Je m'attarde - Mot-clé - Injustice le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Serment rompu (破戒, Hakai), de Kon Ichikawa (1962)urn:md5:925d3e3d5277fa710358db8754927e992023-11-28T15:31:00+01:002023-11-28T15:34:35+01:00RenaudCinémaDilemmeEnseignementInjusticeJaponKon IchikawaMélodramePaysanRacismeRaizō Ichikawa <div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/serment_rompu_A.jpg" title="serment_rompu_A.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.serment_rompu_A_m.jpg" alt="serment_rompu_A.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/serment_rompu_B.jpg" title="serment_rompu_B.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.serment_rompu_B_m.jpg" alt="serment_rompu_B.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Dilemme des burakumin</strong></ins></span>
</div>
<p>C'est probablement le film de <strong>Kon Ichikawa </strong>dans lequel les vannes du mélodrame sont le plus grandement ouvertes, loin devant l'histoire d'un acteur de kabuki dans <ins>La Vengeance d'un acteur</ins> ou celle de la tyrannie d'une famille à travers les décennies développée dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Fils-de-famille-de-Kon-Ichikawa-1960">Le Fils de famille</a></ins>. Mais sous le torrent de drames existentiels qui affectent le protagoniste se dévoile le portrait d'une communauté, l'équivalent des Dalits en Inde : les burakumin. Un terme qui signifie littéralement "les gens du hameau", dont un synonyme dans la culture japonaise du début du XXe siècle était "souillure", désignant une minorité sociale discriminée et longtemps contrainte d'occuper des métiers considérés comme dégradants (notamment la mise à mort d'animaux). Des intouchables qu'il ne fallait sous aucun prétexte approcher.</p>
<p>Le mélodrame se noue dans une contrainte morale que le personnage principal devra porter en silence toute sa vie. Son père, un paysan, s'est battu jusqu'à son dernier souffle pour que Segawa, son fils, puisse vivre loin de lui et dans le secret de ses origines déshonorantes : il lui a fait jurer de ne jamais révéler son appartenance à la communauté des burakumin et vivre une vie paisible de professeur respecté. La première scène du film est sans appel : le patriarche se fait encorner à mort par un bœuf (séquence aussi incroyable qu’improbable), laissant Segawa avec sa promesse et son secret. Mais la confrontation aux actes racistes récurrents dans son entourage n'a de cesse de le malmener, avec pour point culminant l'assassinat sauvage de Inoko, un intellectuel défendant la cause burakumin qui était devenu son ami. Pris en étau entre le désir ardent de révolte contre l'injustice et le serment de silence fait à feu son père.</p>
<p><strong>Raizō Ichikawa </strong>est excellent dans le rôle principal (dans la lignée de sa prestation dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Pavillon-d-or-de-Kon-Ichikawa-1958">Le Pavillon d'or</a></ins>, un acteur fidèle à <strong>Kon Ichikawa </strong>par ailleurs), à une époque où il était sans doute l'acteur le plus célébre au Japon. La photographie a ses passages d'une beauté sidérante, comme la séquence de l'assassinat de Inoko dans la neige. Il n'y a que le poids des dialogues extrêmement denses pour alourdir l'atmosphère, en nous faisant passer par des tunnels un peu difficiles à digérer, et qui se teintent parfois d'une dimension morale un peu exagérée — c'est là que le pathos entre en scène, pour bien appuyer sur la tragédie de la cause burakumin. Le final concentre d'ailleurs une dose de larmoyant assez inhabituelle chez <strong>Ichikawa</strong>. Mais cela n'entame pas totalement la beauté du dilemme qui consume le héros, désireux de révéler sa véritable identité et son origine longtemps tues, mais mettant en péril l'héritage de son père, travail de toute une vie.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/img3.jpg" title="img3.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/img4.jpg" title="img4.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_rompu/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Serment-rompu-de-Kon-Ichikawa-1962#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1292Femmes en cage, de John Cromwell (1950)urn:md5:6b56147684f35cff57fd0880334aebd72023-08-04T14:30:00+02:002023-08-04T14:30:00+02:00RenaudCinémaCorruptionEtats-UnisFemmeHope EmersonInjusticePolitiquePrisonPrisonnierViolence <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/femmes_en_cage/.femmes_en_cage_m.jpg" alt="femmes_en_cage.jpg, juil. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"And they call us the weaker sex."</strong></ins></span>
</div>
<p>Derrière cette traduction française de titre pouvant évoquer une série B érotique de <strong>Jesús Franco </strong>se cache en réalité un étonnant film noir carcéral. On n'est certes pas éloigné de la série B au sens où tout le film évolue dans un espace assez exigu, témoignant de probables restrictions budgétaires, mais <ins>Caged</ins> constitue malgré tout un excellent exemple de ces bonnes idées bien menées de bout en bout, avec de nombreuses cases intéressantes cochées dans la limite du cadre imposé. C'est quand même notable : on est en 1950, en pleine censure Hays, et <strong>John Cromwell</strong> parvient à faire émerger cette histoire presque intégralement féminine qui peut se lire comme une charge contre l'institution de la prison états-unienne. Le message est clair : sans politique de suivi des détenu(e)s, sans préservation des bonnes conditions de détention, la plus belle et innocente âme pourra se transformer en un bloc de ressentiment et un forçat endurci à sa sortie.</p>
<p>C'est avant tout un cinéma d'actrices à mes yeux, au-delà du propos sur l'univers carcéral, et entre la jeune femme envoyée en prison pour complicité de vol à main armée (elle attendait tranquillement dans la voiture et son mari a été tué), la matonne cruelle, la directrice grande gueule, et toutes les compagnonnes de cellule, la galerie de personnages n’est pas loin d'être exceptionnelle. Comment ne pas être sidéré par la présence imposante de <strong>Hope Emerson </strong>dans le rôle de la brute, du haut de ses 1,88 mètres pour une centaine de kilos (une femme qui n'a jamais été mariée et qui n'a jamais eu d'enfant, chose rare au début du XXe siècle) ? <strong>Eleanor Parker </strong>est quant à elle très convaincante dans le rôle principal, quand bien même la transition entre l'oisillon tombé du nid et la criminelle endurcie se ferait un peu abruptement, tout comme <strong>Agnes Moorehead </strong>dans les habits de la directrice intègre et respectueuse derrière son caractère très opiniâtre. Beaucoup de seconds rôles sont marquants, avec des actrices au physique si particulier comme par exemple une vieille femme emprisonnée à vie pour meurtres, interprétée par <strong>Gertrude Hoffmann</strong>, dont le visage et la gestuelle ne peuvent laisser indifférent.</p>
<p>Les mécanismes narratifs ne sont pas très élaborés, et il y a tout de même un côté assez programmatique dans le fait que chaque personne suit sagement son fil conducteur en empruntant un sentier balisé. Le sadisme et les brimades d'une gardienne de prison conduit sans surprise au durcissement ou à l'abrutissement des plus têtues des détenues. La jeune innocente, qui finira tondue, conduite presque mécaniquement à la délinquance en étant au contact de l'injustice et de la maltraitance. Mais cela n'empêche pas le surgissement d'éléments originaux et surprenants, comme la violence du sort de l'héroïne (elle ne reverra jamais son enfant après être devenue veuve au moment d'être emprisonnée) ou de la femme bourreau (un coup de fourchette dont on se souviendra). Globalement l'institution est décrite comme perforée de part en part par des manifestations diverses de corruption, avec quelques bonnes âmes qui essaient de maintenir le bateau à flot sans espoir : à une femme demandant quoi faire du dossier d'une détenue tout juste libérée, on lui rétorque le plus froidement du monde "<em>Keep it active. She'll be back.</em>"</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/femmes_en_cage/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/femmes_en_cage/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/femmes_en_cage/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juil. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Femmes-en-cage-de-John-Cromwell-1950#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1204L'Homme de la rue, de Frank Capra (1941)urn:md5:414a3475d7c05e19a5243bed62d976d32023-04-21T10:01:00+02:002023-04-21T10:01:00+02:00RenaudCinémaArrivismeBarbara StanwyckCupiditéFrank CapraGary CooperIdéalismeInjusticeNaïvetéPolitiqueWalter Brennan <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_de_la_rue/.homme_de_la_rue_m.jpg" alt="homme_de_la_rue.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I don't read no papers, and I don't listen to radios either. I know the world's been shaved by a drunken barber, and I don't have to read it."</strong></ins></span>
</div>
<p>Il y a dans <ins>Meet John Doe</ins> (ou L'Homme de la rue) toute l'essence du cinéma de <strong>Frank Capra</strong>, ce mélange de naïveté, de conscience politique populaire, de poujadisme dilué et de foi (jusque dans son acception religieuse) en la capacité de l'être humain à se dresser contre l'injustice. En ce sens ce film moins réputé est très proche d'autres beaucoup plus célèbres comme notamment <ins>L'Extravagant Mr Deeds</ins> (Mr. Deeds Goes to Town, 1936) et <ins>Mr. Smith au Sénat</ins> (Mr. Smith Goes to Washington, 1939) en projetant sous la lumière des projecteurs un être candide et pur confronté au cynisme de la réalité sociale ou politique et dont l'idéalisme sera mis à mal (mais pas totalement anéanti) par la cupidité et l'arrivisme de certains de ses semblables.</p>
<p>Remarque subsidiaire en mode mineur, <strong>Gary Cooper </strong>m'apparaît de plus en plus comme un ersatz de <strong>Cary Grant</strong>, même en faisant abstraction de sa présence dans <ins>The Fountainhead</ins> un sentiment désagréable d'antipathie va grandissant. Heureusement, il y a la remarquable <strong>Barbara Stanwyck </strong>et le plus humble <strong>Walter Brennan </strong>à ses côtés pour l'épauler.</p>
<p>Du côté du scénario il y a également pas mal d'obstacles pour nous faire trébucher, des ficelles un peu trop grosses pour faire passer des péripéties au forceps sans qu'elles soient questionnées. Le coup du sabotage du gigantesque discours à la convention des John Doe est torché un peu trop facilement, le prêtre (qu'est-ce qu'il fout là lui, dans un tel rassemblement ? on est décidément bien aux États-Unis) a tout son temps pour son petit discours comme par hasard, et il suffit à quelques perturbateurs de couper 2 fils et scander "bouh, John Doe est un fake" pour tout faire s'écrouler comme un vulgaire château de cartes.</p>
<p>Mais peu importe, ou presque, car là n'est pas le sujet : c'est plutôt du côté de ce clodo qui se prend au jeu de l'usurpation d'identité et qui se voit projeté à la tête d'un mouvement de contestation sociale d'ampleur conséquente — ce dernier étant manipulé par un groupe de riches hommes d'affaires dans le but de créer un troisième parti et briguer un mandat à la Maison-Blanche. Le tout est en réalité lancé par une journaliste sur le point d'être renvoyée, qui a créé un personnage imaginaire censé représenter le malaise ambiant. La formule est très attendue pour un <strong>Capra</strong>, on connaît d'avance les élans d'optimisme qui vont inonder le film, et les tentatives de corruption des politicards véreux. Le final en haut de la mairie est un peu too much, en termes de romance (avec des répliques romantiques tragiques du type "Oh, John, if it's worth dying for, it's worth living for") et de deus ex machina, même si ce n'est pas un happy end frontal. Toujours la même utopie de la bonne volonté universelle (comprendre américaine) : c'est un peu fatigant. Heureusement que de nombreuses tirades bien senties jalonnent le récit, à l'image de celle du personnage du colonel : "I don't read no papers, and I don't listen to radios either. I know the world's been shaved by a drunken barber, and I don't have to read it."</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_de_la_rue/.img1_m.png" alt="img1.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_de_la_rue/.img2_m.png" alt="img2.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_de_la_rue/.img3_m.png" alt="img3.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_de_la_rue/.img4_m.png" alt="img4.png, mars 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-de-la-rue-de-Frank-Capra-1941#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1135Le Faux Coupable, de Alfred Hitchcock (1956)urn:md5:9ae2e964a825f8c5e6e5ca3c75871fe52023-03-06T11:49:00+01:002023-03-06T11:51:19+01:00RenaudCinémaAlfred HitchcockAustéritéBraquageErreurHenry FondaInjusticeJazzMusicienVera Miles <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/faux_coupable/.faux_coupable_m.jpg" alt="faux_coupable.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"An innocent man has nothing to fear, remember that."</strong></ins></span>
</div>
<p><strong>Hitchcock </strong>très inhabituel, même si ma frénésie de découvertes hitchcockiennes commence à remonter à un bon moment. Le premier truc inhabituel, c'est l'introduction assurée par le réalisateur himself, nous assurant que ce qui va suivre est le récit de faits réels, survenus en 1953, détonnant à ce titre avec le reste de sa filmographie (essentiellement basée sur de la fiction, donc). Le second, beaucoup plus conséquent, porte sur la tonalité de <ins>The Wrong Man</ins>, délaissant totalement les notions de suspense que l'on connaît et avec lesquelles on est familier pour s'attacher à la description très pragmatique des déboires de Manny Balestrero, un musicien de jazz accusé de hold-up, qui passera l'essentiel du film à tenter de prouver son innocence.</p>
<p>D'entrée on peut avouer que le choix de <strong>Henry Fonda </strong>dans le rôle principal est une très bonne chose, il semble vraiment être l'acteur idéal avec sa gueule triste et son air blême pour figurer l'innocent condamné à tort, prisonnier de sa fragilité, largement dépassé par les événements. Dans la description méthodique et très subjective de son arrestation sur le seuil de sa porte jusqu'à son emprisonnement, <strong>Hitchcock </strong>se laisse aller à un style de mise en scène que je ne lui connaissais pas, il filme la déchéance du personnage dans toute sa longueur, sa pénibilité, son arbitraire, mais surtout en prenant le soin d'adopter le point de vue de <strong>Fonda </strong>en se concentrant sur son champ de vision, extrêmement réduit, les yeux baissés : il voit les menottes que va lui mettre un policier, il voit les chaussures des codétenus dans le fourgon, il scrute les coins de sa cellule, etc. C'est bien simple, parfois on se croirait chez <strong>Bresson</strong>, tendance <ins>Pickpocket</ins> (si j'avais su qu'un jour j'oserai un tel parallèle...), tant dans l'austérité formelle que dans le découpage et le réalisme subjectif. Un poids moral supplémentaire se fait ressentir lorsqu'un inspecteur lui assène le fatidique "an innocent man has nothing to fear, remember that", très peu rassurant étant donnée la situation et contraignant le principal intéressé à une forme de soumission insidieuse.</p>
<p>L'autre chose intrigante, c'est ce qui arrive au personnage de <strong>Vera Miles </strong>: elle perd pied, totalement, sans raison apparente. Il y a un côté inexpliqué livré de manière brute, jusqu'à l'ultime péripétie du récit qui se contentera d'un carton final relativement sobre. Tout est fait pour maximiser l'empathie au plus près du pauvre protagoniste, l'homme moyen injustement accusé, pris au piège d'un sosie malgré lui, avec une thématique de fond très chrétienne dans la dernière partie (rosaire, prière, portrait de Jésus, miracle) qui fait quelque peu peser le poids des nombreuses décennies passées.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/faux_coupable/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/faux_coupable/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/faux_coupable/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/faux_coupable/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, mars 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Faux-Coupable-de-Alfred-Hitchcock-1956#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1123Je n'ai pas tué Lincoln, de John Ford (1936)urn:md5:03e9836da620b850eb13ba61bfa6e8762023-01-03T22:46:00+01:002023-01-03T22:46:00+01:00RenaudCinémaAbraham LincolnAssassinatEtats-UnisGuerreGuerre de SécessionHistoireInjusticeJohn FordPolitiquePrisonRédemption <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.je_n-ai_pas_tue_lincoln_m.jpg" alt="je_n-ai_pas_tue_lincoln.jpg, nov. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Fièvre jaune et rédemption</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>The Prisoner of Shark Island</ins> regroupe étonnamment beaucoup de facettes réputées de <strong>John Ford</strong>, tant du côté de ses qualités que de ses maladresses, et correspond au final assez bien au portrait (certes proche du panégyrique) qu'en faisait <strong>Bertrand Tavernier </strong>dans son livre plutôt conséquent <ins>Amis américains</ins>. C'est un personnage qui est difficile à saisir avec des grilles de lecture politiques ou morales françaises voire européennes, car il se range dans une catégorie hybride qu'on pourrait qualifier de conservateur libéral et qui transparaît de manière pas si manichéenne à travers sa conception des conflits autour de la guerre de Sécession — le cadre du film se positionne au lendemain, avec l'assassinat par <strong>John Wilkes Booth </strong>d'<strong>Abraham Lincoln </strong>lors d'une représentation théâtrale. <strong>John Ford </strong>semble partagé entre son attache idéaliste aux valeurs de démocratie et de liberté prônées par les Yankees du Nord mais également aux petites gens du Sud ségrégationniste qui luttent pour conserver leurs terres et leurs traditions. La maladresse du portrait tient, à mes yeux, essentiellement à cette façon de dépeindre ces gens, blancs ou noirs, dans une ambivalence reliant la rudesse de leur condition (y compris intellectuelle) et la spontanéité de leur générosité. Je ne suis pas intimement convaincu par ce portrait de gens montrés comme "bêtes mais gentils", pour grossir le trait.</p>
<p>En tous cas, il flotte sur ce film le contraste classique chez <strong>Ford</strong>, illustré ici par le hiatus entre les abolitionnistes émancipateurs des Noirs mais également vecteurs d'une agressivité et d'une injustice notables, d'une part, et d'autre part la terre sudiste berceau de l'esclavage, divisée entre le picaresque des uns et les privilèges aristocratiques des autres. De la nuance insérée au forceps, pour le dire autrement.</p>
<p>Mais on est en droit de suspendre son incrédulité pour épouser le destin du docteur Samuel Mudd, dont l'histoire est inspirée d'événements bien réels. Il soigne l'assassin du président en toute innocence, et se retrouve accusé de complicité, condamné à la détention à perpétuité par un tribunal militaire expéditif et envoyé sur une prison insulaire où il subira la haine et le sadisme des gardiens. Il y a dans le regard de <strong>Ford </strong>pour son personnage une forme de bienveillance naïve, qui s'étend jusqu'à la construction d'une figure et d'une trame christiques, marquées par l'injustice, la souffrance et la rédemption. Très peu d'interprétation de ma part à ce sujet, étant données les remarques répétées du tortionnaire sergent Rankin (<strong>John Carradine</strong>) le traitant de Judas pour avoir tué le saint Lincoln.</p>
<p>On ne peut pas dire que la dynamique rédemptrice soit d'une subtilité à toute épreuve, que ce soit dans la prévisibilité de son rôle dans la gestion d'une épidémie de fièvre jaune meurtrière, dans sa capacité à dénouer une mutinerie de la part des gardes noirs effrayés par la maladie, ou encore dans le changement drastique de comportement du sadique Rankin. Mais il est toutefois possible de se focaliser sur le versant compatissant du film, avec la célébration de l'intégrité et la question de la conscience — dans un registre pour le coup beaucoup moins lourdaud que dans <ins>Le Mouchard</ins> réalisé un an avant. On reconnaît également une volonté omniprésente chez <strong>Ford</strong>, qui passe toujours par une allégorie, celle de panser les plaies de la nation entière, ici avec comme cadre la discorde par excellence des conséquences de la guerre de Sécession.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/je_n-ai_pas_tue_lincoln/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, nov. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Je-n-ai-pas-tue-Lincoln-de-John-Ford-1936#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1092Herbes flottantes, de Yasujirō Ozu (1959)urn:md5:7469f8cb5757390d40f8df999d67e6b32021-07-24T19:21:00+02:002021-07-24T22:46:11+02:00RenaudCinémaArtFamilleInjusticeJacques TatiKenji MizoguchiMélancolieMélodrameSacrificeSolitudeThéâtreYasujirō Ozu <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/herbes_flottantes/.herbes_flottantes_A_m.jpg" alt="herbes_flottantes_A.jpg, juil. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/herbes_flottantes/.herbes_flottantes_B_m.jpg" alt="herbes_flottantes_B.jpg, juil. 2021" />
</div>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Les amants crucifiés<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Il se produit quelque chose entre <strong>Ozu </strong>et la pellicule couleur que je n'ai, je crois, jamais ressenti ailleurs. La superbe restauration de <ins>Herbes flottantes</ins>, remake 25 ans plus tard du presque homonyme <ins>Histoire d'herbes flottantes</ins>, ne fait que renforcer ce sentiment, comme si <strong>Ozu </strong>parvenait à composer ses plans avec autant de talent dans le choix des cadres que dans celui des couleurs, avec de temps en temps quelques teintes remarquées qui se détachent de la toile de fond pastel. Avec la description du Japon des années 50, avec ce mélange de drame et de petites touches comiques, c'est un peu comme si <strong>Tati </strong>et <strong>Mizoguchi </strong>avaient eu un enfant ensemble. <strong>Mizoguchi </strong>dont on retrouve d'ailleurs une thématique de prédilection ici, les déambulations et la condition d'une troupe d'artistes (sans véritable questionnement artistique ici, toutefois), croisée avec en demi-teinte une construction du mélodrame qui peut rappeler celle de <strong>Naruse </strong>— notamment cet ultime segment qui parvient à se hisser encore un cran au-dessus en matière de mélancolie.</p>
<p>Finalement, l'histoire de fond qui suit une petite troupe de théâtre kabuki en déplacement dans un petit village de pêcheurs ne sert que de prétexte à la rencontre entre le meneur et une habitante du coin (<strong>Haruko Sugimura</strong>, décidément fidèle à <strong>Ozu </strong>et très intéressante actrice). Tout le nœud du film est là : ces deux personnages ont eu une aventure dans le passé et de leur union est né un garçon qui ignore tout et pense qu'il s'agit de son oncle. Forcément, quand la maîtresse actuelle du chef apprend l'histoire et les raisons des absences répétées de son amant, piquée par la jalousie, ça part en cacahuète.</p>
<p>Tout est là. Le langage formel directement identifiable par son absence de mouvements de caméra, la composition des cadres d'une acuité plastique percutante, et les thèmes désormais usuels : la filiation problématique, les obligations familiales, la loyauté entre amis, les sacrifices consentis pour des proches, la solitude et le désespoir, l'amour et l'injustice... On est en terrain connu et pourtant le dénouement doux-amer délivre encore tout son venin acidulé. Absolument aucun jugement porté sur l'ensemble de la troupe, les comportements les plus déplacés s'en trouvent presque neutralisés par la tendresse du regard car, après tout, tout le monde a ses raisons.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/herbes_flottantes/.bonbon_m.jpg" alt="bonbon.jpg, juil. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/herbes_flottantes/.theatre_m.jpg" alt="theatre.jpg, juil. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/herbes_flottantes/.couple_m.jpg" alt="couple.jpg, juil. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Herbes-flottantes-de-Yasujiro-Ozu-1959#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/985Winslow contre le roi, de Anthony Asquith (1948)urn:md5:2544d084434953fe15f490efb939069a2021-04-19T12:16:00+02:002021-04-19T11:22:24+02:00RenaudCinémaAnthony AsquithAustéritéFamilleInjusticeProcèsRoyaume-UniSacrifice <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/winslow_contre_le_roi/.winslow_contre_le_roi_m.jpg" alt="winslow_contre_le_roi.jpg, mar. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Goodbye. I doubt if we should meet again. — How little you know men."<br /></strong></ins></span></div>
<p><strong>Anthony Asquith </strong>est sans doute un des réalisateurs britanniques les plus classiques et les plus conformes à l'idée qu'on se fait du classicisme british de l'époque, avec un parfum de distinction toute aristocratique qui s'insère confortablement dans l'écrin des années 1940. Quelques sorties de piste sont à noter toutefois, avec par exemple des fils comme <ins>Il importe d'être constant</ins> qui ont extrêmement mal vieilli. <ins>The Winslow Boy</ins> est en outre l'occasion de montrer sa fine connaissance de l'institution judiciaire anglaise à travers l'histoire (inspirée de faits réels) d'un jeune garçon de 13 ans accusé d'avoir commis un vol et injustement renvoyé de la prestigieuse Académie navale. Son père, tout juste retraité, et avec lui toute sa famille, sera à l'origine d'un procès initialement refusé au garçon sous prétexte de son jeune âge qui ira jusqu'à la Chambre des communes (chambre basse du Parlement du Royaume-Uni). La détermination du père de famille à revendiquer son droit à un procès équitable et à prouver l'innocence de son fils ne se déploiera pas sans coût, bien au-delà des seules dépenses pécuniaires.</p>
<p>Derrière la façade extrêmement austère de la famille représentée avant tout par son patriarche autoritaire, <strong>Asquith </strong>parvient à faire circuler une certaine humanité au terme d'un long périple, devant les juges mais aussi en dehors du tribunal. Le film s'intéresse avant tout au refus de renoncer face à l'injustice (ou du moins ce qui est considéré comme tel avant que le verdict ne soit rendu), une qualité humaine qui finit par transparaître non sans difficulté chez le père ainsi que chez l'avocat hautement réputé que la famille engage, sous les traits remarquables de <strong>Robert Donat</strong>. C'est un peu la quintessence de la dualité so british alliant la probité austère en surface et la sensibilité compatissante qui parvient lentement à se frayer un chemin au travers de ce masque. Beaucoup de pudeur, globalement, que ce soit dans les faiblesses ou dans les accès de colère contenus.</p>
<p>Un film sur le sacrifice, aussi, dans une dimension légèrement pieuse qui irrigue le sous-texte : entre la déclaration des faits et la fin du procès, le père aura sacrifié sa santé (il finit épuisé en fauteuil roulant avec une arthrose aigüe), la fille aura sacrifié son mariage (la famille du prétendant n'ayant pas vu l'acharnement judiciaire de la famille d'un bon œil), le fils aura sacrifié sa bourse d'étude à Oxford (dans le but d'économiser suffisamment d'argent pour payer les frais de justice). En définitive, seul le principal intéressé accusé de vol n'aura rien perdu — si l'on met de côté son innocence — et restera désintéressé, lui qui est en train de s'amuser lorsque la nouvelle du jugement tombe et qui n'aura pas bien compris l'acharnement de son entourage.</p>
<blockquote>
Sir Robert Morton: Still pursuing your feministic activities? Pity. It's a lost cause.<br/>
Catherine Winslow: How little you know women.<br/>
...<br/>
Catherine Winslow: Goodbye. I doubt if we should meet again.<br/>
Sir Robert Morton: Oh, do you really think so? How little you know men, Miss Winslow.
</blockquote>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/winslow_contre_le_roi/.famille_m.png" alt="famille.png, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/winslow_contre_le_roi/.cour_m.png" alt="cour.png, mar. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Winslow-contre-le-roi-de-Anthony-Asquith-1948#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/937