Je m'attarde - Mot-clé - John Hurt le temps d'un souffle<br />2024-03-18T09:08:17+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearL'étrangleur de Rillington Place (10 Rillington Place), de Richard Fleischer (1971)urn:md5:5fa67b6e2a86c0054d6d443bb118b02e2023-10-28T16:02:00+01:002023-10-30T10:13:12+00:00NicolasCinémaAngleterreAppartementAprès-guerreJohn HurtManipulationMeurtrePeine de mortRichard AttenboroughRichard Fleischer <img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.1ORP-T_m.jpg" alt="1ORP-T.jpg, oct. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Who are the police going to believe - you or me that was a special constable for ten years?"</strong></ins></span></div>
<p>Metteur en scène polyvalent par excellence, ne pouvant être associé ni une signature visuelle ni à une thématique particulière, <strong>Richard Fleischer</strong> est de ces réalisateurs que la critique peine à faire rentrer dans la "théorie de l'auteur" (il n'y a qu'à voir comment, quand il y a quelques années des éditeurs de DVD le remettait à l'honneur, les Cahiers du cinéma, se trouvant obligés d'accorder ce label de prestige à un artisan qu'ils avaient longtemps dédaigné, se justifiaient maladroitement).
Tout au plus ressortait fréquemment, dans les intérêts récurrents d'un cinéaste qui se destinait d'abord à des études de psychologie, l'exploration de la psyché et du comportement de criminels, au travers d'une trilogie informelle tirée de faits divers célèbres et composée de <ins>Le génie du mal</ins> (Compulsion), <ins>L'Etrangleur de Boston</ins> (The Boston Strangler) et <ins>L'Etrangleur de Rillington Place</ins>, auxquels on pourrait me semble-t-il ajouter <ins>La fille sur la balançoire</ins> ( The Girl on the Red Velvet Swing).</p>
Le plus tardif du lot, <ins>10 Rillington Place</ins> est un projet qui tenait particulièrement au cœur de <strong>Fleischer</strong> car il lui permettait de s'élever de nouveau contre la peine de mort, comme il le fit avec Le génie criminel (à la fin duquel l'avocat joué par <strong>Orson Welles</strong> livrait une plaidoirie mémorable).
<p>Le film est l'adaptation du livre-enquête éponyme de <strong>Ludovic Kennedy</strong> qui fit sensation en Angleterre, au point qu'on lui attribue une influence non négligeable sur l'abolition de la peine capitale dans ce pays.</p>
<p>Il revient sur l'affaire Christie-Evans qui défraya la chronique judiciaire londonienne entre 1949 et 1953.</p>
<p>Crâne dégarni, portant lunettes, ne parlant qu'à voix basse (conséquence psychologique d'une attaque au gaz moutarde durant la 1ère Guerre Mondiale), John Christie est un homme aux autours inoffensifs, qui ne laissent guère présager de ses pulsions meurtrières.
Il est joué par <strong>Richard Attenborough</strong>. À l'époque, le futur réalisateur de <ins>Gandhi</ins> n'avait pas encore été anobli mais il était un des acteurs préférés des Anglais et bien qu'ayant d'abord frappé les esprits en incarnant, sur les planches comme à l'écran, un jeune chef de gang dans <ins>Brighton Rock</ins>, on l'associait surtout à des personnages sympathiques (dans <ins>La grande évasion</ins>, <ins>La canonnière du Yang-Tse</ins>...) Pour les spectateurs de ma génération, il était surtout le grand-père de <ins>Jurassic Park</ins> (un peu imprudent, mais pas un mauvais bougre...) Bref, pas vraiment le premier nom qu'on associerait à un rôle de tueur en série.</p>
<p>Dans le meublé qu'ils louent à l'étage de leur demeure, Christie et sa femme accueillent un jeune couple : Timothy et Beryl Evans. Ils ont un enfant en bas âge et très tôt la jeune femme révèle à son époux qu'un deuxième est en route mais qu'elle ne le portera pas à terme, faute de revenus suffisants pour s'occuper de deux enfants. Le jeune homme s'oppose dans un premier temps à la décision de son épouse, cependant celle-ci, au tempérament moderne et affirmé, finit par le convaincre. Reste à procéder à l'avortement, ce qui n'est pas une mince affaire.</p>
<p>C'est là qu'intervient John Christie et que se noue le nœud du drame.
Prétextant quelques compétences médicales (le prologue nous montre que par le passé ce subterfuge lui permit de gagner la confiance d'une autre de ses victimes), il se propose d'opérer lui-même, à moindre frais. Pour le psychopathe, l'occasion est trop belle pour agresser sexuellement la jeune femme, la tuer et mettre sa mort sur le compte du risque inhérent aux avortements clandestins.
Christie doit ensuite s'assurer que le mari gardera le silence ; et il compte, pour le persuader, sur l'emprise psychologique. Il a bien vu que le jeune homme, complexé par son illettrisme, n'affiche pas une grande force de caractère (dans le rôle de Timothy Evans, <strong>John Hurt</strong> livre une de ses premières grandes interprétations, traduisant à merveille la fragilité et l'ambiguïté du personnage).</p>
<p>Drame humain, le récit est aussi celui d'un drame social, la pauvreté, le manque d'éducation et leur poids dans les rapports de classe condamnant tout autant les plus démunis que ne le fait la justice des tribunaux.
Pour rendre cet aspect, le décor a son importance. Les plans extérieurs de la rue ont été tournés sur les lieux du crime (qui ont bien changés : ironiquement, ils se fondent aujourd'hui dans le quartier chic de Notting Hill).
Le logement des Christie et Evans, ainsi que l'arrière-cour, ont eux été reconstitués en studio. Le rendu est remarquable mais plus remarquable encore est la mise en scène de <strong>Fleischer</strong>. En effet, pour mieux rendre l'exiguïté des lieux, le réalisateur s'est refusé à agrandir le décor ou installer des panneaux coulissants pour faciliter la manipulation des caméras. Malgré cela, la fluidité des images est exemplaire. <strong>Fleische</strong>r, qui a été de ceux qui ont su le plus habilement tirer profit de l'ampleur du Cinémascope, avait montré dès 1952 avec <ins>L'énigme du Chicago Express</ins> qu'il maîtrisait aussi bien les petits espaces ; il signe là un autre modèle du genre.</p>
<p>Une mise en scène acérée était également cruciale pour la séquence de la pendaison et celle-ci s'avère d'une sobriété exemplaire.
À noter que <strong>Fleischer</strong> a fait appel aux conseils techniques d'Albert Pierrepoint, le dernier bourreau d'Angleterre, qui exécuta lui-même Evans et Christie (il rapporta l'anecdote que ce dernier se plaignit que la cagoule le démangeait, à quoi il répondit que cela n'allait pas le gêner longtemps).</p>
<p>Drame conjugal, thriller en huis clos, chronique judiciaire, <ins>10 Rillington Place</ins> est un film qui m'avait frappé lorsque je l'avais vu pour la première fois, adolescent. À le revoir aujourd'hui, il n'a rien perdu de sa force et sa justesse.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/10RP-1.jpg" title="10RP-1.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.10RP-1_m.jpg" alt="10RP-1.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/10RP-2.png" title="10RP-2.png, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.10RP-2_m.png" alt="10RP-2.png, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/10RP-3.jpg" title="10RP-3.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.10RP-3_m.jpg" alt="10RP-3.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/10RP-4.jpg" title="10RP-4.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.10RP-4_m.jpg" alt="10RP-4.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/10RP-5.jpg" title="10RP-5.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/NICOLAS/10_Rillington_Place/.10RP-5_m.jpg" alt="10RP-5.jpg, oct. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-etrangleur-de-Rillington-Place-de-Richard-Fleischer-1971#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1280Osterman Week-end, de Sam Peckinpah (1983)urn:md5:96344cd41b701bc7d0471cedb40457652018-01-01T18:18:00+01:002018-01-01T19:43:47+01:00RenaudCinémaBurt LancasterDennis HopperJohn HurtManipulationRutger HauerSam Peckinpah <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/osterman_weekend/.osterman_weekend_m.jpg" alt="osterman_weekend.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="osterman_weekend.jpg, janv. 2018" />
<div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le testament du fauteuil vide : "My bet is you can't do it. But go ahead and try."<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Il y a des fins de filmographies difficiles, et celle de <strong>Sam Peckinpah </strong>est particulièrement douloureuse tant elle se termine sur une note fade, d'une fadeur incroyable au regard du reste de sa carrière et de ses nombreux éclats. La mélancolie et la tristesse qui se seront dégagées de nombre de ses œuvres ont finit par prendre une dimension extra-diégétique en s'appliquant au film lui-même et non aux émotions véhiculées par son contenu. Misère, misère...</p>
<p><ins>Osterman Week-end</ins>, si l'on se tient à un premier niveau de lecture, est tout de même une œuvre globalement inintéressante, un de ces thrillers quelconques dont les années 80 nous irriguent de manière continue, en plus du cachet esthétique facilement identifiable. La trame narrative a beau être très touffue, avec plusieurs niveaux de manipulations et de vrais faux mensonges, le fond de l'affaire n'est pas des plus passionnants. Le film ne parvient pas à l'alimenter correctement en tension et la réunion de plusieurs personnages dans la maison de l'un deux, le temps d'un weekend sur fond d'espionnage et de peurs d'une infiltration communiste, ne produit pas la réaction explosive que le cocktail laissait supposer. Même le casting impressionnant rassemblant <strong>Rutger Hauer</strong>, <strong>John Hurt</strong>, <strong>Dennis Hopper </strong>et <strong>Burt Lancaster </strong>ne suffit pas — et c'est là presque un exploit. Le jeu de massacre reste vain, la sauce ne prend pas, et l'ensemble flirte dangereusement avec le téléfilm érotique marqué au fer rouge de sa décennie.</p>
<p>Le film est sans doute un peu en avance sur son temps, dans son explicitation du pouvoir de contrôle offert par la technologie et tout les détournements qu'elle rend possible : manipulation de photographies et de films, caméras incrustées dans tous les recoins d'une maison (donnant lieu à quelques fous rires, les monteurs ayant oublié qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi avec la vidéo issue d'une caméra de surveillance), et multiplication des écrans à foison. Mais <strong>John Hurt </strong>n'est clairement pas le Docteur Mabuse, le célèbre personnage des trois films de <strong>Fritz Lang </strong>dans les années 20, 30 (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Testament-du-docteur-Mabuse-de-Fritz-Lang-1933">lire le billet</a>) et 60. La manipulation des images fait ici plutôt office d'écran de fumée que de véritable analyse sociétale.</p>
<p>Ce premier niveau tentant de jouer sur une inversion constante des rôles, sur l'arroseur arrosé, le manipulateur manipulé, ne fonctionne pas. Certaines répliques tombent à l'eau, à l'instar de celle-ci proférée par le personnage de <strong>Hurt </strong>: "<em>Think of them </em>(les amis du protagoniste) <em>as fleas on a dog hit by a car driven by a drunken teenager whose girlfriend just gave him the clap. It will help you sense of perspective.</em>" Le final déclamé par <strong>Rutger Hauer</strong>, à travers un écran de télévision, ne produit pas l'électrochoc tant souhaité : "<em>What you've just witnessed is, in many ways, a life-sized video game. You saw a liar talk to a killer and you couldn't tell them apart. But hey, it's only television. As you may know, television programs are just the filler between attempts to steal your money. So if you want to save some, turn me off. It's a simple movement, done with the hand and what is left of your free will. The moment is now. My bet is you can't do it. But go ahead and try.</em>"</p>
<p>On peut certes, à l'instar de personnalités comme <strong>Jean-Baptiste Thoret</strong>, y voir un aveu d'impuissance de la part de <strong>Peckinpah</strong>, à la fin de sa carrière marquée par la maladie et par une série d'échecs, entérinant le fait qu'il n'a plus sa place dans le cinéma des années 80, celui des héros "positifs", très loin des anti-héros qui ont caractérisé son cinéma. <ins>Osterman Week-end</ins> est sous certains aspects une caricature de ce qui faisait en partie le sel de son style (la course-poursuite et les ralentis utilisés sont un effroyable ratage), proche de la parodie, et se termine en effet sur l'image d'un fauteuil vide. Le sien, à n'en pas douter.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/osterman_weekend/.hurt_m.jpg" alt="hurt.jpg" title="hurt.jpg, janv. 2018" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/osterman_weekend/.maison_m.jpg" alt="maison.jpg" title="maison.jpg, janv. 2018" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/osterman_weekend/.hauer_m.jpg" alt="hauer.jpeg" title="hauer.jpeg, janv. 2018" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Osterman-Week-end-de-Sam-Peckinpah-1983#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/467