Je m'attarde - Mot-clé - Antarctique le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearRencontres au bout du monde, de Werner Herzog (2007)urn:md5:1c25c1c06cb620aae9fee8a389bd8f282021-01-27T17:57:00+01:002021-01-27T18:01:29+01:00RenaudCinémaAnimalAntarctiqueDocumentaireGlacierNeigePlongéePortraitScienceWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rencontres_au_bout_du_monde/.rencontres_au_bout_du_monde_m.jpg" alt="rencontres_au_bout_du_monde.jpg, janv. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Through our eyes, the universe is perceiving itself. Through our ears, it is listening to its cosmic harmonies."<br /></strong></ins></span></div>
<p>Sincèrement, qui d'autre que <strong>Werner Herzog </strong>pour annoncer que malgré le potentiel de questionnements tels que "pourquoi les fourmis maintiennent des pucerons dans un état d'esclavage ?" ou encore "pourquoi les chimpanzés ne domptent-ils pas eux-mêmes d'autres animaux ?", et après avoir vu un film tourné sous la banquise antarctique par son ami <strong>Henry Kaiser </strong>(dont il avait déjà utilisé certaines images dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Wild-Blue-Yonder-de-Werner-Herzog-2005"><ins>The Wild Blue Yonder</ins></a> deux ans plus tôt), il décide de s'embarquer quelques semaines durant au sein d'une base scientifique en Antarctique, dans le cadre d'une bourse de la National Science Foundation (sur le programme Antarctic Artists and Writers) ? Qui d'autre pour dire à la NSF, avec cet anglais très précis chargé d'un accent allemand soutenu, "They had invited me to Antarctica even though I left no doubt that I would not come up with another film about penguins. My questions about nature, I let them know, were different", pour in fine tourner une séquence sur une colonie de pingouins une heure plus tard et demander à un spécialiste du domaine, histoire de briser la glace, s'il existe des cas de sexualité exotique ou de démence chez cette espèce ?</p>
<p>Et éventuellement tourner une des plus belles séquences sur la banquise, herzogienne par excellence, avec l'image de ce pingouin fonçant tout droit en direction des montagnes, ni en direction de l'eau ni en direction de la colonie, près à traverser un pan entier de l'Antarctique sans raison intelligible, comme pour couper les ponts avec le reste de la communauté, jusqu'à ce que mort s'ensuive. S'il était possible de mettre en scène une telle chose, on aurait juré que <strong>Herzog </strong>avait demandé au pingouin de suivre cette direction pour la beauté et la portée du geste. "The rules for the humans are do not disturb or hold up the penguin. Stand still and let him go on his way. And here, he's heading off into the interior of the vast continent. With 5,000 kilometers ahead of him, he's heading towards certain death." Pour le reste, on imagine ses sueurs froides en arrivant au camp de base, chantier boueux constamment trituré par de grosses machines, bien loin des paysages de neige immaculée qu'on peut s'imaginer. "McMurdo has climate-controlled housing facilities, its own radio station, a bowling alley, and abominations such as an aerobic studio and yoga classes. It even has an ATM machine." Une grande désillusion et un vrai cauchemar, de prime abord.</p>
<p><ins>Rencontres au bout du monde</ins>, comme son titre l'indique, est avant tout une galerie de portraits d'hommes et de femmes scientifiques, plus qu'un état des lieux du fonctionnement de ce camp de base McMurdo situé sur l'île de Ross. Une faune d'excentriques en tous genres, qui se révèle aussi riche et diversifiée que l'objet de leurs études respectives, sur la banquise, sous la banquise, et même en haut d'un volcan qui surplombe la banquise. <strong>Herzog </strong>investit pleinement la dimension épique du lieu, sur les traces de l'expédition de <strong>Shackleton</strong> (raconté dans le magnifique <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919"><ins>South</ins></a>), jusqu'au point géographique exact du Pôle Sud. Mais il en tire comme à son habitude une vision surréaliste, un surréalisme sans égal, terriblement attachant, un émerveillement qui ne semble pas connaître de borne, de la biologie à la physique en passant par la linguistique et la crème glacée.</p>
<p>Ainsi fait-on la rencontre d'un plombier revendiquant son sang apache, exhibant la nature particulière de ses mains comme un signe incontestable de sa filiation avec la lignée royale aztèque. Un banquier reconverti en conducteur d'engins énormes, au volant d'un camion de 30 tonnes parmi les sept dans le monde entier. Une femme qui aurait fait le trajet Denver - Bolivie en stop, à l'intérieur de canalisations d'égout transportées à l'arrière d'un camion. Un groupe en pleine formation de survie, s'entraînant à construire des igloos et s'exerçant à suivre une cordée avec un sceau sur la tête pour simuler des conditions de white-out en pleine tempête polaire. Ou encore ces trois scientifiques étendus par terre, l'oreille collée sur la glace pour écouter les cris des phoques (sur fond de musique bizarre expérimentale) — une frasque de <strong>Herzog</strong>, typiquement. Un plongeur qui nous fait découvrir des fonds marins peuplés de créatures incroyables, sorties d'un film de <strong>Cronenberg</strong>. Un linguiste qui s'occupe de la section jardin et botanique, l'occasion d'aborder la disparition tragique des derniers locuteurs de plusieurs langues chaque jour. Un volcanologue en tweed qui nous explique comment réagir en cas d'éruption volcanique, après avoir installé une caméra pour scruter le fond bouillonnant du cratère. Un physicien qui fait s'envoler un ballon d'hélium de 90 mètres de diamètre dans la stratosphère, avec une conception assez particulière des neutrinos, très en phase avec la poésie étrange recherchée par <strong>Herzog</strong> dans les moindres recoins de cette base.</p>
<p>Une belle brochette d'allumés (ou présentés comme tel bien sûr), partagés entre leur érudition, leur folie et leur mélancolie, réunis on ne sait trop comment sur cette étendue de glace, cernée d'icebergs de 40 mètres de haut.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rencontres_au_bout_du_monde/.base_m.png" alt="base.png, janv. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/rencontres_au_bout_du_monde/.sceau_m.png" alt="sceau.png, janv. 2021" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Rencontres-au-bout-du-monde-de-Werner-Herzog-2007#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/902The Wild Blue Yonder, de Werner Herzog (2005)urn:md5:d8e6abfbc4307933373283ba3263f2652021-01-11T10:09:00+01:002021-01-11T21:26:12+01:00RenaudCinémaAntarctiqueBrad DourifExploration spatialeMathématiquesNASAPhysiqueScience-fictionSpatialWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/wild_blue_yonder/.wild_blue_yonder_m.jpg" alt="wild_blue_yonder.jpg, janv. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Fata Morgana<br /></strong></ins></span></div>
<p>De deux choses l'une : soit on appartient à la catégorie des fans tout-terrain jusqu'à la moelle de <strong>Herzog</strong>, soit on n'y appartient pas. Dans le premier cas, <ins>The Wild Blue Yonder</ins> constituera un concentré de petit lait à déguster pendant 80 minutes de fiction les deux pieds dans le mockumentaire — le jeu à la frontière entre fiction et non-fiction ayant rarement été revendiqué aussi frontalement, qui plus est dans le cadre de la science-fiction pour le moins inhabituel chez <strong>Herzog</strong>. Plus de 30 ans après <ins>Fata Morgana</ins>, plus de 10 ans après <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Lecons-de-tenebres-de-Werner-Herzog-1992">Leçons de ténèbres</a></ins>, c'est reparti pour un long-métrage en prise directe avec une poésie de l'étrange typiquement herzogienne qui s'amuse beaucoup (on sous-estime trop souvent le tempérament comique de <strong>Herzog</strong>) en calquant une histoire totalement hors-sujet par rapport contenu des images qui défilent sous nos yeux. Dans <ins>Fata Morgana</ins>, c'était un récit du mythe maya de la création sur des images de mirages dans le désert du Sahara et du Sahel. Dans <ins>Leçons de ténèbres</ins>, les images d'incendies de puits de pétrole au Koweït servaient de support à une rêverie poétique à la limite de la science-fiction, déjà, de la part d'un extraterrestre contemplant une planète étrangère. Dans <ins>The Wild Blue Yonder</ins>, c’est l’histoire d'un extra-terrestre arrivé sur Terre après un long voyage de 200 années-lumière, particulièrement autocritique vis-à-vis de sa propre espèce, qui s'exaspère devant la volonté de l'homme d'aller habiter la planète qu'il a lui-même fuie il y a bien longtemps.</p>
<p>Dans le second cas, si l'on n'appartient pas à la secte des adorateurs de l'homme qui mangea sa chaussure après avoir perdu un pari ("J’ai survécu à tellement de Kentucky Fried Chicken qu’une chaussure ne peut pas me faire de mal"), il y a de grandes chances que le spectacle laisse totalement indifférent. Au mieux.</p>
<p><strong>Herzog</strong> regarde très peu de films, il l'a toujours revendiqué (il préfère lire), mais il connaît encore moins la science-fiction : on peut trouver une interview dans laquelle il avoue avoir seulement vu un épisode de <ins>Star Wars</ins>, le <ins>2001</ins> de <strong>Kubrick</strong> ("j'ai bien aimé"), ainsi que quelques volets de la saga <ins>Star Trek</ins> qu'il trouve un peu idiote. D'où la sensation éminemment surréaliste de le voir détourner on ne peut plus ouvertement des images à caractère documentaire pour en faire un récit de fiction SF... Et pas n'importe quelles images : d'une part, la mission de la NASA qui envoya une navette en orbite en 1989 dans le but de lancer la sonde spatiale Galileo (avec pour objectif d'étudier Jupiter et ses lunes), et d'autre part, un film tourné en Antarctique lors d'une mission pour explorer les fonds marins. Des premières, il en fera le support du récit (fictionnel bien entendu) des avancées humaines en matière d'exploration spatiale dans le but de trouver une alternative viable à la planète Terre. Des secondes, il en fera le décor du monde de l'extraterrestre, la fameuse Wild Blue Yonder dont il s'est échappé, située dans la galaxie d'Andromède, et qui est entrée dans une ère glaciaire. Une description totalement émerveillée de lieux farouchement inhospitaliers.</p>
<p>L'extra-terrestre arrivé sur Terre il y a cent ans (l'occasion pour <strong>Herzog</strong> d'insérer des images documentant les tout premiers essais en matière d'aviation), c'est <strong>Brad Dourif</strong>, très à l'aise dans ce rôle à la <strong>Klaus Kinski</strong> de "unsuccessful alien". Sa race aurait en effet tenté de former une communauté sur notre planète, mais sans succès : ce fut un fiasco total et l'environnement post-apo miséreux et chaotique duquel le témoignage nous parvient en atteste. Et tout le film s'agence autour de ce contraste implacable, lui l'extra-terrestre raté fulminant autant contre son peuple que contre le nôtre, et ces plans sous-marins glacés et contemplatifs, avec l'appui d'une bande-son hypnotique composée par <strong>Herzog</strong> avec entre autres le violoncelliste néerlandais <strong>Ernst Reijseger</strong> et le chanteur sénégalais <strong>Mola Sylla</strong>. La poésie de ces images n'atteint toutefois pas le niveau stratosphérique des zones koweïtiennes apocalyptiques, c'est une certitude. Il n'empêche que <ins>The Wild Blue Yonder</ins> se fait particulièrement fascinant, dans son jusqu'au-boutisme absolu : difficile de ne pas voir <strong>Herzog</strong> se marrer derrière ces discussions de physiciens et de mathématiciens autour de la constante de Jacobi et des tunnels spatio-temporels comme autant d'autoroutes pour sauter de planètes en planètes, montées en théories extra-terrestres. Tout l'art de la recontextualisation est là.</p>
<p>Ultime frasque du film, il choisit de terminer sur une note puissamment mélancolique : les astronautes partis explorer Wild Blue Yonder, de retour sur Terre 820 ans plus tard avec une réponse positive, découvrent que la planète a été abandonnée entre-temps et qu'elle est revenue à l'état de paradis inhabité.</p>
<p>N.B.2 : Et <strong>Herzog</strong> de se marrer dans les remerciements :<br />
We thank the astronauts of Space Shuttle STS-34 for their courage in going with us on this mission.<br />
We thank NASA for its sense of poetry.<br />
We thank Henry Kaiser for venturing out under the frozen sky.</p>
<p>N.B. 1 : À noter qu'un entretien de l'époque avec <strong>Brad Dourif</strong> raconte ce projet que <strong>Herzog</strong> n'avait à l'époque pas eu l'occasion de concrétiser (mais qu'il concrétisera 4 ans plus tard : <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Dans-l-oeil-d-un-tueur-de-Werner-Herzog-2009">My Son, My Son, What Have Ye Done?</a></ins>) au sujet d'un étudiant un peu fou, avec une histoire de sabre et des flamands roses comme otages malheureux.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/wild_blue_yonder/.brad_m.jpg" alt="brad.jpg, janv. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
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