Je m'attarde - Mot-clé - Mafia le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearL'Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin), de Richard Fleischer (1952)urn:md5:5d05b42c5a8bd6196fec70235fa625472024-02-12T10:25:00+01:002024-02-12T10:30:01+01:00RenaudCinémaAssassinatCharles McGrawChicagoFilm noirGangsterHuis closJacqueline WhiteLos AngelesMafiaMarie WindsorRichard FleischerSérie BTrainTémoignage <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/enigme_du_chicago_express.jpg" title="enigme_du_chicago_express.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.enigme_du_chicago_express_m.jpg" alt="enigme_du_chicago_express.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"This train wasn't designed for my tonnage. Nobody loves a fat man except his grocer and his tailor!"</strong></ins></span>
</div>
<p>Il est à la fois curieux et intéressant de voir <strong>Richard Fleischer </strong>investir le registre du film noir de série B au cours du premier temps de sa filmographie (et ce après [enfin, plutôt avant, du point de vue de la chronologie] le classicisme de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Genie-du-mal-de-Richard-Fleischer-1959">Le Génie du mal</a></ins>), au début des années 50, longtemps avant l'établissement d'une renommée internationale. Le qualificatif de cinéma bis vient assez naturellement en regardant <ins>L'Énigme du Chicago Express</ins>, étant données la concision du scénario et l'absence de grosses célébrités dans la distribution, mais il ne faudrait pas l'entendre au sens d'une quelconque faiblesse qualitative : le film est efficace, laconique dans ses effets mais habile dans les ressorts de mise en scène qu'il parvient malgré tout à déployer, tout en ménageant une tension constante et une remarquable absence de temps mort.</p>
<p>90% du film se déroulera à bord d'un train. On pourrait même dire dans une voiture-bar, deux wagons-lits, et trois couloirs... Deux agents fédéraux ont la responsabilité d'escorter la veuve d'un grand gangster récemment assassiné, cette dernière étant appelée à témoigner contre la mafia. Dès la cinquième minute, l'un des deux meurt — probablement une autre contrainte budgétaire liée à un tournage sur 13 jours seulement — et le reste ne sera que voyage ferroviaire entre Chicago et Los Angeles avec une petite nuée de malfrats à la recherche de la femme dont ils ignorent l'apparence physique. On est en droit de se demander en quoi la mise à leur disposition d'une photo pour les guider était si problématique, mais ce n'est qu'un détail au sein de toutes les limitations dans l'écriture d'une telle série B. Le plus important, c'est le périple du flic devant assurer la sécurité d'une personne dans ce huis clos particulièrement hostile qui comporte une quantité infinie de recoins, de zones d'ombre et de faux-semblants.</p>
<p>Dans le rôle principal c'est <strong>Charles McGraw </strong>qui s'y colle, nerveux, plutôt réservé, mais assez convaincant avec ses faux airs de <strong>Kirk Douglas</strong>, collant parfaitement à la sécheresse absolue de l'ambiance. 1h10 de suspense condensé, avec le souci évident de maintenir une tension permanente dans ces lieux exigus qui obligent à se montrer un minimum inventif (l'utilisation des vitres notamment). Cela passe autant par des moments comiques (la répétition de la problématique du croisement dans les couloirs étroits lorsqu'on croise le chemin d'un gars particulièrement obèse, ce qui donne un sens supplémentaire au titre original, <ins>The Narrow Margin</ins>) que par des séquences de confrontation dans des cadres surchargés de détails et de mobiliers. En parallèle d'un questionnement existentiel sur la probité du protagoniste (à peine effleuré), une dualité féminine entre la brune <strong>Marie Windsor</strong> (comme une cousine de <strong>Ida Lupino</strong>) et la blonde <strong>Jacqueline White</strong>, à l'origine d'un twist final assez surprenant. Tout aussi surprenant, sinon plus, j'avoue ne pas avoir compris pourquoi l'assassinat d'un personnage aussi important provoque aussi peu de remous vers la fin, comme si tout le monde s'en foutait de sa mort après la révélation sur l'identité d'un autre. C'est en tous cas le point de chute d'une histoire qui aura multiplié la mise en évidence d'erreurs tragicomiques, d'abord avec la mort un peu bête du partenaire du héros dans les premiers instants, puis avec une policière qui aura payé de sa vie l'évaluation de l'intégrité d'un collègue, et enfin avec la personne dont l'identité était dissimulée qui s'en sortait très bien toute seule jusqu'à sa rencontre fortuite avec le protagoniste (non sans menaces involontairement propagées).</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/img4.png" title="img4.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/enigme_du_chicago_express/.img4_m.png" alt="img4.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Enigme-du-Chicago-Express-de-Richard-Fleischer-1952#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1345Baby Boy Frankie (Blast of Silence), de Allen Baron (1961)urn:md5:a41c279554d7b852d1f961e21b7e02662023-12-21T09:57:00+01:002023-12-21T09:57:00+01:00RenaudCinémaAssassinatDavid FincherFilm noirMafiaNew YorkSolitudeTueur à gages <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/baby_boy_frankie.jpg" title="baby_boy_frankie.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/.baby_boy_frankie_m.jpg" alt="baby_boy_frankie.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"A killer who doesn’t kill, gets killed."</strong></ins></span>
</div>
<p>Deux visionnages qui s'entrechoquent, produisant un effet plutôt intéressant : <ins>The Blast of Silence</ins> réalisé et interprété par <strong>Allen Baron</strong> en 1961, film noir peu connu creusant les archétypes avec quelques notes originales, évoque en écho le tout récent <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Killer-de-David-Fincher-2023">The Killer</a></ins> de <strong>David Fincher</strong>, tous deux présentant de manière réaliste (pseudo-documentaire, pourrait-on dire) un tueur à gages en mission, avec quelques couilles dans le potage d'une mécanique qui semblait pourtant parfaitement huilée, et assortie d'une narration reposant essentiellement sur une voix off omniprésente. 60 années les séparent, mais les points de convergence sont étonnamment nombreux. Une différence notable toutefois : <strong>Fincher </strong>choisissait une porte de sortie vers l'amertume de la déchéance consentie, <strong>Baron </strong>opte pour une autre forme d'amertume avec un final radical, froid, sec, et plombant. Il s'en dégage une poésie rafraîchissante, prisonnière d'un minimalisme parfois un peu rêche, mais déployant par moments une rage ou une mélancolie surprenantes.</p>
<p><ins>Baby Boy Frankie</ins> est un film bavard, avec cette voix off s'adressant continuellement au protagoniste à la deuxième personne : le procédé marque un parti pris qui détonne mais qui peut se révéler pénible pour peu qu'on soit réticent aux commentaires incessants, et ce en complément d'un accompagnement musical qui peut se faire un peu insistant à la longue — même si personnellement cette ambiance m'a pas mal plu pour accompagner le protagoniste (une moyenne troublante entre <strong>Lino Ventura </strong>et <strong>Robert De Niro</strong>, jeunes) dans sa découverte de New York. Le portrait qui en est fait passe presque exclusivement par les sous-entendus générés par cette voix off, en marge des introspections auxquelles on a directement accès : le gars se juge beaucoup, se motive, se convainc, change d'avis, hésite. Pas évident, l'intérieur de la cervelle d'un tueur à gages envoyé assassiner un mafieux de seconde zone.</p>
<p>Il y a beaucoup d'hésitations et d'imprévus dans ce qui devait être le tout dernier contrat... Tenaillé par une anxiété palpable qui semble diriger la plupart de ses mouvements, sous la pression du "a killer who doesn’t kill, gets killed", le personnage s'enferme progressivement dans une solitude qui le ronge et l'obsède, l'injonction de meurtre pesant (il faiblira à plusieurs reprises, à deux doigts d'abandonner son contrat) sur lui faisant office de spirale infernale. Dommages collatéraux de cette angoisse, quelques obstacles sur son chemin seront l'occasion de séquences d'une rare et brutale intensité — Big Ralph, l'homme aux rats qui devait lui fournir l'arme du crime avant de se débiner, en fera les frais. Le final étonne aussi par son cadre et son tragique, tourné un peu par hasard après le passage d'un ouragan dans la région. Largement de quoi se démarquer de ses (solides) références, à chercher du côté de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Quand-la-ville-dort-de-John-Huston-1950"><ins>Quand la ville dort</ins></a> (<strong>John Huston</strong>, 1950), <ins>Les Forbans de la nuit</ins> (<strong>Jules Dassin</strong>, 1950), ou encore <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/En-quatrieme-vitesse-de-Robert-Aldrich-1955">En quatrième vitesse</a></ins> (<strong>Robert Aldrich</strong>, 1955).</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/img2.jpg" title="img2.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/img3.jpg" title="img3.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/img4.jpg" title="img4.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/baby_boy_frankie/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Baby-Boy-Frankie-de-Allen-Baron-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1310Comment tuer un juge (Perché si uccide un magistrato), de Damiano Damiani (1975)urn:md5:b23d4cdcb981c62ff8120f85d738cbc52023-09-27T15:12:00+02:002023-09-27T15:12:00+02:00RenaudCinémaAssassinatCensureComplotCulpabilitéDamiano DamianiDouteFranco NeroFrançoise FabianIntégritéItalieJusticeMafiaMortPolitiqueSicileThriller <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.comment_tuer_un_juge_m.jpg" alt="comment_tuer_un_juge.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Nero dans l'étau du doute</strong></ins></span></div>
<p>Le style <strong>Damiani </strong>commence à se dégager plus précisément, et surtout au creux du cinéma politique italien des années 70, années de plomb. Je n'ai pas encore assez de recul pour percevoir la portée méta du personnage de <strong>Franco Nero </strong>dans sa totalité, mais il paraît assez évident de voir dans son personnage de cinéaste, avec un film dans le film qui se trouve être un thriller politique mettant en scène la mort d'un juge proche de la mafia, une dualité avec sa propre personne. Le personnage en question, Solaris, se retrouve au milieu de ce qui ressemble à un complot mafieux et politique lorsqu'un vrai magistrat est assassiné, peu de temps après s'être prononcé contre la censure dudit film.</p>
<p><strong>Franco Nero</strong>, au-delà de son regard bleu perçant (impressionnant ici), incarne une forme de droiture, de probité et d'intégrité mises à mal dans ce monde de fous, reflet de la société italienne. D'un côté <ins>Perché si uccide un magistrato</ins> travaille la fibre du thriller politique avec les morts qui s'amoncellent autour de lui, alimentant diverses hypothèses plus ou moins complotistes, sans qu’on ne parvienne à cerner précisément le contour de la conspiration. De l'autre côté, il y a cette dimension de porte-parole qui évite très clairement le manichéisme et l'illusion d'omniscience en avançant à visage découvert, c'est-à-dire avec les idéaux clairement établis, mais en avançant dans le même temps toute la montagne d'incertitudes qui les accompagne. On sent chez le personnage de <strong>Nero </strong>beaucoup de culpabilité et de questionnements, doutant régulièrement de ses actions et de leurs conséquences, avec bien sûr en tête la sortie de son film qu'il pense pouvoir être à l'origine du meurtre du juge sicilien.</p>
<p>Le personnage de la veuve, dans un premier temps associé à la défense de l'honneur de son mari, offre un très solide contrepoint grâce à l'interprétation de <strong>Françoise Fabian </strong>: pendant un très long moment, tant que la pelote n'est pas déroulée, on l'image enfermée dans le déni, meurtrie, potentiellement apeurée. La réalité sera bien plus sale moralement, même si elle conserve une part de dignité au sein de la toile vénéneuse des puissants et des influents qui cherchent à faire taire les forces menaçant leurs intérêts. C'est un jeu tout en coups cachés où chaque pôle essaie de protéger ses intérêts personnels, et qui souligne sans forcer les méandres de la corruption et de la manipulation. <strong>Nero </strong>dans le rôle du cinéaste-enquêteur qui se bat contre des moulins à vent, plus fébrile qu'à l'accoutumée, est très convainquant, jusqu'à la découverte tristement prosaïque de la vérité. Le dernier plan, avec les différents groupes journalistes / politiques / mafieux, fait son petit effet.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/comment_tuer_un_juge/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Comment-tuer-un-juge-de-Damiano-Damiani-1975#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1240Racket - Du sang sur la Tamise (The Long Good Friday), de John Mackenzie (1980)urn:md5:ad396948bbae2d96efdb46360c01db692023-09-18T13:45:00+02:002023-09-18T13:45:00+02:00RenaudCinémaAngleterreAngoisseAssassinatBob HoskinsEddie ConstantineGangsterHelen MirrenImmobilierIRAMafiaMargaret ThatcherPeurPierce BrosnanRoyaume-Uni <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.racket_du_sang_sur_la_tamise_m.jpg" alt="racket_du_sang_sur_la_tamise.jpg, août 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"The Yanks love snobbery. They really feel they've arrived in England if the upper class treats 'em like shit."</strong></ins></span>
</div>
<p>Pour sa première apparition au cinéma en tant que personnage principal, <strong>Bob Hoskins </strong>est presque de tous les plans dans ce film de gangsters anglais, un film qui d'ailleurs jouit d'une très grande notoriété dans les sphères anglo-saxonnes mais qui reste étonnamment confidentiel en dehors de ces frontières. L'idée a priori de le voir cabotiner à l'extrême dans la peau de ce qu'on pouvait imaginer comme un mafieux à la <strong>Joe Pesci </strong>chez <strong>Scorsese </strong>n'était pas follement engageante, mais sa prestation dans <ins>The Long Good Friday</ins> relève in fine de la performance aussi appréciable qu'inattendue. Et le fait que cela fonctionne si bien est également à relier au travail de <strong>John Mackenzie</strong> qui a su créer tout autour de lui un décor prenant, crédible, dénué de manichéisme, pris dans un étau qui augmente progressivement son serrage.</p>
<p>Le contexte historique dans lequel s'inscrit cette histoire de gangsters est assez intéressante vu d'aujourd'hui, au tout début des années 80 britanniques, car c'est à l'orée de la thatchérisation que se déploient les magouilles de <strong>Hoskins </strong>aka Harold Shand qui s'apprête à signer le contrat d'un juteux marché immobilier en lien avec la mafia outre-Atlantique et son homologue interprété par <strong>Eddie Constantine</strong>. On comprend que les affaires tournent bien et l'ont fait prospérer confortablement au cours des années passées... jusqu'à ce qu'une série d'incidents commence à faire trembler les murs de cette tranquillité.</p>
<p>Et dans la retranscription de l'état d'esprit du protagoniste qui voit la menace apparaître, se confirmer, se préciser, sans parvenir à l'identifier formellement, le film excelle. On ne comprend pas vraiment ce qu'il se joue dans la séquence d'introduction, et pourtant c'est elle qui scellera le destin d'à peu près tous les personnages, explicité dans les derniers moments du film au cours d'une séquence tragique sur un bateau. Ça commence par l'assassinat de sa mère, ça continue avec l'explosion d'une bombe dans le restaurant où il devait recevoir son associé, et ça persévère avec la mort d'un de ses hommes de main à coups de couteau. Si c'est l'hypothèse d'une guerre des gangs qui prime initialement, dans l'optique d'un sabotage, l'apparition de l'IRA dans les inimitiés change radicalement la donne.</p>
<p><ins>Racket - Du sang sur la Tamise</ins> tire son épingle du jeu et son point de singularité en concentrant son attention non pas sur les attentats matérialisant la guerre entre deux factions mais sur l'impact que cette situation a sur le personnage de <strong>Bob Hoskins</strong>, d'abord serein et peu inquiet, puis peu à peu préoccupé par ce qui se trame avant de sombrer dans une angoisse accablante, ne sachant pas dans quelle direction riposter. L'acteur parvient à trouver un équilibre appréciable dans ce rôle casse-gueule par définition où on a tôt fait de verser dans tous les excès, aidé en cela par sa femme sous les traits de <strong>Helen Mirren</strong>, excellente dans le contrepoids féminin qu'elle offre, sensé et mesuré, mais aussi dans la souffrance qu'elle subit et qui en miroir rappelle à <strong>Hoskins </strong>à quel point il est en train de péter les plombs — très belle scène de dispute révélant les angoisses du couple.</p>
<p>Finalement, on ne saura que très peu de choses sur cette organisation qui s'en prend à Harold Shand. Tout juste apercevra-t-on le visage du jeune <strong>Pierce Brosnan</strong>, côté IRA, aux traits juvéniles pas encore tout à fait dégrossi, pour sa première apparition au cinéma. Il flotte dans l'air une menace sourde, rappelant les polars anglais comme <ins>La Loi du milieu</ins> dans lequel <strong>Michael Caine </strong>aurait été remplacé par une version contemporaine de <strong>James Cagney</strong>, tout en nervosité. Le film aura su distribuer ses séquences mémorables avec parcimonie, comme l'interrogatoire violent au gros couteau, la réunion de suspects dans un abattoir suspendus à des crocs de boucher, un coup de tesson de bouteille asséné directement à la gorge, ou encore cette ultime séquence via un long contrechamp sur le visage très signifiant de <strong>Hoskins</strong>.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, août 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/racket_du_sang_sur_la_tamise/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, août 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Racket-Du-sang-sur-la-Tamise-de-John-Mackenzie-1980#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1228Le Serment de Pamfir, de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (2022)urn:md5:94074ceb97d69e8d90a3869f794c063c2023-07-25T09:14:00+02:002023-07-25T08:15:38+02:00RenaudCinémaCampagne électoraleCarnavalDilemmeFamilleMafiaRoumanieRédemptionUkraine <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_de_pamfir/.serment_de_pamfir_m.jpg" alt="serment_de_pamfir.jpg, juil. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Don't be afraid to do what you've never done."</strong></ins></span>
</div>
<p>Quand on se lance dans un film comme <ins>Pamfir</ins>, qui assaille les yeux de ses plans-séquence très ostensibles, très calculés et pas toujours légitimes, on est naturellement sur ses gardes. De mon côté, je sens poindre un cinéma d'auteur correspondant à une certaine caricature, empesé, prêt à asséner son message avec une arrogance non-négligeable. Mais si le film de <strong>Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk </strong>(gloire au ctrl + C / ctrl + V) n'échappe pas à certains clichés, esthétiques et discursifs, je dois avouer avoir été régulièrement absorbé, si ce n'est hypnotisé, par l'ambiance qu'il est parvenu à tisser autour de son personnage principal interprété vaillamment par la montagne <strong>Oleksandr Yatsentyuk</strong>.</p>
<p>Petit aparté musical et folklorique : je saurais presque me satisfaire des quinze dernières minutes, à titre personnel, avec la célébration du Malanka, un carnaval traditionnel ukrainien où les hommes se déguisent en bêtes (boucs, ours, loup) avec des costumes de paille comme sortis d'une toile flamande inquiétante, sur fond d'une musique tout aussi étrange (et pour le moins envoûtante : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3jIDRx1VXZo">https://www.youtube.com/watch?v=3jIDRx1VXZo</a>).</p>
<p>Difficile de réfréner un sentiment : celui de regretter le fait que beaucoup de clichés émaillent le récit, sur le thème de la parentalité, qui s'ils étaient transposés dans un cadre conventionnel (disons, français ou nord-américain), seraient particulièrement rébarbatifs. C'est l'éternelle histoire de ce père retrouvant sa famille après une longue période d'absence, qui souhaite faire table rase d'un passé trouble, mais se retrouvera face à un dilemme le contraignant à tordre les promesses qu'il s'était faites à lui et à son entourage. Bon sang qu'on les voit venir, toutes les emmerdes autour de Leonid dans cette région rurale de l'ouest de l'Ukraine (le film a été tourné avant la guerre, il n'y a donc rien qui y fasse référence)... Forcément, pour "le dernier coup" qui permettra d'éponger les dettes auprès d'un mafieux local, tout ne va pas se passer comme prévu, cela relève de l'évidence. De même, en procédant exclusivement par le langage du plan-séquence, le réalisateur finit par enfermer son récit dans un systématisme pas toujours constructif. C'est un peu dommage car on perçoit au-delà de tous ces défauts une matière originale, percutante, assurée, et solidement mise en scène.</p>
<p>Je retiendrai néanmoins quelques beaux aspects, au-delà des clichés slaves et de l'impossible rédemption. Le colosse qui prend des amphétamines (du viagra en l'occurrence) pour courir jusqu'à la frontière roumaine et refiler de la contrebande ou pour se bastonner contre des dizaines de gars, la vieille femme qui déclenche sans le vouloir un drame, l'homme à l'allure bestiale qui sait se montrer extrêmement tendre envers son fils, et ce plan final d'une beauté glaciale.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_de_pamfir/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_de_pamfir/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/serment_de_pamfir/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juil. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Serment-de-Pamfir-de-Dmytro-Sukholytkyy-Sobchuk-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1199À chacun son dû, de Elio Petri (1967)urn:md5:960be579b81cbf3e1bfbda1f15ccdcbb2023-06-09T09:29:00+02:002023-06-09T08:30:08+02:00RenaudCinémaChasseCorruptionElio PetriGian Maria VolontéInfidélitéItalieMafiaMeurtreMilitantismePolitiqueSicile <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/a_chacun_son_du.png" alt="a_chacun_son_du.png, mai 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La vaine quête de la vérité</strong></ins></span></div>
<p>On peut regretter le format travaillé par <strong>Elio Petri </strong>dans <ins>À chacun son dû</ins>, quand même, qui à mon sens nuit davantage qu'il ne joue en faveur du rythme, de l'immersion et de la sensation d'oppression grandissante autour du personnage principal interprété par <strong>Gian Maria Volonté</strong>. Même en mettant de côté, pour une fois, tout ce qui a trait à la production cinématographique italienne de l'époque et tout ce qu'elle compte comme soucis techniques de post-synchronisation (à mes yeux en tous cas), je trouve que le cadre est quand même très oppressant, de manière involontaire et désagréable cette fois-ci, avec son recours dénué de parcimonie à des effets un peu grossiers comme le zoom / dézoom et tout ce que la caméra à l'épaule peut induire comme désagréments épileptiques. Je suis aussi à deux doigts de penser que l'interprétation du protagoniste aurait peut-être profité d'un acteur moins charismatique que <strong>Volonté</strong> car il n'est pas toujours aisé de croire à sa faiblesse psychologique, un point au cœur des enjeux du film, à mesure qu'il explore l'antre des maux italiens.</p>
<p>Quand un film de <strong>Petri </strong>commence par le meurtre d'un médecin et d'un pharmacien d'un village sicilien pendant une partie de chasse à la palombe, on se doute qu'il ne sera pas question des apparences avancées en première intention, à savoir des relations extra-conjugales de la part de l'un d'entre eux. Surtout que le spectateur est mis dans la confidence au sujet des lettres de menace que l'autre recevait. Surtout quand c'est un ami à eux qui mène l'enquête et que ce dernier se trouve être un professeur et militant politique...</p>
<p>Il y a plusieurs intérêts dans le développement de cette enquête, à commencer par la description de la culture dans cette région de Sicile, avec ses coutumes, ses notables, et l'emprise de la mafia. Mais le principal argument tourne autour de l'engrenage dans lequel cet homme se fourre, dans un premier temps assez courageux, au-delà de son intégrité nette, mais peu à peu prisonnier d'une certaine impuissance en lien avec sa méconnaissance de l'environnement social dans lequel il évolue. Petit à petit, il perd confiance en lui, il transpire à chaque nouvelle rencontre, il cherche à se faire discret — tout en essayant de se rapprocher de la veuve, très convaincante <strong>Irene Papas</strong>. L'ampleur grandissante des menaces qui se structurent autour de sa personne contribue à une atmosphère très pesante, en dépit d'une première moitié presque légère en comparaison, surtout si on pense à la façon qu'à <strong>Volonté </strong>de ne pas lâcher l'affaire et coller aux basques de la notabilité locale. La distance imposée par la narration enferme un peu <ins>À chacun son dû</ins> dans une froideur typique de ces films politiques italiens des années 60-70, mais le final puissamment tragique (ensevelissement d'un corps dans une carrière abandonnée d'un côté, mariage vécu comme une trahison posthume en grandes pompes de l'autre) permet d'en sortir sur une note très positive.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mai 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mai 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/A-chacun-son-du-de-Elio-Petri-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1160L'Affaire Mattei, de Francesco Rosi (1972)urn:md5:92aca66ecef74ff72fcc68520d9dc1602023-01-15T23:17:00+01:002023-01-15T23:17:00+01:00RenaudCinémaAccidentAlgérieAssassinatEnergieEtats-UnisFrancesco RosiGian Maria VolontéGuerreItalieMafiaPétrole <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.affaire_mattei_m.jpg" alt="affaire_mattei.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Ennemi public n°1<br /></strong></ins></span>
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<p><strong>Enrico Mattei </strong>était un personnage italien qui avait réussi dans les années 60 à se mettre à dos une quantité invraisemblable de sociétés, d'institutions, et d'intérêts divers diversement dangereux. Il est mort dans un accident d'avion, potentiellement et très probablement plutôt un attentat commis par l'un des très nombreux candidats au meurtre.</p>
<p>En premier lieu, ce pourrait être un ordre de compagnies pétrolières américaines car il avait vertement remis en cause leur monopole dans la gestion de l'approvisionnement du pétrole en Italie — il avait baptisé "les Sept Sœurs" les plus grandes compagnies pétrolières de l'époque. Officiellement mandaté en mai 1944 pour liquider la compagnie Agip, il apprend que de gros gisements de méthane situés dans la région de Milan sont convoités et il décide de maintenir la société dans le giron de l'État afin d'en faire l'instrument privilégié du développement et de l'indépendance énergétique du pays. Premier gros mauvais point pour son intégrité physique. Il était également accusé d'avoir soutenu et financé le FLN pendant la guerre d'Algérie, en échange de concessions pour le groupe Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) public à l'époque. De quoi tendre la SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ancienne DGSE) française de l'époque, voire l'OAS. Son successeur figure également dans la liste des suspects.</p>
<p>Le constat est déjà édifiant, et pose le film davantage comme une source de questions que comme pourvoyeur de réponses.</p>
<p>Mais les ennuis ne s'arrêtent pas là, puisque le réalisateur <strong>Rosi </strong>engagea le journaliste <strong>Mauro De Mauro </strong>afin d'enquêter pour les besoins de ce film dossier, et ce dernier finira enlevé à Palerme, son corps n'ayant jamais été retrouvé. Là aussi plusieurs hypothèses se bousculent, témoignant la volonté tenace de certains de maintenir des affaires enterrées : les Carabinieri pensaient que sa mort était due à une enquête précédente du journaliste sur le trafic de drogue, là où la police nationale privilégiait la piste mafieuse (mafia ou autre). En tous cas, dans le genre du film-dossier, difficile de faire plus communiquer les deux côtés de la caméra. Sans parler de l'assassinat de <strong>Pasolini </strong>en 1975, son roman inachevé <ins>Pétrole</ins> ayant pour sujet l'identité des assassins de <strong>Enrico Mattei</strong>.</p>
<p>Quoi qu'il en soit, un gros paquet d'emmerdes entoure ce film, qui arbore par ailleurs une chronologie éclatée et une structure peu conventionnelle. Le tissu socio-culturo-économico-politique est très dense, et le film reste éprouvant à regarder par ses logorrhées incessantes. <strong>Mattei</strong>, qui se disait enivré par le succès "l’homme italien le plus important depuis Jules César", aura manifestement eu une mort à la hauteur. <strong>Gian Maria Volonté</strong>, présent dans les deux films ayant obtenu la Palme d’or à Cannes en 1972 (celui-ci et <ins>La classe ouvrière va au paradis</ins>), s’impose clairement. Le film, bien que tumultueux et en un sens brouillon (en tous cas difficile à suivre dans son montage intense), est un support à de très nombreuses réflexions assez folles.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/affaire_mattei/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2022" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Affaire-Mattei-de-Francesco-Rosi-1972#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1095