Je m'attarde - Mot-clé - Alimentation le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearRavioli, la boîte à rêves, de Katja Gauriloff (2012)urn:md5:4f657c07fd8ec3716cd4b29b7d66aa2c2020-06-06T17:16:00+02:002020-06-14T11:29:48+02:00RenaudCinémaAgricultureAlimentationBrésilDocumentaireFinlandeFrancePolognePortugalRoumanieViande <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.ravioli_la_boite_a_reve_m.jpg" alt="ravioli_la_boite_a_reve.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Boîtes de Pandore à l'huile d'olive</strong></ins></span>
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<p><ins>Ravioli, la boîte à rêves</ins> : avec un titre pareil, on s'attend à un documentaire (potentiellement militant) sur la fabrication des raviolis en boîte. Sauf que c'est le titre international de cette coproduction à dominance finlandaise, "Canned Dreams", qui en annonce le mieux le contenu : si on navigue à travers 8 pays aux 4 coins du monde pour remonter à la source des matières premières qui constituent les raviolis et leur emballage, ce n'est pas tant pour ramener des images d'une mine brésilienne ou d'un élevage porcin danois. Il y a bien comme toile de fond des champs, des poulaillers, des abattoirs (à réserver à un public averti, à ce titre, même si <strong>Katja Gauriloff </strong>prend le soin de ne pas verser dans la provocation gratuite du choc graphique des entrailles ensanglantées) et des industries diverses, mais ce qui est mis sur le devant de la scène, très étonnamment, ce sont ces "rêves en boîte", ces bouts d'existence glanés au détour des lieux de travail plus ou moins conventionnels. Des instantanés d'ouvriers avec leurs lubies, leurs peurs, leur passé, leurs obsessions, leurs aspirations, explorés en voix off tandis que défilent les images de leur activité professionnelle, dans un même mouvement. De quoi suggérer qu'il y a bien plus que de la viande, du blé, des œufs et de l'huile d'olive dans ces boîtes de conserve.</p>
<p>Point de départ : une mine de fer et d'aluminium au Brésil, dans laquelle travaille une femme. Elle nous raconte très brièvement sa situation de mère de 12 enfants et l'absolue nécessité pécuniaire, même dérisoire, de son travail. C'est le métal qu'elle récolte à ciel ouvert, aux côtés d'une pelle mécanique, qui servira à fabriquer les boîtes de conserve à destination entre autres du marché européen. Point d'arrivée : un supermarché finlandais avec les fameux raviolis en conserve, fabrication française à partir d'ingrédients en provenance du Danemark, du Portugal, de Roumanie, et de Pologne. Entre les deux, une certaine idée du rêve européen.</p>
<p>Des bouts de réalité extrêmement pragmatiques, souvent très durs (c'est d'ailleurs un reproche qu'on pourrait formuler à l'encontre de cette sélection opérée au montage), accompagnés de sons de circonstance, forment un tissu totalement fortuit, à la lisière du rêve éveillé. Comme un songe mélancolique sur l'humanité laborieuse. Derrière le résultat de chaînes industrielles, on trouve des singularités. Derrière les éleveurs, les agriculteurs, et la horde de travailleurs dont on pourrait retrouver la photo formatée sur l'emballage de tel ou tel produit, il y a des histoires fort déroutantes. Ce jeune éleveur légèrement handicapé qui est empli d'amour pour ses cochons mais qui rêve de trouver une petite amie, cette vieille ramasseuse de tomates qui espère tenir bon jusqu'à ce que sa fille atteigne l'université qu'elle-même n'a pas pu atteindre elle-même, et surtout cet ouvrier patibulaire d'un abattoir polonais, rongé par l'infidélité de sa femme, qui ne pense qu'à une chose : couper les couilles de l'amant. Et tel que c'est montré, aussi surprenant que ça puisse paraître, c'est fascinant.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.portugal_m.png" alt="portugal.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.cochons_m.png" alt="cochons.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.usine_m.png" alt="usine.png, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ravioli_la_boite_a_reve/.finlande_m.png" alt="finlande.png, juin 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Ravioli-la-boite-a-reves-de-Katja-Gauriloff-2012#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/786Atlas de l'alimentation, de Gilles Fumey et Pierre Raffard (2018)urn:md5:90e82a6b931c0a62e7a33fab2b04cc7b2019-02-25T09:33:00+01:002019-02-25T09:33:00+01:00RenaudLectureAgricultureAlimentationCéréalesEnvironnementGéographieViande <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/atlas_de_l_alimentation/.atlas_de_l_alimentation_m.jpg" alt="atlas_de_l_alimentation.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="atlas_de_l_alimentation.jpg, janv. 2019" /><div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Géographie de l'alimentation<br /></strong></ins></span>
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<p>Plus qu'un simple "atlas" qui se contenterait de réunir des cartes géographiques, le livre de <strong>Gilles Fumey</strong> et <strong>Pierre Raffard</strong> entend dresser un portrait international de l'histoire de l'alimentation, de son évolution (temporelle et géographique) et de ses problématiques plus contemporaines. Un recueil à mes yeux très inégal, avec d'un côté des données historiques ou statistiques très classiques mais néanmoins intéressantes, présentées sous forme de cartes on ne peut plus standards, et de l'autre, en fin d'ouvrage, des réflexions assez pauvres et limitées sur les thématiques actuelles ayant trait aux nouvelles contraintes et aux nouveaux modèles d'agricultures.</p>
<p>Parmi les chapitres intéressants, on trouve notamment l'histoire des foyers de domestication des plantes, dont l'origine remonte au néolithique il y a plus de 10 000 ans, présentée selon plusieurs thèses, avec plusieurs causes et conséquences. Les trois principales céréales (blé, riz, maïs) et les trois continents où elles ont émergé, le passage de l'état sauvage à celui de culture organisée, l'apparition des fruits et des légumes avec notamment l'apparition de la pomme de de terre, de la tomate et du haricot. L'influence des conditions locales sur le développement de telle ou telle légumineuse, l'utilisation de tel ou tel condiment. De la même façon, des fouilles archéologiques permettent de retracer l'histoire de la domestication des animaux, bovins, ovins, caprins, et équidés dans toutes leurs variations (la poule vient de Nouvelle Guinée alors que la dinde vient de Méso-Amérique, par exemple).</p>
<p>Une fois ces bases posées, l'atlas étudie les interfaces entre les différents pôles, les zones d'échange qui ont conduit aux associations de type céréales / légumineuses, le déplacement des hommes et des marchandises, en temps de guerre ou de paix, et les mouvements humains qui ont produit des concentrations de denrées en zones "urbaines". L'âge industriel, avec ses moyens de transport et de conservation, véhicule de nouvelles transformations profondes de la répartition des zones de production et des modes de consommation. Des problèmes plus contemporains, comme la conservation des graines, l'intolérance au lactose, l'uniformisation des goûts (pizza, burger, sushis, kebab) ou le phénomène d'accaparement des terres agricoles, font l'objet de cartes très basiques. Un tour rapide de produits divers (bière, vin, alcools forts) depuis leurs origines vient juste avant les derniers chapitres et la conclusion sur l'agriculture biologique, les modes de production locale, et les interrogations quant à l'agriculture demain. À noter également l'importance croissante des firmes spécialisées en technologie agroalimentaire, notamment en Californie, avec tout un lot d'inventions chimico-biologiques à venir, dans le but de "retexturer les protéines" ou "produire des aliments nouveaux". </p>
<p>Si le tour d'horizon proposé en quelques centaines de pages est très vaste dans la diversité des thématiques abordées, cet atlas pèche quelque peu par le caractère à la fois généraliste et souvent basique des informations qui sont présentées (beaucoup de statistiques mondiales très générales) et dans la façon dont elles sont représentées. Beaucoup de cartes paraissent inutiles : le scandale des lasagnes de cheval en 2013 ou encore la géolocalisation du terme "sushi" sur Instagram, par exemple, ne justifient pas forcément de représenter ces phénomènes de la sorte. Le dernier tiers du livre, questionnant les enjeux contemporains, avec les toitures végétalisés et arborisées, la viande synthétique, la conversion vers des agricultures plus respectueuses de l'environnement, pèche quant à lui par le caractère extrêmement succinct de ses démonstrations. Il s'agit plus d'un point de vue énoncé très brièvement que de résultats de recherches sur le sujet, sans présenter en détails l'origine et la constitution des déséquilibres modernes, ce qui peut s'avérer très frustrant en guise de conclusion. Peut-être un peu trop pédagogique et didactique dans l'intention, ainsi qu'un certain systématisme dans la forme, avec des cartes qui viennent inconditionnellement en support d'un propos très condensé.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/atlas_de_l_alimentation/.carte_m.jpg" alt="carte.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="carte.jpg, janv. 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Atlas-de-l-alimentation-de-Gilles-Fumey-et-Pierre-Raffard-2018#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/612Le Monde diplomatique - Septembre 2012urn:md5:85e90796cd12f7a3f0ca7add028824da2012-09-30T20:07:00+02:002012-10-01T13:05:11+02:00RenaudPresseAlimentationChineFestival de CannesLe Monde diplomatiqueObésité <p><img title="diplo_201209.jpg, sept. 2012" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="diplo_201209.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/PRESSE/diplo/diplo_201209/diplo_201209.jpg" /></p>
<hr><div id="centrage"><span style="font-size:15pt"><ins>Obésité, mal planétaire</ins></span><br />Des États-Unis à l'Inde<br /><strong>Benoît Bréville</strong></div>
<p>Selon un préjugé répandu, et entretenu par l'industrie agroalimentaire, les personnes obèses, incapables de contrôler leurs désirs, seraient responsables de leur condition. Ce discours occulte les causes d'un phénomène en voie de mondialisation. Tirer le fil de l'obésité, c'est débobiner toute la pelote du mode de vie des sociétés dites avancées.</p>
<p>En 1985, l'Amérique comptait moins de 15% d'obèses. Autant dire que la société Goliath Casket (« le cercueil de Goliath »), au cœur du marché du cercueil, en était à ses balbutiements. Alors qu'elle ne vendait qu'un seul de son modèle « triple largeur » à la fin des années 1980, elle en écoule aujourd'hui 5 par mois (version de luxe avec poignées dorées et coussins rembourrées en option). Aujourd'hui, les États-Unis figurent parmi les pays les plus gros du monde. Le marché s'est donc mis au diapason de cette nouvelle morphologie : entre les entreprises qui proposent des produits spécialement destinés aux personnes corpulentes (fauteuils, brancards, matelas, sites de rencontres, etc.) et celles qui prétendent fournir les solutions pour l'endiguer (pilules en tous genres, camp d'amaigrissement à la discipline militaire, opérations chirurgicales à 10 000 dollars, etc.), les profits engrangés sont estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars.</p>
<p>Les causes de la prise de poids généralisée sont pourtant bien connues : le mode de vie des Américains qui, depuis trente ans, consomment plus de calories et en éliminent moins. De plus, fondé sur le culte de la consommation et du progrès technique, l'<em>American way of life</em> favorise tout particulièrement l'inactivité physique. Ascenseurs, escaliers mécaniques, télécommande, arrosage automatique... autant d'économies de calories gagnées, de temps économisé qui aurait pu être consacré à des activités distractives physiques mais qui est en réalité passé devant un écran ou derrière un volant. Et des études publiées en 2004 et 2005 montrent que chaque heure passée à regarder la télé ou à conduire oriente vers la surconsommation et augmente le risque de surpoids, respectivement. Les plus jeunes sont par ailleurs extrêmement sollicités par la publicité, avec en moyenne 25 000 spots télévisés ingurgités par an, dont plus de 5 000 consacrés à l'alimentation.</p>
<p>La politique salariale américaine fait en outre grossir les pauvres. Plus regardants à la dépense, ils consomment davantage de produits hypercaloriques et peu nutritifs et figurent logiquement parmi les premières victimes de l'obésité. À cela vient se greffer la stratégie de « <em>supersize</em> » : la nourriture elle-même constitue une part si faible du prix de vente d'un produit — par rapport à l'emballage, la promotion, la conception — qu'il est devenu particulièrement rentable de vendre de grandes portions dans un même contenant. Bonne nouvelle en apparence, sauf que selon la nutritionniste Marion Nestle, « <em>il existe quelque chose dans notre psychologie qui nous fait manger plus quand on met plus de nourriture en face de nous.</em> » </p>
<p>Rajoutez à cela le fait que, dans certains endroits de la planète comme en Inde ou dans des villages africains, l’embonpoint est un signe de réussite sociale (« <em>Vous êtes trops gros ? Félicitations !</em> » peut-on lire sur une publicité d'un fast-food indien) et vous obtenez l'un des plus grands paradoxes du XXIème siècle. Si à l'échelle mondiale, le nombre de personnes en surpoids (environ un milliard et demi) excède désormais celui des mal-nourris (environ un milliard), la bataille n'est pas pour autant gagnée. Coca-Cola, conscient de ce fléau planétaire, s'inquiète des conséquences non pas humaines mais commerciales : « <em>L'obésité et d'autres problèmes médicaux pourraient réduire la demande pour certains de nos produits.</em> »</p>
<hr><p>Et aussi : </p>
<ul><li>Un excellent dossier sur la Chine, son pouvoir, sa puissance, ses tentations de néocolonialisme liées à la course effrénée aux matières premières, et sa place au cœur de la mondialisation qui en ferait une nation impérialiste.</li>
<li>Un article qui passe au crible les Palmes d'or du Festival de Cannes et démontre le caractère iconoclaste de ses jurys, dans les limites étroites de l'exercice, en ébréchant l'autorité des pseudo-experts médiatiques. Jugement que personnellement, je trouve limité car s'il est vrai que <strong>Jacques Audiard</strong> (<ins>De rouille et d'os</ins>) et <strong>Leos Carax </strong>(<ins>Holy Motors</ins>, chroniqué <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Holy-Motors-de-Leos-Carax">ici</a> par <strong>Gilles</strong>) sont repartis bredouilles contre toute attente, c'est bien <strong>Michael Haneke</strong> et <strong>Ken Loach</strong>, grands habitués du Festival, qui ont occupé le haut du podium (cf. le début du billet sur <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cosmopolis-de-David-Cronenberg-2012">Cosmopolis</a>).</li>
</ul>
<hr> <p><ins>À écouter</ins> : L'émission de <strong>Daniel Mermet</strong> sur France Inter, <em>Là-bas si j'y suis</em> (<a title="http://www.la-bas.org/" hreflang="fr" href="http://www.la-bas.org/"><em>www.la-bas.org</em></a>), qui débat autour du Diplo une fois par mois. Celle de septembre est disponible sur <a title="http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2524" hreflang="fr" href="http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2524">www.la-bas.org/article.php3?id_article=2524</a>.<br /><ins>À farfouiller</ins> : Le site du <em>Monde diplomatique</em> : <a title="http://www.monde-diplomatique.fr/" hreflang="fr" href="http://www.monde-diplomatique.fr/">www.monde-diplomatique.fr</a>.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Monde-diplomatique-Septembre-2012#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/154