Je m'attarde - Mot-clé - Lycée le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearHigh School, de Frederick Wiseman (1968)urn:md5:bdb7bccfa74fe2d5a24a51db099637762021-04-25T19:55:00+02:002021-04-25T20:36:55+02:00RenaudCinémaAutoritéDisciplineDocumentaireEducationEtats-UnisFrederick WisemanLycéeSexe <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.high_school_m.jpg" alt="high_school.jpg, avr. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We’re out to establish that you can be a man and that you can take orders."<br /></strong></ins></span></div>
<p>Le sujet : un lycée américain à la très bonne réputation, à la fin des années 60. La démarche : poser la caméra dans un coin, se fondre dans le paysage et observer patiemment. La distance : jamais intrusive, jamais évasive. On reconnaît là très clairement la combinaison singulière des ingrédients caractéristiques du cinéma documentaire de <strong>Frederick Wiseman</strong>. Et même, pourrait-on dire, le cinéma documentaire de <strong>Frederick Wiseman </strong>des années 60-70, à l'époque où le montage se faisait un peu plus drastique et incisif, pour faire la distinction avec la suite de sa carrière. Un an après le tout aussi éloquent <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Titicut-Follies-de-Frederick-Wiseman-1967"><ins>Titicut Follies</ins></a>, on retrouve les conditions optimales qui permettent de délivrer un contenu (un message, un point de vue, un témoignage, un élément documentant) sans avoir besoin de prononcer le moindre discours en voix off. Tout juste peut-on entendre <strong>Otis Redding </strong>en fond sonore en introduction, quelques secondes de "On the Dock of theBay" — seule et unique fois que l'on trouvera un habillage musical extra-diégétique chez <strong>Wiseman</strong>.</p>
<p> À mesure qu'on progresse dans le documentaire, le fond se fait de plus en plus limpide, évident, au gré d'une mise en scène extrêmement permissive, au sens où chacun devra se faire sa propre idée, tracer sa route au milieu du contenu très ouvert, presque neutre. Tellement ouvert qu'un journaliste se demandera à l'époque "combien d'enseignants et d'administrateurs de notre pays, regardant ce film, n'y verront rien d'anormal". Et pourtant, a posteriori, tellement riche en matière de témoignage sur une époque, sur un système de pensée, sur une institution normative. Seul bémol, éventuellement : l'abus de gros plans, aussi sensés soient-ils, par exemple pour relever (à travers leurs mains et leurs visages) le stress et la désolation des parents face au proviseur.</p>
<p>Le système scolaire américain des années 60 est loin de se contenter de son rôle éducatif, au sens de la transmission de la connaissance. Le constat relève de l'évidence à l'issue de <ins>High School</ins>, qui arbore un côté saillant que l'on ne retrouvera pas dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-II-de-Frederick-Wiseman-1994"><ins>High School II</ins></a>, près de 30 ans plus tard, dans le "Harlem latino" de New York. L'école est ici un lieu qui inculque un système de valeurs très marquées, à l'image d'un formatage opéré sur une génération par la précédente. C'est une illustration du conditionnement social par excellence dans une école de classes moyennes supérieures, de haute tenue, à majorité blanche (on ne voit qu'un Noir dans tout le film) : la North East High School de Philadelphie en Pennsylvanie.</p>
<p>Tout n'est qu'affrontements et rapports de force fortement déséquilibrés. Entre les enseignants et les élèves comme entre les enseignants et les parents. Dès les premières scènes, on voit très bien s'établir une relation entre les étudiants et une autorité qui ne peut pas se discuter. Une autorité qui ne tarit pas de commandements à caractère militaire, une sorte de propagande non-avouée, martelée avec fermeté : "we’re out to establish that you can be a man and that you can take orders" dit-on à un élève (pourtant doté d'un certificat médical) qui ne veut pas aller en sport, "when you’re being addressed by someone older than you are or in a seat of authority, it’s your job to respect and listen" dit-on à un autre qui s'est révolté devant une injustice. La déclaration la plus poignante et peut-être la plus cinglante, la plus révélatrice du niveau de formatage, c'est celle faite par une femme après avoir lu la lettre chargée de reconnaissance d'un ancien de l'école parti se faire trucider au Vietnam : "now when you get a letter like this, to me it means that we are very successful at Northeast High School. I think you will agree with me." La boucle est bouclée.</p>
<p>Tout n'est qu'apprentissage de la discipline, qu'enseignement de la soumission à l'autorité comme signe ultime de maturité. Des cours de gym non-mixtes aux vidéos d'éducation sexuelle en passant par les blagues vraiment dégueulasses et rabaissantes d'une sorte d'éducateur gynécologue devant une assemblée masculine prise de fous rires, ainsi qu'une sorte de défilé impitoyable où l'on rabaisse les filles jugées grosses et mal habillées, sous couvert d'arguments faussement objectifs et compatissants. D'un côté on apprend aux filles à être des femmes (ou du moins ce que l'on entendait par-là à cette époque), c'est-à-dire à se tenir correctement, à marcher avec élégance, à bien s'habiller, et de l'autre, on apprend aux garçons à être des hommes, ce qui ressemble souvent à de la discipline militaire pour leur inculquer leur supériorité. On reproduit invariablement des dogmes sur la féminité et sur la masculinité.</p>
<p>En résulte une vision des rapports de domination vraiment impressionnante, toujours éloquente plus de 50 ans plus tard, tant du point de vue de la dichotomie adultes / enfants que de celle hommes / femmes. L'école se voit ainsi comme une usine de formatage en vue de comprendre et d'occuper la place qu'il convient en société. En face, on s'ennuie ferme. Apprendre à tenir un rôle, apprendre à obéir, en résumé apprendre la discipline "sans hésitation et sans murmure".</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.fille_m.jpg" alt="fille.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.sport_m.jpg" alt="sport.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.lecture_m.jpg" alt="lecture.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.education_sexuelle_m.jpg" alt="education_sexuelle.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school/.feminite_m.jpg" alt="feminite.jpg, avr. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-de-Frederick-Wiseman-1968#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/960Passe ton bac d'abord, de Maurice Pialat (1978)urn:md5:8ef71830c512ae48f4d64a8a7107419a2020-04-26T17:40:00+02:002020-04-26T16:41:47+02:00RenaudCinémaAmourDéterminisme socialLycéeMaurice Pialat <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/passe_ton_bac_d-abord/.passe_ton_bac_d-abord_m.jpg" alt="passe_ton_bac_d-abord.jpg, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Naturalisme de la moyenne</strong></ins></span>
</div>
<p>Les premières séquences suffisent à susciter un net intérêt, que je situerais entre le semi-documentaire et le regard social. Ces gueules d'adolescents, ces pulls en laine, ces situations familiales : pas de doute, on est en plein dans cette époque à cheval entre les années 70 et 80. C'est précisément le cadre temporel de la génération de mes parents et si je suis géographiquement assez peu proche de ces régions nordistes, <ins>Passe ton bac d'abord</ins> revêt une perspicacité incroyable à mes yeux. De bac, d'ailleurs, il ne sera pas beaucoup question. <strong>Pialat</strong>, comme à son habitude, emporte sa caméra qu'on pourrait qualifier de naturaliste pour aller capter le vent de l'adolescence paumée.</p>
<p>Initialement, le cadre peut déranger. Cette direction d'acteur si particulière (des non-professionnels pour beaucoup, j'imagine), cette crudité dans le regard à la lisière du documentaire, les zones d'inconfort sont nombreuses. Mais à mesure que cette ambiance se tisse, la familiarisation se fait et permet d'apprécier la proposition de manière plus détendue. Souvent, on ne sait pas s'il faut trouver ça drôle ou dramatique. Les élans et les tonalités sont très nombreux, entre les sentiments amoureux, les rapports conflictuels avec les parents, la tutelle d'un prof de philo, etc. Ce tissu social sert de démonstration pour Pialat, sans que cela ne soit trop démonstratif, pour illustrer une forme de reproduction de schémas. On est comme enfermé dans des cycles, de violence, d'ignorance, de mépris. La bêtise des parents réactionnaires est un magnifique exemple de cela, archétype d'un discours sur l'âge d'or de la génération précédente qui reste invariable au cours du temps. De manière plus comique, il y a le discours du prof, qui se veut informel et presque amical, qui reste le même d'une année à l'autre. Entre l'introduction et la conclusion, une année est passée mais pas grand-chose n'a changé.</p>
<p><strong>Pialat </strong>sert presque une chronique des errances du secondaire, avec beaucoup de tendresse mais sans pour autant verser dans une complaisance aveugle ou niaise. Il y a une forme de "niveau moyen" qui se ressent à tous les niveaux : des gens, enfants et parents, ni pauvres, ni riches, ni idiots ni brillants. La grisaille de la moyenne. Ils gravitent tous dans un univers morose et informe, avec le chômage, l'école, l'émancipation, le mariage. C'est d'une certaine authenticité touchante, en évoluant d'une famille à l'autre sans jamais se fixer nulle-part, en délivrant une forme de désespoir tranquille, une survie résignée. Et dans cette redondance cyclique témoignant une forme de déterminisme social et territorial, comme le dit le prof de philo au sujet de la nécessité de désapprendre et de la prof de gym qui hurle "démarquez-vous !", on sent comme un appel à faire table rase du passé.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/passe_ton_bac_d-abord/.bisou_m.png" alt="bisou.png, avr. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Passe-ton-bac-d-abord-de-Maurice-Pialat-1978#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/766High School II, de Frederick Wiseman (1994)urn:md5:7bf89a1e12498f883f30c00cd2006ff52017-09-27T12:12:00+02:002021-04-25T18:55:59+02:00RenaudCinémaDocumentaireDébatEducationEnseignementEtats-UnisFrederick WisemanLycéeRacisme <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school_ii/.high_school_m.jpg" alt="high_school.jpg" title="high_school.jpg, sept. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/high_school_ii/.high_school_ii_m.jpg" alt="high_school_ii.jpg" title="high_school_ii.jpg, sept. 2017" /><br />
<em>Les affiches de <ins>High School </ins>(1968) et <ins>High School II </ins>(1994).</em><br />
<p><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le débat sort de la bouche des enfants<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><ins>High School II</ins> est une réponse assez claire au brillant <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-de-Frederick-Wiseman-1968"><ins>High School</ins> </a>que <strong>Frederick Wiseman </strong>tourna 25 ans plus tôt. En 1968, en s'attachant à décrire le fonctionnement de la North East High School de Philadelphie en Pennsylvanie, il montrait de manière implacable à quel point cette institution s'appliquait à reproduire du conditionnement social de génération en génération, et à quel point les rapports de domination et de soumission à l'autorité étaient placés au même niveau que les missions purement éducatives de l'établissement. En 1994, comme un lointain écho, c'est la Central Park East Secondary School qui fait l'objet du deuxième volet du documentaire, dans le "Harlem latino" de New York. Un constat, évident dès les premières minutes : le point de vue sur l'enseignement et les méthodes éducatives se situe à l'opposé de celui proposé dans le premier film. À la violence morale des rapports de 1968 répond ici une humanité et une volonté de compréhension en tous points différentes.</p>
<p>C'est un lycée où étudient majoritairement des Noirs et des Latinos, deux populations qui brillaient par leur absence presque absolue dans <ins>High School</ins>. L'autre grande différence de ce second volet sur le système scolaire américain, c'est le changement en termes de concision : en près de quatre heures (sans doute un simple choix de montage, d'ailleurs, la quantité de rushes disponibles pour le premier film ayant dû être tout aussi conséquente), <strong>Wiseman </strong>prend beaucoup plus le temps de suivre les discussions dans leurs détails et dans leurs dérives. Il détaille autant le contenu des techniques pédagogiques et des enseignements que le fonctionnement du lycée : les cours sont en classes relativement réduites, les sujets comme l'éthique et les réalités sociales auxquelles sont confrontés les enfants font partie intégrante des programmes, la prise en charge des conflits se fait de manière extrêmement personnalisée, etc. L'intérieur et l'extérieur du lycée semblent parfaitement perméables, à la différence du premier <ins>High School</ins> qui semblait évoluer en vase clos. On comprend très vite que les élèves ne sont pas réduits à leur capacité d'ingurgitation : leur aptitude à raisonner, à dialoguer, à collaborer et à participer activement au contenu de l'enseignement est très souvent mise à profit. L'apprentissage de la responsabilité individuelle se fait toujours conjointement avec celui de la tolérance et du respect des autres minorités. Ce qui pourrait s'apparenter à une série de banalités dans un autre contexte, relatives à du simple bon sens, prend une toute autre tournure ici : le chemin semble bien long... Une chose est sûre, cependant : entre 1968 et 1994, les cours d'éducation sexuelle ont bien changé et les rires gras des apprentis gynécologues ont laissé place aux explications un peu plus documentées des sexologues.</p>
<p>Il est sans doute plus facile de faire un documentaire pertinent et percutant sur les travers d'un système que sur une de ses réussites, aussi mitigées soient-elles : <ins>High School II</ins> parvient toutefois à donner une idée des éléments qui concourent au succès (relatif) de l'établissement en dépit des problèmes sociaux, discriminatoires ou sexistes manifestes. La démarche peut se résumer à un programme qu'ils appellent “habits of mind”, tentant d'intégrer dans le parcours éducatif des notions telles que l'analyse critique des faits, la prise en compte des différents points de vue sur une problématique donnée, l'observation des connexions entre différents sujets, ou encore l'évaluation de la pertinence ou de la probabilité d'une hypothèse. Le documentaire passe des salles de classes au bureau du proviseur, des relations enseignants/étudiants aux réunions parents/professeurs. La frontalité avec laquelle sont traités les différends est parfois surprenante, et la résolution des conflits est menée avec énormément de tact, surtout lorsqu'ils impliquent des considérations racistes. C'est la prédominance du débat dans cet espace multiculturel qui semble intéresser <strong>Wiseman</strong>, tant les dialogues avec les lycéens constituent le cœur du documentaire (avec la distance au(x) sujet(s) qui semble caractéristique du cinéaste).</p>
<p>Des discussions potentiellement inintéressantes finissent par revêtir un caractère presque fascinant, notamment quand une association étudiante discute de l'organisation d'une marche en ville pour protester contre le tabassage de <strong>Rodney King </strong>(se taire et donc se résigner, se manifester et donc risquer des violences), quand deux étudiants noirs plus âgés interviennent dans la médiation autour d'une altercation entre deux jeunes lycéens blancs, ou encore quand deux groupes d'élèves discutent des bonnes et mauvaises raisons d'accueillir des réfugiés aux États-Unis. En toile de fond, bien sûr, on ne peut s'empêcher d'y voir le portrait d'un changement moral, entre l'Amérique des années 60 et celle des années 90. Le regard ne sombre pas pour autant dans l'idéalisme béat et aborde de manière tout aussi frontale les dérives de l'American Dream, le culte de l'argent, ou encore l'injustice du système législatif. Des débats qui sortent, bien évidemment, de la bouche des enfants.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/High-School-II-de-Frederick-Wiseman-1994#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/449Montessori, Freinet, Steiner... Une école différente pour mon enfant ? par Marie-Laure Viaudurn:md5:757ea52eeb718aca60324f96e9c26c0e2013-10-20T17:00:00+01:002013-10-21T13:18:07+01:00GillesLectureEcoleEducationFreinetLectureLycéeMaternelleMontessoriPédagogie alternativeSteiner <p><a title="a-jean-jaures-ce-matin-un-des-36-etablissements-de_667445_510x255.jpg" href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/a-jean-jaures-ce-matin-un-des-36-etablissements-de_667445_510x255.jpg"><img title="a-jean-jaures-ce-matin-un-des-36-etablissements-de_667445_510x255.jpg, oct. 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="a-jean-jaures-ce-matin-un-des-36-etablissements-de_667445_510x255.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/.a-jean-jaures-ce-matin-un-des-36-etablissements-de_667445_510x255_m.jpg" /></a></p>
<p>Est-ce-que les méthodes alternatives d'enseignement permettraient de ne plus contribuer
à consolider les hiérarchies qui structurent la société..? de ne pas
reproduire les inégalités <em>de classe</em> en classe..? Mieux encore de s’épanouir à l'école.! Le témoignage lucide et représentatif de <strong>Henri Deruer</strong> paru dans <em>Rue89</em> sous le titre « <a href="http://www.rue89.com/2013/09/21/fils-3-ans-est-rentre-a-lecole-jaurais-voulu-autre-chose-245861"><ins>Mon fils a fait sa première rentrée. J’aurais voulu autre chose pour lui</ins> </a>» reflète bien l'opinion générale, et exprime une réalité scolaire dans laquelle la plupart d'entre nous pourront se retrouver.</p>
<p>Car, lorsqu’il est question du « système » scolaire français actuel, je me représente celui qui s'inscrit
dans une logique forte de sélection,
d’orientation. Celui qui s’accommode comme il peut de l’inégale répartition du capital économique,
culturel et social sur le territoire. Celui qui se met à la norme de l’employabilité, de
l’efficacité, et de la performance. Celui aliénant qui porte nos choix vers les
établissements et les filières qui débouchent sur les titres scolaires les
plus facilement monnayables sur le marché du travail.</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/une-ecole-differente-pour-mon-enfant-viaud.jpg" title="une-ecole-differente-pour-mon-enfant-viaud.jpg"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.une-ecole-differente-pour-mon-enfant-viaud_m.jpg" alt="une-ecole-differente-pour-mon-enfant-viaud.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="une-ecole-differente-pour-mon-enfant-viaud.jpg, sept. 2013" /></a>
<p><strong>Marie-Laure Viaud</strong> est docteur en sciences de l'éducation, spécialiste des écoles alternatives. Elle nous présente de façon aussi objective que possible le fonctionnement de ces écoles et de ces pédagogies « différentes » créées par des enseignants, des médecins, des psychologues et des philosophes qui - depuis près de cent cinquante ans - explorent la possibilité d'un autre modèle d'école. Consciente que sa personne, ses jugements, et son idéologie influent même à son insu sur ses analyses et ses interprétations, elle construit ce document en donnant une représentation fidèle de ces classes qu'elle a longuement observées.</p>
<a title="sommaire_M_L_Viaud.JPG" href="http://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/sommaire_M_L_Viaud.JPG"><img title="sommaire_M_L_Viaud.JPG, oct. 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="sommaire_M_L_Viaud.JPG" src="http://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.sommaire_M_L_Viaud_m.jpg" /></a><div id="centrage"><span style="font-size: 9pt;">Sommaire du livre. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.</span>
</div>
<p> Le livre commence avec les mots d<strong>'Adolphe Ferrière</strong> (début du XXe siècle) dont la critique acérée pique dans le vif du sujet : </p>
<blockquote><p>« Et sur les indications du diable, on créa l'école. L'enfant aime la nature : on le parqua dans des salles closes. L'enfant aime bouger : on l'obligea à se tenir immobile. Il aime manier des objets : on le mit en contact avec des idées [...]. Il voudrait raisonner : on le fit mémoriser. Il voudrait s'enthousiasmer : on inventa les punitions... »</p>
</blockquote>
Dans son introduction, <strong>Marie-Laure Viaud</strong> pose la question suivante « Pourquoi y a-t-il si peu d'écoles différentes ? ». Elle avance plusieurs éléments de réponse que je retranscris ici car cette analyse me paraît essentielle :<br /><blockquote><p><strong>On peut considérer que les écoles différentes, privées ou publiques, scolarisent environ vingt mille élèves</strong>, sans compter l'enseignement professionnel et les classes Freinet isolées dans des établissements classiques. <strong>La majorité d'entre elles reçoivent un nombre de demandes d'inscription bien supérieur au nombre de places offertes</strong> : par exemple, l'école Decroly reçoit chaque année de cent à cent cinquante demandes pour vingt-cinq places. Comment expliquer que ces écoles soient si peu nombreuses ?</p>
<p><strong>En premier lieu, la mobilisation des citoyens en faveur de ce type d'école n'a jamais été suffisamment importante pour contraindre l'Education Nationale à ouvrir davantage d'établissements de ce type dans l'enseignement public.</strong> Les <strong>parents</strong> sont plus souvent demandeurs de réussite aux examens que d'épanouissement ; ils mobilisent leurs ressources pour soutenir l'effort scolaire de leurs enfants, cherchent la « bonne école » ou la « bonne classe » - celle où l'on fera allemand première langue, option théâtre. Ce type de comportements n'incite pas à des engagements collectifs ni à la recherche d'une amélioration générale de l'école. Le faible intérêt des <strong>enseignants</strong> pour les pédagogies nouvelles tient notamment au fait que ces pédagogies sont présentées dans les instituts de formation des maîtres (IUFM). <strong>Les mouvements qui pourraient relayer de tels projets</strong>, comme les Verts ou Attac, s'intéressent davantage aux problèmes éducatifs sous l'angle de la dénonciation de la « marchandisation » de l'école. Ils ne constituent donc pas des relais auprès des milieux populaires. Quant aux <strong>décideurs </strong>et aux politiques, ils ont souvent été de bons élèves dans le passé et ont du mal à remettre en cause un système qui leur a permis de réussir...</p>
<p><strong>En second lieu, les écoles différentes sont mal connues et leur représentation dans l'imaginaire collectif est ambigüe</strong>. La moindre émission de télévision, le moindre article dans une revue grand public déploie le mythe : « il existe quelque part, très loin, un endroit (une école) extraordinaire...», une école où les adolescents seraient heureux de se rendre chaque matin, où ils se passionneraient pour les apprentissages, où ils pratiqueraient des activités sportives et artistiques épanouissantes, et ce par la magie de quelques éducateurs géniaux... Mais, dans le même temps, ces écoles suscitent un certain effroi : elles sont associées aux écoles parallèles des années 1970, au laisser-faire, au laisser-aller ; on imagine que l'on n'y apprend pas grand-chose ou qu'elles sont destinées uniquement à des enfants « spéciaux ». On leur adresse des jeunes en très grande difficulté avec lesquels on attend qu'elles réussissent là ou tout le monde a échoué, qu'elles fassent des miracles. La représentation de ces écoles se tisse donc entre l'émerveillement, l'effroi et les pratiques miraculeuses... loin du travail scientifique et des discours rationnels qui montrent pourtant le bien-fondé de ces méthodes.</p>
<p><strong>La question est aussi politique.</strong> D'une part, les pédagogies nouvelles favorisent, bien plus que le système standard, l'esprit critique, la capacité à s'exprimer, à monter des projets, à prendre des responsabilités collectives. En un mot, elles forment des citoyens capables d'une contestation active de la société. D'autre part, si de tels établissements fonctionnaient correctement (avec des élèves et des moyens ordinaires et en nombre suffisant, afin que leurs résultats ne soient pas attribuables aux conditions de l'expérience), cela signifierait que la réponse aux difficultés actuelles de l'école est d'ordre pédagogique, et non d'ordre quantitatif, et que c'est donc la structure du <em>système</em> qu'il faut transformer.</p>
</blockquote>Vous commencez certainement à percevoir la teneur de ce livre et le ton de son auteur. Il ne s'agit donc pas d'encenser les pratiques des pédagogies alternatives en adoptant une admiration béate. L'école standard pourrait sans doute mieux fonctionner si le ministère de l'éducation restructurait en profondeur la formation des enseignants. On rappellera qu'en 2010, la réforme <strong>Chatel</strong> a supprimé les cours en IUFM pendant l'année de stage, jetant les lauréats du concours dans des classes à plein temps et multipliant ainsi les cas d'abandon et de burn-out. Aujourd'hui, au lieu d'une entrée progressive dans le métier (par alternance), avec des stages
d'observation avant le concours, puis des stages accompagnés dans la
classe d'un maître-formateur, le gouvernement <strong>Hollande</strong> fait une resucée timorée de la formation, les étudiants auront donc deux années menées tambour battant pour obtenir le master, réussir le concours et effectuer les stages à mi-temps. Peu de chances de voir émerger des enseignants capables d'enrayer cette machine à sélectionner les élèves, ils n'auront d'autres choix que d'appliquer les vieilles recettes à défaut d'avoir eu le temps propice à une formation <em>critique</em> et <em>intégrée</em>.<br /><br />Parlez à de jeunes diplômés des méthodes <strong>Montessori</strong>, <strong>Steiner</strong>, <strong>Freinet</strong>, il y a fort à parier qu'ils n'en connaissent ni les pratiques, ni les enjeux. Pourtant elles ouvrent à une réflexion <em>humaniste</em> (l'adjectif ne me semble pas galvaudé ici) des méthodes d'enseignement. Les enseignants Freinet, par exemple, veulent former des citoyens capables d'agir sur
le monde : une grande partie de leur travail consiste donc à développer
le sens critique de leurs élèves, à leur apprendre à travailler en
groupe, à s'écouter, à s'organiser, à prendre des décisions
démocratiques, et à monter des projets collectifs dès la petite enfance. <br /><br />Ces méthodes sont diamétralement opposées sur des points majeurs, ce qui peut rendre perplexe n'importe quel néophyte comme moi sur le sujet, et j'imagine bien plus encore les parents qui attendent des réponses claires sur l'éducation à promulguer à leur enfant. Car s'il est bien question de l'école dans ce livre, il en est tout autant de l'enseignement des savoirs et des savoir-être par les parents à leurs enfants (cf. principalement les chapitres 7 - 8, et - 9). Concernant les sujets qu'opposent Steiner, Montessori, Freinet et les Pédagogies Institutionnelles, je pense notamment aux passages sur : la part de temps du travail individualisé, le matériel pédagogique, les jeux des enfants, l'approche de l'écriture et de la lecture, l'enseignement des savoirs à partir de situations « vraies » (et non « scolaires »), l'instauration des « métiers » et des « ceintures de couleur » (cf. tableau ci-dessous), le nombre des sorties à l'extérieur de l'école.<br /><br />
<a title="metiers.JPG" href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/metiers.JPG"><img title="metiers.JPG, oct. 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="metiers.JPG" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.metiers_m.jpg" /></a><div id="centrage"><span style="font-size: 9pt;">Une responsabilité <strong>- un </strong><un strong=""><strong>métier</strong> - est attribuée à chaque élève : gardien du temps (il prévient lorsqu'une activité est terminée), jardinier (il prend soin des plantes), etc. Les <strong>ceintures</strong> correspondent à un certain nombre de compétences (donnant des droits et des devoirs différents aux élèves). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.</un></span></div><br />Quant aux résultats de ces pédagogies alternatives, <strong>Marie-Laure Viaud</strong> y consacre plusieurs pages dans le chapitre 6 intitulé <em>« Et après ? Les résultats de ces écoles »</em>. Elle répond entre autres aux questions restrictives que je posais en accroche de la chronique, et elle élargit ces interrogations à d'autres aspects de comparaison. Mais au risque d'amoindrir davantage les idées et les analyses pertinentes de son auteur, je vous invite donc chaudement à vous procurer ce guide. Il constitue un document synthétique, et tourné assurément vers la pratique. J'insiste sur le fait que ces méthodes alternatives sont expliquées par des exemples concrets observés dans les classes existantes : structure d'une journée d'école, détails des activités, analyse des comportements des enfants, description du matériel, etc. Tout cela sans jamais être rébarbatif, faisant resurgir des souvenirs d'école et poussant à reconsidérer les pratiques des enseignants dont nous avons partagé les journées. Le paratexte est par ailleurs très riche et nous incite à poursuivre la découverte de ces méthodes sur internet (vidéos, sites web, publications, etc) ou à se déplacer dans ces écoles dont on trouvera une liste quasi-exhaustive à la fin du livre.<br /><br /><br /><em>NB : Toujours autour du thème de l'école alternative, on pourra s'attarder sur le billet de <strong>Renaud, </strong><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Du-paradigme-de-l-education-Ken-Robinson-says-schools-kill-creativity">Du paradigme de l'éducation : « Ken Robinson says schools kill creativity »</a>.</em><br />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Montessori-Freinet-Steiner-Une-%C3%A9cole-diff%C3%A9rente-pour-mon-enfant-par-Marie-Laure-Viaud#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/221