Je m'attarde - Mot-clé - Massacre le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearCamp de Thiaroye, de Ousmane Sembène et Thierno Faty Sow (1988)urn:md5:c8b4550f783ed4c9398644e3b9b8da022024-01-25T10:51:00+01:002024-01-25T10:51:00+01:00RenaudCinémaAfriqueCamp de concentrationCensureColonialismeDakarGuerreHumiliationMassacreMutinerieOusmane SembèneRacismeSeconde Guerre mondialeSénégal <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/camp_de_thiaroye.jpg" title="camp_de_thiaroye.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.camp_de_thiaroye_m.jpg" alt="camp_de_thiaroye.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Histoire d'un massacre</strong></ins></span>
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<p>Mon dernier rapport au cinéma sénégalais remontait au visionnage de <ins>Hyènes</ins> de <strong>Djibril Diop Mambety</strong>, et si seulement quelques années le séparent de <ins>Camp de Thiaroye</ins>, le style est diamétralement opposé. Un plaisir de découvrir, enfin, un film de <strong>Ousmane Sembène</strong>, en même temps que se dévoile le récit à caractère un minimum documentaire du massacre de Thiaroye, qui eut lieu dans un camp militaire de la périphérie de Dakar, au Sénégal, le 1er décembre 1944. Le contexte est tristement connu (récemment un film avec <strong>Omar Sy</strong> traitait ce sujet) : des tirailleurs sénégalais récemment rapatriés, anciens prisonniers de la Seconde Guerre mondiale ayant connu les camps de concentration, manifestaient pour le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois. Le différend s'est soldé par un bain de sang du côté des manifestants sénégalais. Autant dire qu'on ne se situe pas dans le segment le plus reluisant de l'histoire de France et de son passé colonial, et que le film fut l'objet de censure pendant une dizaine d'années.</p>
<p>Le massacre sera le point de chute du film, au terme d'un long voyage et d'un long déroulé des événements précédents sur près de 2h30. Le style de <strong>Sembène </strong>est un peu rêche, notamment en termes d'interprétation : que ce soit les gradés français blancs ou les tirailleurs sénégalais noirs, la grande majorité des acteurs (professionnels ou non) ont un jeu très théâtral, très maladroit, qui demande un certain temps d'adaptation pour l'intégrer et passer au reste. Mais on s'y habitue, un minimum, progressivement... Seuls les clichés restent un peu coriaces, avec le capitaine sympathisant de la cause des tirailleurs, tous les autres des gros enfoirés de première classe (j'exagère peu), et parmi les tirailleurs, le fin lettré parlant trois langues (wolof, français et anglais), le traumatisé par la guerre et par Buchenwald qui ne peut plus s'exprimer qu'au moyen d'onomatopées plus ou moins signifiantes... Ce n'est pas vraiment le point fort du film.</p>
<p>En revanche <ins>Camp de Thiaroye</ins> déroule bien le parcours de ce bataillon d'hommes enrôlés de forces depuis 1939 pour certains, envoyés au front, à la différence des généraux dirigeant le camp éponyme qui n'auront connu la guerre que de très loin, sans trop se salir. Leur point de chute : un camp dans lequel on les parque, avec barbelés et mirador. Au programme, il y aura beaucoup de désillusions devant les promesses non-tenues par l'armée française, sans parler évidemment du racisme banalisé et des humiliations récurrentes. Des conditions suffisantes pour faire émerger une mutinerie, au sein de laquelle on est immergé pour participer aux débats entre les soldats — souvent contraints de s'exprimer dans la langue française qu'ils connaissent mal, mais seul terrain commun pour tous ces hommes d'origines très différentes. Finalement c'est le sergent-chef Diatta qui concentre les contradictions du système colonial, lui fait figure d'intellectuel extrêmement cultivé au milieu de ses semblables gradés (qui auront tôt fait de le taxer de communiste) et qui devra choisir son camp au moment où les ennuis deviendront sérieux. Un film qui paraît en tous cas intellectuellement très honnête, au-delà de ses maladresses qui n'en font pas un film facilement recommandable.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/img4.png" title="img4.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/camp_de_thiaroye/.img4_m.png" alt="img4.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Camp-de-Thiaroye-de-Ousmane-Sembene-et-Thierno-Faty-Sow-1988#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1339Le Diable (Diabeł), de Andrzej Żuławski (1972)urn:md5:f4564ccdf582073379efd8f70385faa12023-10-04T09:53:00+02:002023-10-04T22:13:04+02:00RenaudCinémaAndrzej ŻuławskiChaosFolieInvasionMassacreMortPolognePrisonSurréalismeViolence <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/diable/.diable_m.jpg" alt="diable.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Macabre</strong></ins></span>
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<p>Regarder <ins>Le Diable</ins> ajoute une nouvelle pierre biscornue à mon édifice polonais des années 70, avec des images très différentes qui s'entrechoquent pour former un imaginaire littéraire et horrifique assez particulier : aux côtés de <strong>Wojciech Has </strong>(j'ai beaucoup pensé à <ins>La Clepsydre</ins>) et <strong>Andrzej Wajda </strong>(même si <ins>Cendres et Diamant</ins> remonte à une ou deux décennies plus tôt), <strong>Andrzej Żuławski — </strong>dont c'est le premier film polonais que je vois — complète un autre pan de l'histoire nationale avec l'invasion prussienne de la Pologne en 1793, connue sous la dénomination de deuxième partage de la Pologne. On nage ainsi dans un contexte historique dont je ne maîtrise absolument pas le cadre et les enjeux, mais heureusement <ins>Diabeł</ins> ne fait pas de ce capital de connaissance un prérequis au visionnage.</p>
<p>Malgré tout je reste hermétique à ce style de cinéma, qui peut ressembler sous certains aspects à du <strong>Herzog </strong>sous MDMA de la même période, type <ins>Kaspar Hauser</ins> ou <ins>Herz aus Glas</ins>. C'est en partie frustrant car le démarrage se fait dans une ambiance apocalyptique particulièrement prenante, oppressante à souhait mais très singulière et envoûtante, dans un univers où tout semble n'être que destruction et folie, à grand renfort de cris et d'agitation — j'ai reconnu là le <strong>Żuławski </strong>que je connaissais un peu. Un monde de violence qui nous est dépeint dans toute sa déliquescence au creux d'une mise en scène surréaliste peu avare en symboles. J'aurais probablement adoré un film qui aurait déployé une intrigue un peu mieux tenue et plus consistante dans cet écrin nauséeux, au lieu de ces pérégrinations qui finissent par lasser pour diverses raisons, la répétitivité, la confusion, la faiblesse du renouvellement des intérêts secondaires (comme les deux personnages secondaires, l'étranger et la nonne).</p>
<p>Que d'arguments pourtant... Dès lors qu'on pénètre dans cette prison complètement folle, on parcourt le pays à côté du héros, témoin du chaos omniprésent. La démence du personnage qui finit par s'adonner à de la folie meurtrière particulièrement sauvage aurait mérité une écriture un peu plus pragmatique à mon goût, ce qui aurait donné beaucoup plus de force au sentiment de décomposition générale. En l'état, j'aime bien l'ambiance, visuelle autant que sonore, mais la théâtralité ambiante se transforme peu à peu en une bouillie narrative et thématique qui m'échappe, trop frénétique dans sa folie si on peut dire. Beaucoup de gesticulations jusqu'à la fin qui finit, enfin, par poser le rythme. Belle succession de tableaux macabres en revanche, même si encore une fois les scènes de massacre et d'âmes damnées qui se tortillent finissent par user.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/diable/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/diable/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/diable/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Diable-de-Andrzej-Zulawski-1972#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1246Sanjuro, de Akira Kurosawa (1962)urn:md5:6b8e1703d7afcea1290ff039762f52292023-04-18T11:05:00+02:002023-04-18T11:05:00+02:00RenaudCinémaAkira KurosawaChanbaraCinéma asiatiqueJaponMassacreTatsuya NakadaiToshirō MifuneViolence <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sanjuro/.sanjuro_m.jpg" alt="sanjuro.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Du sang et des camélias</strong></ins></span></div>
<p>Mon dernier <strong>Kurosawa</strong> vu remonte à il y a deux ans. Le temps file. Même si, grande tragédie de stakhanoviste boulimique, ce jalon du cinéma ne fait plus partie de mes priorités actuelles, je suis bien forcé de reconnaître qu'il y a dans l'exercice de son style une maîtrise dans le déroulement de la narration, une efficacité dans l'exécution des enjeux, et plus généralement un savoir-faire d'artisan très affûté qui font de ses films, et tout particulièrement de ses chanbaras, des moments appréciables à de très nombreux niveaux. </p>
<p>Ceci étant dit, j'avais vu <ins>Yojimbo</ins> il y a 8 ans et je pourrais reformuler les mêmes constats. Le recours à une musique moderne confère à <ins>Sanjuro</ins> un cachet très particulier, allant dans le sens de l'exacerbation, que ce soit de la tension ou de la comédie. On retrouve les mêmes surgissements de tonalités diverses, de la violence subite aux irruptions de comique parfois burlesque. Et au centre de tout, évidemment, il y a <strong>Toshirô Mifune</strong>. Mais bizarrement, aussi charismatique soit-il, son personnage ouvertement cynique, opportuniste, bourru, et surtout indifférent à la cause qu'il défend en apparence mais très concerné en réalité ne parvient pas toujours à convertir l'immense capital sympathie en adhésion pleine et entière. La recette ne fonctionne pas de manière parfaitement fluide, comme si la concentration en clichés était un peu trop élevée.</p>
<p>Mais cela n'affecte pas vraiment le déroulement du programme, si ce n'est que j'aurais préféré avoir affaire à une bande de jeunes guerriers un peu moins benêts. Le manque d'expérience a bon dos pour nourrir continuellement des ressorts comiques. On est parfois presque dans le registre de la parodie... Le schéma est simple, le complot est clair, l'histoire limpide (à la différence de beaucoup de films sur ce thème comme ceux de <strong>Eiichi Kudō</strong>, au hasard). Le duo que le héros forme avec <strong>Tatsuya Nakadai </strong>marche très bien et dépeint une forme de corruption qui dépasse les camps ennemis. Il me semble néanmoins que la thématique du dégoût de la violence et des massacres contraints aurait pu être un peu plus étayée, quand bien même cela occasionnerait quelques très belles scènes (les camélias, ainsi que le geyser de sang final, magnifique épiphanie). Même si on peut relever une facilité un peu trop ostensible dans la résolution de certains conflits ou de certaines impasses, le charme de l’ensemble reste conséquent : on reste dans le domaine de la valeur sûre.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sanjuro/.img1_m.png" alt="img1.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sanjuro/.img2_m.png" alt="img2.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sanjuro/.img3_m.png" alt="img3.png, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sanjuro/.img4_m.png" alt="img4.png, mars 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sanjuro-de-Akira-Kurosawa-1962#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1133The Act of Killing, de Joshua Oppenheimer (2013)urn:md5:de488ec3afc7be0c3a4aa639cc0e9a082015-11-06T12:50:00+01:002015-11-06T15:30:28+01:00RenaudCinémaDocumentaireIndonésieMassacreTorture <p><img title="act_of_killing.jpg, nov. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="act_of_killing.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/act_of_killing/.act_of_killing_m.jpg" /></p>
<p><ins>C'est arrivé près de chez vous</ins>, en vrai et en Indonésie, doublé d'une réflexion historique sur le parallèle entre bourreau / victime et vainqueur / vaincu. Voilà une façon d'esquisser <ins>The Act of Killing</ins>, le pavé daté de 2013 que jetait <strong>Joshua Oppenheimer</strong> dans la marre mondiale des massacres de masse qui ont fait l'Histoire. Une tuerie en réaction au "mouvement du 30 septembre 1965" qui fit entre 500 000 et un million de victimes, entre fin 1965 et début 1966, qui éradiqua le Parti communiste indonésien (PKI, troisième parti communiste mondial) et qui s'étendit aux athées, hindouistes, musulmans et autres immigrés chinois. Une question : aviez-vous déjà entendu parler de ce massacre ? </p>
<p><ins>The Act of Killing</ins> n'est pas vraiment un documentaire pédagogique sur cette page de l'Histoire indonésienne, et on n'en apprend pas plus ici que dans les manuels d'Histoire occidentaux. Mieux vaut se référer pour cela à des ouvrages dédiés ou à des émissions comme celle de <em>Là-bas si j'y suis </em>: <a title="http://la-bas.org/spip.php?page=article&id_article=756" href="http://la-bas.org/spip.php?page=article&id_article=756">http://la-bas.org/spip.php?page=article&id_article=756</a>. Non, la particularité du travail de <strong>Joshua Oppenheimer</strong>, c'est l'approche choisie, la hauteur à laquelle il se positionne pour questionner le passé à partir de témoignages d'aujourd'hui. Malgré l'encart initial mentionnant la fameuse citation de <strong>Voltaire </strong>(« il est défendu de tuer ; tout meurtrier est puni, à moins qu'il n'ait tué en grande compagnie, et au son des trompettes ») qui annonce la couleur, on reste dans le doute quant à l'objet de ce qui nous est montré : il s'agit d'un documentaire, clairement, mais il n'y a pas d'introduction, pas de commentaire explicatif sur les faits auxquels il se réfère, entretenant ainsi l'oubli dans lequel l'ensemble des événements semble être plongé. Non, en lieu et place d'un documentariste qui nous prendrait par la main, la caméra se positionne à hauteur de bourreau. D'anciens assassins et tortionnaires nous racontent tranquillement leurs exploits passés, non sans une certaine autosatisfaction, alors qu'ils esquissent quelques pas de danse, jouent au golf, ou nous font découvrir leur jardin et leur collection d'objets précieux. Aucune gêne à l'horizon.</p>
<p>S'agit-il d'une blague ? Est-ce vraiment un documentaire ? Une chose est sûre, s'il s'agissait d'une fiction, on aurait du mal à la croire réaliste. Petit à petit, on glisse de l'incompréhension au doute, puis du doute au malaise, et enfin du malaise à l'horreur. On réalise qu'on est en train d'écouter des assassins nostalgiques, tout à fait libres, aujourd'hui reconvertis dans des milices paramilitaires d'extrême droite, et leur sourire sincère prend d'un coup une toute autre dimension. Glaçante.</p>
<p>On n'est pas vraiment étonné quand on apprend que <strong>Joshua Oppenheimer</strong> n'a plus de droit de visa pour ce pays et qu'une partie de l'équipe (indonésienne) a souhaité rester anonyme. Donner la parole de manière tout à fait ouverte à ces tortionnaires fiers de l'être n'est pas un exercice facile à appréhender. Leur témoignage est une source d'enseignements d'une incroyable richesse, assez unique en son genre car il s'alimente, précisément, à la source. La relativité des jugements historiques évoluent beaucoup au cours du temps et de l'espace, et même si les populations locales restent terrorisées par cette mafia, elle ne se remet en question à aucun moment. Il y a cette phrase terrible prononcée par un des bourreaux (en substance) : « comment pourrions-nous représenter le Mal, puisque nous sommes les vainqueurs ? ». Et c'est bien de là que le malaise découle, puisque ces hommes se voient comme des héros ayant chassé la pourriture communiste, ils se voient comme le reflet des mafieux issus du cinéma américain dans lequel ils ont trouvé leur inspiration pour commettre leurs atrocités "sans verser trop de sang". Et aujourd'hui, dans une continuité tout à fait logique, ils font partie d'organisations paramilitaires prétendument respectables, se présentent aux élections en toute impunité, et rackettent par ailleurs les petits commerçants chinois du coin, fièrement, devant la caméra. Et à aucun moment cela ne semble poser problème.</p>
<p>Ce documentaire peut choquer par son absence de pédagogie et son ton froid et neutre en apparence. C'est pour moi sa grande force, la neutralité n'étant bien sûr qu'une façade. Le personnage (bien réel) d'Anwar Congo, svelte, rigoleur, et soucieux de son image, fait froid dans le dos car on le voit marcher tranquillement dans la rue, sourire aux lèvres, en chemise hawaïenne, accompagné de son ami bedonnant, gai luron et ancien camarade de torture qui pourrait être un acteur comique, tandis qu'il avouait une minute auparavant, face caméra, avoir assassiné plus de 1000 communistes il y a 45 ans. Ce visage humain de la barbarie est terrifiant. Les quelques protagonistes, à côté des horreurs qu'ils relatent, ne brillent pas du tout par leur cruauté à l'écran : ce sont tout simplement des idiots. Des imbéciles heureux en manque de reconnaissance qui voudraient être plus célèbres, et qui n'interrogent leur respectabilité qu'à travers leur image d'hommes médiatiques, de manière très classique, comme le quidam qui passe à la télé au journal télévisé. Pourquoi se remettraient-ils en question, après tout, puisque selon leur Histoire, ils sont sortis vainqueurs de cet affrontement ? Bien au contraire, ils s'affichent fièrement. Et les voir rigoler de bon cœur alors qu'ils reconstituent leurs propres scènes de torture passée, à plusieurs reprises, glace le sang. Il n'y a qu'eux qui rient, d'ailleurs : les gens autour se taisent, esquissent un sourire qu'on imagine forcé, et les enfants pleurent.</p>
<p><ins>The Act of Killing</ins> constitue une approche rare sur de tels événements, me semble-t-il, et y porte un regard profondément déstabilisant.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Act-of-Killing-de-Joshua-Oppenheimer-2013#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/292