Je m'attarde - Mot-clé - Compromission le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearUne vie difficile, de Dino Risi (1961)urn:md5:ecab0f32298fcf12bb5eb6b087a877bd2023-06-21T12:20:00+02:002023-06-21T11:25:46+02:00RenaudCinémaAlberto SordiCompromissionComédieDino RisiDésillusionFamilleGuerreIdéalismeItalieJournalismeLea MassariPolitiquePrisonRésistanceSeconde Guerre mondialeVittorio Gassman <div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.une_vie_difficile_m.jpg" alt="une_vie_difficileB, juin 2023" title="une_vie_difficileB" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.une_vie_difficileB_m.png" alt="une_vie_difficileB.png, juin 2023" /></div>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Sordi galère</strong></ins></span>
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<p>Le duo <strong>Dino Risi </strong>/ <strong>Alberto Sordi </strong>trouve un équilibre assez fascinant à mes yeux au sein de la comédie italienne de la grande époque, que ce soit dans les tonalités adoptées (comédie, drame, guerre, historique, critique sociale), dans la diversité des coups portés (médiocrité intellectuelle des uns, arrivisme des autres, sur fond de chronique nationale très caustique) et dans la finesse de l'écrin qui encapsule l'ensemble (photographie impeccable, nombreuses séquences marquantes par leur bouffonnerie ou leur dimension tragique). Dans <ins>Une vie difficile</ins>, le personnage principal parcourt un bout d'histoire italienne du milieu de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 60 (le film sort en 1961) en endossant les costumes de résistant antifasciste ou de rédacteur dans un journal clandestin, constamment sous le regard d'une jeune femme qui le renverra systématiquement à ses compromissions.</p>
<p>C'est clairement la dynamique de leurs rapports qui irrigue en secret le récit, oscillant sans cesse entre des phases d'attirance et de répulsion. À chaque compromission, à chaque manifestation de sa veulerie passagère, un regard foudroyant de <strong>Lea Massari </strong>vient le rappeler à l'ordre, et le voilà reparti sur des rails, pendant un certain temps du moins. <strong>Risi </strong>s'applique à montrer comment l'intégrité de <strong>Sordi </strong>se solde systématiquement par des mésaventures (professionnelles ou financières, pauvreté ou prison), de manière certes un peu systématique, mais toujours avec un pied dans la comédie pour huiler la mécanique. Les scènes mémorables sont assez nombreuses, celle où complètement bourré il crache sur les voitures des riches touristes, celle où dans un moment de misère il se faufile dans une maison bourgeoise et monarchiste avec sa femme pour se remplir la panse grassement (pendant le référendum qui installera la république), ou encore cette claque finale pour mettre un terme à une énième humiliation de la part de son employeur, un riche homme d'affaires. Mais <strong>Risi </strong>reste très lucide : le happy end n'en est pas du tout un, on sait très bien qu'il ne s'agit que d'une phase "positive" avant la prochaine rechute.</p>
<p>Dans cette optique <strong>Alberto Sordi </strong>compose un rôle vraiment attachant, un enthousiaste de son époque participant à toutes les luttes et baignant dans un idéalisme à géométrie variable, mais dans le fond très honnête. Parfois pathétique, parfois vertueux, parfois minable. Juste très maladroit et à ce titre victime des aléas caractéristiques de la société italienne d'après-guerre : libération, élections, renouveau économique (drôle d'apparition de <strong>Vittorio Gassman </strong>dans un péplum), et diverses déceptions politiques sur fond d'opposition nord / sud entre les différentes régions. La dynamique de la narration maîtrise la rupture de tons avec malice, alternant entre gravité (on frôle l'exécution pendant la guerre) et situations plus ironiques ou émouvantes. L'histoire d'un homme doté d'idéaux, mais soumis à une pression extrême de la part des secteurs économiques, familiaux et politiques qui le conduira d'échec en échec, en essayant de ne jamais perdre la face. Du néoréalisme classique gonflé à la comédie burlesque et aux désillusions tenaces, en un sens.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.img2_m.png" alt="img2.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.img3_m.png" alt="img3.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/une_vie_difficile/.img4_m.png" alt="img4.png, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Une-vie-difficile-de-Dino-Risi-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1170Plus dure sera la chute, de Mark Robson (1956)urn:md5:671770d43138fda8b2f12aff64e721352022-09-22T10:06:00+02:002022-09-22T09:28:32+02:00RenaudCinémaArgentineBoxeCompromissionCorruptionFilm noirHumphrey BogartJournalismeMark RobsonMensongeRod SteigerSport <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/plus_dure_sera_la_chute/.plus_dure_sera_la_chute_m.jpg" alt="plus_dure_sera_la_chute.jpg, août 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/plus_dure_sera_la_chute/.plus_dure_sera_la_chuteB_m.jpg" alt="plus_dure_sera_la_chuteB.jpg, août 2022" />
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"The people sit in front of their little TVs with their bellies full of beer and fall asleep."<br /></strong></ins></span>
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<p>7 ans après <ins>Champion</ins>, <strong>Mark Robson</strong> remet le couvert de l'univers de la boxe et opère un changement de paradigme notable en se focalisant non plus sur le ring et le boxeur incarné par <strong>Kirk Douglas </strong>en 1949 mais sur l'envers du décor avec <strong>Humphrey Bogart </strong>en promoteur opportuniste d'un boxeur amateur. On le comprend très vite, on va naviguer dans des eaux plus que troubles, carrément dégueulasses, avec un ballet incessant de magouilles et de compromissions formant l'ossature d'un film noir très élégant.</p>
<p>Le parti pris est intéressant et efficace, car on pénètre dans cet univers aux côtés d'un personnage manifestement amoral, <strong>Bogart</strong>, présenté comme arriviste, un journaliste sportif appâté par le gain et par les beaux discours de <strong>Rod Steiger </strong>— parfait en manager véreux, généreux en apparence quand tout va bien et rapidement menaçant quand le vent tourne : "<em>The people, Eddie, the people! Don't tell me about the people, Eddie. The people sit in front of their little TVs with their bellies full of beer and fall asleep</em>". Pas de manichéisme ici, il est présenté dans toutes les teintes de sa personnalité et si l'on met de côté les magouilles évidentes et bien conscientes des matches truqués, on pourrait croire qu'il s'agit d'un ange gardien très maternel avec son jeune poulain de 2 mètres et 120 kilos en provenance d'Argentine. Le point névralgique : il ne sait pas boxer et en définitive <ins>The Harder They Fall</ins> est avant tout l'histoire d'un mensonge autour de cette montagne, champion de boxe qui n'a en réalité jamais fait ses preuves mais dont on est parvenu à rendre les capacités inquestionnables. Du beau business.</p>
<p>Le duo <strong>Steiger </strong>baragouineur et <strong>Bogart </strong>usé pour sa dernière apparition avant de mourir l'année suivante fonctionne très bien, et le film s'inscrit agréablement dans la veine des dénonciations de la décennie, ici sur les mécanismes de la corruption et les ravage des compromissions dans le milieu de la boxe (inspiré d'un véritable boxeur, italien, Primo Carnera). Tout le film peut se regarder sur un ton léger jusqu'à un point de non-retour assez effrayant, le combat de trop, l'affrontement final qui vire à la boucherie et qui transforme le visage du faux champion en champ de bataille ravagé par les coups de poing de son adverse. Il passe sous un rouleau compresseur et ce n'est pas beau à voir — à tel point que cela suscite un sursaut de conscience chez <strong>Bogart</strong>, on le comprend, alimentant ainsi un discours social sur le massacre des boxeurs qui finissent, au choix, à la morgue, exploités par leurs manageurs, ou clochards dans la rue.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/plus_dure_sera_la_chute/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, août 2022" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Plus-dure-sera-la-chute-de-Mark-Robson-1956#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1069Le Mari de la femme à barbe, de Marco Ferreri (1964)urn:md5:3b7fb4055a563c0a5a36eac8e9434b212019-06-27T20:22:00+02:002019-06-27T20:22:00+02:00RenaudCinémaAliénationAnnie GirardotCompromissionCupiditéItalieMarco FerreriPilositéUgo Tognazzi <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mari_de_la_femme_a_barbe/.mari_de_la_femme_a_barbe_m.jpg" alt="mari_de_la_femme_a_barbe.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="mari_de_la_femme_a_barbe.jpg, juin 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Freak show simiesque</strong></ins></span>
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<p>Lorsque arrive la séquence au cours de laquelle <strong>Annie Girardot</strong>, une femme à la pilosité déréglée (une conséquence de l'hypertrichose, un dérèglement hormonal dont "femme à barbe" paraît être un sacré euphémisme tant on est proche du pelage animal : le titre italien se traduit d'ailleurs "La Femme singe"), se produit sur scène dans un numéro de strip-tease très dérangeant mêlant érotisme sulfureux et exploitation de freaks, on se demande dans quel cerveau étrange a bien pu naître une telle idée de scénario. Mais l'essentiel est là : <strong>Ugo Tognazzi </strong>et <strong>Annie Girardot</strong>, dans les rôles respectifs d'Antonio et Maria, soit un petit escroc fourbe et vénal exploitant une pauvre femme anormalement velue qu'il trouva cachée au fond de la cuisine d'un couvent, forment un couple incroyable.</p>
<p><strong>Marco Ferreri</strong>, dans une période infiniment plus sobre que celle de <ins>La Grande Bouffe</ins>, parvient à trouver une position d'équilibriste entre comédie et tragédie, les deux composantes se relançant et se répondant sans cesse. Il est beaucoup question d'exploitation humaine, puisque Antonio n'hésitera pas un instant à utiliser la particularité de Maria à dessein, au sein d'un triste spectacle forain qui pourrait rappeler le cirque de <ins>Freaks</ins> — dans une version beaucoup plus soft. Leur relation n'évoluera qu'au gré de l'aliénation de Maria et des compromissions successives. Elle, réticente dans un premier temps, se laissera séduire par cet homme qui posera pour la première fois un regard dénué d'horreur (il s'agit en réalité de cupidité), un signal qu'elle interprète comme de la gentillesse, chose qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Lui ne reculera devant rien afin de maintenir opérationnelle son entreprise très lucrative : s'il faut coucher avec cette "femme singe" puis envisager un mariage pour la garder près de soi, ainsi soit-il. Sur le ton de la comédie, <strong>Ferreri </strong>brosse le portrait effrayant d'un homme avide et de son emprise sur sa créature. Il exploitera jusqu'à la fin l'amour que cette femme lui témoignera, et il ira jusqu'aux cabarets parisiens pour faire fructifier sa chose sur les conseils d'un impresario français, avant de reprendre les corps embaumés de sa femme et de sa propre progéniture, devenus pièces de musée, pour un ultime numéro d'exhibition.</p>
<p>La séduction comme moyen d'obtention du consentement : derrière la comédie, loin du mélodrame larmoyant, le message est d'une abominable cruauté.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mari_de_la_femme_a_barbe/.couvent_m.jpg" alt="couvent.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="couvent.jpg, juin 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mari-de-la-femme-a-barbe-de-Marco-Ferreri-1964#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/661Un Mariage, de Robert Altman (1978)urn:md5:77ff5cc40c01f2a9c088baeab4a064802018-12-11T15:48:00+01:002018-12-12T13:50:29+01:00RenaudCinémaCompromissionComédieFamilleLillian GishMariageMia FarrowRobert Altman <div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mariage/.mariageA_m.jpg" alt="mariageA.jpg" title="mariageA.jpg, déc. 2018" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mariage/.mariageB_m.jpg" alt="mariageB.jpg" title="mariageB.jpg, déc. 2018" />
<br />
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Misères et meurtrissures du mariage<br /></strong></ins></span>
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<p>Trois ans après <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nashville-de-Robert-Altman-1975"><ins>Nashville</ins></a> et quinze ans avant <ins>Short Cuts</ins> (pour ses incursions les plus célèbres dans le registre du film choral), <strong>Robert Altman</strong> s'adonnait encore une fois au genre qu'il semble affectionner tout particulièrement, celui qui nécessite la direction d'une troupe conséquente de protagonistes et sur lequel sa réputation s'est bâtie. Il faudrait presque inventer une nouvelle location pour <ins>Un Mariage</ins> tant l'étendue du chœur est impressionnante ici : près d'une cinquantaine de personnages se partage les deux heures de bobine de manière presque équitable, des personnages d'importance à peu près égale, s'agitant désespérément devant la caméra au cours d'une cérémonie de mariage qui n'en finira pas d'en révéler tous les travers possibles et imaginables, tout le potentiel de compromission.</p>
<p>Si l'institution est bien sûr attaquée de front et détruite dans la joie et la bonne humeur par une série de sarcasmes aussi vigoureux qu'incessants, c'est à travers la quantité incommensurable de petits arrangements induits par un tel mariage qu'<strong>Altman </strong>délivre l'essentiel de sa charge satirique. <ins>Un Mariage</ins>, c'est l'union impossible dans ses termes de la vieille aristocratie et de la nouvelle bourgeoisie, dont le caractère bancal est intronisé dès les premiers instants via une messe gâteuse donnée par un évêque mi-sénile mi-décrépi, en pleine dépossession de ses moyens. De l'église au manoir familial, la cohorte de personnages déplacera sa mauvaise foi et ses turpitudes en refusant constamment d'affronter les antagonismes naturels avec courage et de regarder la réalité en face : de la mort de la grand-mère (sous les traits charismatiques de <strong>Lillian Gish</strong>) à la nymphomanie de la sœur de la mariée (<strong>Mia Farrow </strong>totalement à l'ouest), tous refusent obstinément de constater ce qui est évident, de prendre conscience du fait accompli, de poser un regard franc sur ce qui est exposé en pleine lumière.</p>
<p><ins>Un Mariage</ins> a les défauts de ses qualités, à savoir la profusion de portraits à charge dépeignant un tableau bourgeois d'une hystérie globale assez prononcée. Mais on ne sent jamais vraiment <strong>Altman </strong>sermonner, faire la morale, ou s'embarquer dans de vaines conjectures psychologiques. Seul compte le cœur de la mécanique comique, l'hypocrisie des uns et la bassesse des autres s'assemblant dans un fatras qui vire à l'exercice de style — parfaitement maîtrisé, toutefois : l'aisance dont témoigne <strong>Altman </strong>pour naviguer à travers ce joyeux bordel est évidente, palpable. Dans ce flux de détresse et de meurtrissures, misère intellectuelle et misère affective se marient dans une symphonie magistralement et délicieusement cacophonique.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/mariage/.mariee_m.jpg" alt="mariee.JPG" style="margin: 0 auto; display: block;" title="mariee.JPG, déc. 2018" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-Mariage-de-Robert-Altman-1978#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/585