Je m'attarde - Mot-clé - Culpabilité le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearJustice est faite, de André Cayatte (1950)urn:md5:9f681b1c909a8f2e894152bb2551bc312023-11-03T10:04:00+01:002023-11-03T10:07:49+01:00RenaudCinémaAndré CayatteClaude NollierCulpabilitéEuthanasieFemmeMoraleNoël RoquevertPatriotismeProcèsRacismeRaymond BussièresReligionSubjectivité <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/justice_est_faite.jpg" title="justice_est_faite.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/.justice_est_faite_m.jpg" alt="justice_est_faite.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le doute, le biais, la partialité</strong></ins></span></div>
<p>La thématique centrale de <ins>Justice est faite</ins>, avec le jugement d'une femme interprétée par <strong>Claude Nollier</strong>, ressemble fortement à celle de <ins>La Vérité</ins> avec <strong>Brigitte Bardot </strong>que <strong>Clouzot </strong>réalisera une décennie plus tard en 1960. C'est le récit d'un procès de la cour d'assises dans lequel les faits ne constituent pas l'unique objet des débats, et où l'ensemble du personnel compétent porte de manière directe ou indirecte une série de jugements moraux sur la personne de l'accusée. Mais <strong>André Cayatte </strong>adopte une perspective bien différente puisque ce qui l'intéresse avant tout, ce sont les membres du jury qui doit se prononcer sur le cas de cette femme qui aurait aidé son amant à mourir, ce dernier étant déjà mourant et ayant demandé l'euthanasie.</p>
<p>La quasi-totalité du film se déroule ainsi aux côtés des 7 jurés (évoquant d'ailleurs de loin un autre film avant l'heure, le <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Douze-Hommes-en-Col%C3%A8re%2C-de-Sidney-Lumet-%281957%29">Douze Hommes en colère</a></ins> de <strong>Lumet</strong>), en ne nous dissimulant rien de leur comportement, de leurs habitudes de leurs secrets. L'objet du film est assez limpide, surtout lorsque vient le moment du discours final délivré en voix off, qui accessoirement témoigne des faiblesses d'écriture de cette fiction prisonnière d'un style marqué par les années 50 : évoquer et dénoncer le caractère faillible d'une décision de justice, nécessairement basée sur des points de vue partiels, biaisés, influencés par une myriade d'événements personnels. <strong>Cayatte </strong>décortique longuement les mécanismes de prise de décision au sein du jury, en montrant l'influence de leur vie sur leur comportement en tant que juré. Même si les faits ne sont pas tout à fait évidents pour eux (a-t-elle tué son mari sur sa demande pour le soulager de souffrances insupportables, ou bien était-ce un crime mu par des intérêts personnels puisque, on l'apprendra plus tard, elle était amoureuse d'un autre homme ? le doute persistera), les débats se situeront essentiellement sur le terrain de la morale, des préjugés et des conceptions subjectives de culpabilité.</p>
<p><strong>Cayatte </strong>expose le système judiciaire sous l'angle vulnérable de ses imperfections et réquisitionne de nombreux acteurs et actrices de second plan pour donner corps aux jurés, qui illustrent souvent un aspect de cette fragilité : parmi eux, <strong>Noël Roquevert </strong>en ancien commandant très conservateur et <strong>Raymond Bussières </strong>sous la pression du regard de sa femme. Bref, des personnages plus ou moins influençables. Quelques zones de rigidité scénaristiques empêchent le film de se faire aussi émouvant que <ins>La Vérité</ins> (en partie aussi parce que l'accusée n'est pas vraiment le sujet du film), à l'instar de cette presque ultime scène montrant trop explicitement l'hésitation d'un juré qui aurait changé d'avis sur l'affaire s'il avait été au courant quelques heures avant d'une information très personnelle — le questionnement est même explicité par les dialogues, excès caractérisé de pédagogique et de démonstratif. Le poids de la religion, du racisme, et du patriotisme est également un peu alourdi par les stéréotypes employés. Mais <ins>Justice est faite</ins>, par son regard sur l'acte de juger et sur la fragilité des convictions, conserve une très belle modernité car il suffirait de remplacer quelques détails techniques, quelques éléments contextuels et quelques sujets de débat pour en faire un film parfaitement actuel.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/img1.png" title="img1.png, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/.img1_m.png" alt="img1.png, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/img2.png" title="img2.png, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/.img2_m.png" alt="img2.png, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/img3.png" title="img3.png, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/.img3_m.png" alt="img3.png, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/img4.png" title="img4.png, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/justice_est_faite/.img4_m.png" alt="img4.png, oct. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Justice-est-faite-de-Andre-Cayatte-1950#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1267Comment tuer un juge (Perché si uccide un magistrato), de Damiano Damiani (1975)urn:md5:b23d4cdcb981c62ff8120f85d738cbc52023-09-27T15:12:00+02:002023-09-27T15:12:00+02:00RenaudCinémaAssassinatCensureComplotCulpabilitéDamiano DamianiDouteFranco NeroFrançoise FabianIntégritéItalieJusticeMafiaMortPolitiqueSicileThriller <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.comment_tuer_un_juge_m.jpg" alt="comment_tuer_un_juge.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Nero dans l'étau du doute</strong></ins></span></div>
<p>Le style <strong>Damiani </strong>commence à se dégager plus précisément, et surtout au creux du cinéma politique italien des années 70, années de plomb. Je n'ai pas encore assez de recul pour percevoir la portée méta du personnage de <strong>Franco Nero </strong>dans sa totalité, mais il paraît assez évident de voir dans son personnage de cinéaste, avec un film dans le film qui se trouve être un thriller politique mettant en scène la mort d'un juge proche de la mafia, une dualité avec sa propre personne. Le personnage en question, Solaris, se retrouve au milieu de ce qui ressemble à un complot mafieux et politique lorsqu'un vrai magistrat est assassiné, peu de temps après s'être prononcé contre la censure dudit film.</p>
<p><strong>Franco Nero</strong>, au-delà de son regard bleu perçant (impressionnant ici), incarne une forme de droiture, de probité et d'intégrité mises à mal dans ce monde de fous, reflet de la société italienne. D'un côté <ins>Perché si uccide un magistrato</ins> travaille la fibre du thriller politique avec les morts qui s'amoncellent autour de lui, alimentant diverses hypothèses plus ou moins complotistes, sans qu’on ne parvienne à cerner précisément le contour de la conspiration. De l'autre côté, il y a cette dimension de porte-parole qui évite très clairement le manichéisme et l'illusion d'omniscience en avançant à visage découvert, c'est-à-dire avec les idéaux clairement établis, mais en avançant dans le même temps toute la montagne d'incertitudes qui les accompagne. On sent chez le personnage de <strong>Nero </strong>beaucoup de culpabilité et de questionnements, doutant régulièrement de ses actions et de leurs conséquences, avec bien sûr en tête la sortie de son film qu'il pense pouvoir être à l'origine du meurtre du juge sicilien.</p>
<p>Le personnage de la veuve, dans un premier temps associé à la défense de l'honneur de son mari, offre un très solide contrepoint grâce à l'interprétation de <strong>Françoise Fabian </strong>: pendant un très long moment, tant que la pelote n'est pas déroulée, on l'image enfermée dans le déni, meurtrie, potentiellement apeurée. La réalité sera bien plus sale moralement, même si elle conserve une part de dignité au sein de la toile vénéneuse des puissants et des influents qui cherchent à faire taire les forces menaçant leurs intérêts. C'est un jeu tout en coups cachés où chaque pôle essaie de protéger ses intérêts personnels, et qui souligne sans forcer les méandres de la corruption et de la manipulation. <strong>Nero </strong>dans le rôle du cinéaste-enquêteur qui se bat contre des moulins à vent, plus fébrile qu'à l'accoutumée, est très convainquant, jusqu'à la découverte tristement prosaïque de la vérité. Le dernier plan, avec les différents groupes journalistes / politiques / mafieux, fait son petit effet.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Comment-tuer-un-juge-de-Damiano-Damiani-1975#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1240Master Gardener, de Paul Schrader (2023)urn:md5:3831d860e3dfc90bc22a07249fdcfee32023-09-07T12:21:00+02:002023-09-07T12:21:00+02:00RenaudCinémaCulpabilitéFauteFleursJardinJoel EdgertonPaul SchraderRacismeRédemptionSigourney WeaverTueur à gages <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/master_gardener/.master_gardener_m.jpg" alt="master_gardener.jpg, août 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>" Gardening is a belief in the future. A belief that things will happen according to plan. That change will come in its due time."</strong></ins></span>
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<p>Il y avait <strong>Ethan Hawke </strong>en pasteur doutant de sa foi dans <ins>First Reformed</ins> (2017), il y avait <strong>Oscar Isaac </strong>en tortionnaire devenu joueur de poker dans <ins>The Card Counter</ins> (2021), et <ins>Master Gardener</ins> ajoute donc à cette série un nouvel élément, conforme aux thématiques, avec <strong>Joel Edgerton </strong>dans le rôle d'un ancien tueur facho et nouveau horticulteur pour le compte d'une riche employeuse interprétée par <strong>Sigourney Weaver</strong>.</p>
<p>S'il est assez clair que <strong>Paul Schrader </strong>semble commencer à se répéter dans les motifs et les thématiques sur ses derniers films (voire sur l'ensemble de sa filmographie, mais c'est quelque chose qu'on pourrait relier à ses lubies d'auteur), il est tout aussi clair que ce bégaiement sera toujours plus agréable que ce qu'il a pu produire juste avant, avec une série de films incroyablement indigents — les derniers mettaient en scène <strong>Nicolas Cage </strong>dans des purges comme <ins>Dying of the Light</ins>, qu'on ne saurait trop conseiller d'éviter.</p>
<p>Encore une fois donc, on brasse des sujets usés jusqu'à la corde comme la faute passée qui maintient une plaie ouverte, la culpabilité pesante, le rachat impossible... Tout ce qui tourne autour de la rédemption délicate et qui a toujours inondé le cinéma, pas uniquement celui des scénarios de <strong>Schrader </strong>qui laissent clairement apparaître cette obsession. Il y a très peu de place pour l'ambiguïté dans <ins>Master Gardener</ins>, le bien et le mal évoluent sur des territoires soigneusement délimités, et le tout est empaqueté dans une ambiance dont la constitution est simple et efficace — des analogies entre la vie du protagoniste et la conception d'un jardin, une alternance de séquences de jour et de nuit, des flashbacks épars pour évoquer un passé douloureux de manière très parcellaire (et inutile), et des relations sentimentales vécues comme des contraintes. À ce titre, le rapport entre <strong>Weaver</strong> et <strong>Edgerton </strong>aurait pu être grandement étoffé, dans la relation de domination et les rapports de force qui émergent, mais il est largement abandonné au profit de la relation entre le jardinier et une apprentie pour nourrir un autre motif, peu engageant car très évident, l'ancien suprémaciste blanc et la jeune afro-américaine toxico sur les bords et engagée dans une relation toxique dont elle ne parvient à s'extraire. On n'y croit jamais à cette romance, et on finit par ne voir que <strong>Schrader </strong>récitant ses gammes, perdus dans ses archétypes trop rarement fertiles.</p>
<p>Mais ne serait-ce que parce qu'il est parvenu à se sortir de l'ornière des navets avec <strong>Cage</strong> des années 2010, il m'est très difficile de ne pas être satisfait (voire même rassuré) par un tel visionnage.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/master_gardener/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/master_gardener/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/master_gardener/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, août 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Master-Gardener-de-Paul-Schrader-2023#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1220Le Violent, de Nicholas Ray (1950)urn:md5:ffa5f9441ccbe8197b459c22f39736bb2023-06-08T16:31:00+02:002023-06-08T16:31:00+02:00RenaudCinémaCulpabilitéEcrivainFilm noirHollywoodHumphrey BogartMeurtreNicholas RayRomanceScénaristeSolitudeViolence <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/violent/.violent_m.jpg" alt="violent.jpg, mai 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"What does it matter what I think? I'm the guy who tried to talk Selznick out of doing Gone with the Wind!"</strong></ins></span>
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<p>En règle générale je ne suis pas très sensible au jeu de <strong>Humphrey Bogart</strong>, toujours dans le même rôle du macho taciturne qui sait malgré tout se rendre irrésistible auprès de la gent féminine. Chose assez exceptionnelle ici il me semble, dans ce film noir dont la composante propre au genre (l'enquête policière autour d'un meurtre nimbé de mystère) est assez peu importante, il incarne un scénariste dont la violence très masculine est clairement décriée. Il y a ce petit côté de violent-mais-quand-même-victime, sans que cela n'affecte de manière dommageable le reste du discours entièrement porté par ce qu'endure le personnage de <strong>Gloria Grahame</strong>.</p>
<p><ins>Le Violent</ins> (en version originale "In a Lonely Place" on insiste davantage sur la solitude de l'homme) appartient à ce courant cinématographique qui aimait s'auto-psychanalyser, comme <ins>Sunset Boulevard</ins> de <strong>Billy Wilder</strong> ou encore <ins>All About Eve</ins> de <strong>Joseph Mankiewicz</strong> (tous deux sortis la même année, 1950), ici au travers du personnage principal : Dixon Steele, un scénariste en proie à des crises de violence et accusé d'un meurtre que l'on sait, nous spectateurs, qu'il n'a pas commis. C'est l'enquête à son sujet qui le mettra en contact avec sa voisine témoin, point de départ d'une romance parmi les plus compliquées qui soient.</p>
<p>Tout le film est en réalité articulé autour de leur relation, sur laquelle plane invariablement la suspicion. L'écrivain est soupçonné d'assassinat, cela ne laisse pas indifférent, et jusqu'au bout son entourage doutera de son innocence. Clairement <strong>Bogart </strong>surjoue un peu le narquois et l'insensible face à un meurtre dont on l'accuse, mais on part vite dans une direction plus intime et plus douloureuse. La crise conjugale est pleine de dilemmes, avec en toile de fond un commentaire assez acerbe sur les mœurs en cours à Hollywood avec un scénariste, déjà peu calme par nature, sous pression. C'est un accès de colère particulièrement virulent, énième pulsion destructrice, qui détruira le couple, au moment où il était censé être innocenté.</p>
<p>La réplique la plus citée du film : "I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me." Une autre plus drôle, de la part de l'agent : "What does it matter what I think? I'm the guy who tried to talk Selznick out of doing Gone with the Wind!".</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/violent/.img1_m.png" alt="img1.png, mai 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/violent/.img2_m.png" alt="img2.png, mai 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/violent/.img3_m.png" alt="img3.png, mai 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Violent-de-Nicholas-Ray-1950#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1165Ordre de tuer, de Anthony Asquith (1958)urn:md5:93f4f89b4619356e22a3c1bbe74e549a2023-04-25T09:47:00+02:002023-04-25T08:50:59+02:00RenaudCinémaAgent doubleAnthony AsquithCulpabilitéDouteEspionnageFranceGuerreLillian GishRoyaume-UniRésistanceSeconde Guerre mondiale <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ordre_de_tuer/.ordre_de_tuer_m.jpg" alt="ordre_de_tuer.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"It's not your business to sit in judgement - it's your business to kill."</strong></ins></span>
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<p>De la part d'<strong>Anthony Asquith </strong>on s'attend forcément à quelque chose de raffiné, le côté british distingué début de siècle dernier, si l'on garde en tête des films comme <ins>L'Ombre d'un homme</ins>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Chemin-des-etoiles-de-Anthony-Asquith-1945"><ins>Le Chemin des étoiles</ins></a>, ou encore <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Winslow-contre-le-roi-de-Anthony-Asquith-1948"><ins>Winslow contre le roi</ins></a> et en un sens, malgré ses différences notables de genre, <ins>Orders to Kill</ins> s'insère assez naturellement dans cette veine. Il y a un soin remarquable porté à la description des différents temps de cette mission, pendant la Seconde Guerre mondiale, visant à éliminer un agent double infiltré dans les rangs de la résistance française. L'opération doit être menée par un jeune pilote de bombardier américain, après un passage du côté du Royaume-Uni, et se décompose entre trois grandes parties : la formation, la mission à proprement parler, et un dernier chapitre succinct concernant les conséquences.</p>
<p>Il y a beaucoup de choses surprenantes dans ce film aux contours assez insaisissables : il s'agit autant d'un film (en temps) de guerre qu'un thriller d'infiltration, il avance d'abord comme un film d'espionnage mais la tonalité générale ne correspond absolument pas à cette case, et il revêt dans sa seconde moitié une dimension beaucoup plus psychologique et morale en s'attachant au ressenti du protagoniste, en examinant ses sentiments de doute et de culpabilité. On peut également y voir une critique assez franche, en 1958, du principe même de guerre à travers ses victimes collatérales, comme en témoigne un long monologue de la part d'une femme occupant un rôle central au moment où le héros remet en question la légitimité de sa mission : "Murder? But this is war, war. And in a war the innocent and the guilty get killed together. When you were ordered to drop bombs over France, did you refuse because you might have killed innocent Frenchmen. Or women? Or children like yourself? Or cats? Or are you such a marksman that you can press a button and drop a bomb that will only kill Germans and collaborators? You didn't go whining back to your superior officers saying I couldn't do it, there might have been a man in the marshalling yard who loved his mother."</p>
<p>Petit aparté au sujet d'un drôle de choix de montage : on relève la présence de <strong>Lillian Gish </strong>dans le rôle de la mère, apparaissant seulement quelques secondes dans un flashback situé en introduction.</p>
<p>On peut regretter la légèreté avec laquelle est traitée toute la première longue phase de formation, tant on a parfois l'impression d'être dans un camp de vacances de scouts. Le scénario justifie assez rapidement le fait que la recrue n'est pas un tueur professionnel, mais quand même, pour assassiner un leader de la résistance qui serait un traître parfaitement infiltré, on a du mal avec les prémices du film qui avance pourtant que (seul) le cœur de l'histoire est basé sur des faits réels... Le soldat ne sait pas ce qu'est un sternum, il apprend à tuer par étranglement comme s'il s'agissait d'un jeu entre amis durant une séquence d'entraînement un peu longuette, et il fait preuve d'une immaturité assez incroyable dans l'exécution de sa mission.</p>
<p>Mais peu à peu, c'est précisément cette incompétence, cette hésitation voire cette maladresse qui le feront sortir d'un chemin tout tracé et qui poseront les bases d'un dilemme moral formant la pierre angulaire des enjeux. Il devient humain en quelque sorte, malgré les remontrances de l'agent local (le personnage de tante Léonie n'y va pas par quatre chemin, c'est même un peu bourrin : "Himmler likes cats. Goering likes pictures. Hitler likes music. Goebbels is a wonderful father. What of it?") et ce sera le début d'un nouveau parcours, le conduisant tout droit vers un final gorgé d'une amertume tenace.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ordre_de_tuer/.img1_m.png" alt="img1.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ordre_de_tuer/.img2_m.png" alt="img2.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ordre_de_tuer/.img3_m.png" alt="img3.png, mars 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Ordre-de-tuer-de-Anthony-Asquith-1958#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1139L'Emprise du crime, de Lewis Milestone (1946)urn:md5:f5b37569fa4a42bf63c737043b5fd6482023-02-24T10:10:00+01:002023-02-24T10:10:00+01:00RenaudCinémaBarbara StanwyckChantageCulpabilitéFilm noirKirk DouglasLewis MilestoneMeurtreSecretSolitudeVan Heflin <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/emprise_du_crime/.emprise_du_crime_m.jpg" alt="emprise_du_crime.jpg, janv. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"What happened to you? — Not a thing. I'm just made up for Halloween."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Rha mais quel dommage que certains recoins de scénario, certains comportements, et certaines explicitations soient autant maladroits, ou du moins aient subi avec beaucoup de dommages l'effet des 80 ans qui nous séparent de la sortie de <ins>The Strange Love of Martha Ivers</ins>... La structure est classieuse, en prise directe avec les passages obligés appréciables du film noir : une courte introduction scelle le destin de trois enfants, trois amis liés par la mort d'une personne au pied d'un escalier (ces escaliers qui constituent d'ailleurs une figure à part entière du film noir), et un flash-forward initie le reste du film avec le retour d'un des trois, une vingtaine d'années plus tard. Un retour vécu comme un élément perturbateur inséré dans une configuration qui avait fini par trouver son équilibre, en apparence tout du moins.</p>
<p>Pas mal de choses ternissent le tableau. Le retour de l'enfant qui s'était enfui, interprété par <strong>Van Heflin </strong>à l'âge adulte, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, avec une mise en scène fort peu habile pour figurer le hasard de celui qui revient dans sa ville natale sans s'en rendre compte. La figuration au forceps des liens entre les enfants d'hier et les adultes d'aujourd'hui, pour éviter que des spectateurs étourdis n'aient pas compris que les personnages de <strong>Barbara Stanwyck </strong>et <strong>Kirk Douglas </strong>correspondent aux enfants de l'introduction, à grand renfort de dialogues faisant référence sans subtilité à la scène qu'on a pu voir 10 minutes plus tôt. Toutes ces coutures un peu moches ont participé à minorer l'intérêt du film malheureusement, alors qu'il dispose d'arguments plutôt convaincants.</p>
<p>C'est un thème qu'on verrait davantage associé à <strong>Lang </strong>qu'à <strong>Milestone</strong>, mais la question de la culpabilité criminelle est abordée de manière attrayante dans <ins>L'Emprise du crime</ins>, à la faveur d'un quiproquo matriciel. Quand Sam retrouve ses amis d'enfance, Martha et Walter, il ne comprend pas pourquoi ils tirent une gueule d'enterrement quand il leur demande un service — en l'occurrence, un geste de bienveillance à l'égard d'une fille qu'il vient de rencontrer et jouée par <strong>Lizabeth Scott</strong>, sosie troublante de <strong>Lauren Bacall</strong>. Mais ce qu'on ne comprend pas tout de suite, c'est que d'une part les deux croient que le revenant est là pour un gros morceau de chantage (une faveur contre son silence au sujet du meurtre de leur enfance), et d'autre part le témoin en question n'a jamais assisté au dit meurtre. Le début d'un long parcours marqué par les échecs, l'amertume des désirs frustrés et des rêves non-réalisés.</p>
<p>Ainsi se dévoile un film qui nourrit un sentiment de solitude morale plutôt puissant, dans une ambiance désenchantée, avec la figure du pont vers le passé construit par le retour d'un homme qu'on avait oublié, ravivant une ancienne blessure. La peur de voir le secret révélé est assez joliment montrée (un innocent a quand même perdu la vie, il y a de quoi avoir des remords), les débuts cinématographiques de <strong>Kirk Douglas </strong>sont attachants, et le nœud passionnel entre les trois protagonistes, à travers les consciences torturées, contient une dose de fatalité très appréciable.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/emprise_du_crime/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/emprise_du_crime/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emprise-du-crime-de-Lewis-Milestone-1946#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1119L'Homme que j'ai tué, de Ernst Lubitsch (1932)urn:md5:f5040bcee1ee4b98063c823d0d6471be2022-01-13T15:57:00+01:002022-01-13T15:58:24+01:00RenaudCinémaAllemagneCulpabilitéDouleurErnst LubitschFamilleFranceGuerreMortPardonPremière Guerre mondiale <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.homme_que_j_ai_tue_m.jpg" alt="homme_que_j_ai_tue.jpg, déc. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le remord et le pardon<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>La puissance de ce drame historique ne se laisse pas débusquer facilement, chez <strong>Lubitsch</strong>, dans un registre où on ne l'attend pas nécessairement — voire pas du tout. Aux balbutiements du cinéma parlant, <ins>Broken Lullaby</ins> s'autorise un petit bond dans le passé, au lendemain de la Première Guerre mondiale, pour s'intéresser au cas d'un jeune soldat français littéralement rongé par le remord d'avoir tué un soldat allemand qui aurait pu être son frère, son ami, en tous cas un jeune homme avec qui il partageait beaucoup. La première partie est une plongée franche dans la torture imposée par la situation, car le protagoniste avait trouvé dans la poche de sa victime une lettre destinée à sa fiancée qui ne fait que remuer la baïonnette dans la plaie, a posteriori. D'autant que le corps à corps s'est révélé particulièrement tragique.</p>
<p>On s'engage ensuite dans une tentative d'absolution, devant les remords insoutenables qui l'accablent (le contexte de la guerre ne semble exercer aucune influence sur lui et leur mélomanie commune ne fait que raviver la douleur), puisqu'il partira à la recherche de la famille du défunt, en Allemagne, pour implorer leur pardon dans un premier temps — car sur place, le poids de la culpabilité étant trop lourd, il se fait passer pour un grand ami qu'il n'était pas.</p>
<p><strong>Lubitsch </strong>écarte ici toute satire de classe, toute connotation sexuelle : le ton est résolument sérieux, la fibre dramatique est alimentée par le commun qui unit les deux hommes, eux qui ont fréquenté par le passé le même conservatoire en France. Du drame de guerre à l'état brut, sans fioriture, et une très belle (simple et percutante) observation des tensions résiduelles dans un monde post-guerre qui ne laisse pas beaucoup de place à l'empathie. C'est un film sur l'innocence perdue, aussi, filmée comme un territoire dévasté, et en ce sens bien différent de la tournure que prend l'adaptation du récit qu'en a fait <strong>Ozon </strong>récemment dans <ins>Frantz</ins>.</p>
<p>On retrouve la finesse de l'écriture dans la relation qui unit le soldat français avec la jeune femme allemande, à travers une série d'évocations (comme celle de la fameuse lettre) ou de différentes formes de complicité plus ou moins tacite. Une œuvre touchante dans ses maladresses, très symbolique de ce temps où l'on disait "plus jamais ça", jusqu'au nouveau bégaiement de l'histoire.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.soldat_m.jpg" alt="soldat.jpg, déc. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.pretre_m.jpg" alt="pretre.jpg, déc. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.allemagne_m.jpg" alt="allemagne.jpg, déc. 2021" />
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