Je m'attarde - Mot-clé - Informatique le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Mythe de l'entrepreneur, de Anthony Galluzzo (2023)urn:md5:50f62d10a401b54e35843da6762579972023-03-22T15:29:00+01:002023-03-22T15:33:36+01:00RenaudLectureAnthony GalluzzoCalifornieCapitalismeEssaiEtats-UnisInformatiquePolitiqueSilicon ValleySteve JobsSteve WozniakTechnologie <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/mythe_de_l-entrepreneur/.mythe_de_l-entrepreneur_m.jpg" alt="mythe_de_l-entrepreneur.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Redonner sa part au hasard</strong></ins></span>
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<p>Construction originale d’un essai qui semble d'abord chercher à définir les termes d'un sujet, explicites en apparence (tout le monde a déjà entendu parler de la notion d'entrepreneur, même si la distinction avec celle de patron n'est pas si claire a priori et nécessite des précisions) mais en apparence seulement. Les deux premiers chapitres s'attachent donc à exploiter une étude de cas avec l'histoire de <strong>Steve Jobs</strong>, un régal de décorticage de deux aspects du mythe, le côté créateur (le génie visionnaire sortant du néant, dans une conception schumpétérienne) avec en l'occurrence l'image assimilée par tout le monde des deux gamins, avec <strong>Steve Wozniak</strong>, dans leur garage et le côté héroïque du capitaine allant contre les idées reçues et contre les obstacles jetés sur son chemin pour illuminer les masses.</p>
<p>J'ai toujours été fasciné par ces talk-shows américains montrant ce genre de personnages sur une estrade qui annonce une "révolution" (dans une version parodique qu'on croirait pompée sur un sketch des Guignols), à quel point ils pouvaient avoir une influence immense sur des gens à travers le monde. C'est un peu la version tech de la messe, et le bouquin s'intéresse beaucoup à la contribution d'Apple à la réécriture de l'histoire, comme si <strong>Jobs </strong>avait inventé from scratch l'ordinateur personnel — avec une invisibilisation totale de tout ce qui permet la création et l'industrialisation de ce genre d'objets, à commencer par les développements précédents, nombreux, et la contribution de l'État, qui a largement participé à la subvention. Je n'avais pas ou peu conscience du récit autour du personnage (l'enfance, le génie, la chute, la renaissance, la mort), et <strong>Anthony Galluzzo </strong>s'est farci une quantité de biographies vomitives assez hallucinante pour en faire un tel compte-rendu, chapeau. L'aperçu donné des poncifs journalistiques est délicieux.</p>
<p>Ce que j'ai le plus apprécié je pense, c'est la suite : le travail sur la violence d'une telle industrie (avec l'exemple de Foxconn notamment, archétype parfait de la fausse innocence du capitalisme néo-libéral qui délocalise toutes les horreurs et qui nie toute connaissance du sort réservé aux travailleurs à l'autre bout du monde), l'histoire récente de la construction du mythe à deux grandes époques (en remontant à la fin du XIXe siècle avec les figures de grands industriels comme <strong>John D. Rockefeller </strong>ou <strong>Andrew Carnegie</strong>, avec notamment la grève et la fusillade marquantes de Homestead, et la différence entre entrepreneur supérieur et vil capitaliste), et la légitimation d'un ordre social (avec en particulier l'opposition entre <strong>Jobs </strong>et quelqu'un comme <strong>Bill Gates</strong>, le premier ne s'étant jamais préoccupé de travailler son image de philanthrope).</p>
<p>De <strong>Thomas Edison </strong>à <strong>Elon Musk</strong>, la vision d'ensemble donne quand même le vertige sur plus d'un siècle, à préciser comment tout cela est rendu possible et diffusé à travers le monde, d’autant que le bouquin ne laisse guère de place à l’optimisme (tout gourou est voué à être remplacé, peu importe les démonstrations concernant ses escroqueries type <strong>Elizabeth Holmes</strong>, et on se moquait déjà à l’époque de <strong>Carnegie </strong>par exemple). Tout le monde se fout complètement qu'on en vienne à tendre des filets autour des immeubles d'une usine chinoise pour limiter les suicides d'ouvriers fabriquant des composants à la source de 90% du matériel informatique mondial. Le sang des travailleurs se dilue dans l'eau des océans traversés par les porte-conteneurs, et on n'aura jamais de documentaire sur l'intérieur de ces entreprises où tout est effroyablement contrôlé. Le niveau de cynisme qui règne est inimaginable, allant chez certains de ces héros à affirmer que ce sont les plus pauvres les plus chanceux car ils auront vraiment le goût de la réussite conquise sur des conditions difficiles (des discours aussi passionnants que ceux de <strong>Reagan</strong>). Je n’avais pas du tout conscience de l’étendue de la puissance d’un tel mythe et <ins>Le Mythe de l'entrepreneur</ins> aura donc eu aussi cette vertu-là.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mythe-de-l-entrepreneur-de-Anthony-Galluzzo-2023#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1145Génération Proteus, de Donald Cammell (1977)urn:md5:370f163ad5cfaca9e43c275ac6fabbdf2020-09-27T17:34:00+02:002020-09-27T16:36:04+02:00RenaudCinémaInformatiqueIntelligence artificielleJulie ChristieReproductionScience-fictionSérie B <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/generation_proteus/.generation_proteus_m.jpg" alt="generation_proteus.jpg, sept. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Aspiration à la procréation de l'intelligence artificielle<br /></strong></ins></span></div>
<p>En surfant à la confluence de plusieurs vagues, celle du succès de <ins>2001</ins> pour la partie SF ayant trait à la science-fiction et celle de la pléthore de films d'horreur impliquant des machines (voire même des invasions extérieures dans le registre de <ins>Le Mystère Andromède</ins>), <ins>Génération Proteus</ins> aka "Demon Seed" parvient tout de même à ne pas sombrer dans la redite en choisissant une voie particulièrement originale. Ce n'est pas une proposition révolutionnaire de cinéma mais c'est une série B ambitieuse qui aborde la thématique de l'IA de front et qui va jusqu'au bout de ses idées... pas très orthodoxes.</p>
<p>Il faut tout d'abord passer par l'incontournable contextualisation pseudo-scientifique, qui comme souvent s'avère pénible et ennuyeuse, nous montrant un génie (ici en informatique) ayant réussi à construire une machine fantastique, en l'occurrence l'ordinateur le plus puissant du monde. Rien d'éliminatoire cependant pour qui apprécie les ambiances 70s, pas de grande manifestation d'un mauvais goût suranné. Le premier sursaut curieux dans la routine SF intervient quand la machine refuse poliment de se soumettre aux injonctions des humains, lorsqu'on lui demande de commencer à travailler sur l'extraction de minerais dans les océans — chose que le super-ordi refuse de faire pour préserver la biodiversité marine contre l'orgueil de l'être humain.</p>
<p>Ce début d'opposition n'est pas fondamentalement novateur en soi, par contre c'est la seconde moitié du film qui devient vraiment très singulière, lorsqu’il fait prisonnière l'épouse du scientifique sous prétexte d'étudier la biologie humaine... et surtout pour procréer. Le schéma SF a beau être classique, l'intelligence artificielle cherchant à s'aménager de plus en plus d'autonomie, mais il vire subitement vers l'horreur en la concentrant sur la personne de <strong>Julie Christie</strong>, dans un changement de direction difficilement prévisible. Il sera question d'insémination on ne peut plus artificielle, sans en faire trop dans le registre philosophico-existentiel, et avec des constructions artificielles vraiment... étonnantes.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/generation_proteus/.ia_m.jpg" alt="ia.jpg, sept. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Generation-Proteus-de-Donald-Cammell-1977#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/835The Internet's Own Boy: The Story of Aaron Swartz, de Brian Knappenberger (2014)urn:md5:3d9a5acf9700f8a3fd70af844fb93a402017-01-05T10:49:00+01:002017-01-07T12:12:27+01:00RenaudCinémaDocumentaireInformatiqueInternetLibertéMilitantismeProgrammation <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/internet_s_own_boy/.Internet_s_Own_Boy_m.jpg" alt="Internet_s_Own_Boy.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Internet_s_Own_Boy.jpg, janv. 2017" />
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>Révolutions et contre-révolutions<br /></strong></ins></span></p>
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<p><ins>The Internet's Own Boy</ins> se situe à la croisée de deux types de documentaires : les très bons sujets, d'une part, et les mauvais traitements, d'autre part. Mais disons-le d'emblée, le premier aspect l'emporte clairement sur le second : c'est le genre de documentaire qui a beau avoir recours à pas mal de procédés insupportables propres au genre (musique larmoyante, témoignages en pleurs, etc.), mais qui parvient tout de même à émouvoir tant son sujet, dans tous les sens du terme (thème et personnage principal), vise juste.</p>
<p>Premier constat amer : si seulement il existait plus d'<strong>Aaron Swartz </strong>sur Terre...</p>
<p><strong>Brian Knappenberger </strong>ne s'est vraisemblablement pas lancé dans ce projet pour expliquer ni même vulgariser les détails techniques des travaux incroyables d'<strong>Aaron Swartz</strong>. On n'apprendra rien sur le fond de "The Info", un site précurseur de Wikipédia, ni sur le RSS ou encore les outils derrière la gestion des droits d'auteur sur le net via Creative Commons (licence sous laquelle est d'ailleurs diffusé le présent documentaire, financé sur Kickstarter et incitant au libre partage). Mais ce dont on prend conscience très rapidement, c'est qu'on a affaire à un gamin passionné d'informatique qui a lancé un ersatz de Wikipédia à 12 ans (et 3 ans avant sa création), qui a participé au développement d'outils majeurs du web durant son adolescence et qui devient millionnaire par défaut, à 20 ans, en revendant ses parts de Reddit suite à des divergences de points de vue.</p>
<p>Cela pourrait être le début d'une success story bateau comme on peut en voir des milliers, particulièrement dans le cinéma américain. Sauf qu'<strong>Aaron </strong>n'était pas le genre de personne à réinvestir sa fortune dans des hedge funds ou à mener une vie de rentier. Il est plutôt du genre pragmatique. Quand il constate un problème, quand il voit qu'un système est complètement vicié, il ne se contente pas de formuler poliment son mécontentement : il chie dans la colle. En réponse à l'organisation des revues scientifiques qu'il compare à du racket (Harvard poussera une gueulante à ce sujet en 2012, c'est dire : <a href="https://www.theguardian.com/science/2012/apr/24/harvard-university-journal-publishers-prices" title="https://www.theguardian.com/science/2012/apr/24/harvard-university-journal-publishers-prices">lien The Guardian</a>), il écrit un petit bout de code lui permettant de récupérer via le réseau du MIT 4,8 millions d'articles scientifiques disponibles dans JSTOR. On imagine assez aisément, étant donnée la personnalité de l'énergumène, qu'il ne s'agissait pas d'en tirer un profit personnel mais plutôt de distribuer ce savoir à l'ensemble de la planète, et en particulier aux personnes n'ayant pas les moyens financiers d'y accéder par les voies légales prohibitives. Ou bien d'en tirer des résultats par méta-analyse comme il l'avait déjà fait dans le passé.</p>
<p>Mais ce n'est pas ce que les autorités américaines en ont retenu, évidemment, et un procès pour l'exemple se mit rapidement en place. Le MIT décida de garder une position neutre dans l'affaire, ce qui revenait à soutenir de manière indirecte les décisions de justice. Deux ans plus tard, suite au suicide d'<strong>Aaron Swartz </strong>juste avant son procès garni de treize chefs d'accusation, un rapport d'enquête interne indiquera qu'une telle position de la part du MIT "n'a sans doute pas été à la hauteur de son rôle de leader dans la technologie de l'information". En l'absence de soutien de la part de l'institution, le hacker de 26 ans devenu militant du web libre suite à sa mobilisation fructueuse contre le projet de loi SOPA encourait une peine d'emprisonnement maximale de 35 ans et une amende pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars. Difficile de ne pas tomber un minimum dans le pathos, par moments au moins, avec un tel potentiel tragique : on pardonne volontiers ces écarts au bon goût et on ne peut qu'adhérer à la diffusion de l'histoire d'un tel personnage.</p>
<p>Le documentaire est disponible sous licence Creative Commons en VO sous-titrée ici : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7ZBe1VFy0gc" title="https://www.youtube.com/watch?v=7ZBe1VFy0gc">lien youtube</a>.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Internet-s-Own-Boy-The-Story-of-Aaron-Swartz-de-Brian-Knappenberger-2014#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/380