Je m'attarde - Mot-clé - Caricature le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearCarambolages, de Marcel Bluwal (1963)urn:md5:bc13eb4b9dcd9345e460d4f6b86f54182024-01-05T10:06:00+01:002024-01-05T10:06:00+01:00RenaudCinémaAlain DelonArrivismeCaricatureChaosComédieEnquête policièreEntrepriseHystérieJean-Claude BrialyLoufoqueLouis De FunèsMichel AudiardMichel SerraultPierre TcherniaRetraiteSatire <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/carambolages.jpg" title="carambolages.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/.carambolages_m.jpg" alt="carambolages.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Assassiner un étranger a toujours un petit côté ennuyeux. Tandis que l'étripage en famille, c'est régulier, c'est traditionnel, c'est bourgeois. Et puis, ça a tout de même plus d'allure ! Tuer un étranger, on pense à France-Soir. Un parent, on pense à Sophocle."</strong></ins></span>
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<p>La curiosité est piquée par le carton initial, "Les personnages et les événements de ce film ne sont que le fruit d’une brillante imagination. Si de mauvais esprits s’avisaient d’y découvrir une critique, même nuancée d’un certain patronat, ou d’une certaine police, cette opinion serait réputée diffamatoire et impitoyablement poursuivie comme telle", probablement en lien avec de précédents ennuis du réalisateur ou des scénaristes — ou simple boutade pour attirer l'attention. Film étonnant et original, entre deux époques, <strong>Jean-Claude Brialy </strong>extirpé de la Nouvelle Vague, <strong>Louis de Funès</strong> pas encore tout à fait célèbre, un clin d'œil rapide d'<strong>Alain Delon</strong>, et une pléthore de seconds rôles dont on connaît les visages sans en connaître les noms qui peuplent le lieu unique de l'histoire, une entreprise répartie sur une dizaine d'étages illustrant la vision résolument moderniste du travail de l'époque, 1963.</p>
<p>Tout repose sur une base un peu foutraque et loufoque : un employé modeste rêve de gravir les échelons de son entreprise et commence à y croire sérieusement lorsque son supérieur prépare sa retraite — il va pouvoir monter d'un cran et le remplacer. Pas de bol, une réforme des retraites décale l'âge de départ (un détail à caractère documentaire, énième bégaiement de l'histoire), et s'étant engagé dans diverses grandes dépenses au travers de multiples crédits, il se voit contraint d'assassiner une tête parmi les cadres supérieurs pour mettre en route l'ascenseur social. <ins>Carambolages</ins>, ce n'est donc que ça : l'observation d'une perturbation (une mort) dans l'équilibre très instable (les liens de subordination) au sein d'une hiérarchie soudainement remuée et virant au chaos (l'entreprise chancelante).</p>
<p>Et la situation évoluera vers quelque chose de complètement chaotique, même si les événements se précipiteront assez tardivement dans le récit. Sans doute que l'on peut marquer le début du grand glissement vers l'hystérie générale avec l'irruption de <strong>Michel Serrault</strong>, dans le rôle d'un inspecteur complètement barjot, qui semble s'être fait une ligne de coke de trop. C'était encore l'époque et le cadre dans lesquels <strong>Michel Audiard </strong>(aidé sans doute de <strong>Pierre Tchernia</strong>) savait contenir sa verve sans s'épancher de manière trop caricaturale et désagréable — j'ai encore les excès chez <strong>Gilles Grangier </strong>dans <ins>Les Vieux de la vieille</ins> qui résonnent dans ma tête, avec un <strong>Gabin </strong>en roue libre totale. On ne jugera évidemment pas le film à la profondeur de sa critique de l'arrivisme, étant donné qu'il est ici davantage question d'enfilade un peu répétitive de gags dans un esprit de bande dessinée, certes sur fond de satire virulente.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/carambolages/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Carambolages-de-Marcel-Bluwal-1963#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1318Sans filtre, de Ruben Östlund (2022)urn:md5:c99c269e37ca5779a3448ecbe4a837b52023-01-19T10:26:00+01:002023-01-19T10:26:00+01:00RenaudCinémaArgentCaricatureComédieEdward AbbeyGrotesqueHumiliationIleIle déserteInfluenceurModePolitiqueProvocationRuben ÖstlundSatireSoumissionSurvivalWoody Harrelson <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.sans_filtre_m.jpg" alt="sans_filtre.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Never argue with an idiot, they'll only bring you down to their level and beat you with experience."<br /></strong></ins></span>
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<p>Je trouve le cheminement de <strong>Ruben Östlund </strong>assez cohérent au cours des 15 dernières années, et fidèle à un style qu'il maîtrise bien. Le procédé est souvent le même, et peut agacer pour plein de raisons : il prend le format de la fable morale pour gratter à des endroits souvent douloureux. La dose de cynisme et de misanthropie peut varier, le schéma de démonstration peut lasser de par sa répétitivité au fil des films, la dimension grotesque volontaire peut exaspérer, mais malgré toutes ces potentielles réserves au sujet d'une recette qui pourrait paraître "facile", à titre personnel la direction dans laquelle <strong>Östlund </strong>mitraille et la manière avec laquelle il le fait me paraissent particulièrement pertinentes, et chose non-négligeables, drôles. Et puis des satires "faciles" de ce genre, je serai prêt à en regarder plus régulièrement, pour être tout à fait sincère.</p>
<p><ins>Triangle of Sadness</ins> n'est pas exempt de lourdeurs, et ce sont les séquences correspondant à l'introduction (l'addition au resto) et au dernier segment (survival sur une île déserte) qui m'ont le plus rebuté, indépendamment du caractère très pertinent du fond. La première parce qu'elle est lourde, maladroite et assez insistante, la seconde parce qu'elle est vraiment superflue et enfonce un coin fendeur sur lequel on avait déjà martelé à grands coups de merlin pendant deux heures.</p>
<p>Donc, après le petit monde de l'art contemporain dans son précédent film, c'est au tour de la mode et des influenceurs de prendre pour leur grade. Tout n'est que prétexte pour déverser un torrent de boue, mais pour une fois, la gratuité et le grotesque de la caricature m'ont paru extrêmement efficaces. J'ai autant rigolé lors de la scène du repas (et son crescendo vomitif accompagné d'oscillations du bateau en plein tangage) qu'en imaginant le public cannois devant un tel spectacle. La formule est vraiment éventée, on enchaîne les formes de violences, d'humiliations et de soumissions en tous genres avec une régularité métronomique, mais je n'y peut rien, j'ai savouré. Même <strong>Woody Harrelson </strong>en capitaine marxiste affrontant un industriel russe capitaliste ayant fait fortune avec du fumier au travers d'une joute verbale impliquant des citations de <strong>Ronald Reagan</strong>, <strong>Thatcher</strong>, <strong>Edward Abbey</strong>, <strong>Mark Twain</strong>, <strong>Karl Marx </strong>et <strong>Lénine </strong>m'a fait mourir de rire. "<em>Growth for the sake of growth is the ideology of a cancer cell — That's Edward Abbey</em>" ou "<em>Never argue with an idiot, they'll only bring you down to their level and beat you with experience. Mark Twain</em>" ou "<em>Do you know how to tell a communist? It's someone who reads Marx and Lenin. And do you know how to tell an anti-communist? It's someone who understands Marx and Lenin — It's Ronald Reagan</em>" ou encore "<em>The last capitalist we hang will be the one who sold us the rope. Karl Marx</em>". Complètement débile, mais tellement drôle. Même la tension qui s'impose dans le dernier tiers, avec des jeux multiples dans la mise en scène autour de la façon par laquelle une forme de violence sauvage pourrait surgir, m'a paru très convaincante.</p>
<p>Les fils sont gros, impossible de le nier. Le coup du couple de vieux britanniques et de leur fortune faite avec "des engins de précision" qui finissent explosés par ces mêmes engins, à savoir des grenades, sont sans doute l'archétype du procédé. Bourrin, mais efficace. Je suppose que tout découle de l'adhésion et de l'immersion, ou non, dans le délire et dans l'ambiance du yacht. Clairement le film n'est pas d'une modestie sans faille, il aurait pu écarter beaucoup de choses y compris dans la satire pure, mais impossible pour moi de nier que presque tout m'a fait marrer — même la remise à zéro des compteurs sur l'île façon Marivaux, avec inversion des rapports dominants / dominés, n'est pas complètement stérile. De voir le monde contemporain souillé de la sorte, en filant des pains dans toutes les directions (la misanthropie est surtout condensée dans le discours sur la réversibilité du mal tout à fait naturelle, qui verrait les dominations s'inverser à la moindre occasion, ce qui me paraît pertinent, par opposition avec l'angélisme d'une vision contraire), rappelle qu'on n'a pas si souvent l'occasion de s'y confronter dans le cadre de ce cinéma.</p>
<p>Je vois dans <ins>Sans filtre</ins> une étrange hybridation entre <strong>Haneke</strong>, <strong>Allen </strong>et <strong>Tati</strong>, avec une option de grande farce qui échantillonne soigneusement ses sujets et ses attaques. La gestion de l'équilibre entre rire et malaise, même si elle n'est ni nouvelle ni fine, demeure efficace dans son refus de la réconciliation. Ce n'est pas un film poli, c'est un euphémisme si on repense à quelques scènes — la vieille qui chavire de gauche à droite en essayant de vomir aux chiottes, bon sang. Bien sûr qu'on n'a pas attendu <strong>Östlund </strong>pour comprendre que les sociétés occidentales sont profondément inégalitaires, que richesse et amoralité ne sont pas antagonistes, et que la cupidité semble primer sur la solidarité dans nombre de situations. Mais son côté provocateur pour décrire le monde de l'argent roi carbure à un humour qui me parle beaucoup, et qui va au-delà de la caricature qu'il reprend de film en film, au-delà de la répétition, en poussant toujours plus loin les curseurs de la vacherie. Personnellement je trouve que c'est un miroir intéressant et fertile de la violence que l'on peut observer au quotidien.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sans-filtre-de-Ruben-Ostlund-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1107Tous les autres s'appellent Ali, de Rainer Werner Fassbinder (1974)urn:md5:920d89d99729e538919cb47c8517ad8d2022-07-05T14:53:00+02:002022-07-05T14:53:00+02:00RenaudCinémaAllemagneBrigitte MiraCaricatureHypocrisieMélodrameRacismeRainer Werner FassbinderRomanceSexeSolitude <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tous_les_autres_s-appellent_ali/.tous_les_autres_s-appellent_ali_m.jpg" alt="tous_les_autres_s-appellent_ali.jpg, mai 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La peur dévore l'âme<br /></strong></ins></span>
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<p>Lee sentiment est chez moi tenace et persistant avec <strong>Fassbinder</strong> : j'ai une sorte de revanche à prendre suite à quelques déconvenues (des films qui m'ont laissé un goût de bâclage amer, <ins>Roulette chinoise</ins>, et <ins>Le Bouc</ins> en tête) et quelques tentatives qui ont laissé l'impression d'un potentiel pas tout à fait exploité (<ins>Le Monde sur le fil</ins> et <ins>Despair</ins> dans les registres du fantastique et de la science-fiction). <ins>Tous les autres s'appellent Ali</ins> se range quant à lui dans la catégorie des faux mélodrames arborant un classicisme dévoyé comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mariage-de-Maria-Braun-de-Rainer-Werner-Fassbinder-1979"><ins>Le Mariage de Maria Braun</ins></a> ou <ins>Lola, une femme allemande</ins> et m'a avant tout surpris par son côté très théorique, au sens programmatique, pour appuyer un discours reposant sur des archétypes. J'ai encore du mal à discerner ce qui est volontaire et ce qui relève de la maladresse, mais on est manifestement dans une sorte de conte qui joue avec beaucoup de clichés.</p>
<p>L'ambiance mélodramatique se noue autour de la rencontre de deux solitudes, et pas des moins antagoniques : une vieille dame allemande et un Marocain 20 ans plus jeune qu'elle. Dans cette relecture de <strong>Douglas Sirk</strong>, <strong>Fassbinder </strong>fait ostensiblement le portrait d'une Allemagne viciée, corrompue par un racisme acide, conduisant à la réprobation générale d'une relation jugée non-conforme. Le film est très cruel (et très machinal dans sa cruauté) pour exposer les rapports de domination et de soumission au sein des relations amoureuses, une analyse qui traverse toute son œuvre d'ailleurs il me semble : ici cela prend la forme d'une structure binaire, avec dans un premier temps un couple heureux opposé à un environnement hostile (Ali et Emmi sont victimes de la jalousie et de la médisance de tout leur entourage, en prise directe avec un racisme ordinaire) et dans un second temps un couple en crise dans un tissu local qui s'y est accommodé (le mépris fait place à une tolérance feinte et intéressée, marquée par la cupidité et l'opportunisme très commerçant de tout le monde). Le racisme est en constante mutation, et la peur dévore l’âme, comme l'indique le titre original.</p>
<p><strong>Fassbinder </strong>n'y va pas de main morte pour dépeindre les contradictions de ses personnages, à l'image d'Emmi, révulsée par le racisme de ses proches mais nostalgique du nazisme au point d'aller fêter son mariage dans un restaurant fréquenté à l'époque par Hitler. Son changement de rapport avec Ali dans la seconde partie de leur relation est aussi un peu abrupt, en le transformant soudainement en un objet sexuel auprès de ses copines. En réalité le film s'apparente davantage à une sorte de conte de fées dégénéré, maniant les caricatures, avec un regard doublement pessimiste, d'un côté en dépeignant une humanité hypocrite pétrie de préjugés, et de l'autre en pointant l'impuissance du couple à surmonter l'oppression de l'entourage. Au-delà des stéréotypes omniprésents avec lesquels il faut se familiariser (et auxquels il faut adhérer), le film revêt une tonalité particulière grâce à l'interprétation de <strong>El Hedi ben Salem</strong>, amant de <strong>Fassbinder </strong>qui mourut dans une prison française à la fin des années 1970. La présence de <strong>Brigitte Mira</strong> (une habituée de <strong>Fassbinder</strong>) dans le rôle principal est aussi une source de singularité attrayante.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tous_les_autres_s-appellent_ali/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mai 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tous_les_autres_s-appellent_ali/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mai 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/tous_les_autres_s-appellent_ali/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mai 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Tous-les-autres-s-appellent-Ali-de-Rainer-Werner-Fassbinder-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1057« Je défends Charlie Hebdo »urn:md5:ec68b79aa4e3c03d5fe086a5c390a7582012-09-27T22:53:00+02:002013-01-02T18:22:37+01:00RenaudPresseCaricatureCharlie HebdoFrançois MorelHumourLibertéLiberté d expressionSatire <p><img title="charlie_une.png, janv. 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="charlie_une.png" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/PRESSE/charlie/Je_defends_Charlie_Hebdo/.charlie_une_m.jpg" />Pas la peine de mettre la une de la semaine dernière, tout le monde la connaît. Et puis celle de cette semaine est (encore) mieux...<br />Le texte ci-dessous est paru dans le numéro 1058 de <em>Charlie Hebdo</em>, le 26 septembre 2012. Il est signé <strong>François Morel</strong>, et était l'objet d'une chronique non diffusée sur France Inter en raison d'une grève — salauds de gauchistes ! — le vendredi 21 septembre dernier. Je le retranscris tel quel.</p>
<hr>
<div id="centrage"><strong>« JE DÉFENDS <em>CHARLIE HEBDO</em> »</strong></div>
<p>« <em>Je défends </em>Charlie Hebdo<em>, je défends la liberté d'expression et je pense qu'on ne doit pas céder un pouce de terrain dans ces domaines-là.</em> » François Fillon.<br />C'est simple comme phrase, c'est direct. Ça ne s’embarrasse pas de finasseries, de circonlocutions. Ça dit un principe de base pour un démocrate d'une république laïque.<br />L'éditorialiste du <em>Monde</em> daté d'hier est moins clair. Il est pour la liberté d'expression, mais il trouve que ce n'est pas le moment. Ah bon ? Il faudrait que l'éditorialiste dise quand ce sera à nouveau le moment. La semaine prochaine ? Dans quinze ans ? Dès que les fous seront enfermés ? Dès que la planète sera plus sûre ? Ça risque de prendre un certain temps.<br />Les caricatures de <em>Charlie Hebdo</em> seraient donc une provocation insupportable. Peut-être. Mais tuer un vice-consul algérien, abattre un ambassadeur américain, c'est aussi une sorte de provocation extrêmement espiègle, non ? C'est violent, un dessin de Charb, oui, mais quand même moins qu'un meurtre, non ?<br />J'ai du mal à comprendre.<br />Par ailleurs, et ça n'a rien à voir, dans une période de crise économique où l'on réclame à chacun des efforts, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a été épinglé par le <em>Canard enchaîné</em>, qui a révélé l'existence d'une exposition privée dans les salons du Quai d'Orsay qui aurait coûté 85000 euros...<br />Laurent Fabius aussitôt a réagi avec un sens de l'autocritique qui est suffisamment inhabituel chez un homme politique pour le saluer avec l'admiration qui convient. Ses propos sont fermes et sans appel. À ses yeux, c'est une « provocation ». C'est vrai, 85000 euros pour accrocher neuf peintures dont profiteront essentiellement le ministre et ses collaborateurs, c'est un peu chérot. « <em>Je suis, </em>a-t-il affirmé<em>, contre toute provocation. C'est clair, c'est net. Surtout dans une période aussi sensible que celle-là.</em> » C'est vrai qu'elle est drôlement sensible, la période : les usines qui ferment, le chômage qui augmente, la pauvreté qui s'installe... Le ministre des Affaires étrangères a même renchéri : « <em>Je ne vois pas du tout l'utilité quelconque d'une provocation et même je la condamne d'une façon très nette.</em> »<br />Bravo. C'est envoyé ! Ah ? On me fait des signes. On m'apporte un papier... Comment ? Ah ! Laurent Fabius, en parlant de provocation, ne réagissait pas au coût exorbitant de son exposition mais aux caricatures de <em>Charlie Hebdo</em>.<br />Ah bon ? Mais alors, c'est curieux de découvrir le caractère provocateur de <em>Charlie Hebdo</em> juste quand s'active une poignée d'intégristes hurlants. <em>Charlie Hebdo</em> est un hebdomadaire provocateur. Il l'était il y a vingt ans. Il l'était la semaine dernière. J'espère qu'il le sera encore la semaine prochaine. La liberté d'expression, pour être réelle, doit être totale. Si l'on est pour sa limitation, il faut le dire plutôt que d'accuser <em>Charlie Hebdo</em> d'avoir voulu faire un coup commercial.<br />Je me doute que <em>Charlie Hebdo</em> a besoin de vendre pour vivre, mais <em>Le Monde</em> aussi, non ? Pourquoi utiliser des arguments crapoteux quand on donne l'impression de naviguer à vue dans un brouillard épais ?<br />Comme on aimerait de la clarté chez les responsables, chez les penseurs de gauche.<br />C'est un homme de droite qui, le premier, a dit simplement, dignement, les principes.<br />« <em>Je défends </em>Charlie Hebdo<em>, je défends la liberté d'expression et je pense qu'on ne doit pas céder un pouce de terrain dans ces domaines-là.</em> »</p>
<hr>
<p>Merci, monsieur <strong>Morel</strong>.</p>
<p><em><ins>N.B.</ins> : J'en connais un (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sin%C3%A9-Mensuel">lui</a>) qui doit bien se marrer — jaune...</em></p>
<p><em><ins>MÀJ du 07/10/2012</ins></em> : Réflexion du jour. Ne pas publier quelque chose (texte, dessin ou autre) par peur des conséquences que cette chose peut avoir, c'est clairement de l'autocensure insidieuse et pernicieuse ; mais s'abstenir de la publier par conscience de ce qu'elle va engendrer de manière implacable, si ce n'est pas de la prescience, ne serait-ce pas de la lucidité ? J'hésiterais presque...</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Je-defends-Charlie-Hebdo#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/157