme d'une production gargantuesque digne d'un <strong>Cimino </strong>chez United Artists (20 millions de francs à l'époque). On y retrouve à ce titre d'autres dénominateurs communs, comme une équivocité idéologique autour de la fierté nationaliste ainsi qu'un aspect d'abécédaire républicain.</p>
<p>S'il reprend certains codes du cinéma russe en termes de montage, avec de nombreuses séquences arborant une fréquence de plans à rendre épileptique un <strong>Eisenstein</strong>, il fait également preuve d'un avant-gardisme sidérant sur de nombreux autres tableaux. Difficile d'établir une hiérarchie... Mobilité incroyable de la caméra avec l'invention avant l'heure de la steadycam (on est en 1927 bon sang, l'année de <ins>Metropolis</ins> pourtant déjà bien novateur !), lui permettant de filmer avec un dynamisme renversant des batailles de boules de neige à l'école militaire comme des embardées à cheval sur un terrain militaire ou à la campagne. Triptyque panoramique à l'aide d'un dispositif non moins avant-gardiste conférant aux 20 dernières minutes consacrées à la campagne d'Italie un parfum de climax dionysiaque, une orgie visuelle qui varie les plans, les tons, les filtres et les rythmes pour un bouquet final anthologique. Mais aussi la reprise de la technique française plus classique, avec une utilisation à la fois appuyée et sporadique de surimpressions et de symbolismes (qui feront revenir les fantômes de la Révolution aux yeux de Napoléon, alors seul à la Convention : Danton fulminant, Robespierre derrière ses lunettes noires, Marat et Saint-Just). Et que dire du siège de Toulon... Seule la partie consacrée aux sentiments, lorsque Napoléon fait la cour à Joséphine, est un peu faiblarde : on ne sent pas <strong>Gance </strong>tout à fait à l'aise dans ce romantique-là. Bien moins que le romantisme du grand général contemplant l'horizon seul depuis la côte corse en tous cas.</p>
<p>Et dire que <strong>Gance </strong>souhaitait poursuivre cette épopée, au-delà de ce qui était censé constituer seulement le premier volet d'un monument en six épisodes...</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Napoleon-de-Abel-Gance-1927#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/881La Roue, de Abel Gance (1923)urn:md5:c9059011301ac94575cc0bb5c85e622e2020-01-23T18:54:00+01:002020-01-23T19:02:52+01:00RenaudCinémaAbel GanceAlpesCinéma muetExpérimentalIncesteMélodrameTrain <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/roue/.roue_m.jpg" alt="roue.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>De l'acier aux glaciers</strong></ins></span>
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<p><strong>Abel Gance</strong>, toutes considérations chronologiques mises de côté, pourrait constituer avec son impressionnante fresque de 7 heures <ins>La Roue</ins> une sorte de chaînon manquant, un trait d'union entre le cinéma soviétique des années 20 et 30 (pour toute sa puissance expérimentale et symbolique) et le cinéma français des années 30 (dans la veine du réalisme poétique). Sauf que l'on est ici à l'orée des années 20, et que le protagoniste n'est pas <strong>Jean Gabin </strong>dans le rôle de Jacques Lantier du côté de <strong>Zola </strong>mais <strong>Séverin-Mars </strong>dans le rôle d'un mécanicien ferroviaire nommé Sisif au cœur d'un mélodrame familial qui diffusera son venin mélancolique jusqu'à la toute dernière image.</p>
<p>La pellicule semble être pour <strong>Gance </strong>un incroyable terrain de jeu, notamment au cours de la première partie, au sein duquel il expérimente follement. Avec une multitude d'effets d'ouverture, de colorisations et de surimpressions variées, le portrait de Sisif qu'il brosse en l'espace de quelques dizaines de minutes ne peut laisser indifférent. Le nœud de la tragédie se formera dès les premiers instants, suite à un accident de train et à la découverte d'une jeune orpheline que Sisif élèvera comme une fille aux côtés de son propre fils. Les envolées lyriques, l'exaltation des sentiments, et les accès d’expressionnisme (qui peuvent évoquer en germes un certain cinéma allemand) font de ce premier temps un ancrage très marquant. La prestance de <strong>Séverin-Mars </strong>n'y est pas étrangère, tant l'acteur dégage quelque chose de très fort et singulier, avec son visage buriné et son regard intimidant, dans la lignée de son interprétation dans <ins>J'accuse</ins> — un film qui se livrait déjà trois ans auparavant à une série d'expérimentations graphiques renversantes. Il me semble qu'on peut difficilement nier la modernité des graphismes et de la narration chez <strong>Gance</strong>.</p>
<p>On le comprend très vite lorsque Sisif recueille l'orpheline : en déposant Norma dans le même lit qu'Elie, la matrice de la tragédie amoureuse est déjà annoncée. De ce point de vue, <ins>La Roue</ins> développe un tissu dense de complications passionnelles autour de la thématique de l'inceste. Les frontières entre différents types d'amours seront régulièrement franchies, et de ces antagonismes sous-jacents naîtront toute une série de tourments qui donneront au film différentes couleurs, différents rythmes, différentes atmosphères, avec chacune son propre univers cinématographique : la diversité en termes de techniques de narration et de procédés de mise en scène impressionne, et permet une alternance parfois folle entre montage accéléré très suggestif et long plans purement descriptifs. Et dans cette apparence profondément protéiforme, <ins>La Roue</ins> parvient à conserver une unité très appréciable sur la durée, bien au-delà du symbole de la roue du destin qui ne s'arrête pas de routourner en connectant les êtres du bout de ses rayons.</p>
<p>Des chemins de fer de Nice, la dernière époque déplace l'action vers les décors montagnards du Mont Blanc (<strong>Gance </strong>fit démolir la gare du funiculaire et déplacer des poteaux électriques), au magnifique col de Voza (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Tour-du-Mont-Blanc-en-7-jours">petit souvenir du TMB</a>) situé un peu en-dessous des deux mille mètres d'altitude. Si le film prend de la hauteur, <strong>Gance </strong>se garde bien de modifier la perspective très intimiste : la fin de la trajectoire se négocie dans une très belle continuité, en suivant l'évolution de chacun des trois personnages principaux, chacun souffrant d'une forme de solitude, persécuté par ses secrets ou ses sentiments. À mesure que Sisif s'enfonce dans la cécité, le mélodrame prend le pas sur la démonstration de force technique et les espaces alpins (autant que les intérieurs composés avec une incroyable minutie) confèrent à certains temps fort une ampleur émotionnelle renversante. Le temps a fait son œuvre, les couples se sont à demi faits puis totalement défaits, et les cœurs meurtris ont cicatrisé dans la neige éternelle des glaciers.</p>
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