Je m'attarde - Mot-clé - Martin Ritt le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearAmis américains, de Bertrand Tavernier (1993)urn:md5:10e5a0d0d9b57c0752ef27375a6020a92024-01-11T11:43:00+01:002024-01-11T15:38:26+01:00RenaudLectureAlexander PayneAndré De TothBertrand TavernierBudd BoetticherCensureDalton TrumboDelmer DavesEdgar G. UlmerEdward DmytrykElia KazanEntretiensHenry HathawayHerbert J. BibermanJoe DanteJohn FordJohn HustonMartin RittQuentin TarantinoRaoul WalshRobert AltmanRobert ParrishRoger CormanStanley DonenSérie BTay GarnettTex AveryWesternWilliam A. Wellman <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/2024/amis_americains/amis_americains.jpg" title="amis_americains.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/2024/amis_americains/.amis_americains_m.jpg" alt="amis_americains.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Tavernier le cinéphile</strong></ins></span>
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<p>Quelle que soit la version lue, quand on parle de ce livre de <strong>Bertrand Tavernier</strong>, la première chose qui émerge a souvent trait au volume de l'objet, du haut de ses 1000 pages et de ses nombreux kilos (on est vraiment à la limite du manipulable et du transportable). La seconde porte sur le nombre d'années nécessaires pour venir à bout du colosse.</p>
<p>Une chose essentielle ressort à la lecture de ces <ins>Amis américains</ins> : il ne s'agit pas du tout d'un recueil d'entretiens au sens communément admis, du type d'échanges entre journalistes ciné et réalisateurs de passage pour assurer la promotion du film du moment. Le format est résolument autre, avec ses côtés positifs et ses aspects plus problématiques : il s'agit avant tout de l'agrégation de travaux de <strong>Tavernier </strong>l'attaché de presse dans les années 60-70, devenu au fil du temps cinéaste et dont la passion cinéphile grandissante (ainsi que l'accointance avec les personnes interrogées) a pris des proportions immenses au fil des décennies pour atteindre le degré d'enthousiasme communicatif qu'on lui connaissait jusqu'à sa mort en 2021. Des retranscriptions d'échanges plus ou moins éclairés, sur des thèmes et des hommes (pas l'ombre d'une femme dans les grande slignes) qu'il connaît plus ou moins bien, avec souvent des éléments introductifs pour présenter le contexte ou préciser a posteriori son point de vue.</p>
<p>Le plus drôle sans doute, en lisant cette édition augmentée de 2019, au-delà de la multiplicité des points d'entrée sur la subjectivité de <strong>Tavernier</strong>, c'est de voir à quel point les avis sont parfois volatiles, et comment en seulement quelques mots, on passe d'une opinion extrêmement négative à une appréciation sans borne — c'est souvent dans ce sens-là. Comme <strong>Tavernier </strong>a vu (et revu) des dizaines de milliers de films et qu'il choisit de n'évoquer longuement que ceux qui lui ont plu chez chacune des personnes rencontrées, il y a un côté un peu étouffant et indigeste dans cette accumulation de louanges qui tournent souvent aux panégyriques.</p>
<p>Il restera cette flamme, cette accumulation d'anecdotes, ce désir ardent de rencontrer ces réalisateurs, formant un tout très hétérogène notamment à cause du niveau de connaissance variable et des tempéraments assez éloignés. Très intéressant d'entendre ces cinéastes parler d'autres cinéastes aussi, de ressentir les tendances humbles ou plus irascibles. Et les borgnes, aussi : après <strong>John Ford </strong>sont évoqués <strong>Raoul Walsh</strong>, <strong>André De Toth</strong>, et pour la forme <strong>Tex Avery </strong>(<strong>Fritz Lang </strong>et <strong>Nicholas Ray </strong>ne sont pas mentionnés de mémoire). Ce genre de recueil est une mine d'informations sur l'ancien monde, et montre quand même très vite des limites tant l'évolution du cinéma se fait à grande vitesse (la première édition remonte à 1993) : beaucoup de considérations paraissent particulièrement datées et désuètes avec les 30 années qui nous séparent. </p>
<p>Sans surprise, <strong>Tavernier </strong>considère <strong>John Ford </strong>comme l'alpha et l'oméga du cinéma, le parrain de nous tous. Il est beaucoup plus à l'aise avec <strong>John Huston </strong>et <strong>Tay Garnett</strong>, des gens comme <strong>Henry Hathaway </strong>et <strong>William A. Wellman</strong>, notamment sur le segment western (qui ne me passionne pas, rendant énormément d'échanges insipides à titre personnel, <strong>Budd Boetticher </strong>[même s'il était à l'époque très mal connu], <strong>Delmer Daves</strong>, <strong>Robert Parrish</strong>) qu'avec par exemple <strong>Edgar G. Ulmer </strong>qu'il semble moins bien connaître. Des échanges surprenants subsistent, avec <strong>Stanley Donen </strong>(premier contact houleux mais qui s'est amélioré par la suite) ou <strong>Elia Kazan </strong>(sous l'angle de sa contribution aux dénonciations maccarthystes). Certains sujets étonnent, comme sa conception de la série B au travers du producteur-réalisateur <strong>Roger Corman </strong>ou encore la place accordée à <strong>Robert Altman</strong>. Le chapitre le plus intéressant de mon point de vue est probablement celui dédié à la liste noire, les célèbres Hollywood Ten qui avaient subi les foudres de la censure américaine et qui cherchaient désespérément des prête-noms (autant côté réalisation que côté scénario) pour pouvoir continuer à travailler : ceux-là, parmi lesquels figure notamment <strong>Herbert J. Biberman </strong>et auxquels s'ajoutent <strong>Dalton Trumbo</strong>, <strong>Edward Dmytryk</strong>, ou encore <strong>Martin Ritt</strong>, confèrent à cette partie du livre une matière conséquente que l'on ne retrouve pas souvent ailleurs. Le final de la version réactualisée, avec le trio étrange <strong>Payne </strong>/ <strong>Dante </strong>/ <strong>Tarantino</strong>, détonne franchement avec le reste et n'apparaît pas comme incroyablement nécessaire, probablement un ajout tentant de moderniser maladroitement le propos ayant décliné en termes de pertinence plus vite que le reste.</p>
<p><ins><em>N.B.</em></ins> : C'est la trombine de <strong>Huston</strong>, cigarillo aux lèvres, qui figure sur la couverture.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Amis-americains-de-Bertrand-Tavernier-1993#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1324Hombre, de Martin Ritt (1967)urn:md5:986fe4b43675395eb2464cf8bc3ec71b2023-07-10T11:28:00+02:002023-07-10T11:28:00+02:00RenaudCinémaDiane CilentoEtats-UnisIndiensMartin BalsamMartin RittPaul NewmanRichard BooneWestern <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hombre/.hombre_m.jpg" alt="hombre.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Just what do you think Hell is gonna look like?"</strong></ins></span>
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<p>Les premières séquences montrant <strong>Paul Newman</strong> grimé (on a envie de dire déguisé) en Indien, longue chevelure noire et bandeau sur la tête, font craindre le pire. Toutefois, en songeant aux films précédents qui l'ont déjà amené à tourner avec <strong>Martin Ritt</strong>, à commencer par <ins>Le plus sauvage d'entre tous</ins> (1963) et <ins>Les Feux de l'été</ins> (1958), il y a tout de même matière à faire preuve de patience et laisser se développer cette histoire d'homme blanc élevé chez les Apaches. L'intérêt d'un tel western ne tardera pas à se manifester fort heureusement.</p>
<p>Avec sa mine impassible un peu stéréotypée, dans un registre connexe au <ins>Cool Hand Luke</ins> de <strong>Stuart Rosenberg </strong>sorti la même année, on pourrait penser qu'il s'agit d'un western très classique, alors que le personnage de John Russell ne sera qu'un élément, certes important, au sein d'un groupe qui en comporte beaucoup d'autres intéressants. Sous prétexte d'un long voyage en diligence imposant la cohabitation dans cet espace restreint de personnalités ambivalentes, avec des têtes connues comme <strong>Richard Boone </strong>en malfrat et grand salaud, <strong>Martin Balsam </strong>dans un rôle tout en discrétion mais très bien caractérisé, et surtout <strong>Diane Cilento </strong>dans le rôle d'une femme extrêmement lucide — le personnage le plus intéressant du film sans doute, en tous cas celui qui se fait le vecteur d'une grande quantité de questionnements moraux, n'hésitant pas à mettre les uns et les autres face à leurs contradictions et sans pour autant offrir de solution toute faite. </p>
<p>On reconnaît en outre le style de <strong>Ritt </strong>dans la tournure métaphorique politique que prend <ins>Hombre</ins> à de très nombreuses reprises, se faisant le reflet d'une critique ferme à l'encontre des États-Unis et du traitement qu'ils réservent à diverses minorités. Le mépris et l'exploitation irriguent toutes les strates du récit, avec des jeux d'alliance qui évoluent au gré d'une dynamique assez remarquable, notamment grâce à l'ambiguïté de quelques personnages-clés et à plusieurs passages d'une lenteur éprouvante (dans le bon sens du terme). Le rythme se fait volontairement langoureux lors de plusieurs séquences d'attente, serties de dialogues épars et incisifs, alimentant une atmosphère complexe bienvenue qui sillonne et structurent tout le film. </p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hombre/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hombre/.img2_m.png" alt="img2.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hombre/.img3_m.png" alt="img3.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/hombre/.img4_m.png" alt="img4.png, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hombre-de-Martin-Ritt-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1186Norma Rae, de Martin Ritt (1979)urn:md5:f77514928a8a003fbbbfc1e124a5bece2021-05-17T10:30:00+02:002021-05-17T10:30:00+02:00RenaudCinémaFemmeGrèveMartin RittNouvel HollywoodOuvrierSally FieldSyndicatTravail <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.norma_rae_m.jpg" alt="norma_rae.jpg, avr. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Femme de combats<br /></strong></ins></span></div>
<p>La filmographie de <strong>Martin Ritt </strong>est décidément un très bon filon à suivre, comme le montre cet excellent film américain (la précision est importante, étant donné le thème) sur la classe ouvrière, réalisé en fin de carrière, à la fin de la période du Nouvel Hollywood. Un an après le jalon <ins>Blue Collar</ins> posé par <strong>Paul Schrader </strong>et focalisé sur les ouvriers d'une usine de voitures de Detroit, un an également après <ins>FIST</ins> de <strong>Norman Jewison</strong> qui mettait en scène <strong>Sylvester Stallone </strong>dans le rôle d'un manutentionnaire de Cleveland à l'origine d'un mouvement syndical, c'est au tour de l'histoire de la syndicaliste <strong>Crystal Lee Sutton</strong> d'être transcrite à l'écran, sous les traits de l'incroyable et émouvante <strong>Sally Field</strong>, pour raconter le combat de cette ouvrière de l'industrie du textile en Caroline du Nord aux côtés d'un syndicaliste new-yorkais venu dans le coin pour impulser, non sans résistance, le mouvement. Un trio remarquable du cinéma américain qui tient sur moins de deux ans, à la fin des années 70.</p>
<p>La description de la condition de la femme dans <ins>Norma Rae</ins> passerait presque avant tout le reste : c'est une femme divorcée, mère de deux enfants, une ouvrière du textile dans une usine qui a vu passer ses parents, probablement ses grands-parents, et qui emploiera sans doute ses enfants. Une industrie dans une petite ville du Sud des États-Unis dont la main d'œuvre est majoritairement féminine, faisant du combat de Norma Rae quelque chose qui progressera de l'individuel au collectif. Tout sauf une exception, en somme. Assez vite dans le film, les conditions de vie de la protagoniste apparaissent comme très difficiles, partagées entre sa vie professionnelle, syndicale, familiale, sentimentale. Elle jongle entre tous les registres et pèse sur tous les tableaux : comme elle est grande gueule, elle ne se laisse pas facilement marcher sur les pieds.</p>
<p>On peut regretter certaines facilités d'écriture, au sens où la progression de l'adhésion syndicale se fait un peu trop facilement en regard du caractère effarouché de Norma Rae. Mais en un sens la dimension vraisemblable (ou non) de cette partie-là importe peu car ce n'est pas vraiment l'objet du film, davantage tourné vers la construction d'un désir, qu'il soit sentimental ou politique. Le contexte social est bien ancré, du côté de la famille comme du côté des relations hiérarchiques au travail — avec tous ses rapports de subordination. <strong>Ritt </strong>évite toute condescendance, tout manichéisme, il garde à bonne distance les archétypes du genre pour établir des portraits contrastés tout en nuances. Il n'y a pas de héros ici, et l'ouvrière militante tout comme l'intellectuel juif sont dépeint avec toutes leurs faiblesses.</p>
<p>Le travail sur le son est particulièrement notable, aussi, avec le bruit assourdissant qui émane des machines dans l'atelier de tissage : un aperçu des conditions de travail imposées aux ouvriers, mais aussi l'occasion d'une très belle scène (tirée d'un épisode bien réel) lorsque ces mêmes machines seront arrêtées une à une. Un film sur la naissance du syndicalisme dans un petit coin de campagne, en parallèle d'une prise de conscience presque malgré elle chez Norma Rae, avec toute la lenteur du phénomène, tous les obstacles qui se dressent sur son chemin. Dans ces moments-là, particulièrement sobres, <strong>Martin Ritt </strong>lorgne presque du côté du documentaire : il filme les gestes du travail, les temps de pause, les espaces entre ateliers et bureaux des supérieurs, la devanture de l'usine. Pas de morale, pas de mièvrerie, pas même de sentimentalisme entre les deux protagonistes : seulement une très belle histoire d'amitié entre deux êtres qui correspondaient à l'origine à deux archétypes relativement opposés.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.medecin_m.jpg" alt="medecin.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.usine_m.jpg" alt="usine.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/norma_rae/.livre_m.jpg" alt="livre.jpg, avr. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Norma-Rae-de-Martin-Ritt-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/953Traître sur commande, de Martin Ritt (1970)urn:md5:62aa3aa9f17eb527e69641d2693ee1d72020-11-12T18:42:00+01:002020-11-12T18:43:36+01:00RenaudCinémaEtats-UnisMartin RittMineSabotageSean ConnerySyndicatTrahison <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/traitre_sur_commande/.traitre_sur_commande_m.jpg" alt="traitre_sur_commande.jpg, nov. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Don't get confused about which side you're on."<br /></strong></ins></span></div>
<p>Rares sont les introductions à planter le décor de la sorte, aussi efficacement, tant en termes d'ambiance que de contexte, ici aux États-Unis en 1876 pour une sorte de <ins>Germinal</ins> irlando-américain, autour d'un groupe de mineurs irlandais mené par <strong>Sean Connery </strong>(l'Écossais qui jouait un Irlandais, donc). Une entrée en matière sans une ligne de dialogue pendant 15 minutes, dont 10 minutes passées aux côtés d'ouvriers au fond de la mine jusqu'à leur sortie, leur lent éloignement, et leur dispersion dans le silence avant une brutale explosion de la mine. Ils ne s'occupaient pas que du boisage, visiblement, avec leurs mains et leurs visages maculés de houille.</p>
<p>Cette mise en bouche en rappelle une autre plus contemporaine, celle de <ins>There Will Be Blood</ins>, <strong>Paul Thomas Anderson </strong>s'étant clairement inspiré du travail de <strong>Martin Ritt </strong>pour son excellente introduction, conduisant 40 ans plus tard à une nouvelle vision alternative du mythe fondateur des États-Unis. Le genre de récit lent, qui prend son temps pour conter toute la rugosité de l'histoire, un peu dans la veine de <ins>La Porte du Paradis</ins> — qui partage plusieurs points communs avec <ins>Traître sur commande</ins>, à commencer par l'exploitation de propriétaires terriens à l'encontre d'émigrés (pour le contenu) et l'échec commercial lors de sa sortie (pour le contexte), même si <strong>Martin Ritt </strong>perdit sans aucun doute beaucoup moins de plumes que <strong>Michael Cimino </strong>dans l'opération.</p>
<p>Cent ans après la Déclaration d'indépendance des États-Unis, c'est le capitalisme industriel qui règne sur ce coin un peu particulier du territoire, la Pennsylvanie, où opèrent des irlandais émigrés réunis en une société secrète sous l'appellation des Molly Maguires — qui donne son nom au titre original. Leur activité principale : saboter les mines de charbon et malmener les tenants de l'ordre établi en représailles à des menaces d'interdiction du syndicalisme. Un contexte d'exploitation de main d'œuvre et d'inégalités sociales, encore une fois. Mais de manière très adroite, <ins>The Molly Maguires</ins> ne se focalise pas directement sur le point de vue de ces saboteurs : il choisit plutôt le parcours d'un détective (lui-même exploité par la police) en charge d'infiltrer le mouvement pour le démanteler et faire pendre ses principaux acteurs. Le récit fait ici est en réalité une version édulcorée de la réalité, chargée en pantomimes de procès et en exécutions à visée intimidante.</p>
<p>C'est ici qu'il faut reconnaître le talent de <strong>Richard Harris </strong>dans son rôle hautement ambigu d'infiltré, à la fois charmeur, bon vivant, fondamentalement immoral et toujours à la lisière de l'adhésion à la révolte sociale. Dans sa propension à épouser les causes défendues par ceux qu'il surveille, dans sa spontanéité à crier "un pour tous, tous pour un", à tabasser un gardien ou à foutre le feu à un magasin de luxe pour se montrer persuasif dans sa mission, il cultive une zone de flou très intéressante. Le film peut ainsi se lire comme l'affrontement entre deux conceptions opposées de la révolte : d'un côté (<strong>Connery</strong>) ceux qui lutteront jusqu'au bout d'un combat perdu d'avance, et de l'autre (<strong>Harris</strong>) ceux qui souhaiteront s'extirper de leur condition quelles que soient les compromissions, les tentations et les déshonneurs.</p>
<p>Dans cette description d'un rapport de force complexe, chacun essayant de tirer l'autre vers un piège qui le dévoilerait publiquement avec plus ou moins de scrupules au fil du temps, <ins>Traître sur commande</ins> est particulièrement réussi. C'est en outre une immersion soignée, quoique très sobre et sans effusion, dans le quotidien de ces mineurs qui fera ressortir chez le personnage de <strong>Harris</strong>, contre toute attente, un dégoût pour l'ordre auquel il obéit.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/traitre_sur_commande/.connery_m.jpg" alt="connery.jpg, nov. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Traitre-sur-commande-de-Martin-Ritt-1970#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/863