Je m'attarde - Mot-clé - Animal le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearGeographies of Solitude, de Jacquelyn Mills (2022)urn:md5:d3d826550739e220b49e3489112835dc2024-01-09T09:45:00+01:002024-01-09T09:50:51+01:00RenaudCinémaAnimalCanadaChevalDocumentaireIleNouvelle-ÉcosseOcéan AtlantiqueOiseauPhoquePlastiquePollutionSable <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/geographies_of_solitude.jpg" title="geographies_of_solitude.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/.geographies_of_solitude_m.jpg" alt="geographies_of_solitude.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Une vie sur Sable Island</strong></ins></span>
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<p><strong>Jacquelyn Mills </strong>introduit et explore deux choses bien distinctes dans <ins>Geographies of Solitude</ins>, un lieu et une personne, les deux étant sans surprise intimement liés.<br />
L'île de Sable, d'une part, une petite bande de sable canadienne en forme de croissant, longue d'une quarantaine de kilomètres et large d'à peine plus d'un. Située dans l'océan Atlantique au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, à 170 km du continent, elle est avant tout un refuge d'oiseaux migrateurs et elle abrite aujourd'hui quelques centaines de spécimens d'une population de chevaux sauvages particuliers.<br/>
Zoe Lucas, d'autre part, une femme vivant seule sur ces quelques dizaines de kilomètres carrés depuis plus de 40 ans, travaillant sur l'étude de la biodiversité à travers l'île, sur le comportement de la faune locale, ainsi que sur l'impact de diverses pollutions à plusieurs niveaux.</p>
<p>Le cadre est naturellement exceptionnel, mais c'est avant tout le travail de la documentariste qui confère au lieu une dimension si fortement singulière. En réalité <ins>Geographies of Solitude</ins> observe Lucas un peu comme Lucas observe la vie sur l'île, en y ajoutant des expérimentations formelles régulières : le travail sur l'image (pellicule) et sur le son (l'analogique qui crépite) est vraiment remarquable, à défaut de faire unilatéralement consensus — le propre du cinéma expérimental après tout, il serait bizarre que <strong>Stan Brakhage </strong>ou <strong>Kenneth Anger</strong>, au hasard, fassent l'unanimité... En l'occurrence, on pourra observer ce que donne l'enfouissement de pellicules 16 mm à divers endroits de l'île, après développement et ajouts de différents éléments (sable, poils de chevaux, etc.). Ces inserts expérimentaux sont en tous cas marginaux et ne gênent en rien le reste, ils accompagnent en douceur la confection de cette ambiance originale qui flotte en ces lieux dépeuplés d'humains. Ici, c'est le règne des chevaux sauvages, des oiseaux, des phoques et... du plastique.</p>
<p>On y revient toujours, à ces bouts de pétrole qui s'infiltrent dans absolument toutes les strates, dans tous les corps biologiques, dans toutes les rivières et tous les océans, parcourant inlassablement la terre. Ils peuvent finir en Chine (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Plastic-China-de-Jiu-liang-Wang-2016">Plastic China</a></ins>) ou au Ghana (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Welcome-to-Sodom-de-Christian-Krones-et-Florian-Weigensamer-2018">Welcome to Sodom</a></ins>) comme le résultat de la délocalisation du traitement de nos déchets, ils peuvent se retrouver jusque dans les coins magnifiques les plus reculés et inhabités (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Exogene-de-Nikolaus-Geyrhalter-2022">Exogène</a></ins>), et ils peuvent donc se retrouver sur cette île déserte, que ce soit dans l'estomac des oiseaux morts (plus de 70% des oiseaux analysés ont le ventre rempli de ces déchets) ou disséminés sur les plages dans des formes très diverses (bouteilles intactes, filaments issus de la décomposition, ou même sous la forme des petites granules (nurdle ou larme de sirène) que l'on retrouve littéralement partout depuis le milieu du XXe siècle).</p>
<p>Mais cela n'entame pas la douceur du regard porté sur cet écosystème hors du commun, visité par Cousteau au début des années 80 (archives à l'appui) à une époque où Lucas n'était âgée que d'une vingtaine d'années... Elle aura littéralement dédié sa vie à l'étude de cette île et des changements sur plus de 4 décennies, et le docu parvient à rendre compte de cette dimension scientifique exceptionnelle avec une grande humilité, dans une démarche rarement vue ailleurs. Il en résulte un témoignage très poétique de la vie sur Sable Island, sur ses habitants permanents ou de passage, et sur le passage du temps.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/img5.jpg" title="img5.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/geographies_of_solitude/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Geographies-of-Solitude-de-Jacquelyn-Mills-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1321Phase IV, de Saul Bass (1974)urn:md5:947126b0c994e89f64a8ed6cbe5eee072023-12-13T12:11:00+01:002023-12-13T12:12:11+01:00RenaudCinémaAnimalApocalypseEcologieExpérimentationFourmiSaul BassScienceScience-fictionSérie B <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/phase_iv.jpg" title="phase_iv.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.phase_iv_m.jpg" alt="phase_iv.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We knew then, that we were being changed... and made part of their world. We didn't know for what purpose... but we knew, we would be told."</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Phase IV</ins> est un film intimidant, en tant que film culte de science-fiction des années 70 étant cité de manière très large dans des horizons divers, laissant également entrevoir une sorte de déception nécessaire, que ce soit à la découverte comme beaucoup d'œuvres dites cultes ou même (voire surtout) lorsqu'il s'agit de reposer dessus des yeux endurcis par dix années de cinéphilie / cinéphagie.</p>
<p>Entre-temps, j'ai pu parcourir la filmographie de <strong>Saul Bass </strong>— dont c'est l'unique long-métrage, l'histoire est connue, étant donné le four du film à sa sortie, ce dernier n'ayant acquis le statut de film culte que plusieurs années plus tard à l'occasion d'une nouvelle phase de diffusion. Cela ne l'a pas pour autant stoppé dans le processus de réalisation, puisqu'il est l'auteur d'une petite dizaine de courts-métrages étalés entre les années 60 et 80, souvent sur des thématiques de science-fiction, parfois du côté de l'animation, et en collaboration avec sa femme <strong>Elaine Bass </strong>à l'occasion de deux courts, <ins>The Solar Film</ins> (1980) et <ins>Quest</ins> (1984). C'est aussi pour son travail de graphiste qu'il jouit d'une excellente réputation, que ce soit pour la création de génériques ou d'affiches, en collaboration avec des monstres comme <strong>Otto Preminger</strong>, <strong>Alfred Hitchcock </strong>ou encore <strong>Martin Scorsese </strong>— voir à ce titre <ins>Bass on Titles</ins>, réalisé en 1982.</p>
<p>Deux choses choquent pas mal à la revoyure : la douleur d'un scénario poussif par endroits, et l'originalité globale qui se maintient très nettement.</p>
<p>C'est du côté de la direction des quelques acteurs que <ins>Phase IV</ins> pèche le plus lourdement, que ce soit dans la conduite de l'expérience scientifique avec son côté très désuet et ampoulé ou dans l'irruption du personnage féminin assez faiblement écrit. Le film n'est pas long mais souffre énormément de ces séquences trop mal foutues qui pouvaient éventuellement mystifier la foule des années 1970, alors qu'elles apparaissent aujourd'hui dans toute leur esbroufe. J'ai beaucoup de respect pour tout l'attirail de l'instrumentation analogique, les câbles, les vieux écrans d’oscilloscope où l'on voit les électrons former les spots fluorescents, mais le plan des deux chercheurs est quand même particulièrement rudimentaire. On peut dire que les fourmis sont infiniment plus passionnantes que les humains...</p>
<p>En revanche, immense respect pour la mise en scène des fourmis, systématiquement filmées en gros plan de façon à établir une équivalence avec l'espèce humaine, avec une gradation géniale dans la menace qu’elles font peser. Il faut apprécier le délire de formaliste, mais ces fourmis qui évoluent dans des sortes de catacombes aux formes très géométriques, ça produit un effet franchement stupéfiant — qui sera en plus exacerbé par la fin alternative, lorsqu'un personnage y sera projeté, occasionnant une sorte d'aperçu glaçant de ce qui attend l'humanité. <strong>Saul Bass </strong>est parvenu à leur conférer une intelligence tangible, dans leur réaction face au poison jaune, ainsi qu'une agressivité nette, au travers des nombreuses structures construites pour malmener la vie des protagonistes. C'est en tous cas une réussite sur ce plan-là bien au-delà de ce que le faux documentaire <ins>The Hellstrom Chronicle</ins> ("Des insectes et des hommes") avait pu proposer quelques années auparavant en 1971, même si les points communs sont loin d'être négligeables.</p>
<p>La réputation de <ins>Phase IV</ins> (une phase qui ne sera d'ailleurs jamais racontée, puisqu'elle démarre à la fin du film, début d'une nouvelle étape dans le plan des fourmis plus extraterrestres que jamais) reste donc à mes yeux justifiée, au moins en partie, pour la quantité impressionnante d'images qu'elle incruste dans les rétines. Les reflets métalliques des carapaces, les sortes d'enterrements ou cérémonies organisées dans leurs catacombes, le bout de poison traîné dans la souffrance jusqu'à la reine, quelques fragments morbides évoquant la catastrophe nucléaire, et même les sons générés par leurs communications... On n'est pas loin du film sur une apocalypse, en tous cas une série B de haute tenue au sujet de la fin de la domination de l'être humain sur son environnement, bizarrerie au sein du Nouvel Hollywood qui trouve un écho vraiment étrange avec les préoccupations écologistes de notre époque.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/img6.jpg" title="img6.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/img7.jpg" title="img7.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/img8.jpg" title="img8.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.img8_m.jpg" alt="img8.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/img9.jpg" title="img9.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/phase_iv/.img9_m.jpg" alt="img9.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Phase-IV-de-Saul-Bass-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1304Primate, de Frederick Wiseman (1974)urn:md5:e4a7137200b595d9112a8e4e65bb4fe32022-08-30T10:08:00+02:002022-08-30T09:09:07+02:00RenaudCinémaAnimalDocumentaireEtats-UnisExpérimentationFrederick WisemanScienceSinge <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.primate_m.jpg" alt="primate.jpg, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.primateB_m.jpg" alt="primateB.jpg, juil. 2022" />
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Observer les savants comme les savants observent les singes."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Primate</ins> est de loin le film de <strong>Frederick Wiseman </strong>le plus effrayant et le plus directement violent, largement devant la violence du traitement des résidents d'une prison psychiatrique de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Titicut-Follies-de-Frederick-Wiseman-1967"><ins>Titicut Follies</ins></a> qui était largement mise à distance par des ambiances baroques, ou du conditionnement des personnes dans les institutions observées par <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-de-Frederick-Wiseman-1968"><ins>High School</ins></a>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Law-and-Order-de-Frederick-Wiseman-1969"><ins>Law and Order</ins></a>, ou encore <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hospital-de-Frederick-Wiseman-1970"><ins>Hospital</ins></a>, car elle venait en complément de phases d'observation occupant l'essentiel de l'espace.</p>
<p>Ce pourrait être principalement lié au montage d'une redoutable efficacité chez <strong>Wiseman </strong>à cette époque, avec un crescendo très bien maîtrisé dans les expériences scientifiques sur des singes divers. En immersion dans ce centre de recherche d'Atlanta, on observe dans un premier temps des moments tendres ou drôles : des accouplements de primates donnant lieu à des observations sur l'éjaculation qui mettent mal à l'aise certaines stagiaires, des femmes qui s'occupent de bébés primates comme s'il s'agissait de leurs propres progénitures (câlins, bisous, biberons, etc.), et déjà quelques expériences, d'une neutralité confortable, basées sur des observations théoriques ou sur des analyses d'apprentissages et autres réactions à différents stimuli. La maman chimpanzé jouant et goûtant le placenta encore accroché à son bébé, un moment très étrange. Un vol simulant l'apesanteur, aussi.</p>
<p>Et puis la science prend un virage très sec à un moment, à partir d'expériences incluant l'insertion d'électrodes directement dans les boîtes crâniennes des animaux — à ce titre c'est un documentaire très intéressant sur l'évolution des normes en matière d'expérimentation animale, mais c'est aussi un film à réserver à un public averti car l'envie se mutant en nécessité de détourner le regard de certaines opérations est très fréquente, avis aux âmes sensibles — pour essayer de comprendre le rôle de certaines régions du cerveau dans les comportements sexuels ou violents. Mais ça, il faut le deviner ou le comprendre a posteriori en se renseignant car <strong>Wiseman</strong>, très volontairement, ne laisse aucune place au champ scientifique à proprement parler. Son sujet, c'est l'homme, dans une mise en abyme sidérante : "<em>J'ai voulu observer les savants comme les savants observent les singes</em>". Le résultat est brillant, particulièrement probant de ce point de vue-là.</p>
<p>On peut s'amuser dans un premier temps, lors d'expérience visant à récolter du sperme selon une gamme variée de stimuli. Mais assez vite les signaux dérangeants envahissent l'espace. Un chercheur insère une sonde gastrique par les narines d'un pauvre petit singe pour analyser l'intérieur de son estomac, et cette scène rappelle fatalement l'alimentation de force, par la même voie, d'un patient dans <ins>Titicut Follies</ins>. La séquence "dentiste pour singes" est du même acabit en matière de malaise, et on plongera ensuite totalement dans l'horreur frontale à la faveur d'une opération chirurgicale désassemblant pièce par pièce un autre primate, avec une séquence intense au niveau du cerveau.</p>
<p>Et c'est là tout le talent de <strong>Wiseman</strong>, qui juxtapose des paroles réconfortantes d'une technicienne et des expériences scientifiques d'une brutalité inouïe, avec un aveu aussi neutre dans le ton qu'implacable de la part d'un chercheur : "<em>généralement, les singes souffrent</em>". On reconnaît son appétence pour les discussions de groupe portant sur l'organisation et la stratégie, même si ici aucun élément de nous est donné de sorte que l'on soit en capacité d'en comprendre les tenants et aboutissants. Un dispositif redoutablement efficace, qui nous projette presque dans la peau des singes en souffrance, agressés, qui ne comprennent à aucun moment ce qu'il leur arrive. Stress insoutenable, détresse totale.</p>
<p>Il y a en outre une démonstration en toile de fond tout aussi imparable : il y a tout en haut de la pyramide des hommes, des vieux blancs ; en-dessous, des femmes assistantes ; en-dessous, des hommes noirs en charge du nettoyage et de l'entretien ; et tout en bas, les animaux, trimballés de cages en cages, d'un dispositif expérimental à un autre. Et à la faveur de ce montage affûté comme un rasoir, en ayant sciemment expurgé toute justification scientifique, il n'y a que les primates pour exprimer des émotions (que l'on peut lire dans leurs yeux régulièrement) appartenant à un spectre très large : peur, colère, tendresse, lascivité, incompréhension et souffrance.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/primate/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, juil. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Primate-de-Frederick-Wiseman-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1066L'Animal et la mort, de Charles Stépanoff (2021)urn:md5:d591cc484b1a21bfef088eb6b415f46b2022-06-17T18:53:00+02:002022-06-17T17:57:04+02:00RenaudLectureAnimalAnthropologieChasseEthnologieExploitationNature <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/animal_et_la_mort/.animal_et_la_mort_m.jpg" alt="animal_et_la_mort.jpg, juin 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Animal-matière et animal-enfant<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>À l'origine de <ins>L'Animal et la mort</ins>, il y a chez l'ethnologue <strong>Charles Stépanoff</strong> par ailleurs spécialiste de la Sibérie (et de ses chamans) la volonté de comprendre l'origine d'un hiatus omniprésent dans les sociétés modernes, et de multiples paradoxes afférents. La confrontation ne se limite pas aux considérations banales de pro- et d'anti-chasse que l'on entend partout et tout le temps, et l'analyse creuse avec une profondeur assez renversante le rapport contrasté (hypocrite, aveugle, antipodique, etc.) que l'on entretient avec les animaux. Il introduit le principe d'exploitection, c'est-à-dire la co-existence de deux concepts fondamentalement antinomiques que sont l'extrême sensibilité (protection des animaux) et l'extrême insensibilité (exploitation des animaux) dans un cadre cosmologique.</p>
<p>On peut comprendre que <strong>Stépanoff</strong>, dans son argumentaire comme dans son enquête de terrain, accorde une place infiniment plus importante à la sociologie de la chasse pour mieux en comprendre les fondements et les rapports, plutôt qu'à la vision opposée largement exposée médiatiquement — pas toujours sous un angle constructif. Cela en fait un bouquin vraiment passionnant pour décortiquer ce rapport schizophrénique que l'on entretient généralement à l'animal : il y a les animaux-enfants, nos animaux de compagnie que l'on chérit plus que tout, et les animaux-matière, ceux qui finissent en barquette plastique dans des rayons de supermarché, et dont la mise à mort est dissimulée, institutionnellement occultée.</p>
<p>Cette immersion anthropologique dans le monde de la chasse est très intéressante également du point de vue des témoignages, des reportages dans différentes communautés de chasseurs (de différents types, battues, chasses à courre, etc.). Certains parallèles établis avec le chamanisme sibérien ne paraissent pas toujours justifiés — pas tangibles du moins — et clairement l'opposition entre chasseurs et militants n'est pas à la hauteur du reste de l'ouvrage. J'y ai ressenti beaucoup d'angles morts et une forte asymétrie dans la profondeur de la caractérisation. Disons que malgré une certaine neutralité et une distance au sujet évidente, le fait que le contenu puisse être exploité pour légitimer certaines pratiques me met assez mal à l'aise, comme s'il manquait une perspective complémentaire essentielle. Ce sont en tous cas les chapitres qui m'ont le plus rebuté dans leur longueur un peu excessive.</p>
<p>Mais très clairement <strong>Stépanoff </strong>pointe avec élégance et profondeur une contradiction historique entre sensibilité protectrice et économie productiviste, qu'il date principalement depuis la Renaissance. Sa considération pour la chasse comme une altérité résistant à monde domestiqué et artificialisé ne manque pas de titiller certaines convictions, même si l'espace est exigu dans la région définie par les chasseurs ruraux authentiques et la préservation de la ressource sauvage. À mes yeux la chasse comme pratique consciente de protection de la nature n'est pas établie dans le bouquin, pas plus que la compassion pour leurs proies n'est démontrée (objectivement j'entends, car les témoignages personnels affirmant cela abondent, ce qui est très intéressant). Comme si <strong>Stépanoff </strong>n’avait pas décodé une partie codée du message. En revanche il met le doigt sur quelque chose de fondamental, l'éthique de ceux qui tuent pour se nourrir et la relégation dans l'invisible de l'exploitation (animale, agricole, etc.) véhiculée par la consommation de matière carnée industrielle.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Animal-et-la-mort-de-Charles-Stepanoff-2021#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1061Les Bêtes, de Ariane Doublet (2001)urn:md5:d9f9745657e6d7f7beef240fc8e20f342021-10-17T22:33:00+02:002021-10-18T09:30:41+02:00RenaudCinémaAgricultureAnimalDocumentaireElevageRuralitéVacheVétérinaire <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.betes_m.jpg" alt="betes.jpg, oct. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Quel métier !"</strong></ins></span></div>
<p>Le plan initial donne le ton : on y voit un vétérinaire derrière une vache, en pleine fouille, un bras enfoncé jusqu'à l'épaule dans le cul de l'animal (il se trouve que chez la vache, l’éloignement des ovaires correspond exactement à la dimension d'un bras d'homme ; chez l'éléphant, les dimensions tombent un peu moins bien), l'autre tenant un portable afin de régler un détail administratif en lien avec son cabinet. "Quel métier !", dit-il pour conclure la séquence, et en effet, on ne peut qu'éprouver une compassion sans borne à l'égard de ces quatre vétérinaires qui sillonnent une région rurale normande. Le documentaire d'<strong>Ariane Doublet</strong>, s'il ne prétend à aucun esthétisme de la belle image (ici provenant d'une caméra amateur peu gracieuse), ne s'interdit pas un certain travail de composition pour mettre en valeur, par le cadre, un certain nombre d'actions opérées par ces professionnels — faisant notamment intervenir des bovins. Mais c'est surtout en termes de montage, simple mais efficace, que la réalisatrice s'amuse à alterner entre vie semi-citadine et vie agricole, d'un côté pour soigner les petits bobos d'un chien ou d'un chat et de l'autre pour gérer un prolapsus utérin faisant suite à une mise-bas. Deux mètres d'organes en dehors de l'animal, ce n'est pas rien.</p>
<p>Très clairement <ins>Les Bêtes</ins> n'est pas un documentaire à recommander largement, car c'est le genre de témoignage qui passionnera les personnes ayant une inclination pour la chose paysanne, pour les bizarreries du monde agricole (et ses contrastes avec l'urbain), mais qui laissera les autres dans l'indifférence, très probablement. De mon côté je trouve cela plutôt fascinant, et la malice de <strong>Doublet </strong>à opposer délicatement les deux mondes comme le jour et la nuit, l'affection très forte des propriétaires d'animaux de compagnie et le détachement minimum nécessaire d'un éleveur vis-à-vis de son troupeau (ce qui n'interdit pas une affection différente), est un vrai régal.</p>
<p>Certaines répliques sont vraiment collector. Le vétérinaire souffle dans les naseaux d'un veau nouveau-né pour libérer les voies respiratoires et crache, avant que l'éleveur ne lui réplique "c'est moins bon que le whisky ça !". Un éleveur au sujet d'une brebis mourante : "on peut la récupérer ?", le véto, hésitant quant au sens de la récupération, comprenant enfin : "ah vous voulez la manger ? oui oui vous pouvez" pour terminer quelques secondes plus tard "j'ai jamais vu ça, des intestins dehors comme ça". Au sujet d'un chien ayant avalé une aiguille à tricoter : "y'a du fil bleu madame", et après avoir sorti l'objet "ah non mais je comprends pas, j'ai pas cousu avec du fil bleu".</p>
<p>Fin des années 1990 / début des années 2000 obligent, le spectre de la vache folle est partout en arrière-plan, conduisant à des abatages obligatoires malgré l'absence de cas avéré dans la région à ce moment-là. La modernité des élevages intensifs rôde également dans les parages. Mais c'est naturellement la diversité tragicomique des situations qui prend le dessus, le matin dans un cabinet d'un blanc immaculé pour retirer un caillou de l'estomac d'un chien et l'après-midi dans une ferme souillée de bouses pour réaliser une échographie in utero d'une charolaise sous la pluie. Notons tout de même qu'il faut avoir l'estomac bien accroché car certaines séquences sont assez crues (mais sans aucune forme d'excès) : l'incision d'une vingtaine de centimètres sur le flanc d'une vache tout à fait consciente, debout et relativement calme, pour aller se balader dans ses intestins à plusieurs bras, ne laissera pas indifférent. Quel métier...</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.chien_m.jpg" alt="chien.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.frontale_m.jpg" alt="frontale.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.operation_m.jpg" alt="operation.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.radio_m.jpg" alt="radio.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.retournement_m.jpg" alt="retournement.jpg, oct. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/betes/.telephone_m.jpg" alt="telephone.jpg, oct. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Betes-de-Ariane-Doublet-2001#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1012Trois histoires montueusesurn:md5:54f568ab0f52be40d038fa3aab1f6f922021-09-05T20:52:00+01:002021-09-05T21:19:12+01:00GillesLectureAnimalApprentissageMontagneSommet<blockquote><p>C’est bien un mot de la ville, ça, la nature. Vous en avez une idée si
abstraite que même son nom l’est. Nous, ici, on parle de bois, de pré,
de torrent, de roche. Autant de choses qu’on peut montrer du doigt.
Qu’on peut utiliser. Les choses qu’on ne peut pas utiliser, nous, on ne
s’embête pas à leur chercher un nom, parce qu’elles ne servent à rien.</p>
<p><ins>Les huit montagnes</ins> de <strong>Paolo Cognetti
</strong></p>
</blockquote><strong><hr /></strong> <img style="margin: 0 auto; display: block;" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.LePoidsDuPapillon_m.jpg" alt="LePoidsDuPapillon.jpg, sept. 2021" title="LePoidsDuPapillon.jpg, sept. 2021" />
<p>Dans la nouvelle <ins>Le poids du papillon</ins>, <strong>Erri De Luca </strong>focalise le récit avec originalité sur un chamois qui domine sa harde, se retrouvant seul à faire face à un singulier braconnier. L’incipit : </p>
<blockquote><p>Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l’odeur de l’homme et de la poudre à fusil.</p>
</blockquote>Aux allures de conte, cette nouvelle époustouflante rappelle <ins>Le vieil homme et la mer</ins> avec sa lutte et son duel acharné dont <strong>Ernest Hemingway</strong> disait :
<blockquote><p>No good book has ever been written that has in it symbols arrived at beforehand and stuck in. I tried to make a real old man, a real boy, a real sea and a real fish and real sharks. But if I made them good and true enough they would mean many things.</p>
</blockquote> <div><strong>Erri De Luca</strong> aurait probablement la même réponse à ceux qui verraient dans <ins>Le poids du papillon</ins> un symbole de la destinée humaine, un symbole du combat de l’homme contre ce qui résiste à sa volonté ou toutes autres allégories.</div>
<hr />
<img style="margin: 0 auto; display: block;" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.UnRoiSansDivertissement_m.jpg" alt="" />
<p>Ce duel entre les hommes et l’animal traqué, on le retrouve aussi dans <ins>Un roi sans divertissement</ins> de <strong>Jean Giono</strong>, évènement central qui arrive selon moi à l’acmé de ce roman. Histoire aux multiples narrateurs et temporalités, l’action demeure pour un temps chronologique puisqu'elle relate l'affaire liée à un tueur qui sévit dans un village d’une vallée du Trièves. Le lecteur s’imprègne de l’atmosphère montagnarde à travers l’enquête. Le récit des villageois s’entrelace avec celui du mystérieux personnage central Langlois qui va errer sur les chemins de la vallée jusqu’aux sommets des montagnes pour enquêter. La notice présente le roman ainsi :</p>
<blockquote><p>Un Roi sans divertissement (1947), écrit en vingt-sept jours, est, selon Pierre Michon, "un des sommets de la littérature universelle". Un sommet aussi dans l'art si gionien de rendre les silences éloquents et les ombres éclairantes. L'aventure se niche dans les phrases dont on ne saurait deviner la fin, les séquences sont montées avec une hardiesse incomparable, les niveaux de langue juxtaposés avec la plus grande aisance. Langlois, justicier paradoxal, "porte en lui-même les turpitudes qu'il entend punir chez les autres". Il éprouve comme Giono la nécessité du divertissement, dont le crime, comme l'écriture (et la lecture), est une forme. </p>
</blockquote>
<hr />
<img style="margin: 0 auto; display: block;" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.LesHuitMontagnes_m.jpg" alt="" /><p>Enfin, le roman <ins>Les huit montagnes</ins>, l’œuvre de <strong>Paolo Cognetti</strong> qui vit dans le val d'Aoste, mériterait des louanges du même degré. Rien ne triche dans cette histoire d’une amitié à la montagne. Ce roman d'apprentissage gagne à être partagé, c’est pour cela que j’en réserve toujours un à offrir. L'ambivalence et les contradictions du jeune narrateur par rapport à ses années de vie en ville, son père bourru qui trace verticalement vers les sommets sans économiser ses forces, son amitié nouée avec un garçon du village de ses vacances à la montagne sont vibrants d'émotion.</p>
<div>Trois coups de cœur assurément.
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Trois-histoires-montueuses#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1004Symphonie paysanne, de Henri Storck (1944)urn:md5:d026b0c5790287e6ef3ac8145f9752042021-03-27T19:24:00+01:002021-03-27T19:25:05+01:00RenaudCinémaAgricultureAnimalDocumentaireFauchageLyrismePaysanRuralitéTerre <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.symphonie_paysanne_m.jpg" alt="symphonie_paysanne.jpg, mar. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Poème pastoral sous l'Occupation<br /></strong></ins></span></div>
<p><strong>Henri Storck </strong>vise assez nettement une forme de lyrisme pastoral en structurant sa <ins>Symphonie paysanne</ins> en 4 ou 5 mouvements, quatre saisons et un mariage paysan. En partant du printemps et en progressant jusqu'à l'hiver, c'est tout le cycle de l'agriculture et de la paysannerie qui se déroule doucement, non sans un certain didactisme pesant qui s'empresse de décrire minutieusement tout ce qui se passe à l'écran. Non pas que les commentaires soient invariablement superflus, mais on peut aisément imaginer une version allégée qui aurait laissé un peu plus de place à la pure poésie graphique. Et ce d'autant plus que le son n'est pas en prise directe, que la voix off est collée a posteriori, et qu'on ne sera pas amené à "rencontrer" les principaux intéressés qui défilent devant la caméra.</p>
<p>Ah, c'était l'époque où à chaque problème répondait une solution technique ou une promesse de solution technique, qu'elle soit chimique ou mécanique. Les machines balbutiantes facilitent déjà grandement le travail des paysans (en faisant passer le temps de fauchage de l'hectare de trois jours à trois heures, par exemple), il y a de la "graisse de chat" (j'ai eu un peu peur, mais c'est parce que je ne connaissais pas cette appellation de la lanoline) pour les crevasses des mains lorsqu'il faut travailler la terre gelée en hiver, et pour lutter contre l'invasion de doryphores on pouvait à l'époque se contenter d'épandre... de l'arsenic.</p>
<p>Une sacrée époque transparaît de ce documentaire tourné entre 1942 et 1944, embrassant tout de même très joliment les rituels paysans au rythme des saisons — et des paysans, donc. Un poème tourné vers la terre, avec un petit "côté carte postale pour citadin", et assorti d'une variation sur le thème de la vie et la mort, avec la passation en fin de film entre un père mourant et le fils. Il évoque autant les animaux que les plantes et céréales, reléguant à de nombreuses occasions l'humain en arrière-plan. De cette poésie du réel émerge une filiation naturelle avec les travaux de <strong>Flaherty </strong>puis <strong>Epstein</strong>, dans un contexte toutefois bien différent, l'agriculture française en 1944... Le printemps avec la naissance des poulains et le travail de sols ; l'été avec la récolte des céréales et la fenaison pour nourrir les animaux ; l'automne avec le battage, la récolte des patates et des betteraves dans le vent et la pluie ; l'hiver avec le froid qui enveloppe le tout.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.soleil_m.jpg" alt="soleil.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.foin_m.jpg" alt="foin.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.champ_m.jpg" alt="champ.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/symphonie_paysanne/.arbre_m.jpg" alt="arbre.jpg, mar. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Symphonie-paysanne-de-Henri-Storck-1944#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/934