Je m'attarde - Mot-clé - Maternité le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Fils unique (一人息子, Hitori musuko), de Yasujirō Ozu (1936)urn:md5:2525844c3909ec8bcc4ee2718c8fbe7f2023-12-11T09:39:00+01:002023-12-11T09:40:27+01:00RenaudCinémaDésillusionFamilleFemmeJaponMaternitéOuvrierTravailYasujirō Ozu <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/fils_unique.jpg" title="fils_unique.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/.fils_unique_m.jpg" alt="fils_unique.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Désillusion et acceptation</strong></ins></span>
</div>
<p>Les histoires de filiation, qu'elles soient contrariées ou dissimulées, sources de bonheur ou de mélancolie, traversent de part en part le cinéma d'<strong>Ozu </strong>et s'accompagnent systématiquement de thématiques transverses, l'évolution de la culture japonaise, le conflit entre générations, l'opposition entre vie rurale et vie citadine. Dans le récit d'une mère élevant seule son fils et prête à tous les sacrifices afin qu'il puisse faire des études à Tokyo, <ins>Le Fils unique</ins> trouve un écho spontanément touchant, aussi pudique que cette façon qu'a <strong>Ozu </strong>de filmer les sentiments, avec un film beaucoup plus réputé (et plus ambitieux, plus affiné, plus décisif) du cinéaste, <ins>Voyage à Tokyo</ins>, qu'il faudra attendre pendant encore 17 ans en 1936. C'est la rencontre d'une mère et de son fils, à l'occasion d'une visite surprise, après plus d'une décennie d'éloignement, et c'est le constat d'une trajectoire existentielle qui diffère quelque peu de ce qu'on s'était imaginé.</p>
<p>Pour son premier film parlant, <strong>Ozu </strong>ne semble pas tout à fait à l'aise en toutes circonstances, lui qui aura longtemps été réticent au procédé — 1936, à l'échelle du cinéma muet, c'est comme si un siècle de révolutions techniques s'était déjà écoulé. Au-delà de la piste sonore récemment restaurée qui craque quand même encore beaucoup (le dernier quart est très compliqué), l'héritage du cinéma muet lui permet malgré tout de conserver un charme époustouflant au détour de quelques scènes, et pas nécessairement les plus connues baptisées "à hauteur de tatami" : pour n'en citer qu'une, celle où mère et fils échangent leurs points de vue avec en toile de fond l'incinérateur en activité est bouleversant. L'occasion aussi de quelques particularités, comme cette séquence au cinéma avec un film allemand parlant, présenté par le fils comme un symbole de la modernité urbaine, durant lequel la mère s'endort au sommet de l'incompréhension, ou encore cette très belle et très longue séquence dénuée de personnage, consacrée à un pan de mur derrière lequel une femme pleure, un plan fixe évoquant comme un haïku le passage du temps et le lever du jour.</p>
<p>C'est avant tout une histoire de désillusion, l'amour maternel et son immense volonté se heurtant contre le mur de la réalité des classes ouvrières, empruntant à ce titre un descriptif très néoréaliste italien lorsque la mère découvre le taudis dans lequel habite son fils — elle apprend au passage qu'il a une femme, et puis un fils, et finalement qu'il n'est qu'un demi-professeur (comprendre : un pauvre petit enseignant du soir). Honte pour lui, déception pour elle. Ce n'était pas la vie qu'elle avait rêvée pour son enfant lorsqu'elle avait vendu sa maison afin de financer son départ à la capitale, elle la fileuse de soie désormais reléguée dans un dortoir sur son lieu de travail. Les derniers plans de <ins>Le Fils unique</ins> centrés sur le personnage de la mère laissent place à plusieurs interprétations, entre mélancolie des ambitions déçues et acceptation de l'homme bon, malgré tout, que son fils est devenu. Une grande pudeur pour évoquer un naufrage, des émotions sans frustration apparente mais cernées par l'amertume.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/img2.jpg" title="img2.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/img3.jpg" title="img3.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_unique/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Fils-unique-de-Yasujiro-Ozu-1936#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1302Pieces of a Woman, de Kornél Mundruczó (2021)urn:md5:8edb593ecf30f29695012688f4795c822023-11-08T10:12:00+01:002023-11-08T10:12:00+01:00RenaudCinémaAccouchementCoupleDeuilEllen BurstynFamilleFemmeKornél MundruczóMaternitéShia LaBeoufVanessa Kirby <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/pieces_of_a_woman.jpg" title="pieces_of_a_woman.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.pieces_of_a_woman_m.jpg" alt="pieces_of_a_woman.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"How can I give this pain to someone else?"</strong></ins></span>
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<p>Pour commencer sur une note négative, <strong>Kornél Mundruczó </strong>passe à côté d'un très beau film à mes yeux, la faute à beaucoup de mauvais tics de réalisation qui viennent démesurément alourdir l'histoire d'un drame qui n'avait vraiment pas besoin de tous ces éléments pénibles en surcharge. C'est vraiment dommage, presque rageant, car pour son premier film en langue anglaise il était parvenu à dépasser le côté poseur qui m'avait beaucoup rebuté, de la même manière, dans <ins>White God</ins> ainsi que dans <ins>La Lune de Jupiter</ins>... Mais voilà, il y a en réalité quelques restes de ces mauvaises habitudes puisqu'il s'est visiblement senti obligé de parsemer son film de nombreux détails à caractère symbolique qui ont malheureusement gâché une bonne partie du visionnage. En termes de durée totale, ils ne représentent pas grand-chose objectivement, mais ils parviennent à saboter toute la dynamique du film en venant briser de temps en temps la simplicité d'un mélodrame féminin attachant par ailleurs.</p>
<p>Le très bon point de <ins>Pieces of a Woman</ins>, c'est clairement pour moi son interprète principale en la personne de <strong>Vanessa Kirby</strong>, vraiment convaincante dans le portrait qu'elle rend de cette femme brisée par (ce point est révélé assez tôt dans le film) un accouchement qui s'est soldé par la mort du bébé et ensuite broyée par le poids des différentes contraintes, de son mari, de sa famille, de son travail, etc. Elle est tout particulièrement émouvante dans ce rôle, marquant bien au-delà de la seule séquence introductive de près de 30 minutes centrées sur ledit accouchement à la maison qui vire à la catastrophe. J'ai en outre trouvé très pertinente l'importance accordée au segment dévoué à la sage-femme, une source de malheur parmi d'autres, sans en faire des tonnes dans cette direction. C'est ainsi aussi un film sur le deuil bien sûr, dans un environnement hostile avec son mari qui pète de plus en plus les plombs (<strong>Shia LaBeouf</strong>, très correct, même si sa position vis-à-vis de cette famille bourgeoise ne fait aucun sens) et sa mère désagréablement intrusive (<strong>Ellen Burstyn</strong>, idem, très convaincante).</p>
<p>En matière de mélodrame sur le couple, <ins>Pieces of a Woman</ins> dispose de solides arguments. Arguments tristement pervertis par la présence de nombreux petits naufrages scénaristiques, qu'il serait vain de lister mais dont certains sont effroyables de nullité — sur le plan symbolique, avec des graines de pomme qui bourgeonnent à la fin sur le thème "la vie reprend" avec double ration puisque l'image du pommier reviendra clore le film, ou encore ce pont en construction qui suit le cours du film en miroir, mais également sur le plan purement scénaristique, avec des coïncidences flirtant avec l’invraisemblable comme ce grand hasard de la découverte de photos précisément au moment de rendre le verdict au procès... Mais on peut tout à fait ne pas se laisser contaminer par ces obstacles, ne pas trébucher pleinement, et je conserverai malgré tout un avis positif sur tout le versant factuel qui a trait au portrait féminin, consacré à la destruction inexorable d'une cellule familiale en gestation.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/img1.jpg" title="img1.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/img2.jpg" title="img2.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/img3.jpg" title="img3.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/img4.jpg" title="img4.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/img5.jpg" title="img5.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pieces_of_a_woman/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, oct. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pieces-of-a-Woman-de-Kornel-Mundruczo-2021#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1273À se brûler les ailes (Scheme Birds), de Ellen Fiske et Ellinor Hallin (2019)urn:md5:9f9907727b9ae2248c04aa0d1c9ad5512023-09-28T16:08:00+02:002023-09-28T15:09:09+02:00RenaudCinémaDocumentaireEcosseMaternitéPigeon voyageurRoyaume-UniSuède <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_se_bruler_les_ailes/.a_se_bruler_les_ailes_m.jpg" alt="a_se_bruler_les_ailes.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Here, you get locked up or knocked up."</strong></ins></span>
</div>
<p>Il y a les documentaires planifiés, calibrés, mûrement réfléchis, qui se déroulent tels qu'ils avaient été prévus, et il y a ceux qui sont plutôt le résultat d'un concours de circonstances, le fruit d'un hasard, la coïncidence de personnes se trouvant au bon endroit au bon moment. Et je crois que <ins>Scheme Birds</ins> appartient à cette catégorie, les Suédoises <strong>Ellen Fiske </strong>et <strong>Ellinor Hallin </strong>ayant rencontré l'héroïne de leur film pendant qu'elles étaient en repérage pour un court documentaire, sur un groupe de soutien aux pères seuls défavorisés, dans les rues de Motherwell (non loin de Glasgow). Gemma, alors âgée de 18 ans, leur dit que ce qu'elles font a l'air un peu chiant, et qu'elles feraient mieux de la filmer elle plutôt. Et voilà comment débuta une histoire documentaire qui durera quatre ans, de 2015 à 2019.</p>
<p>Le cadre est celui d'une ville écossaise en profond déclin, un ancien bastion industriel emblématique de l'abandon de ces régions et de ces industries sidérurgiques dans les années 1980. Gemma est née en 1997, l'année où a sonné l'arrêt de la dernière aciérie locale, tout un symbole. En regardant <ins>Scheme Birds</ins>, toute l'imagerie du cinéma de fiction anglais est convoquée, de <strong>Ken Loach </strong>à <strong>Alan Clarke </strong>en passant par <strong>Shane Meadows</strong>. Mais bon, clairement, Gemma, c'est plutôt le personnage de Mia dans <ins>Fish Tank</ins>, en vrai, en pire.</p>
<p>Autant le documentaire met un certain à démarrer, à poser son cadre, à déployer ses arguments, autant une fois la machine lancée, plus rien ne l'arrête. On croit bien connaître le désœuvrement de cette jeunesse anglaise des coins paumés et abandonnés, qui passe son temps à picoler, fumer et se foutre sur la gueule sans raison. Mais la chronique qu'ont réussi à produire les deux réalisatrices dépassent toutes les attentes sur le terrain du sensible en faisant éclore un portrait magnifique et émouvant au milieu du désenchantement. Elles ont su mettre à profit toutes ces années de partage avec Gemma, en créant une proximité qui elle seule permet de capturer ce genre de moments, avec ses amis en train de taguer des murs, au club de boxe avec son grand-père (et accessoirement père de substitution en l'absence de parents directs), ou autour des pigeons voyageurs dont le symbole est régulièrement travaillé par Hallin et Fiske.</p>
<p>Avec leurs gueules d'ados mal dégrossis, on ne la voit pas venir, la maternité. Sans transition, Gemma qui était une adolescente désœuvrée devient du jour au lendemain, par la grâce du montage, une maman très concernée. Mais bon, on ne s'extrait pas aussi facilement du fatalisme et du marasme ambiant, et on subira beaucoup d'événements sordides à ses côtés, dans la grisaille de ces barres HLM. On peut dire qu'elle se sera débattue, Gemma, pour se sortir le cul des ronces — le récit qu'elle fait en voix off construit une excellente narration, son histoire et ses sentiments avec ses propres mots. Elle l'avait bien anticipé, en rigolant, du haut de ses 18 ans : "Here, you get locked up or knocked up". Ici, tu finis en tôle ou en cloque. Un portrait très touchant et remarquablement esquissé.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_se_bruler_les_ailes/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_se_bruler_les_ailes/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_se_bruler_les_ailes/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/A-se-bruler-les-ailes-de-Ellen-Fiske-et-Ellinor-Hallin-2019#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1241Le Fils de la jument blanche, de Marcell Jankovics (1981)urn:md5:6e48d71e441a0f4568d75070fd5529662021-06-30T18:05:00+02:002021-06-30T18:05:00+02:00RenaudCinémaAnimationChevalDragonHongrieMaternitéPoésiePrincesseQuêteSexe <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_de_la_jument_blanche/.fils_de_la_jument_blanche_m.jpg" alt="fils_de_la_jument_blanche.jpg, juin 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Animation et imaginaire hongrois<br /></strong></ins></span></div>
<p>"Cinéma hongrois des années 80", il y a de quoi prendre peur. Et pourtant, <ins>Le Fils de la jument blanche</ins> est un dessin-animé d'une incroyable vitalité, d'une puissante originalité et d'un psychédélisme teinté de symbolisme hypnotisant. C'est en tous cas le dosage adéquat en ce qui me concerne, le mélange subtil d'effervescence et de pragmatisme qui permet des envolées dans un imaginaire vigoureux sans pour autant donner l'impression d'être irrémédiablement paumé dans un univers auquel on ne comprend rien. Non pas qu'il n'y ait aucune zone d'ombre : de nombreuses séquences / explosions graphiques ne trouvent pas toujours de sens quand on n'est pas connaisseur de cette mythologie-là. À aucun moment cette distance avec le récit ne s'accompagne d'un quelconque désagrément : la plongée dans cet univers fou est très agréable du début à la fin.</p>
<p>C'est un film d'animation qu'on a envie de recommander à tous ceux qui cherchent quelque chose en dehors des sentiers battus et des grands studios de production dans ce registre. <strong>Marcell Jankovics </strong>embrasse une fable fantastique qui sait rayonner dans de multiples directions, tour à tour sombre et lumineux, parfois très lisible (au sens où la narration est parfaitement intelligible, à l'image d'un dessin animé classique) et d'autres fois complètement psychédélique au point de tendre vers l'abstraction la plus pure. Le cadre est très clair : une jument blanche donne naissance à trois enfants qui devront affronter trois dragons (qui n'ont pas vraiment l'apparence à laquelle on peut s'attendre d'un point de vue occidental) et délivrer trois princesses perdues dans un enfer. Le cadre ressemble à un Moyen Âge sous ecstasy, avec une imagerie très hypnotique, une ambiance prenante et des décors étranges. Le trait et la couleur sont d'ailleurs très singuliers.</p>
<p>Soit le périple de Treeshaker, Stonecrumbler et Ironrubber, trois demi-dieux lancés dans une quête mêlant poésie et métaphore avec beaucoup d'onctuosité, en alternant les passages de narration (presque) simple avec des moments ouvertement symboliques sur le thème de la sexualité, de la maternité, de l'affrontement, etc. Certains personnages antagonistes ont des airs presque cubistes là où d'autres semblent sortir d'un folklore hongrois à découvrir, sur une route jalonnée de détails mythologiques, paradis et enfer, démons maléfiques, cycles naturels, épreuves... Tout n'est pas directement et facilement interprétable mais le voyage est saisissant.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_de_la_jument_blanche/.naissance_m.jpg" alt="naissance.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_de_la_jument_blanche/.jument_m.jpg" alt="jument.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_de_la_jument_blanche/.freres_m.jpg" alt="freres.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fils_de_la_jument_blanche/.princesses_m.jpg" alt="princesses.jpg, juin 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Fils-de-la-jument-blanche-de-Marcell-Jankovics-1981#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/978Madre, de Rodrigo Sorogoyen (2019)urn:md5:ed98a37870a547b7facd4871ad4a56f22021-02-10T18:15:00+01:002021-02-10T18:18:43+01:00RenaudCinémaDisparitionEnfanceLandesMaternité <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/madre/.madre_m.jpg" alt="madre.jpg, janv. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Courtes focales en plans-séquences<br /></strong></ins></span></div>
<p>Beaucoup de partis pris de mise en scène développés par <strong>Rodrigo Sorogoyen </strong>peuvent paraître excessifs, surtout au terme d'un voyage de deux heures ancré sur la côte atlantique des Landes qui revendique aussi frontalement son systématisme technique — et dont courte focale et plan-séquence sont manifestement les maîtres-mots. On pourrait s'arrêter au sensationnalisme du quart d'heure introductif (un court-métrage du même nom, à l'origine) qui tord les boyaux à peu de frais en jouant sur la tension générée par une peur basique de parents, la perte d'un enfant. Le bruit du ressac permanent, aussi, comme la continuation ininterrompue d'une souffrance se rappelant sans cesse à cette femme (bouleversante <strong>Marta Nieto</strong>) qui tente de se reconstruire précisément sur les lieux de la disparition de son enfant, peut finir par user les sens. Quelques ingrédients psychologisants de trop, quelques dialogues maladroits, regrettables eux aussi.</p>
<p>Pourtant, de l'autre côté de l'ellipse qui sépare le court-métrage de <strong>Sorogoyen </strong>de 2017 de la suite offerte par cette version longue de <ins>Madre</ins>, il y a un portrait de femme vraiment bouleversant. Sur cette plage des Landes, dix ans après la disparition qui restera mystérieuse et non-élucidée, Elena est une mère endeuillée qui se reconstruit après la perte d'un enfant. Le sujet est bien traité, avec la bonne distance, la bonne dose d'incertitude (pour le personnage tout comme à l'extérieur de la diégèse), les bonnes zones de flottement aux bons moments. Après l'introduction qui foudroie, le film s'oriente vers la douceur d'une quête éperdue, celle d'une femme évoluant dans un univers presque vaporeux, à la poursuite d'illusions bénignes en apparence.</p>
<p><strong>Sorogoyen </strong>parvient à jouer sur la thématique de l'ambiguïté et du malaise, dans la relation qui se noue entre la mère et cet enfant qu'elle pense être le sien, avec une certaine dextérité, sans en faire trop. L'asymétrie des intérêts dans cette relation est le moteur de la narration, avec d'un côté un enfant de substitution et de l'autre une femme qui ne ressemble à aucune autre. En creux, la question de la réciprocité extrêmement troublante d'un amour difficilement descriptible. Immensité de la plage, immensité de la mer, immensité de la douleur. Rien ne viendra éclairer les circonstances du drame : en découle un voile pudique sur le drame passé qui enferme peut-être davantage la protagoniste dans sa solitude. <strong>Marta Nieto</strong>, dans le rôle de cette mère blessée transformée en animal sauvage, sur la route du pardon, en écho à une sensibilité déchirante, est inoubliable.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/madre/.plage_m.jpg" alt="plage.jpg, janv. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/madre/.duo_m.jpg" alt="duo.jpg, janv. 2021" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/madre/.foret_m.jpg" alt="foret.jpg, janv. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Madre-de-Rodrigo-Sorogoyen-2019#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/898Y aura-t-il de la neige à Noël ?, de Sandrine Veysset (1996)urn:md5:08881ce4e2178b36fc65d16c6e002a8a2020-12-10T09:43:00+01:002020-12-10T09:43:00+01:00RenaudCinémaAvignonEtéFamilleHiverMaraîchageMaternitéNoëlRuralité <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/y_aura_t_il_de_la_neige_a_noel/.y_aura_t_il_de_la_neige_a_noel_m.jpg" alt="y_aura_t_il_de_la_neige_a_noel.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Conte d'hiver maternel à la campagne<br /></strong></ins></span></div>
<p>C'est un film qui donne l'impression de sortir de nulle-part, une fiction semi-autobiographique de <strong>Sandrine Veysset </strong>ancrée dans le quotidien rural d'une exploitation maraîchère. <ins>Y aura-t-il de la neige à Noël ?</ins> est sorti en 1996, l'action est censée se dérouler dans les années 70, mais la mise en scène extrêmement pudique et les conditions proches du documentaire confèrent au récit une dimension avantageusement atemporelle. Ça pourrait se passer aujourd'hui, dans un coin reculé de France, mais ça pourrait tout aussi bien se passer il y a 50 ans dans n'importe quelle région rurale.</p>
<p>Un coin de campagne dans le Sud de la France, dans une ferme en polyculture dans la région d'Avignon, non loin de Cavaillon. La première partie du film, très clairement la plus réussie, s'attache à décrire la vie de cette famille composée de 7 enfants autour de leur mère qui les élève peu ou prou seule. Une figure paternelle est bien présente, mais la situation familiale est volontairement laissée floue, on ne sait pas trop quel est leur relation, il ne semble pas habiter dans la même maison. L'ambiance des familles nombreuses est très agréablement dépeinte, et le travail des enfants dans les champs pour aider le foyer déborde de naturel : en réalité, seule la soumission de la troupe au chef de famille fait tache dans ce tableau, la faute au personnage du père écrit à la serpe dans un rôle de tyran avec ses moments de tendresse. Malheureusement, la deuxième partie du film sera davantage tournée vers ce personnage et l'influence néfaste qu'il aura sur la famille : c'est la principale faiblesse de l'histoire, qui se suffisait tout à fait du mode de vie de la mère seule et du joli portrait de cette femme entourée de ses enfants.</p>
<p>Pour le reste, c'est le cadre de la chronique qui domine, avec plusieurs séquences intéressantes : la gestion de l'exploitation maraîchère, cette tonalité caractéristique de la fin des grandes vacances, les conditions de vie précaires mais pas pour autant misérables, et donc cette figure maternelle qui fait tout pour préserver ses enfants de l'emprise paternelle avec ses écarts autoritaires et ses abus parfois brutaux. Très peu de misérabilisme dans le regard que porte la réalisatrice. Il y a un petit côté conte, sans trop d'excès dramatiques toutefois, dans la façon de brosser le portrait choral au fil des saisons, avec une figure maternelle protectrice et bienveillante face à des éléments extérieurs hostiles. Le cauchemar que la mère raconte à ses enfants trouvera un écho un peu trop appuyé avec l'ultime séquence du film, plongée dans le froid hivernal, mettant en scène un autre cauchemar suivi de l'apparition tant espérée de la neige. Un nouvel élan d'espoir.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/y_aura_t_il_de_la_neige_a_noel/.famille_m.jpg" alt="famille.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Y-aura-t-il-de-la-neige-a-Noel-de-Sandrine-Veysset-1996#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/872Long Weekend, de Colin Eggleston (1978)urn:md5:e5d0eee28a753bdb2c74472df4dee2732019-09-23T22:23:00+02:002019-09-23T22:23:00+02:00RenaudCinémaAnimalAustralieFantastiqueIncendieMaternitéNatureParanoïaPlageSurvivalVengeance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/long_weekend/.long_weekend_m.jpg" alt="long_weekend.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="long_weekend.jpg, juil. 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Réveil dans la terreur</strong></ins></span>
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<p>Il n'y a que dans le cinéma australien des années 70 que l'on peut espérer découvrir ce genre de pépite. Que ce soit avec <strong>Ted Kotcheff </strong>(<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Reveil-dans-la-terreur-de-Ted-Kotcheff-1971"><ins>Réveil dans la terreur</ins></a>, 1971), <strong>Nicolas Roeg </strong>(<ins>La Randonnée</ins>, 1971), <strong>Peter Weir </strong>(<ins>La Dernière Vague</ins>, 1977) ou encore <strong>George Miller </strong>(<ins>Mad Max</ins>, 1979), les jalons représentatifs de cette petite parcelle géographique et temporelle ne manquent pas. Et chacun apporte sa petite pierre à l'édifice d'un cinéma qui s'intéresse au moins autant à l'ambiance qu'à l'action à proprement parler, en tissant avec grand soin des atmosphères tour à tour angoissantes ou oppressantes, et toujours singulières et mystérieuses. Ce sont des univers (graphiques mais aussi sonores) qui laissent des marques indélébiles. <ins>Long Weekend</ins> vient compléter cette liste non-exhaustive et agréablement hétéroclite, en se focalisant sur un couple parti le temps d'un weekend sur la côte Sud de l'Australie, près de Phillip Island, alors que les deux amants se trouvent au cœur d'une crise dont les contours se dévoileront peu à peu. Un long, très long weekend, qui s'avèrera interminable pour les deux pauvres hères.</p>
<p><ins>Long Weekend</ins>, en bon (voire très bon) film d'ambiance, joue extrêmement bien avec les atmosphères dans lesquelles on s'immerge. On se familiarise rapidement avec ce couple au bord du divorce, avant d'atterrir dans un petit coin de nature magnifique, près de l'océan, bordé de forêts à perte de vue. Au milieu de ce décor idyllique, les culpabilités réciproques s'enveniment, les disputes montent d'un ton et finissent par s'embraser. Bizarrement, la nature environnante ne semble pas apprécier la présence de ces deux-là, et les signes menaçants se font de plus en plus fréquents, à mesure que l'homme dégueulasse le paysage. Comme dirait mon alter nominum ego, "<em>Ils vont polluer toutes les plages, / Et par leur unique présence, / Abîmer tous les paysages</em>". Lui exprime sa virilité primaire avec son fusil, défonce les lamantins et effraie les oiseaux, pendant qu'elle s'enfonce dans une névrose en lien avec sa maternité. Entre les deux, la nature mettra les choses au clair.</p>
<p>À la lisière du fantastique et de la paranoïa, <strong>Colin Eggleston </strong>dépeint habilement le viol d'une contrée sauvage. Il faut dire qu'entre un kangourou écrasé, un œuf d'aigle explosé, un lamantin assassiné 15 fois, un mégot comme départ d'incendie, de l'insecticide balancé à foison, et des poubelles éparpillées en pagaille, il y a de quoi leur en vouloir. Mais l'oppression de la faune vue comme un acte de vengeance en réaction à l'agression de l'homme intervient dans un cadre invariablement naturel, comme si ce décor sauvage magnifique souillé par l'être humain se rebellait par simple réflexe, sans intervention surnaturelle, sans irruption du spectaculaire. L'angoisse monte lentement, chargeant l'atmosphère d'une menace lourde et latente, personnifiée à travers un aigle, un opossum, un serpent, ou un lamantin (confondu avec un requin : <ins>Jaws</ins> sortait 3 ans auparavant). L'habillage sonore alimente cette angoisse avec ces bruits secs, ces fourrés qui bruissent, et surtout ces lamentations très perturbantes. À chaque agression de la part de l'homme, c'est souvent par des sons que la nature répond, comme s'il s'agissait d'entités interconnectées. Tout cela concourt à transformer progressivement, de manière presque imperceptible, un coin de paradis en un endroit effrayant, siège d'un survival délicieux.</p>
<blockquote><p>Peter: It's a Dugong. A Sea Cow. Apparently there used to be thousands of 'em all along the coast until they were killed off for oil.<br />
Marcia: It's ugly.<br />
Peter: Yeah. She's not very pretty out of the water, is she.</p>
</blockquote>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/long_weekend/.couple_m.jpg" alt="couple.jpg" title="couple.jpg, juil. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/long_weekend/.plage_m.jpg" alt="plage.jpg" title="plage.jpg, juil. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/long_weekend/.fourmis_m.jpg" alt="fourmis.jpg" title="fourmis.jpg, juil. 2019" />
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