Je m'attarde - Mot-clé - Humour noir le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearThe Killer, de David Fincher (2023)urn:md5:feafa3c7728e74b6914be24d32bf046b2023-11-30T12:08:00+01:002023-11-30T12:09:02+01:00RenaudCinémaAssassinatDavid FincherDésillusionHumour noirMichael FassbenderSala BakerThe SmithsThrillerTilda SwintonTueur à gagesVengeance <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer/killer.jpg" title="killer.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer/.killer_m.jpg" alt="killer.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Fate is a placebo. The only life path, the one behind you."</strong></ins></span>
</div>
<p>Un <strong>Fincher </strong>majeur, ce n'est pas pour demain, il faudra s'y faire. Mais des films comme <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Gone-Girl-de-David-Fincher-2014">Gone Girl</a></ins> (2014) laissent malgré tout un peu d'espoir, on guette le coup d'éclat, encore. <ins>The Killer</ins> ne donne pas l'impression d'avoir des ambitions débordantes, malgré quelques dispositions qui finissent par être un peu encombrantes — l'influence de <strong>Melville </strong>avec <ins>Le Samouraï</ins> paraît indissociable, les quatre phrases que <strong><span><span>Michael Fassbender </span></span></strong>répètent comme un mantra ("Stick to your plan / Anticipate, don’t improvise / Trust no one / Fight only the battle you’re paid to fight"), la répétition de certains motifs comme les trajets en avion, les changements d'identité, le réseau capitaliste de marques qui bordent son chemin, et in fine cette voix off très envahissante qui ne compense pas toujours élégamment le mutisme du personnage suivi. Même le recours à la musique des <strong>Smiths </strong>se fait un peu obsessionnelle et peu constructive.</p>
<p>Mais la série B reste pourtant de qualité, <strong>Fincher </strong>n'est pas un tâcheron, il a abandonné sa lubie d'auteur qui irriguait <ins>Mank</ins> et se concentre sur un thriller sec en cherchant à explorer quelques zones originales. Ce qui est drôle, c'est que <strong>Fincher </strong>nous fait croire à un portrait de professionnel du métier, un tueur expert qui nous bassine pendant 20 minutes sur les détails de son mode de fonctionnement en introduction (à grand renfort de citations qui claquent un peu trop ostensiblement, comme "<em>Of the many lies told by the U.S. military-industrial complex, my favorite is still their claim that sleep deprivation didn't qualify as torture</em>", ou "<em>Of those who like to put their faith in the inherent goodness of mankind, I have to ask, based on what, exactly?</em>" ou encore "<em>My process is purely logistical, narrowly focused by design. I'm not here to take sides. It's not my place to formulate any opinion. No one who can afford me, needs to waste time winning me to some cause. I serve no god, or country. I fly no flag. If I'm effective, it's because of one simple fact: I. Don't. Give. A. Fuck</em>" — on pourrait continuer encore longtemps) pour finalement rater sa cible en guise de hors d'œuvre — un échec qui met direct la puce à l'oreille, le scénario prenant un tout autre chemin que celui escompté. En fait <strong>Fincher</strong> met en scène davantage un ouvrier qualifié qui se plante régulièrement et qui cherche à se convaincre pendant toute la durée du film, en alternant des séquences extrêmement froides, sérieuses et tendues avec d'autres brèves irruptions d'un humour noir (le plus parlant étant probablement l'épisode de la râpe à fromage). Il y a quelques tentatives de verser dans un classicisme sans doute marqué par un excès de confiance, à l'image de l'échange avec <strong>Tilda Swinton </strong>(parfaite au demeurant, comme très souvent) sur leur métier commun, mais ne débouchant sur rien de follement pertinent.</p>
<p>Finalement, <ins>The Killer</ins> peut se percevoir exclusivement comme l'observation d'une perturbation, l'erreur initiale qui s'immisce tel un grain de sable dans les rouages bien huilés par ailleurs, à l'origine d'une vengeance à travers le monde prenant une ampleur de plus en plus importante. <strong>Fincher </strong>oblige, on peut y lire un essai sur notre contemporanéité au travers du contrôle de nos vies pas un système ultra-connecté (des checkpoints réguliers, des badges incessants, des caméras de surveillance omniprésentes) qui aurait mérité d'être plus développé et un peu moins focalisé sur ses effets souvent tape-à-l'œil. Quelques séquences bien foutues rythment l'ensemble, on se rappellera l'utilisation du cloueur et la grosse baston avec <strong>Sala Baker</strong>, et dans l'ensemble une histoire portée par <strong>Fassbender </strong>souvent captivant, même s'il file vers un épilogue un peu mou, cliché et facile sur une désillusion un peu amère ainsi qu'une déchéance consentie.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/killer/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Killer-de-David-Fincher-2023#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1295Les Espions, de Henri-Georges Clouzot (1957)urn:md5:6f9371100f220668fc7cd370b7670b6b2023-11-15T09:41:00+01:002023-11-15T09:45:42+01:00RenaudCinémaComédieEspionnageGuerre froideGérard SétyHenri-Georges ClouzotHumour noirManipulationMensongePeter UstinovSinéThrillerVéra Clouzot <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/espions.jpg" title="espions.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/.espions_m.jpg" alt="espions.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Gros bordel d'espions</strong></ins></span>
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<p>Le dernier <strong>Clouzot </strong>que j'ai vu remonte à il y a deux ans, et <ins>Les Espions</ins> creuse encore la distance en explorant des thématiques et des styles narratifs qui s'écartent grandement des classiques du drame policier qui ont fait la renommée du réalisateur. En tous cas personnellement je n'aurais jamais deviné l'auteur de cet étrange film qui embrasse vigoureusement l'ère paranoïaque de la Guerre froide en balançant des wagons entiers d'espions autour d'une clinique psychiatrique au bord du délabrement tenue par un docteur alcoolique. Même l'interprète principal, <strong>Gérard Séty</strong>, avec son comportement anormal et son jeu à la limite du mauvais, colore encore un peu plus l'intrigue de son étrangeté.</p>
<p>C'est en tous cas un film qui, volontairement ou non (je pencherais pour le premier), oscille sans arrêt entre thriller sérieux et notes comiques récurrentes, donnant fatalement l'impression de ne pas savoir sur quel pied danser, et me positionnant dans une situation inconfortable — jusqu'à ce qu'on accepte cette incertitude et ces allers-retours entre les deux registres. Il y a carrément des fois où on se croirait chez le <strong>Lautner </strong>de <ins>Les Barbouzes</ins>, et d'autres fois dans une parodie de James Bond avec des espions internationaux qui surgissent sans cesse dans le champ, un colonel américain qui confie une mission au héros, un mystérieux agent secret germanophone à protéger, et des chefs de renseignements secrets américains et russes (<strong>Peter Ustinov </strong>qui se dispute le bout de gras des informations. Au milieu du bordel, il y a quand même deux patients dans la clinique, histoire de pas oublier la signification du lieu de l'action, dont une femme muette interprétée par <strong>Véra Clouzot</strong>.</p>
<p>Au bout d'un moment, le jeu du chat et de la souris lasse, fatalement. Pendant un moment on ne comprend rien, et c'est ennuyeux, puis on comprend quelles sont les forces en présence, et ce n'est pas beaucoup mieux. Une fois la complexité dépassée, on passe simplement notre temps à se demander si les agents secrets savent eux-mêmes pour qui ils travaillent dans ce magma de manipulations et de mensonges divers, toujours entre loufoquerie et terreur (l'affiche de <strong>Siné </strong>va bien dans ce sens). Le dédale kafkaïen de ce repaire d'espions navigue entre la comédie et le drame, parfois pour le meilleur, mais sans doute un peu trop sur la durée.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/espions/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Espions-de-Henri-Georges-Clouzot-1957#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1281Pottsville, 1280 habitants, de Jim Thompson (2016)urn:md5:c127bca2cdd336c60fee278e53ee3d532023-11-06T15:19:00+00:002023-11-06T15:19:00+00:00GillesLectureBertrand TavernierElectionsHumour noirMeurtrePolarRoman noirShérif <div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.Pottsville-1280-habitants-Jim-Thompsom_m.jpg" alt="Pottsville, 1280 habitants, de Jim Thompson (2016)" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/FILMS/.coup-de-tochon-tavernier-1981_m.jpg" alt="Coup de Torchon, Bertrand Tavernier (1981)" /></div>
<p>Ma première rencontre avec l’œuvre de <strong>Jim Thompson</strong>, je la dois à l’adaptation cinématographique de<strong> Bertrand Tavernier </strong>avec l'immense - au propre comme au figuré - <strong>Philippe Noiret</strong>. Le nihilisme et le bagout du personnage central qu'il incarnait dans <ins>Coup de torchon</ins> (1981) m'avaient ébahi-hi, comprendre : j'ai beaucoup ri. Même en choisissant de déplacer l'action du Texas vers
l'Afrique dans une colonie française des années 30, <strong>Bertrand Tavernier
</strong>réussit à raconter le cheminement sur une ligne de crête d'un shérif qui pratique une morale abasourdissante et fait preuve d'un grand sens de l'inaction, du moins en apparence.</p>
<p>C'est tout récemment que je dévora enfin ce roman de <strong>Jim Thompson</strong> paru en 1961 aux États-Unis. Concernant la traduction, il est de notoriété que la traduction française datant de 1964 a amputé la petite ville de Pottsville de cinq habitants dans le titre et tronqué l'histoire de plusieurs passages. C'est seulement en 2016 qu'une traduction intégrale est parue chez Rivages. La lecture du roman n'a rien de vain si on a vu le film, et vice-versa. Le contexte faisant, on y croise des salauds et des crapules avec un pedigree différent.</p>
<p>C'est à travers la voix de Nick Corey lui-même que l'histoire nous est racontée, shérif du comté de Pottsville au Texas, un lieu qui compte 1280 âmes au début de l'histoire. Selon la coutume américaine, le shérif est une fonction élective, et implique donc des élections, et implique donc une campagne électorale. Nick n'aime pas beaucoup travailler, il lâche prise, il ferme un œil chaque fois qu'il le peut : et quand il s'agit de malhonnêtes gens qui ont de l'argent et du pouvoir, il ferme les deux. Pourtant ces nouvelles élections et des circonstances concomitantes bouleversent son modus operandi pour assurer la tranquillité dans la ville... Nick a aussi une propension pour les anicroches avec sa femme (terrifiante) et pour les idylles amoureuses qui peuvent parfois l'entraver dans l'exercice de ses fonctions. Au rayon des polars truculents, <ins>Pottsville, 1280 habitants</ins> restera encore longtemps un spécimen de choix pour ses dialogues et son humour subversif.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pottsville%2C-1280-habitants%2C-de-Jim-Thompson-%282016%29#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1278Triple Assassinat dans le Suffolk, de Peter Greenaway (1988)urn:md5:0b2f1c5fdc3b4825db3c5d034a58ae0f2023-08-02T09:09:00+02:002023-08-02T09:09:00+02:00RenaudCinémaAssassinatComédieCoupleHumour noirInfidélitéMystèrePeter GreenawayRoyaume-UniSatireSexe <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.triple_assassinat_dans_le_suffolk_m.jpg" alt="triple_assassinat_dans_le_suffolk.jpg, juil. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Punish those who have caused great unhappiness by their selfish actions."</strong></ins></span>
</div>
<p><strong>Peter Greenaway </strong>a vraiment un style bien à lui, à la fois très affirmé et tout en retenue, passant autant par des partis pris esthétiques que par certains aspects d'écriture et une narration légèrement décalée. On retrouve dans <ins>Drowning by Numbers</ins> de nombreuses particularités déjà présentes dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Meurtre-dans-un-jardin-anglais-de-Peter-Greenaway-1982">Meurtre dans un jardin anglais</a></ins>, à savoir un côté franchement inclassable, une introduction troublante donnant assez vite le ton, un humour noir tranchant, et des singularités franches dans les compositions graphiques du film. Les dialogues sont en outre le support de nombreuses particularités, que ce soit dans la satire cinglante ou l'humour noir, et contribuent grandement au charme du film pour peu qu'on y soit sensible. Cela peut se faire au détour de remarques sarcastiques très brèves ("<em>Do all fat men have little penises?</em>" dira une femme avec nonchalance en regardant le corps d'un homme), souvent grivoise, ou de développements plus amples, à l'instar de ce garçon expliquant les raisons de son jeu macabre : "<em>The object of this game is to dare to fall with a noose around your neck from a place sufficiently high enough off the ground, such that the fall will hang you. The object of the game is to punish those who have caused great unhappiness by their selfish actions. This is the best game of all, because the winner is also the loser, and the judge's decision is always final.</em>"</p>
<p>À l'origine de l'intrigue, trois fois rien : il y a trois femmes portant le même nom, Cissie Colpitts (n°1 n°2 n°3 respectivement), et trois insatisfactions dans leur couple pour diverses raisons, les conjoints faisant preuve d'infidélité ou de désintérêt pour le sexe. Trois femmes issues de la même famille, lancées dans une comédie noire où le meurtre libère. Initialement, la grand-mère saisit une opportunité en noyant son mari dans une baignoire, tandis qu'il manifeste un manque évident de décence en compagnie d'une prostituée : ce sera le début d'une sorte de rituel de la noyade perpétué de mère en fille et petite-fille, selon un triptyque baignoire / mer / piscine. Un des carburants de la comédie : chacune des trois femmes séduit malicieusement le médecin légiste afin qu'il les innocente par son verdict. "<em>Could you get it up three times in an afternoon, Madgett?</em>"</p>
<p>L'exercice peut paraître un peu vain sur la base de ces observations, mais tout le film semble comme enveloppé d'un voile surréaliste agréable. <strong>Greenaway </strong>(et son chef op <strong>Sacha Vierny</strong>) s'amuse à composer de nombreux plans comme des hommages à la peinture, au travers de natures mortes ou d'évocation de tableaux de Brueghel, et il en résulte une atmosphère légèrement ésotérique souvent savoureuse — souvent car il y a quand même un petit côté jusqu'au-boutiste dans les traits d'esprit qui peut virer au matraquage intellectuel, quand bien même la finalité serait systématiquement ludique. Le jeu des nombres de 1 à 100 disséminés dans les deux heures, par exemple, n'est pas d'un intérêt transcendant à mes yeux, mais d'autres "jeux" dispose d'un potentiel comique assez noir, comme "Sheep and Tides" impliquant des moutons attachés au bord de l'eau à marée montante, ou encore ce jeu du linceul particulièrement prophétique. De manière assez surprenante, l'ensemble s'apparente à un capharnaüm baroque orné de répliques à la lisière du burlesque du même meurtre.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/triple_assassinat_dans_le_suffolk/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, juil. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Triple-Assassinat-dans-le-Suffolk-de-Peter-Greenaway-1988#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1198La Vie d'un honnête homme, de Sacha Guitry (1953)urn:md5:2fb2fecc652df070caefd848a3f1902a2023-07-19T16:18:00+02:002023-07-19T16:18:00+02:00RenaudCinémaBourgeoisieComédieHumour noirHypocrisieJumeauxLouis De FunèsMichel SimonSacha GuitrySatire <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/vie_d-un_honnete_homme/.vie_d-un_honnete_homme_m.jpg" alt="vie_d-un_honnete_homme.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le roman d'un usurpateur</strong></ins></span></div>
<p><ins>La Vie d'un honnête homme</ins> a beau se situer plutôt vers la fin de la carrière de <strong>Sacha Guitry</strong>, il semble beaucoup moins bien peaufiné que d'autres films sorti une vingtaine d'années auparavant comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Roman-d-un-tricheur-de-Sacha-Guitry-1936"><ins>Le Roman d'un tricheur</ins></a> ou <ins>Bonne chance !</ins>. Il n'assène pas non plus son immoralité avec la même verve et la même gouaille que <ins>La Poison</ins> dans lequel <strong>Michel Simon</strong>, déjà, formait la pierre angulaire d'un récit bien corsé. Pourtant, en dépit de ses quelques maladresses et de ses nombreuses imperfections, cela reste une comédie noire vraiment recommandable sur le thème de la satire dirigée contre la bourgeoisie.</p>
<p>À l'intérieur du style "à la Guitry" facilement reconnaissable dans sa façon très théâtrale de se mettre en scène (il nous présente lui-même les acteurs et actrices, il écrit lui-même le mot "fin" dans le livre-scénario), les maladresses sont en grande partie liées à l'effet du temps qui n'a pas été tendre avec certains dispositifs. Dans ce film, <strong>Michel Simon </strong>interprète deux personnages différents, deux frères jumeaux représentant chacun un archétype opposé à l'autre, d'un côté un riche patron malheureux, de l'autre un homme davantage jouisseur et voyageur mais sans le sou. Une bonne partie de l'action consiste ainsi à filmer selon une série de champs / contre-champs très monotone l'acteur dans les deux rôles qui se répond à lui-même. Le procédé est vraiment pénible à contempler un demi-siècle plus tard, et ce d'autant plus qu'une interminable séquence à la fin de l'introduction est entièrement constituée d'un dialogue peu engageant entre les deux pendant 10 loooooongues minutes — elles paraissent interminables. De même, le final referme l'histoire de manière extrêmement abrupte, une queue de poisson un peu facile et vraiment trop rapide, voire carrément bâclée.</p>
<p>Mais bon, tout ceci est à mettre en regard du cœur du film, à savoir le remplacement d'un homme par son jumeau, profitant d'une occasion macabre pour se sortir de sa vie trop rangée et aigre de petit bourgeois triste. Et il faut quand même reconnaître à <strong>Guitry </strong>cet élan particulièrement sarcastique, sans doute en grande partie auto-critique, pour relever l'étendue de la vanité de cette existence et de la vacuité de ce quotidien. Ainsi le film oscille entre plusieurs régimes de sordide, parfois franchement cru, parfois un peu plus léger et comique, mais dans tous les cas de figures attachés à railler l'hypocrisie grotesque de ce milieu révélé de l'intérieur, par un cheval de Troie qu'on ne voit pas vraiment venir. Il faut avouer qu'initialement, quand on voit la situation s'installer, on pense d'abord à une sorte de récit d'apprentissage à la <strong>Capra</strong>, dans lequel le "mauvais" jumeau deviendra bon et aimant au contact de son frère... Mais pas du tout : le venin de <strong>Guitry </strong>est beaucoup plus acide. Les oppositions pourront paraître un peu désuètes, un peu opportunistes, mais il y a une forme de sincérité jusqu'au-boutiste difficilement contestable. Et puis il y a un nu féminin soudain, très étonnant pour l'époque, ainsi qu'un assez jeune <strong>Louis de Funès </strong>avec des cheveux.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/vie_d-un_honnete_homme/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/vie_d-un_honnete_homme/.img4_m.png" alt="img4.png, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Vie-d-un-honnete-homme-de-Sacha-Guitry-1953#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1191La Cuisine des anges, de Michael Curtiz (1955)urn:md5:1371fea503109c38fc54eb9cbaad544f2023-07-12T12:20:00+02:002023-07-12T11:21:01+02:00RenaudCinémaAldo RayComédieEvasionGuyaneHumour noirHumphrey BogartMichael CurtizPeter UstinovPrisonnier <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cuisine_des_anges/.cuisine_des_anges_m.jpg" alt="cuisine_des_anges.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We came here to rob them and that's what we're gonna do - beat their heads in, gouge their eyes out, cut their throats. Soon as we wash the dishes."</strong></ins></span>
</div>
<p>Sur le papier cette comédie un peu forcée et surannée a tout pour me déplaire : <strong>Michael Curtiz </strong>sur la fin de sa carrière assez éloigné des grands moments de sa filmographie, <strong>Humphrey Bogart </strong>sur la fin de sa vie qui semble tout de même bien en peine quand il s'agit d'esquisser un sourire, ces décors en carton-pâte pour figurer une Île du Diable guyanaise qui sent le studio à chaque coin de rue, et surtout cette ambiance de théâtre filmé pendant l'essentiel du film qui cantonne l'action aux événements à l'intérieur d'une boutique. Et pourtant... Sans aller jusqu'à crier au génie, <ins>We're no Angels</ins> est sans doute ce qui se fait de plus correct dans le cadre fixé par les limites de l'exercice.</p>
<p>On est toujours à la frontière entre la comédie noire, avec ses côtés réussis, et la comédie vieillotte, avec ses spécificités très raides. Si l'introduction fleure la naphtaline à plein nez avec la présentation des trois bagnards (costumes, décors, actions), il se trouve que le trio <strong>Humphrey Bogart </strong>/ <strong>Peter Ustinov </strong>/ <strong>Aldo Ray </strong>parvient peu à peu à trouver une certaine forme d'équilibre à partir du moment où les trois trouvent refuge, dans leur évasion, au sein d'une famille de commerçants. Il faut être capable d'accepter une grosse dose de naïveté dans la description de cette famille (le père est particulièrement gratiné, la limite entre gentil et idiot n'est pas toujours claire), mais peu à peu se développe une relation de confiance incongrue : en échange de petits services rendus, les évadés finissent par être totalement acceptés.</p>
<p>Il survient alors un renversement de perspective, quand les trois squatteurs font office de catalyseur pour la famille qui semble enfermée dans sa maison-boutique. À mi-chemin entre les bras cassés et les anges-gardiens (aspect souligné lourdement par les auréoles du plan final), ils vont se prendre au jeu et aider la maisonnée à s'émanciper — principalement la fille, qui a du mal avec sa conduite sentimentale, et le père, sous le joug du cousin propriétaire aristocrate particulièrement crispant. On peut le dire, tout ne brille pas par sa fluidité, et les zones périlleuses sont nombreuses : <strong>Ustinov </strong>qui nous montre 15 fois ses talents d'ouvreur de serrures avec la même emphase, <strong>Ray </strong>et ses manières excessives, <strong>Bogart</strong> en cerveau de la bande... Tout cela est malgré tout bien figé.</p>
<p>L'humour noir permet cependant de diluer un peu la prévisibilité des péripéties principales et la répétition de la plupart des gags, notamment lorsqu'il s'agit de faire disparaître "accidentellement" des personnages pénibles et encombrants. Les dialogues jouent beaucoup sur la cohabitation de séquences brutales et douces / respectueuses, en jouant sur le paradoxe de ces malfrats pouvant faire preuve de beaucoup de respect : "We came here to rob them and that's what we're gonna do - beat their heads in, gouge their eyes out, cut their throats. Soon as we wash the dishes." C'est principalement sur ces aspects que le film parvient à redresser la barre.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cuisine_des_anges/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/cuisine_des_anges/.img2_m.png" alt="img2.png, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Cuisine-des-anges-de-Michael-Curtiz-1955#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1188Meurtre dans un jardin anglais, de Peter Greenaway (1982)urn:md5:cae2c58428eacfa4b0e30f90a2a8cb992023-01-10T10:31:00+01:002023-01-10T10:33:32+01:00RenaudCinémaAristocratieAssassinatHumour noirMystèrePeter GreenawayRoyaume-UniSexe <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/meurtre_dans_un_jardin_anglais/.meurtre_dans_un_jardin_anglais_m.jpg" alt="meurtre_dans_un_jardin_anglais.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"When your speech is as coarse as your face, Louis, then you sound as impotent by day as you perform by night."<br /></strong></ins></span>
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<p><ins>Meurtre dans un jardin anglais</ins> (ou The Draughtsman's Contract) est un film largement inclassable, évoluant au travers de différents styles et poursuivant des objectifs variés avant de se refermer comme un piège dans les dernières minutes. La longue introduction en plans fixes (que <strong>Peter Greenaway</strong> aurait aimé faire durer plus d'une demi-heure, contre l'avis des producteurs) donne le ton, et on est dans un premier temps totalement paumé, comme abandonné au milieu d'un univers dont on ne comprend pas grand-chose. Le ton est partagé entre l'humour et l'inquiétant, suscitant des sentiments très divers : à titre personnel j'aime beaucoup être malmené de la sorte, quand de manière très subjective le jeu en vaut la chandelle.</p>
<p>Peu à peu la situation s'éclaire : à la fin du XVIIe siècle dans un grand manoir anglais, une famille issue de la haute noblesse invite un peintre-paysagiste réputé à venir effectuer douze dessins du domaine du mari. La contrepartie n'est pas que pécuniaire : madame s'engage à satisfaire l'appétit sexuel du peintre une heure par jour. Pendant longtemps, on se laisse guider dans cette ambiance étrange dont on ne comprend pas les vraies contraintes sous-jacentes, mais lorsque le mystère se dissipe, le film fait l'effet d'un joli coup de fouet.</p>
<p>Le personnage du dessinateur, le jeune Neville, compose un caractère savoureux, constant dans son indolence et dans ses excès tandis qu'il profite et abuse de l'hospitalité offerte par madame en l'absence de monsieur. Il ne comprend pas ce qui est en train de se tramer, il le comprendra bien trop tard d'ailleurs, et toute l'intrigue autour des 12 dessins est jalonnée par la présence de détails insignifiants en apparence (et en apparence seulement) : un vêtement sur un arbre, une paire de bottes, une échelle contre un mur, autant d'accessoires qu'il reproduit fidèlement et presque scolairement.</p>
<p>Et <strong>Greenaway </strong>de déployer un humour noir dans un formalisme très singulier, entre étude psychologique et énigme policière, entre marivaudages pervers et réflexions artistiques tout en perruques, riches costumes et chandelles. Les dialogues sont en outre un festival de bons mots et de traits d'esprit, de répliques cinglantes et de sous-entendus ravageurs. Il y a les remontrances directes : "<em>When your speech is as coarse as your face, Louis, then you sound as impotent by day as you perform by night</em>" ; les tirades grivoises faussement distancées : "<em>You must forgive my curiosity, madam, and open your knees</em>" ; ou encore les accès de burlesque : "<em>Why is that dutchman waving his arms about? Is he homesick for windmills?</em>". Au final, c'est davantage la construction de l'intrigue qui importe plutôt que l'intrigue elle-même, et cette vanité potentielle constitue à mes yeux la principale limitation.</p>
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