Je m'attarde - Mot-clé - Gangster le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearL'Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin), de Richard Fleischer (1952)urn:md5:5d05b42c5a8bd6196fec70235fa625472024-02-12T10:25:00+01:002024-02-12T10:30:01+01:00RenaudCinémaAssassinatCharles McGrawChicagoFilm noirGangsterHuis closJacqueline WhiteLos AngelesMafiaMarie WindsorRichard FleischerSérie BTrainTémoignage <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/enigme_du_chicago_express.jpg" title="enigme_du_chicago_express.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.enigme_du_chicago_express_m.jpg" alt="enigme_du_chicago_express.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"This train wasn't designed for my tonnage. Nobody loves a fat man except his grocer and his tailor!"</strong></ins></span>
</div>
<p>Il est à la fois curieux et intéressant de voir <strong>Richard Fleischer </strong>investir le registre du film noir de série B au cours du premier temps de sa filmographie (et ce après [enfin, plutôt avant, du point de vue de la chronologie] le classicisme de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Genie-du-mal-de-Richard-Fleischer-1959">Le Génie du mal</a></ins>), au début des années 50, longtemps avant l'établissement d'une renommée internationale. Le qualificatif de cinéma bis vient assez naturellement en regardant <ins>L'Énigme du Chicago Express</ins>, étant données la concision du scénario et l'absence de grosses célébrités dans la distribution, mais il ne faudrait pas l'entendre au sens d'une quelconque faiblesse qualitative : le film est efficace, laconique dans ses effets mais habile dans les ressorts de mise en scène qu'il parvient malgré tout à déployer, tout en ménageant une tension constante et une remarquable absence de temps mort.</p>
<p>90% du film se déroulera à bord d'un train. On pourrait même dire dans une voiture-bar, deux wagons-lits, et trois couloirs... Deux agents fédéraux ont la responsabilité d'escorter la veuve d'un grand gangster récemment assassiné, cette dernière étant appelée à témoigner contre la mafia. Dès la cinquième minute, l'un des deux meurt — probablement une autre contrainte budgétaire liée à un tournage sur 13 jours seulement — et le reste ne sera que voyage ferroviaire entre Chicago et Los Angeles avec une petite nuée de malfrats à la recherche de la femme dont ils ignorent l'apparence physique. On est en droit de se demander en quoi la mise à leur disposition d'une photo pour les guider était si problématique, mais ce n'est qu'un détail au sein de toutes les limitations dans l'écriture d'une telle série B. Le plus important, c'est le périple du flic devant assurer la sécurité d'une personne dans ce huis clos particulièrement hostile qui comporte une quantité infinie de recoins, de zones d'ombre et de faux-semblants.</p>
<p>Dans le rôle principal c'est <strong>Charles McGraw </strong>qui s'y colle, nerveux, plutôt réservé, mais assez convaincant avec ses faux airs de <strong>Kirk Douglas</strong>, collant parfaitement à la sécheresse absolue de l'ambiance. 1h10 de suspense condensé, avec le souci évident de maintenir une tension permanente dans ces lieux exigus qui obligent à se montrer un minimum inventif (l'utilisation des vitres notamment). Cela passe autant par des moments comiques (la répétition de la problématique du croisement dans les couloirs étroits lorsqu'on croise le chemin d'un gars particulièrement obèse, ce qui donne un sens supplémentaire au titre original, <ins>The Narrow Margin</ins>) que par des séquences de confrontation dans des cadres surchargés de détails et de mobiliers. En parallèle d'un questionnement existentiel sur la probité du protagoniste (à peine effleuré), une dualité féminine entre la brune <strong>Marie Windsor</strong> (comme une cousine de <strong>Ida Lupino</strong>) et la blonde <strong>Jacqueline White</strong>, à l'origine d'un twist final assez surprenant. Tout aussi surprenant, sinon plus, j'avoue ne pas avoir compris pourquoi l'assassinat d'un personnage aussi important provoque aussi peu de remous vers la fin, comme si tout le monde s'en foutait de sa mort après la révélation sur l'identité d'un autre. C'est en tous cas le point de chute d'une histoire qui aura multiplié la mise en évidence d'erreurs tragicomiques, d'abord avec la mort un peu bête du partenaire du héros dans les premiers instants, puis avec une policière qui aura payé de sa vie l'évaluation de l'intégrité d'un collègue, et enfin avec la personne dont l'identité était dissimulée qui s'en sortait très bien toute seule jusqu'à sa rencontre fortuite avec le protagoniste (non sans menaces involontairement propagées).</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img4.png" title="img4.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img4_m.png" alt="img4.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Enigme-du-Chicago-Express-de-Richard-Fleischer-1952#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1345Racket - Du sang sur la Tamise (The Long Good Friday), de John Mackenzie (1980)urn:md5:ad396948bbae2d96efdb46360c01db692023-09-18T13:45:00+02:002023-09-18T13:45:00+02:00RenaudCinémaAngleterreAngoisseAssassinatBob HoskinsEddie ConstantineGangsterHelen MirrenImmobilierIRAMafiaMargaret ThatcherPeurPierce BrosnanRoyaume-Uni <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.racket_du_sang_sur_la_tamise_m.jpg" alt="racket_du_sang_sur_la_tamise.jpg, août 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"The Yanks love snobbery. They really feel they've arrived in England if the upper class treats 'em like shit."</strong></ins></span>
</div>
<p>Pour sa première apparition au cinéma en tant que personnage principal, <strong>Bob Hoskins </strong>est presque de tous les plans dans ce film de gangsters anglais, un film qui d'ailleurs jouit d'une très grande notoriété dans les sphères anglo-saxonnes mais qui reste étonnamment confidentiel en dehors de ces frontières. L'idée a priori de le voir cabotiner à l'extrême dans la peau de ce qu'on pouvait imaginer comme un mafieux à la <strong>Joe Pesci </strong>chez <strong>Scorsese </strong>n'était pas follement engageante, mais sa prestation dans <ins>The Long Good Friday</ins> relève in fine de la performance aussi appréciable qu'inattendue. Et le fait que cela fonctionne si bien est également à relier au travail de <strong>John Mackenzie</strong> qui a su créer tout autour de lui un décor prenant, crédible, dénué de manichéisme, pris dans un étau qui augmente progressivement son serrage.</p>
<p>Le contexte historique dans lequel s'inscrit cette histoire de gangsters est assez intéressante vu d'aujourd'hui, au tout début des années 80 britanniques, car c'est à l'orée de la thatchérisation que se déploient les magouilles de <strong>Hoskins </strong>aka Harold Shand qui s'apprête à signer le contrat d'un juteux marché immobilier en lien avec la mafia outre-Atlantique et son homologue interprété par <strong>Eddie Constantine</strong>. On comprend que les affaires tournent bien et l'ont fait prospérer confortablement au cours des années passées... jusqu'à ce qu'une série d'incidents commence à faire trembler les murs de cette tranquillité.</p>
<p>Et dans la retranscription de l'état d'esprit du protagoniste qui voit la menace apparaître, se confirmer, se préciser, sans parvenir à l'identifier formellement, le film excelle. On ne comprend pas vraiment ce qu'il se joue dans la séquence d'introduction, et pourtant c'est elle qui scellera le destin d'à peu près tous les personnages, explicité dans les derniers moments du film au cours d'une séquence tragique sur un bateau. Ça commence par l'assassinat de sa mère, ça continue avec l'explosion d'une bombe dans le restaurant où il devait recevoir son associé, et ça persévère avec la mort d'un de ses hommes de main à coups de couteau. Si c'est l'hypothèse d'une guerre des gangs qui prime initialement, dans l'optique d'un sabotage, l'apparition de l'IRA dans les inimitiés change radicalement la donne.</p>
<p><ins>Racket - Du sang sur la Tamise</ins> tire son épingle du jeu et son point de singularité en concentrant son attention non pas sur les attentats matérialisant la guerre entre deux factions mais sur l'impact que cette situation a sur le personnage de <strong>Bob Hoskins</strong>, d'abord serein et peu inquiet, puis peu à peu préoccupé par ce qui se trame avant de sombrer dans une angoisse accablante, ne sachant pas dans quelle direction riposter. L'acteur parvient à trouver un équilibre appréciable dans ce rôle casse-gueule par définition où on a tôt fait de verser dans tous les excès, aidé en cela par sa femme sous les traits de <strong>Helen Mirren</strong>, excellente dans le contrepoids féminin qu'elle offre, sensé et mesuré, mais aussi dans la souffrance qu'elle subit et qui en miroir rappelle à <strong>Hoskins </strong>à quel point il est en train de péter les plombs — très belle scène de dispute révélant les angoisses du couple.</p>
<p>Finalement, on ne saura que très peu de choses sur cette organisation qui s'en prend à Harold Shand. Tout juste apercevra-t-on le visage du jeune <strong>Pierce Brosnan</strong>, côté IRA, aux traits juvéniles pas encore tout à fait dégrossi, pour sa première apparition au cinéma. Il flotte dans l'air une menace sourde, rappelant les polars anglais comme <ins>La Loi du milieu</ins> dans lequel <strong>Michael Caine </strong>aurait été remplacé par une version contemporaine de <strong>James Cagney</strong>, tout en nervosité. Le film aura su distribuer ses séquences mémorables avec parcimonie, comme l'interrogatoire violent au gros couteau, la réunion de suspects dans un abattoir suspendus à des crocs de boucher, un coup de tesson de bouteille asséné directement à la gorge, ou encore cette ultime séquence via un long contrechamp sur le visage très signifiant de <strong>Hoskins</strong>.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, août 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Racket-Du-sang-sur-la-Tamise-de-John-Mackenzie-1980#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1228Quartier violent (暴力街, Bōryoku gai), de Hideo Gosha (1974)urn:md5:678145df0db5ec3aaa162b18c6f486bd2023-09-06T09:30:00+02:002023-09-06T08:31:59+02:00RenaudCinémaEnlèvementErotismeFlamencoGangsterHideo GoshaJaponTokyoYakuza <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quartier_violent/.quartier_violent_m.jpg" alt="quartier_violent.jpg, août 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Guerre des gangs et loyauté à l'épreuve des conflits<br /></strong></ins></span></div>
<p>Encore une surprise chez <strong>Hideo Gosha </strong>dont je découvre la facette yakuza-eiga, prenant ses distances de manière notable avec le registre du chanbara — l'unique registre que je lui connaissais jusque-là. Le bonhomme a tourné pendant encore une vingtaine d'années après <ins>Quartier violent</ins>, donc on peut penser qu'on n'est pas au bout de nos surprises... Et dans cette direction, comment ne pas être estomaqué par le réalisateur de <ins>Le Sabre de la bête</ins> ou encore <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Sang-du-damne-de-Hideo-Gosha-1966">Le Sang du damné</a></ins> pour le registre du film noir, qui s'aventure ici sur les terres de <strong>Kinji Fukasaku </strong>ou <strong>Seijun Suzuki</strong> !</p>
<p>Les références me paraissent incontournables dans l'utilisation de la couleur et dans le recours à cette hystérie survoltée, même si <strong>Gosha </strong>apporte quelque chose de nouveau au-delà des liens apparents. Ne serait-ce que l'introduction, dans une boîte nommée Madrid, avec un spectacle de flamenco pour poser le cadre d'une guerre des gangs à venir dans un quartier chaud de Tokyo. Dès lors qu'un enlèvement par un gang d'une starlette protégée par un autre gang tourne mal, c'est le déclenchement des hostilités : la guerre des gangs est lancée, et le film va partir dans tous les sens, un peu en roue libre.</p>
<p>La couleur met en lumière le caractère approximatif de nombreux aspects, qui étaient bien dissimulés dans le noir et blanc des chanbaras, et cette approximation semble étrangement s'étendre au scénario qui n'en finit pas de lancer des malfrats contre d'autres malfrats au point qu'on finit par ne plus trop savoir qui est à l'origine de quoi. Le kidnapping tourne mal et le chaos se déverse à tous les niveaux, non sans une certaine analogie entre yakuzas et samouraïs — la notion de loyauté et de respect d'un code à géométrie variable. Tout ça n'empêche pas le film d'être un peu brouillon dans les nombreuses bastons, que ce soit au niveau de leur déclenchement autant que de leur déroulement. Dans ce vacarme je n'ai même pas reconnu <strong>Isao Natsuyagi</strong>, l'ancien Kiba.</p>
<p>À la violence permanente des échanges, faisant tout de même intervenir des poulaillers et des mannequins de cire, répond un érotisme plus ou moins latent (<strong>Suzuki </strong>en embuscade, ici aussi) et une manipulation d'arrivistes businessmen avant tout. Les derniers plans, un peu faciles mais avec une apparition hors du commun de <strong>Bunta Sugawara</strong>, montrent clairement le respect de <strong>Gosha </strong>pour les yakuzas à l'ancienne, avec un code d'honneur et un respect au-delà des inimitiés.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quartier_violent/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quartier_violent/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quartier_violent/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, août 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Quartier-violent-de-Hideo-Gosha-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1221Le Sang du damné, de Hideo Gosha (1966)urn:md5:ac961ccb1c1fddb17ed525ae7c4653ed2022-12-20T15:07:00+01:002022-12-20T15:31:11+01:00RenaudCinémaAccidentArgentAssassinatFilm noirGangsterHideo GoshaJaponMeurtrePrisonTatsuya Nakadai <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.sang_du_damne_m.jpg" alt="sang_du_damne.jpg, nov. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Noir nippon</strong></ins></span>
</div>
<p>Un peu décevant ce <strong>Gosha</strong>, qui a la différence d'autres de ses grands films comme <ins>Le Sabre de la bête</ins>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Trois-Samourais-hors-la-loi-de-Hideo-Gosha-1964"><ins>Les Trois Samouraïs hors-la-loi</ins></a> ou encore <ins>Goyokin, l'or du shogun</ins>, ne prend pas pour cadre le chanbara mais lorgne très clairement et très fortement du côté du film noir, avec des influences américaines notables. J'aimerais bien un jour recenser tous ces films japonais de l'âge très classique (la décennie 1960 grosso modo) qui arborent des attributs hérités de l'autre côté de la production planétaire : comme chez <strong>Imamura </strong>(en pensant à <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cochons-et-Cuirasses-de-Shohei-Imamura-1961"><ins>Cochons et cuirassés</ins></a>), cela passe notamment à travers le recours à une musique jazzy qui sonne presque faux — ou du moins qui détonne dans cet environnement. Presque. C'est drôle de voir les protagonistes évoluer dans des lieux très connus, la salle de boxe, la boîte de strip-tease, l'embarcadère de port, la casse, avec une petite particularité ici tout de même : une centrale électrique et une station d'épuration, la touche bonus en matière de monde en perdition que doit traverser un homme à sa sortie de prison chargé de tuer trois personnes pour de l'argent.</p>
<p>Et ce pauvre damné, qui traîne son sort comme un boulet (il a tué par accident un homme et sa fille, laissant une veuve), c'est <strong>Tatsuya Nakadai </strong>: autant dire qu'il aide beaucoup le film et fait office de contrepoids à un scénario parfois vraiment très lourd. Autant on peut apprécier la diversité des lieux quand bien même ce serait des passages obligés du genre, autant on peut regretter plusieurs aspects de cette histoire. Il y a un côté répétitif dans l'exécution de la basse besogne, avec à chaque fois le héros qui arrive trop tard et récupère une victime (celle qu'il devait tuer, précisément) dans ses derniers instants de vie lui indiquant la marche à suivre pour son enquête. Ça en devient vraiment mécanique et très peu immersif, alors que l'autre piste, celle des deux malfrats hongkongais qui semblent animés par un intérêt voisin, est pleine de promesses. Le fait qu'ils fassent le sale boulot à sa place est une disposition qui aurait pu être bien plus fertile il me semble.</p>
<p>Au final, <strong>Nakadai </strong>est pris dans un engrenage qui lui fait perdre la foi pour ce sale boulot et lui donne envie de comprendre la mécanique à l'œuvre et les intérêts partisans derrière tout ce bazar sanglant. Une imagerie du gangster japonais bien loin des codes nationaux de l'époque comme chez <strong>Fukasaku </strong>ou <strong>Suzuki</strong> par exemple, travaillant une fibre esthétique très classieuse et arborant une sorte de quête rédemptrice au milieu d'un univers vérolé par l'avidité. Au terme du voyage particulièrement tragique, il aura en un sens regagné sa dignité, même si la mélancolie n'atteint pas les sommets escomptés. La figure de la gamine devenue orpheline, aussi, est un supplément « mignon gratuit » qui est un peu trop indigeste, un supplément de sentimentalisme dont on se serait en tout état de cause bien passé.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sang_du_damne/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Sang-du-damne-de-Hideo-Gosha-1966#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1090Les Nuits de Chicago, de Josef von Sternberg (1927)urn:md5:64caa57cd48f67e3c5613674d32a09b52022-10-17T11:32:00+02:002022-10-17T11:32:00+02:00RenaudCinémaExpressionnismeGangsterJosef von SternbergRomanceTriangle amoureux <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nuits_de_chicago/.nuits_de_chicago_m.jpg" alt="nuits_de_chicago.jpg, sept. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>''How long since you had the body washed and polished?''<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Si l'on en croit les historiens du cinéma, <ins>Underworld</ins> est non seulement un des premiers films réalisés par <strong>Josef von Sternberg </strong>mais aussi et surtout une œuvre matricielle du registre du film de gangster. Et il est très intéressant de constater que c'est un cinéaste austro-américain qui pose les jalons d'un style typiquement américain, qui se poursuivra chez <strong>Walsh</strong>, <strong>Hawks</strong>, <strong>Curtiz</strong>, <strong>Leroy</strong>, <strong>Wellman</strong>, <strong>Scorsese</strong>, <strong>Coppola</strong>, <strong>De Palma</strong>, etc. <strong>Sternberg </strong>incorpore dans ce film focalisé sur des criminels (des anti-héros, donc, chose assez rare à l'époque) des éléments divers : un peu de réalisme (notamment dans les séquences d'action qui voient des façades défigurées), pas mal d'expressionnisme allemand (les découpages des figures dans le cadre, les jeux de lumière omniprésents), et le tout lié par du sentimentalisme mélodramatique 100% états-unien. Très beau mélange pour une expérimentation de la fin des années 1920.</p>
<p>La caractérisation des personnages est très habile et séduisante, étonnamment mature pour son temps. Les gros méchants que sont Bull Weed et Buck Mulligan sont remarquablement interprétés par des acteurs américains avec des tronches patibulaires au poil — <strong>George Bancroft</strong>, excellent. Le petit minois de <strong>Evelyn Brent </strong>fonctionne à plein régime également, mais c'est du côté du plus gentil des méchants, l'avocat alcoolo ruiné, que l'interprétation se fait la plus faible avec <strong>Clive Brook </strong>dans le rôle de "Rolls Royce" Wensel. Pourtant, quand Feathers lui avance "How long since you had the body washed and polished?", il est censé fondre littéralement... Un personnage un peu trop terne pour cette figure d'épave qui reprendra vigueur auprès des deux lascars.</p>
<p>La dose de romance tourne autour d'un triangle amoureux élégant, classique mais efficace, mis en avant à l'aide de la mise en scène et la photographie toujours aussi impeccables de <strong>Sternberg </strong>— la petite plume qui se détache du manteau de la belle et qui finit aux pieds du protagoniste, Bull traqué par la police qui prend le temps de tremper son doigt dans une bouteille de lait pour cajoler un chaton. Le sursaut de conscience final est bien sûr un peu exagéré, en tous cas d'une rapidité quelque peu incohérente, mais on gardera plutôt en mémoire la scène de bal (festival de serpentins) et tous les codes avant-gardistes du film de gangster énoncés méthodiquement.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nuits_de_chicago/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nuits_de_chicago/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nuits_de_chicago/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Nuits-de-Chicago-de-Josef-von-Sternberg-1927#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1073Cochons et Cuirassés, de Shōhei Imamura (1961)urn:md5:2cfb08df4091824e704dc44b2311959f2021-06-07T16:09:00+02:002021-06-07T16:09:00+02:00RenaudCinémaCochonGangsterJaponMilitaireProstitutionSatireShōhei ImamuraYakuza <div id="centrage"> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.cochons_et_cuirasses_1_m.jpg" alt="cochons_et_cuirasses_1.jpg, mai 2021" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.cochons_et_cuirasses_2_m.jpg" alt="cochons_et_cuirasses_2.jpg, mai 2021" /></div>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Des porcs et du chaos<br /></strong></ins></span></div>
<p><ins>Cochons et Cuirassés</ins> : rien que le titre, tout un programme... Fidèle au titre original qui plus est. Le décor est planté dès l'introduction, avec une caméra se faufilant le long d'une rue d'une ville proche de Tokyo dans laquelle l'armée américaine est installée. Dans l'après-guerre, on y croise autant de GIs provenant de la base navale que de prostituées et de gangsters. <strong>Imamura </strong>n'y va pas par quatre chemins pour montrer l'état de décadence qui y règne, avec toutes les parties essayant de profiter de la situation : les Américains distribuent les dollars pour s'octroyer les faveurs des femmes locales et les Japonais trouvent le moyen de faire fructifier cette corruption généralisée. À tel point que les yakuzas se reconvertissent du marché de la prostitution vers celui des cochons — nourris à l'aide des déchets des bases américaines locales : la métaphore enfle vite.</p>
<p>Au milieu de tout ça, <strong>Imamura </strong>cristallise son regard sur un couple de jeunes amoureux, Kinta et Haruko, qui tente de se débrouiller dans cet univers largement chaotique, au sein d'une dynamique constituée d'espoirs maintes fois déçus et renouvelés. Dans cette ville transformée en un bordel géant, la corruption des uns et la position d'occupant des autres forment un magma hétéroclite, un portrait extrêmement provocateur du Japon d'après-guerre prisonnier d'une absurdité galopante. L'avilissement des Japonais est partout, prêts à tout pour obtenir les faveurs de n'importe qui et n'importe quoi dans ce chaos insoutenable — l'apogée de ce chaos étant peut-être localisé dans la séquence où Haruko subit les violences sexuelles de plusieurs soldats américains, avec le mouvement tourbillonnant de la caméra en plongée depuis le plafond faisant office d'ellipse dans l'horreur.</p>
<p>Tout va (plus ou moins subtilement) crescendo, le chaos, l'absurdité, la folie, l'horreur. Parmi les derniers temps forts, la folie de Kinta s'engageant dans une folie meurtrière suite à une énième vexation, ultime tentative d'en faire un bouc-émissaire, le lâcher massif de cochons dans les ruelles de la ville se propageant comme une nuée maléfique, ou encore le caractère cyclique des péripéties déjà bien entamées avec l'arrivée de nouveaux GIs et de nouvelles prostituées. C'est cru, âpre, gouverné par un tissu dense de pulsions diverses, comme un gros pavé dans la marre de la société japonaise qu'<strong>Imamura</strong> aurait préparé depuis longtemps — lui qui avait détesté et pris comme un affront les félicitations du Ministère de l'Éducation pour son film précédent, <ins>Mon deuxième frère</ins>.</p>
<p>On n'a aucun mal à comprendre le sentiment qui a dû être le sien, suite à l'approbation de l'institution pour une œuvre de commande, lorsqu'on voit la vision qu'il produit avec toutes les libertés voulues. Une gigantesque (au sens également géographique du terme) métaphore calquée sur une chaîne d'alimentation pervertie de toutes parts. Du point de vue du couple protagoniste, avec d'un côté la prostitution organisée par la famille et de l'autre la mafia qui attire dans son sillon tous les pauvres marginaux attirés par les promesses de lendemains meilleurs, la satire laisse peu de place à l'espoir.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.bordel_m.jpg" alt="bordel.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.trio_m.jpg" alt="trio.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.musique_m.jpg" alt="musique.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.plafond_m.jpg" alt="plafond.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cochons_et_cuirasses/.ruelle_m.jpg" alt="ruelle.jpg, mai 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cochons-et-Cuirasses-de-Shohei-Imamura-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/966Satan (The Penalty), de Wallace Worsley (1920)urn:md5:2e958d5b852d15af69d11a255b1487362021-05-14T15:48:00+02:002021-05-14T14:58:52+02:00RenaudCinémaChirurgieCinéma muetGangsterLon ChaneyThriller <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/satan/.satan_m.jpg" alt="satan.jpg, mai 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Laughter burns a cripple like acid."<br /></strong></ins></span></div>
<p>La filmographie de <strong>Lon Chaney</strong>, le long d'une trajectoire s'étalant à travers les années 1910 et 1920, avec la consécration du biopic <ins>L'Homme aux mille visages</ins> de <strong>Joseph Pevney </strong>retraçant sa carrière en 1957, semble structurer de manière solide tout un pan du cinéma muet tourné vers le thriller et le difforme. Dans <ins>Satan</ins> (The Penalty) il établit avec force et effroi un rôle qui caractérise son style avec vigueur, quelque part entre l'interprétation très physique et la manifestation d'une âme diabolique. Dans le prolongement de <ins>The Miracle Man</ins>, il incarne un homme devenu très jeune cul-de-jatte suite à l'inexpérience d'un chirurgien qui l'amputa par erreur des deux jambes (rien que ça), suscitant un choc psychologique tel que sa folie le propulsera au sommet de la pyramide de la pègre locale.</p>
<p>Bon, le scénario comporte quelques zones d'écriture assez grotesques vues d'aujourd'hui, mais à l'échelle du cinéma muet <strong>Chaney </strong>parvient à composer un rôle de méchant terrifiant et convaincant, le fameux criminel se faisant appeler Blizzard. Un cerveau malfaisant qui rivalise d'ingéniosité pour tisser les mailles d'un réseau de gangsters, comme un avant-consistant de celui qui entourera les différents épisodes du diabolique docteur Mabuse chez <strong>Fritz Lang </strong>dans les années 20, 30 et 60. Son dossier est quand même très chargé : non seulement il se fait amputer des membres inférieurs pa erreur à l'adolescence, mais en plus il projette de se venger en volant à ce chirurgien incompétent sa femme et... ses jambes, en planifiant de se les faire greffer.</p>
<p><strong>Lon Chaney </strong>a vraiment la gueule parfaitement adéquate pour le rôle, au point de servir de modèle à une artiste désirant créer un buste de Satan. Il flotte dans l'atelier de la femme une atmosphère lourde, chargée de tension sexuelle et de terreur mêlées. À ses talents de maquilleur et de costumier, il faut donc ajouter un talent de contorsionniste quand on voit le rôle d'amputé dans lequel il se projette avec force — on imagine la difficulté de nombreuses scènes, avec ses jambes rabattues contre ses cuisses. Sans doute que la douleur qu'il s'infligeait aidait à composer un rôle de grand méchant encore plus hargneux, gorgé de rancune et profondément dégoûté de l'espèce humaine... La dernière bobine est malheureusement la plus ratée, avec un (presque) happy end forcé et baignant dans une morale désobligeante : s'il était méchant, c'est entièrement à cause d'une tumeur au cerveau qu'on lui a retirée (dans son sommeil, au lieu de la greffe de jambes), et il se transforme d'un coup en prince charmant doux et gentil. Mais toute l'imagerie diabolique qui entoure le protagoniste, ces passages secrets actionnés par d'ingénieux mécanismes ou ces rampes d'accès vers des pièces cachées, renverse clairement la balance.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/satan/.atelier_m.jpg" alt="atelier.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/satan/.couple_m.jpg" alt="couple.jpg, mai 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/satan/.piece_m.jpg" alt="piece.jpg, mai 2021" /></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Satan-de-Wallace-Worsley-1920#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/969