Je m'attarde - Mot-clé - Famille le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearMes frères et moi, de Yohan Manca (2022)urn:md5:167bc1612cadd85713c0ac570fd6749f2024-03-18T10:04:00+01:002024-03-18T10:05:26+01:00RenaudCinémaAdolescenceChantComédieDali BenssalahEnfanceFamilleJudith ChemlaMusique mandinguRécit d apprentissageSofian Khammes <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mes_freres_et_moi/mes_freres_et_moi.jpg" title="mes_freres_et_moi.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mes_freres_et_moi/.mes_freres_et_moi_m.jpg" alt="mes_freres_et_moi.jpg, mars 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La grande débrouille</strong></ins></span>
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<p><ins>Mes frères et moi</ins> est de ces films dont personnellement je n'attendais pas grand-chose — voire rien du tout — et qui se trouvent être des petits films sans ambitions démesurées mais qui in fine valent vraiment le détour. Ici, la bonne surprise tient au fait que <strong>Yohan Manca </strong>déplie le narratif avec une fluidité très agréable, tout en maniant judicieusement les archétypes d'un genre (ici un récit d'apprentissage qui survient dans un quartier populaire en bord de Méditerranée) et une direction d'acteur très appropriée. En l'occurrence, l'histoire de Nour, un gamin de 14 ans débrouillard mais un peu pris au piège de ses maillons familiaux avec trois grands-frères qui prennent beaucoup de place et des parents absents, un père déserteur et une mère en soins palliatifs.</p>
<p>Le côté très compartimenté de la fratrie peut faire peur au début : ils sont quatre et chacun a son petit descriptif bien déterminé pour créer un personnage qui se différencie des autres. Nour passe l'été à devoir effectuer des travaux d'intérêt général (on ne saura pas pourquoi et c'est très bien), Hédi incarne l'ado rageur et violent, Mo le jeune adulte et gros dragueur (dans l'arrière-plan traîne la question de la prostitution pour gagner de l'argent), et Abel représente l'aîné très autoritaire et patriarche de substitution. Ils se foutent souvent sur la gueule mais ils restent particulièrement soudés près de leur mère plongée dans un coma qui dure depuis longtemps et dont la santé décline rapidement depuis peu. Les 4 acteurs, <strong>Maël Rouin Berrandou</strong>, <strong>Moncef Farfar</strong>, <strong>Sofian Khammes </strong>et <strong>Dali Benssalah </strong>respectivement, imposent parfaitement leurs personnages et forcent le respect.</p>
<p>La péripétie principale tient à la découverte d'un penchant artistique chez Nour, quand il passe la tête dans un cours estival de chant lyrique là où il était censé repeindre un couloir dans son collège, et où l'on découvre une sorte de talent caché. La figure peut paraître un peu trop stéréotypée énoncée de la sorte mais son interaction avec la chanteuse-prof interprétée très justement par <strong>Judith Chemla </strong>lève toutes les appréhensions. On est clairement dans le pré carré des horizons qui s'ouvrent au sein d'une toile de fond baignant dans les problèmes familiaux, mais le film se garde bien de recourir au moindre misérabilisme. Il dépeint un microcosme de la débrouille, avec ce fameux climat de l'été et des grandes vacances de l'enfance, et cette évasion sous l'angle culturel (à grand renfort de son air d’opéra préféré, "Una furtiva lagrima", de <strong>Gaetano Donizetti</strong>, produisant un effet assez particulier dans ce contexte) brille par sa chaleur, son humour et sa tendresse qui coupent l'herbe sous le pied de tous les clichés.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mes_freres_et_moi/img2.jpg" title="img2.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mes_freres_et_moi/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mars 2024" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Mes-freres-et-moi-de-Yohan-Manca-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1363Djihadistes de père en fils (Kinder des Kalifats, Of Fathers and Sons), de Talal Derki (2017)urn:md5:0b1d6f85be942875f8ea62e45b7e9fc72024-02-29T12:10:00+01:002024-02-29T12:12:53+01:00RenaudCinémaAllemagneDjihadismeDocumentaireEducationEnfanceFamilleMortSalafismeSyrieTerrorisme <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/djihadistes_de_pere_en_fils/djihadistes_de_pere_en_fils.jpg" title="djihadistes_de_pere_en_fils.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/djihadistes_de_pere_en_fils/.djihadistes_de_pere_en_fils_m.jpg" alt="djihadistes_de_pere_en_fils.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Petite chronique familiale du salafisme djihadiste</strong></ins></span>
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<p>Toutes les cases du documentaire d'exception sont cochées : sujet en or, immersion absolue, travail de préparation conséquent, suivi au très long cours, peu de commentaires externes, et surtout, probablement le plus important sur des thématiques aussi extrêmes, une neutralité sans faille dans la captation du phénomène observé. Une question finalement assez simple que l'on peut se poser systématiquement à l'issue de visionnages de cet ordre pour en évaluer la pertinence de la retranscription : que penseraient du contenu les personnes filmées ou des personnes ayant des points de vue opposées vis-à-vis de la thématique ? J'ai l'intime conviction que tous les partis n'auraient rien à redire concernant les faits exposés dans <ins>Of Fathers and Sons</ins>, et c'est à mes yeux la marque d'un documentaire a minima digne de respect.</p>
<p>Cela étant posé dans un cadre le plus abstrait qui soit, il faut quand même maintenant aborder le vif du sujet, annoncé de manière très explicite par le titre français. <strong>Talal Derki</strong>, réalisateur kurde syrien exilé en Allemagne, est parvenu à retourner dans sa Syrie natale, gagner la confiance d'une famille de djihadistes salafistes (grâce à ses contacts et amis photographes locaux) appartenant au Front al-Nosra, et partager leur quotidien sur une durée proprement hallucinante, 330 jours répartis sur un peu plus de trois années après avoir pris le soin d'effacer son identité sur internet pour assurer sa sécurité. Il faut vraiment voir l'ampleur de l'horreur pour réaliser le danger d'une telle captation documentaire : c'est un univers dans lequel des gamins de même pas dix ans apprennent à caillasser les filles ne portant pas le hijab (avec l'assentiment enjoué des pères), à manipuler pistolets et AK-47, et à jouer en fabriquant de fausses mines antipersonnel (l'équivalent local et plus risqué du coca + mentos disons, où l'on peut perdre une jambe dans la manœuvre). Un monde désolé, délabré, uniquement fait de terrains vagues et d'habitations primaires, où l'on va tirer au sniper sur des infidèles pour s'amuser avec les copains un peu comme on jouerait aux jeux-vidéo. C'est presque banal, parfaitement naturel, et par contre glaçant au plus haut point.</p>
<p>À noter que <strong>Talal Derki </strong>a décidé de ne plus retourner en Syrie dans le cadre de ce projet le jour où il a appris qu'un djihadiste tunisien très dangereux cherchait à le rencontrer : deux mois plus tard, il se faisait tatouer le bras et percer une oreille pour sceller définitivement l'impossibilité de revenir auprès des fous furieux de dieu.</p>
<p>Les présentations avec la petite vie de famille seront des plus irréelles, à commencer par les noms donnés à la fratrie, choisi en hommage aux terroristes du 11 septembre 2001. L'une des premières séquences nous montre les gentils gamins du patriarche Abou Oussama jouer avec un joli petit moineau, "attention ne serre pas trop tu vas lui faire mal", c'est tout mignon. Une minute plus tard, le gamin revient : "Papa j'ai égorgé l'oiseau", ce à quoi il répond, tout guilleret, "Bon, c'est mieux ainsi que s'il était mort en jouant avec", et le frère de l'apprenti-bourreau âgé de 7-8 ans précisant "Oui papa, il l'a tué après lui avoir fait pencher la tête en avant, comme toi avec cet homme [que tu as décapité l'autre jour, entre le repas et la sieste, en substance]". Après quelques paroles dignes d'un cas psychiatrique aigu voyant la volonté de dieu derrière chaque caillou et chaque mise à mort, le paternel conclut avec sagesse : "il ne faut pas enfermer les oiseaux dans des cages. Si tu en vois un prisonnier, libère-le". Confusion au maximum.</p>
<p>Effroi total évidemment, dès lors que la référence à un acte sauvage extrême sort de la bouche de cet enfant même pas en âge de connaître ses tables de multiplication. Cette séquence un peu matricielle contient la structure qui fait toute la puissance de <ins>Djihadistes de père en fils</ins> (la distribution française s'est sentie obligée de rajouter une couche inutile dans le titre), à savoir cette alternance troublante, insoutenable et littéralement incroyable de moments abominables et de moments tendres. Des mômes qui jouent et qui se chamaillent comme dans n'importe quelle cour de récré, et juste après, qui vont balancer des gros cailloux sur les filles de leur âge sortant de l'école (dont ils ont été retirés par le père à cause de la mixité). Des moments poétiques où l'on voit des enfants lancer des ballons en l'air, propulsé par l'air chaud d'une flamme en leur centre, et des séquences d'endoctrinement théologique et militaire où les bambins sont en treillis, cagoulés, et subissent le plus brutal des lavages de cerveau. On égorge un bouc en famille en suivant un précepte religieux lambda, et on construit une piscine improvisée pour que les garçons puissent y jouer comme n'importe quels autres. Bref, un père aimant et une fratrie de 8 garçons (qui nourrissent un ennui profond), si l'on faisait abstraction de tout le reste — à commencer par l'absence radicale de femmes dans le champ de la caméra, l’agressivité omniprésente dans les rapports humains et le non-sens permanent des discours.</p>
<p>Tout le documentaire est concentré dans cette horreur double, cette transmission familiale pétrifiante, tandis qu'on assiste à la destruction de l'innocence des enfants ainsi qu'à la formation de futurs tueurs de métier dans le même mouvement. Le docu est particulièrement riche et diversifié en marge de cet aspect central, comme par exemple ce rapport à la mort et au martyr sur le thème "Pour chaque enfant tué, mille autres renaîtront" ressassé par le patriarche, ou encore ce groupe de jeunes soldats capturés dans les rangs de l'armée régulière, humiliés, dont le sort funeste ne laisse guère de doute. Ou encore le quotidien de Abou Oussama, sniper et démineur, tandis qu'il travaille au déminage d'un terrain accidenté. On le retrouvera quelques scènes plus tard, sonné, allongé sur un lit, le visage abîmé par de grosses balafres, les yeux et les mains égratignés... amputé du pied gauche suite à l'explosion d'une mine, heureux que ça ne soit pas tombé sur le droit. Il se tuera accidentellement en 2018 en retirant une bombe d'une voiture piégée, apprend-on en dehors du docu. Et avec en conclusion un micro-message d'espoir : si l'un des enfants est envoyé au combat à la fin du film, un autre retourne à l'école.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Djihadistes-de-pere-en-fils-de-Talal-Derki-2017#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1358Un temps pour vivre, un temps pour mourir (童年往事, Tóng nián wǎng shì), de Hou Hsiao-Hsien (1985)urn:md5:b49dac388b2cd4b7fa8f52ee7d178d772024-02-20T11:01:00+01:002024-02-20T12:56:04+01:00RenaudCinémaAdolescenceAutobiographieChineEnterrementExilFamilleHou Hsiao-HsienMortRécit d apprentissageTaïwan <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir/un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir.jpg" title="un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir/.un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir_m.jpg" alt="un_temps_pour_vivre_un_temps_pour_mourir.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Souvenirs d'une enfance taïwanaise</strong></ins></span>
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<p>Le cinéma taïwanais de la fin du XXe siècle est un terreau fertile qui laisse le champ libre à de nombreuses très belles découvertes, et c'est très souvent à mettre en corrélation avec l'histoire du pays qui s'écrivait en parallèle de la vie des différents cinéastes ayant contribué à l'édifice national. À mes yeux c'est <strong>Edward Yang </strong>qui illustre le plus fortement ce courant partagé entre l'autobiographie, quelque part entre souvenirs d'enfance et mélancolie, et le récit politique d'un territoire voué aux soubresauts historiques de par la nature complexe des relations qu'il entretient avec la Chine continentale. Des films comme <ins>A Brighter Summer Day</ins> (1991) et surtout <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Yi-Yi-d-Edward-Yang-2000">Yi Yi</a></ins> (2000) en sont probablement les exemples les plus marquants et les plus émouvants. Mais je découvre avec <ins>Un temps pour vivre, un temps pour mourir</ins> une autre facette de cette histoire cinématographique, récit à caractère autobiographique de <strong>Hou Hsiao-Hsien </strong>qui a grandi dans le quartier de Fengshan à Kaohsiung, un volet d'un récit d'apprentissage s'étendant sur la trilogie complétée par <ins>Un été chez grand-père</ins> (1984) et <ins>Poussières dans le vent</ins> (1986).</p>
<p>Ce film de <strong>Hou</strong>, dont le titre original signifie plutôt "souvenirs d'enfance" littéralement (transformé en un hommage maladroit à <strong>Douglas Sirk </strong>et à son <ins>Le Temps d'aimer et le Temps de mourir</ins>), est sorti au milieu des années 80, époque charnière à Taïwan, et embrasse une période allant de 1947 à 1965. Impossible de ne pas constamment relier le sort des personnages à l'histoire taïwanaise bousculée par le repli de Tchang Kaï-chek sur l'île, à la fin des années 40, et jusqu'à sa mort en 1975. L'époque du récit autant que l'époque de la production du film sont imprégnées de ces événements, puisque l'on suit une famille quittant à regret la Chine pour s'installer dans un village taïwanais — à l'origine de manière temporaire, comme en témoigne la pauvre qualité des matériaux de construction utilisés par la père qui espérait sincèrement retourner sur le continent dès que possible. Seule la constatation du Grand Bond en avant de Mao vu de loin les conforte dans l'idée de devoir rester à Taïwan.</p>
<p>Une chronique douce centrée sur le personnage de Ah-ha (alter ego de <strong>Hou </strong>très probablement), jeune garçon malicieux évoluant au gré d'une adolescence plutôt mouvementée en un jeune adulte bagarreur et plus renfermé. Un récit qui arbore la grande sobriété que l'on connaît aux réalisateurs taïwanais du même courant, explorant l'intérieur des foyers dans un style très pudique que ne renierait pas un <strong>Ozu</strong>, et qui pourra en éreinter certains de par sa focalisation sur un quotidien familial souvent très calme, avec des dialogues épurés et une voix off tout aussi réservée. La hauteur de regard est particulièrement adaptée pour capter les épisodes douloureux de l'enfance, toujours à la bonne distance, observant les membres de la famille mourir à petit feu, le père, la mère, puis la grand-mère.</p>
<p><ins>Un temps pour vivre, un temps pour mourir</ins> illustre très finement l'étau dans lequel la cellule familiale se retrouve un peu piégée, contrainte à l'exil mais heureuse d'avoir échappé aux événements en Chine. <strong>Hou </strong>raconte, avec le recul et avec beaucoup de délicatesse, un éloignement qu'il ne comprenait pas à l'époque et une prise de conscience progressive, comme un souvenir déformé qui chercherait à se reformer. Quelques moments-souvenirs semblent avoir marqué <strong>Hou </strong>plus profondément, comme le vol du sac de billes et de l'argent (volé lui aussi) qu'il avait enterrés près d'un arbre (et qui lui valut une belle engueulade de sa mère), sa grand-mère cherchant à retourner en Chine via un pont imaginaire à la faveur d'une maladie liée au vieillissement, ou encore le regard farouche de l'employé des pompes funèbres qui était venu s'occuper du corps de la grand-mère. Tous ces éléments forment un sillon thématique et émotionnel vraiment passionnant au creux du cinéma taïwanais.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-temps-pour-vivre-un-temps-pour-mourir-de-Hou-Hsiao-Hsien-1985#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1352Le Monde d'Apu (অপুর সংসার, Apur Sansar), de Satyajit Ray (1959)urn:md5:f8bdc8c36ce8358a79bebe28d94ad13d2024-02-05T09:35:00+01:002024-02-05T09:35:00+01:00RenaudCinémaCalcuttaDésespoirFamilleIndeMariageMortMélodrameSatyajit RaySouffranceTravail <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/monde_d_apu.jpg" title="monde_d_apu.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.monde_d_apu_m.jpg" alt="monde_d_apu.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Par-delà les souffrances</strong></ins></span>
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<p>La fin de la trilogie d'Apu fait suite à <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Complainte-du-sentier-de-Satyajit-Ray-1955">La Complainte du sentier</a></ins> (1955) et <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Invaincu-de-Satyajit-Ray-1956">L'Invaincu</a></ins> (1956), quelques années plus tard, et marque l'achèvement d'un portrait dense opéré en compagnie d'une multitude d'acteurs ayant prêté leurs traits aux différents âges du protagoniste. Dans ce dernier chapitre, c'est <strong>Soumitra Chatterjee </strong>qui interprète le rôle principal, lui qui avait été écarté du casting pour les films précédents car trop âgé — tout vient à point... — et qui représentera donc la partie la plus mature de la vie d'Apu. Une nouvelle étape marquée par de nombreuses thématiques communes aux autres volets (les malheurs familiaux et la mort, notamment) qui ancre la trajectoire dans le monde adulte au travers du mariage, bien qu'il s'agisse-là d'un mariage forcé pour les deux parties prenantes, quand bien même le degré de contrainte ne serait pas équivalent entre l'homme et la femme dans ce scénario.</p>
<p><ins>Le Monde d'Apu</ins> présente la figure désormais connue de ce personnage constamment balancé entre ses aspirations et la réalité de sa condition : jeune diplômé, armé de sa belle lettre de recommandation, il rêve de succès littéraire tout en échouant à trouver du travail. Interrompre ses études, se soumettre à la loi du travail (du chômage en l'occurrence), sa vie semble dictée par les injonctions pénibles. Alors qu'il passe son temps à jouer de la flûte et tenter d'écrire un roman autobiographique, son ami l'emmène au mariage de sa cousine et suite à un concours de circonstances assez drastique, voilà qu'Apu le simple invité revient de l'événement... lui-même marié à la jeune femme, Aparna (incroyable <strong>Sharmila Tagore</strong>), pour lui éviter un déshonneur — le prétendant a complètement vrillé et une croyance oblige la femme à se marier dans l'instant. Et la demi-heure centrale du film consacrée à leur apprivoisement mutuel est un régal, magnifiquement illustré par la délicate mise en scène de <strong>Satyajit Ray</strong>. Mais on s'en doute, il ne faudrait pas oublier qu'on est chez <strong>Ray</strong>, le bonheur sera de courte durée : après le temps de l'idylle enfin acquise, elle mourra en couches loin de lui. La dernière partie du film marquera donc un long cheminement, comme un retour à la vie, et une lourde mais salutaire acceptation.</p>
<p>La vie d'Apu racontée par <strong>Ray </strong>se termine ainsi sur un mouvement parfaitement conforme aux précédents, puisqu'une nouvelle fois il devra renoncer à ce qu'il chérissait le plus intensément. Le cadre et les références ont évolué, mais c'est encore une fois la mort tragique qui constituera les plus grandes épreuves, après la grand-mère, la mère, maintenant l'épouse. Le retour à Calcutta avec sa femme aura été éprouvant pour Apu, mais clairement la plus grande souffrance prendra son temps, au terme d'une énième adaptation, et en appelant encore une nouvelle. C'est un peu ça, l'épopée d'Apu : surmonter les frustrations, recomposer après les effondrements, persister malgré la souffrance, résister au désespoir. <ins>Le Monde d'Apu</ins> est tissé dans une atmosphère caractéristique du cinéma de <strong>Ray</strong>, un mélange de pessimisme froid et de sérénité acharnée qui finit toujours par réapparaître. Un peu comme le symbole du train qui surgit toujours, dans des interprétations différentes (ici au bord du suicide), chaque volet se termine par la découverte d'un nouveau chemin, par le mouvement au gré d'une nouvelle lancée — ici, le début d'une nouvelle histoire avec son fils. Après avoir semé les pages de son manuscrit au vent, après avoir sombré dans une profonde dépression (la musique de <strong>Ravi Shankar</strong>, accompagnement parfait), après avoir surmonté son amertume en arpentant des sentiers en forêt ou en bord de mer, il reprend la route.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/img5.jpg" title="img5.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/monde_d_apu/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Monde-d-Apu-de-Satyajit-Ray-1959#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1335L'Invaincu (অপরাজিত, Aparajito), de Satyajit Ray (1956)urn:md5:51d6b73f45c62bc9ebe62b4c55d20a762024-01-19T09:33:00+01:002024-01-19T09:53:37+01:00RenaudCinémaFamilleIndeMaladieMortRuralitéSatyajit RayVille <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/invaincu.jpg" title="invaincu.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.invaincu_m.jpg" alt="invaincu.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le tombeau des lucioles</strong></ins></span>
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<p>Ce deuxième film de la trilogie d'Apu réalisée par <strong>Satyajit Ray </strong>reprend exactement l'histoire du protagoniste là où on l'avait laissée à la fin de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Complainte-du-sentier-de-Satyajit-Ray-1955">La Complainte du sentier</a></ins> : Apu a désormais 10 ans (du moins durant la première partie du film, avant la grande ellipse qui le projettera dans les études à Calcutta), sa famille s'est installée en ville après les événements tragiques dans l'ancienne maison. Avec la même élégance de mise en scène et la même douceur de caméra, <ins>L'Invaincu</ins> observe dans un premier temps les habitudes de la famille, notamment le quotidien du père consistant à étudier des textes sacrés tout en se promenant sur les berges du Gange. Ce premier pan du récit sera brusquement interrompu par la maladie (suivie de la mort soudaine) de ce dernier, impulsant un nouveau mouvement, en sens inverse, puisque la mère Sarbajaya décidera de retourner s'installer à la campagne.</p>
<p>Même si la trilogie porte son nom il n'est pas tout à fait évident de déterminer si le personnage d'Apu est réellement le barycentre des événements et des sentiments. On peut quoi qu'il en soit concéder le poids des membres de sa famille dans son environnement, quand bien même chacun de ces membres n'aurait qu'un temps limité de présence — il faut dire que la mort frappe régulièrement dans ce coin de l'Inde. En marge de l'évolution d'Apu, de ses études, de son émancipation, la figure de la mère est ici omniprésente et <strong>Ray </strong>marquera fortement le parallèle existant entre la réussite (Apu décroche une bourse, il repart en ville pour étudier, il commence à développer une certaine autonomie) et le chagrin (Sarbajaya souffrira particulièrement de l'éloignement de son fils). Et on sait comment se finissent les tragédies familiales chez le cinéaste indien...</p>
<p>La forme très épurée de ce conte lui permet d'accéder à une forme d'universalité tout en conservant nombre de particularités idiosyncratiques, parmi lesquels je citerais en premier lieu la présence marquante des trains, de leurs allers-retours, et du symbole de changement de vie qu'ils contiennent. Quelques effets simples sont d'une beauté insoupçonnée, comme l'ellipse transformant Apu enfant en un adolescent simplement en se concentrant sur une lampe, un soir de lecture. La relation mère-fils étonne aussi, avec toute la délicatesse diffusée pour aborder cette relation d'amour mais aussi toute la dureté du dernier mouvement partagé entre émancipation et égoïsme. <strong>Ray </strong>se garde bien de juger son personnage principal, malgré toute l'émotion qui peut jaillir autour de celui de la mère, dont l'affliction est rendue tout à fait intelligible sans recourir au pathos. Et il propose deux séquences d'un éclat noir sidérant, deux symboles funèbres dont l'effet est saisissant, un dernier souffle paternel marqué par la soudaine envolée d'oiseaux et l'image d'une disparition maternelle s'effaçant dans la nuit éclairée de lucioles.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/img5.jpg" title="img5.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/invaincu/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Invaincu-de-Satyajit-Ray-1956#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1333Deux, de Filippo Meneghetti (2020)urn:md5:dc07a37f3a8b1fceb9f072a74cc072f52024-01-17T10:06:00+01:002024-01-17T10:06:00+01:00RenaudCinémaAmourBarbara SukowaCambriolageFamilleHomosexualitéLéa DruckerMartine Chevallier <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/deux.jpg" title="deux.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/.deux_m.jpg" alt="deux.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Barbara, une femme allemande</strong></ins></span>
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<p>Première chose qui frappe et qui intrigue fortement : la présence de Barbara Sukowa, du haut de sa soixantaine avancée et magnifique, dans un rôle dont l'émancipation chevillée au corps mais menacée forme un écho très lointain mais tout aussi tenace avec son rôle dans <ins>Lola, une femme allemande</ins>, il y a près de quarante ans chez <strong>Fassbinder</strong>. L'expérience est vraiment troublante, même si le (premier) film du réalisateur italien <strong>Filippo Meneghetti </strong>n'a pas du tout la même portée et les mêmes enjeux. Tout dans <ins>Deux</ins> est en réalité porté par le duo d'actrices principales, incluant <strong>Martine Chevallier</strong>, et dans la nature de leur relation amoureuse, à la fois intense, sincère, hésitante, et instable par nature puisque la famille de cette dernière n'est pas au courant.</p>
<p>Il y aurait beaucoup à redire sur les maladresses du film, sur la pauvreté de certains dialogues, sur la faiblesse d'écriture de certains personnages secondaires (l'aide-soignante et la fille surtout, encore que le personnage de <strong>Léa Drucker </strong>est doté d'un beau potentiel pas vraiment exploité), sur certains effets de manche pas hyper constructifs (le cambriolage final annoncé une scène plus tôt, par exemple). Mais les scénaristes sont parvenus à esquisser une relation sentimentale dont on ignore tout le passif mais qui s'établit naturellement, dans sa passion comme dans ses contraintes. Et la configuration, très crédible, de ces deux femmes qui ne sont que deux voisines pour le reste du monde, est le terreau fertile pour le développement d'une situation éminemment compliquée lorsque l'une d'entre elles fait un AVC et perd une partie de ses capacités. Cette sensation de tragique est très bien amenée, et renforcée par quelques scènes percutantes comme celle où la caméra se concentre sur les yeux de <strong>Chevallier </strong>qui alterne entre les deux interlocutrices (sans que ces dernières ne la regardent), prisonniers d'un corps presque immobile.</p>
<p>La pudeur de la mise en scène est particulièrement appréciable, tout comme le jeu avec les deux appartements et les doubles vies en toile de fond. Le mélange de complicité presque enfantine, d'attachement puissant, de souffrance soudaine, est très réussi et donne à la scène finale, danse intime sur fond de <strong>Betty Curtis </strong>(Sul Mio Carro) au milieu de l'appartement retourné, une certaine force. Point de chute d'une dernière partie construite autour d'un suspense grandissant et d'un coming out à demi-raté assez bien gérés.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/deux/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Deux-de-Filippo-Meneghetti-2020#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1331Printemps précoce (早春, Sōshun), de Yasujirō Ozu (1956)urn:md5:42116c398978fe0d160771742305fc532023-12-20T12:21:00+01:002023-12-20T12:21:00+01:00RenaudCinémaChikage AwashimaCoupleFamilleInfidélitéJaponKeiko KishiMensongeRumeurRyō IkebeYasujirō Ozu <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/printemps_precoce.jpg" title="printemps_precoce.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.printemps_precoce_m.jpg" alt="printemps_precoce.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Adultère et renouveau amoureux</strong></ins></span>
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<p>C'est la première (dans mon expérience en tous cas) et probablement l'unique fois que <strong>Ozu </strong>aborde le thème de l'infidélité dans un film, conférant de facto à <ins>Printemps précoce</ins> un parfum singulier, en rupture avec les thématiques qu'il aura invariablement creusées au fil de sa carrière. Pour l'un de ses derniers films en noir et blanc, il délaisse totalement la toile de fond de la famille japonaise qui a fait sa réputation (les conflits larvés entre générations cohabitant dans un même espace, pour le dire très succinctement) et dédie l'ensemble de cette réalisation à un double portrait, celui de la condition des cadres qu'il dépeint comme prisonniers de leur bureau et celui du couple qui bat de l'aile. Autant dire qu'on a déjà connu des films plus joyeux même si tout n'est pas absolument démoralisant ici.</p>
<p>La situation initiale est posée très vite : il y a Shoji (<strong>Ryō Ikebe</strong>), un jeune employé dans une grande entreprise spécialisée dans la fabrication de briques, qui passe une grande partie de son temps dans les bars, avec ses amis et collègues entre bureau et maison, pour oublier son spleen de col blanc ; et il y a Masako, son épouse, magnifique <strong>Chikage Awashima</strong>, passant le plus clair de son temps à l'attendre et à s'occuper du foyer en bonne fée du logis, reflet de son époque. On apprend qu'ils souffrent d'avoir perdu un enfant en bas âge. En revanche, pour ce qui est de la péripétie venant malmener la routine de ce quotidien, il faudra attendre longtemps et <strong>Ozu </strong>saura longuement travailler notre patience... Mais l'aventure que Shoji aura avec sa collègue Chiyo, sous les traits de <strong>Keiko Kishi</strong>, sera très joliment amenée et déclenchera la seconde et très intéressante partie du film, avec la rumeur se propageant dans les rangs des employés et l'avènement des soupçons chez sa femme dont la crédulité est mise à rude épreuve.</p>
<p>Dans cette zone de flottement, après avoir pris le soin de dépeindre la routine du quotidien et l'absence de débouchés, <ins>Printemps précoce</ins> prend son envol avec l'élan libertaire initié par le comportement de Chiyo. Un personnage étonnant dans la filmographie du réalisateur, très extravertie, sanguine et libre-penseuse. Elle nous gratifie d'ailleurs d'une des très rares scènes de baiser amoureux chez <strong>Ozu </strong>— à vrai dire je ne suis pas sûr qu'il en existe une autre — produisant un dérèglement majeur, le mensonge et le compromis de trop que l'épouse ne peut tolérer et ce malgré les appels de la voisine à relativiser sur le thème "le mien aussi il a déconné, ça arrive, je lui ai remonté les bretelles et on s'en est remis depuis". L'occasion pour la femme de confesser, un peu tristement, "après tout, ce monde est fait pour les hommes". Sur une thématique proche de celle développée dans <ins>Le Goût du riz au thé vert</ins> (davantage tourné vers le délitement du couple), <strong>Ozu </strong>capte le vacillement, le doute qui s'installe chez un homme perdu dans la monotonie se réveillant soudain entre deux femmes, l'épouse incrédule et l'amante passionnée.</p>
<p>Tout dans <ins>Printemps précoce</ins> converge vers ce moment final, retrouvailles chargées en émotions dont le contenu conserve une bonne part d'ambivalence. Magnifiques dernières minutes minimalistes, les deux se retrouvant dans une petite ville perdue loin de tout suite à la mutation du mari, échangeant quelques mots, sans se toucher, qui nous laissent sur un sentiment d'incertitude à la fois amer et radieux.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/img2.jpg" title="img2.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/img3.jpg" title="img3.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/img4.jpg" title="img4.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/img5.jpg" title="img5.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/printemps_precoce/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Printemps-precoce-de-Yasujiro-Ozu-1956#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1307