Je m'attarde - Mot-clé - Militaire le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearR.A.S., de Yves Boisset (1973)urn:md5:ca4110851ed21080449659322483d6462024-01-07T12:33:00+01:002024-01-07T12:39:18+01:00RenaudCinémaAlgérieAnarchismeClaude BrossetCommunismeFranceGuerreguerre d AlgérieJacques SpiesserJacques VilleretJacques WeberJean-François BalmerJean-Pierre CastaldiMichel PeyrelonMilitairePhilippe Leroy-BeaulieuPolitiqueYves Boisset <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/r.a.s..jpg" title="r.a.s..jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.r.a.s._m.jpg" alt="r.a.s..jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Premier jet</strong></ins></span>
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<p>Probablement l'un des premiers films à aborder aussi frontalement la Guerre d'Algérie, une dizaine d'années après la fin du conflit et autant d'années de censure à ce sujet — <ins>R.A.S.</ins> en subit malgré tout les conséquences à sa sortie en 1973, avec des coupures imposées au montage et des perturbations par des fachos lors de projections. Si l'on n'avait pas peur des parallèles un peu trop hardis, on pourrait dire qu'il s'agit d'un <ins>Full Metal Jacket</ins> mineur à l'algérienne, avec un découpage en deux parties, une première étant dédiée à la préparation en France et une seconde dévolue aux conditions de guerre sur le terrain. <strong>Yves Boisset</strong>, on le sait, n'est pas le plus grand représentant de la finesse, mais étonnamment son côté un peu bourrin s'accorde assez bien avec l'âpreté de la situation, du moins beaucoup plus que dans <ins>Le Prix du danger</ins> par exemple. L'occasion ici de découvrir une belle brochette d'acteurs devenus depuis des célébrités mais inconnus à l'époque, <strong>Jacques Spiesser</strong>, <strong>Jacques Villeret</strong>, <strong>Jacques Weber </strong>(absolument méconnaissable), <strong>Claude Brosset</strong>, <strong>Jean-François Balmer</strong>, <strong>Michel Peyrelon</strong>, <strong>Jean-Pierre Castaldi</strong>. À noter également la présence de <strong>Philippe Leroy-Beaulieu</strong>, un peu vieilli depuis <ins>Le Trou</ins>.</p>
<p><ins>R.A.S.</ins> me fait beaucoup penser à un autre film français de l'époque, <ins>Le Pistonné</ins>, réalisé par <strong>Claude Berri </strong>en 1970 et montrant les déboires du soldats <strong>Guy Bedos </strong>envoyé de force au Maroc. Le ton est vraiment semblable, seuls les enjeux diffèrent — et la portée politique évidemment. C'est amusant de voir réunis de tels personnages ici, un anarchiste, un communiste, et un apolitique notamment, tous rechignant à combattre en Algérie, opposés sur beaucoup de sujets mais unis dans leurs déboires. Pour l'une des premières visions de la Guerre d'Algérie acceptée dans le circuit de distribution français, il faut quand même reconnaître à <strong>Boisset </strong>un certain tact, car même si on n'a pas affaire à un monument de subtilité, il sait conserver un regard assez neutre (le commandant est inspiré par une personne réelle, Jean Pouget). La violence est laissée en hors champ la plupart du temps, choix judicieux pour se concentrer sur l'état d'esprit des soldats sous la forme d'une chronique militaire relativement sobre de la part du réalisateur.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/R.A.S.-de-Yves-Boisset-1973#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1319Pour l'exemple (King & Country), de Joseph Losey (1964)urn:md5:c6f2643b4b29949d4dcd325e5f4c22e72023-12-05T10:12:00+01:002023-12-05T10:12:00+01:00RenaudCinémaBelgiqueDirk BogardeDésertionFlandresGuerreJoseph LoseyMilitaireMortPremière Guerre mondialePrisonProcèsRatRoyaume-UniStanley KubrickTom CourtenayTribunal <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/pour_l_exemple.jpg" title="pour_l_exemple.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.pour_l_exemple_m.jpg" alt="pour_l_exemple.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"A proper court is concerned with law. It's a bit amateur to plead for justice."</strong></ins></span>
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<p><ins>King & Country</ins> prend pour contexte le front belge lors de la Première Guerre mondiale, dans la région des Flandres alors administrée par l'armée anglaise, et s'intéresse aux dernières 24 heures d'un jeune soldat britannique accusé de désertion. Le film pourrait se résumer à ça : des soldats qui pataugent la boue, quelques passages dans une prison militaire coincée entre deux tranchées, et un simili tribunal militaire très rudimentaire composé en tout et pour tout d'une table, de quelques chaises et de quelques gradés de l'armée, une cour martiale qui va devoir statuer sur ce fait de désertion et qui se soldera par une condamnation à mort si ce dernier est avéré.</p>
<p><strong>Joseph Losey </strong>offre un point de vue britannique sur la peine capitale prévue par la loi militaire en temps de guerre qui s'établit assez naturellement comme une vision complémentaire à celle de <strong>Stanley Kubrick </strong>dans <ins>Les Sentiers de la gloire</ins> (sorti en 1957), avec dans le rôle d'avocat de la défense un militaire dans chacun des deux cas, <strong>Kirk Douglas </strong>chez <strong>Kubrick </strong>et <strong>Dirk Bogarde </strong>chez <strong>Losey</strong>. Mais ce rapprochement ne fut pas forcément évident à l'époque puisque bien que sorti 7 années auparavant, le film de <strong>Kubrick </strong>subit une censure (voire une autocensure, les producteurs n'ayant pas demandé de visa d'exploitation au ministre chargé du cinéma français, et ce même si les autorités françaises exercèrent une pression sur d'autres pays européens) en France et ne sortira que dans les années 1970.</p>
<p>C'est donc à une dénonciation d'une horreur de guerre un peu taboue que <strong>Losey </strong>prend part, en s'attaquant à l'exécution de soldats par leur propre armée tout autant qu'à une justice rendue par la même machine qui juge et qui broie les individus. On ressent un certain didactisme dans <ins>Pour l'exemple</ins> qui se manifeste par un excès de dialogues démonstratifs s'assurant que tout est bien explicité, au cas où le message ne serait pas clair — de fait, il l'est. Mais si le film s'en sort avec les honneurs, au-delà de son ambiance glauque propre aux tranchées filmées de manière très aride, c'est notamment grâce à la relation qui se noue entre le soldat déserteur Hamp et son défenseur le capitaine Hargreaves, respectivement interprétés par <strong>Tom Courtenay </strong>(le révolté dans <ins>La Solitude du coureur de fond</ins> de <strong>Tony Richardson</strong>) et <strong>Dirk Bogarde</strong> (que <strong>Losey </strong>retrouve ici l'année suivant la sortie de <ins>The Servant</ins>).</p>
<p>Un film cruel et un peu raide qui montre deux échecs lors d'un procès sommaire, un homme perdant sa défense et un autre perdant sa vie. On ne connaîtra jamais vraiment les raisons qui ont conduit le jeune soldat à tenter de déserter, même si le faisceau d'indices est large : l'épuisement lié à un conflit qui s'éternise, les conditions abominables qui contraignent les petites recrues à côtoyer les rats et les cadavres, ou plus prosaïquement la boucherie qui a décimé son régiment, déchiqueté par les bombes, dont il est l'unique survivant. <strong>Losey </strong>a la main lourde à plusieurs reprises, que ce soit au travers d'un symbolisme parfois appuyé ou de quelques mises en scène scolaires (les soldats qui jouent avec un rat et recréent un tribunal de pacotille), mais la confrontation de cet engagé volontaire à la froideur d'une cour martiale reste une réussite. Une victime de plus au creux de la pourriture, de l'absurdité, et de l'ennui envahissant.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img1.png" title="img1.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img1_m.png" alt="img1.png, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img2.png" title="img2.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img2_m.png" alt="img2.png, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/img3.png" title="img3.png, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/pour_l_exemple/.img3_m.png" alt="img3.png, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pour-l-exemple-de-Joseph-Losey-1964#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1297Manœuvre, de Frederick Wiseman (1979)urn:md5:f8c0e42993d53ff24bcc2644f89888dc2023-11-24T09:40:00+01:002023-11-24T15:45:55+01:00RenaudCinémaAllemagneDocumentaireEtats-UnisEuropeFrederick WisemanGuerre froideMilitaireOTAN <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/manoeuvre.jpg" title="manoeuvre.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.manoeuvre_m.jpg" alt="manoeuvre.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Travaux pratiques</strong></ins></span>
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<p>C'est la troisième incursion documentaire de <strong>Frederick Wiseman </strong>dans le corps militaire : il y a eu la formation à la guerre et l'inculcation d'une supériorité morale et physique dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Basic-Training-de-Frederick-Wiseman-1971">Basic Training</a></ins>, il y a eu des GIs se faisant chier comme des rats morts dans une zone démilitarisée après la guerre du Kippour dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sinai-Field-Mission-de-Frederick-Wiseman-1978">Sinai Field Mission</a></ins>, et voilà donc le temps de la guerre factice à l'occasion d'une sorte de jeu militaire à grande échelle, un entraînement des troupes américaines de l'OTAN en Allemagne, simulation d'un conflit impliquant une unité de chars en 1979.</p>
<p>On peut voir beaucoup d'images extrêmement bizarres dans <ins>Manoeuvre</ins>. Sur une autoroute allemande, une colonne de chars américains avance sur la voie de droite à 50 km/h, se faisant doubler par des voitures de civils. Des gamins en vélo qui débarquent sur un terrain d'exercice militaire impliquant des dizaines de chars. Des blindés qui passent à l'intérieur de petits villages devant des habitants mi-amusés, mi-médusés. Car pour leur exercice grandeur nature, les militaires américains débarquent au beau milieu de l'Allemagne en pleine Guerre froide avec tout leur matériel, leurs armes, leurs véhicules, leurs centres de commandement. Il faut impressionner le camp adverse. Seuls les évaluateurs détonnent dans le paysage, présents sur place pour examiner les différents intervenants.</p>
<p>Malgré tout, <strong>Wiseman </strong>montre bien à quel point ces soldats se comportent comme des grands enfants. On joue littéralement à la guerre, les obus étant remplacés par des espèces d'énormes pétards fixés sur les canons. Il y a des scènes totalement lunaires, où le montage superpose des images de chars sillonnant les routes et des conversations parfaitement familières entre soldats : d'un côté la colonne de chars ultra agressives, et de l'autre des ados mal dégrossis qui commentent le physique des femmes sur leur passage. D'autres séquences sont franchement comiques, comme ces soldats qui se font passablement engueuler par leur supérieur car ils ont été particulièrement mauvais lors de l'exercice du jour (comme un cancre à l'école : "<em>Now guys, do I speak English or not? Do you understand what I want? Or don't you understand what I want? If you don't understand I can find fucking replacements</em>" — ce qui n'est pas tout à fait vrai, il n'a pas le choix) ou cette engueulade en fin d'exercice entre un commandant et un évaluateur. Mais le plus drôle reste clairement cette scène de l'espace où des dizaines de chars se retrouvent bloqués sur une route forestière, avec un papi allemand bloquant la route et leur disant qu'il ne les laissera pas passer, lui étant tranquillement en train de creuser un fossé — les militaires ne parlent pas ou très peu la langue locale, et on comprend qu'ils ont tout défoncé l'année précédente lors d'un exercice similaire.</p>
<p>Les aspects surréalistes de ce genre ne manquent pas, et c'est là l'avantage de tourner probablement plusieurs centaines d'heures de rushes : <strong>Wiseman </strong>réussit à capter une discussion absolument géniale, entre des instructeurs en pause et un habitant du coin ayant vécu la Seconde Guerre mondiale et racontant comment capturé par les Alliés et emprisonné aux États-Unis, il avait apprécié pouvoir manger à sa faim, là où ceux restés au pays souffraient de malnutrition. Pendant tout le docu, on voit des gens décrire le théâtre des opérations et faire semblant de tirer, et à la fin, apparemment, la guerre est perdue sans qu'on sache vraiment pourquoi. À l'opposé de ce qui était enseigné dans les écoles de <ins>Basic Training</ins>, les soldats hésitent, bafouillent, récitent maladroitement des leçons pas assimilées. La solennité des exercices, point d'honneur des hauts gradés en cette année de sortie de <ins>Apocalypse Now</ins>, contraste décidément beaucoup avec l'attitude des civils croisés, les enfants fascinés, les paysans circonspects, et la cohorte de passants qui se marrent.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img4.jpg" title="img4.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2023" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img6.jpg" title="img6.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img7.jpg" title="img7.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img8.jpg" title="img8.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img8_m.jpg" alt="img8.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/img9.jpg" title="img9.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/manoeuvre/.img9_m.jpg" alt="img9.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Manoeuvre-de-Frederick-Wiseman-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1290Héros ou Salopards (Breaker Morant), de Bruce Beresford (1980)urn:md5:c11e291ff02f52b3dc04b8a30f09f45d2023-11-22T23:14:00+01:002023-12-13T12:51:06+01:00RenaudCinémaAfrique du SudAustralieBouc émissaireBruce BeresfordGuerreMilitaireProcèsRevisionnageRoyaume-Uni <p><img title="heros ou salopards, fév. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="heros ou salopards" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.heros_ou_salopards_m.jpg" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>« And a man's foes shall be those of his own household »<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><ins><em>Première publication : 01/02/2016.</em></ins></p>
<p><ins>Héros ou salopards</ins> (titre auquel on préfèrera sans doute le plus sobre <ins>Breaker Morant</ins>, du nom de son personnage principal) est un film plutôt rafraîchissant dans le paysage cinématographique mondial, et ce principalement grâce à son sujet : la fin douloureuse de la Seconde Guerre des Boers qui opposa les peuples d'Afrique du Sud à l'empire britannique et à l'Australie entre 1899 et 1902, quelques années avant la Première Guerre mondiale. L'autre point intéressant de <ins>Breaker Morant</ins>, au-delà du petit rappel historique, c'est de faire un film de procès qui ne se focalise pas sur le sort des accusés du point de vue "coupable ou innocent ?" (ils sont coupables et seront punis, forcément) mais qui essaie plutôt de statuer sur leur responsabilité. Très vite, on comprend que ce ne sont que des "hommes normaux" projetés dans des "situations anormales". De vulgaires soldats qui n'avaient rien demandé, qui ont simplement un peu trop obéi aux ordres, et dont les vies seront utilisées comme monnaie d'échange en faveur d'un traité de paix.</p>
<p><img title="breaker_morant.jpg, fév. 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="breaker_morant.jpg" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.breaker_morant_m.jpg" /></p>
<p>« <em>And a man's foes shall be those of his own household </em>» : voilà toute l'essence du procès résumée en une citation (biblique) que le poète protagoniste déclamera. Une nation (représentée en la personne de Lord Kitchener) désirant prouver sa bonne volonté en jugeant ses propres soldats fermement, avec un verdict écrit d'avance, dans l'espoir de mettre rapidement un terme à cette guerre. À travers l'histoire de ces trois soldats australiens aux ordres de l'armée britannique, c'est donc celle des "Scapegoats of the Empire" (les boucs émissaires de l'empire) qui est contée, et qui fut l'objet d'un livre censuré par le Royaume-Uni jusqu'au milieu du XXe siècle.</p>
<p>On peut reprocher certains procédés assez peu convaincants au film de <strong>Bruce Beresford</strong>, comme certaines images trop caricaturales (les deux condamnés à mort qui s'avancent main dans la main vers leur fin, même si cette image sera vite contrebalancée par les deux plans consécutifs magnifiques, à contre-jour, de leur exécution). La poésie de Harry "Breaker" Morant (personnage véridique) arrive un peu tard, comme un cheveu sur la soupe, mais renforce la dimension mélancolique du final comme il se doit. Et le charme singulier des décors sud-africains authentiques opère, avec force. Au final, entre culpabilités évidentes, responsabilités à prouver, machinations politiques et autre broyages institutionnels, <ins>Héros ou salopards</ins> se révèle beaucoup plus dense et subtil que prévu.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.proces_m.jpg" alt="proces.jpg" title="proces.jpg, fév. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.cercueils_m.png" alt="cercueils.png" title="cercueils.png, fév. 2016" /><br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.main_dans_la_main_m.png" alt="main_dans_la_main.png" title="main_dans_la_main.png, fév. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/heros_ou_salopards/.contre-jour_m.jpg" alt="contre-jour.jpg" title="contre-jour.jpg, fév. 2016" /></div>
<br />
<hr />
<br />
<p><ins><em>Deuxième publication : 12/11/2023.</em></ins></p>
<p>Encore un revisionnage assez conforme à mes souvenirs (après le très mauvais <ins>American Nightmare</ins>), procurant le sentiment réconfortant d'être encore d'accord avec mon moi d'il y a 7 ans. Est-ce l'effet de surprise qui s'est évaporé, est-ce mon enthousiasme d'alors qui a décru à cause d'une exigence supérieure ? Quoi qu'il en soit, <ins>Breaker Morant</ins> m'a un peu moins passionné même si l'éventail de thématiques explorées et le contexte dans lequel elles sont déployées ont conservé un intérêt manifeste.</p>
<p>Le cadre militaire est vraiment original et surprenant, d'un point de vue français tout du moins : on ne peut pas dire que la seconde guerre des Boers, entre 1899 et 1902, a fait l'objet d'énormément d'œuvres connues chez nous, un conflit opposant l'empire britannique et les descendants des pionniers blancs d'Afrique du Sud essentiellement néerlandais, allemands et huguenots. Un terme qui laissera la place à celui d'Afrikaner par la suite. Les Boers étaient majoritairement des paysans connaissant bien le terrain et livrant à leurs ennemis une guérilla, ce qui conduisit les Britanniques à solliciter les soldats australiens pour évoluer dans ces territoires hostiles. Vers la fin du conflit, craignant que l'Allemagne ne rentre en guerre contre elle, les dirigeants du Commonwealth profitèrent d'un massacre commis sur des Boers pour instrumentaliser la cour martiale et solder la fin du conflit, au prix d'une accusation connue aujourd’hui pour avoir été largement inéquitable envers les soldats australiens mis en cause. La définition même de boucs émissaires.</p>
<p>Les films traitant de faits graves commis dans un contexte militaire mais hors de la guerre telle qu'on la conçoit traditionnellement sont très nombreux, et là n'est pas l'originalité de <ins>Héros ou salopards</ins> qui peut se concevoir comme une version britannico-australienne de <ins>La Nuit des généraux</ins> (un crime pendant la guerre) et <ins>Des hommes d'honneur</ins>. Dans ce dernier, <strong>Rob Reiner </strong>montrait clairement les deux militaires accusés comme des innocents ayant uniquement obéi à un ordre ayant conduit à la mort d'un de leurs camarades. Ici, <strong>Bruce Beresford </strong>explore une zone grise bien plus étendue, en explicitant très rapidement la culpabilité morale des trois principaux accusés tout en y opposant le questionnement vis-à-vis de leur responsabilité. À noter l'interprétation très propre de <strong>Edward Woodward </strong>et <strong>Bryan Brown</strong> sur le banc et de <strong>Jack Thompson </strong>à la défense.</p>
<p>En un sens il n'y a guère de suspense : une des premières scènes expose sans détournement l'intention de la part de Lord Kitchener de faire un procès exemplaire qui servira les intérêts de sa nation. Un procès qui pourra ironiquement se poursuivre par une conférence de paix. L'intérêt réside davantage dans le film de prétoire, entrecoupé de flashbacks pour illustrer les différents épisodes, qui appuie sur les asymétries fondamentales entre l'accusation et la défense. Le nœud du problème est assez concis en réalité : le capitaine Hunt a ordonné à ses hommes d'agir selon le mode officieux des armées (pas de prisonniers, finie la guerre de gentlemen), et ce dernier ayant trouvé la mort, il n'existe plus de preuve pouvant dédouaner les accusés de leur responsabilité. <strong>Beresford </strong>s'intéresse ainsi à la psychologie de ces personnages, auteurs d'horreurs commise par des "<em>normal men in abnormal situations</em>", et en prenant ses distances avec la vision de "<em>poor Australians who were framed by the Brits</em>".</p>
<p>C'est donc à un premier niveau le récit d'une instrumentalisation de ce procès, mais avant tout une exploration de ces zones grises, avec les directives tacites du commandement d'un côté, et de l'autre des officiers plus ou moins complaisants vis-à-vis de ces ordres là où ils auraient pu prendre leurs distances. <ins>Breaker Morant</ins> arbore de nombreuses facilités d'écriture, que ce soit lors du procès (avec beaucoup de plaidoiries très théâtrales de la part de la défense, et beaucoup d'arguments rejetés trop facilement par le tribunal) ou lors de la conclusion (avec une relative effusion de sentiments en contraste avec la sobriété du reste du film, main dans la main, lever de soleil dans des teintes roses et orangées magnifiques), qui n'oublie pas de marteler son message au travers de la métaphore de l'empire qui exécute deux soldats et les fait rentrer de force dans leurs cercueils trop petits.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Heros-ou-salopards-de-Bruce-Beresford-1980#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/303Canal Zone, de Frederick Wiseman (1977)urn:md5:490419bf1117e0fe2ffffaac82010b272023-10-24T16:41:00+02:002023-10-25T09:55:10+02:00RenaudCinémaBateauDocumentaireEtats-UnisFrederick WisemanMilitairePatriotismeReligion <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/canal_zone.jpg" title="canal_zone.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/.canal_zone_m.jpg" alt="canal_zone.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un microcosme<br /></strong></ins></span>
</div>
<p>Près de trois heures de déambulations dans la région du canal de Panama, au milieu des années 70, à une époque où il s'agissait encore d'un territoire des États-Unis — le Panama ne retrouvera le contrôle complet du canal qu'en 1999. <strong>Frederick Wiseman </strong>quitte ainsi le sol des États-Unis pour la première fois, mais sans vraiment le quitter, puisque <ins>Canal Zone</ins> s'attachera à décrire une communauté américaine déportée, implantée artificiellement dans une région de 1500 kilomètres carrés, pour une année anniversaire un peu particulière : 1976, soit le bicentenaire de la fondation des États-Unis. L'occasion pour la communauté locale de manifester un patriotisme sincère et total, drapeaux tous azimuts, et surtout pour <strong>Wiseman </strong>l'occasion de s'immerger au sein d'un espace-temps qui paraît empreint d'un surréalisme discret mais savoureux vu d'aujourd'hui.</p>
<p>Si le procédé employé par <strong>Wiseman </strong>sur ce projet est rigoureusement conforme à toute la partie documentaire de son œuvre, c'est-à-dire des centaines d'heures de rushes assemblées au montage pour former un portrait qui s'attarde autant sur des détails que sur des événements importants, on peut relever un premier pas de côté dans <ins>Canal Zone</ins>. Pour la première fois, il ne s'intéresse pas à une institution particulière (un hôpital, un lycée, un tribunal, etc.) sur un territoire mais bien à un territoire lui-même, défini au travers du spectre de ses nombreuses institutions. En ce sens, c'est un cousin éloigné de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Monrovia-Indiana-de-Frederick-Wiseman-2018">Monrovia, Indiana</a></ins> dont le sujet était tout aussi vaste, lui aussi d'une ampleur un peu trop vague. Et puis <ins>Canal Zone</ins> est à ranger dans la catégorie des docus pour lesquels <strong>Wiseman </strong>semble s'être quelque peu laissé aller pour le montage, comme emporté par l'étendue des thématiques, et a conservé de très nombreuses séquences en intégralité, ce qui donne l'impression d'un film un peu boursouflé par endroits.</p>
<p>Tout y passe : après une courte introduction sur le canal à proprement parler incluant balade sur l'eau et petit cours d'histoire, le film passe en revue tous les aspects de la vie locale. Il y a la partie technique, avec le fonctionnement du canal, les opérations fluviales et les agences gouvernementales, les bateaux et leurs pilotes, et il y a la vie dans les alentours, les zones commerciales ou militaires, les résidents avec leurs activités quotidiennes, sociales ou religieuses. C'est une micro-société qui ressemble à un condensé du mode de vie américain, renforcé par la célébration de la déclaration d'indépendance, baignant largement dans les discours humanitaires prônant la liberté (et entre les lignes le modèle américain comme seul modèle valable bien entendu) et les prêches évangélistes répétés jusqu'à l'écœurement.</p>
<p>C'est une vision intéressante de cette Amérique coloniale, qui laisse loin dans l'arrière-plan les autochtones (vivant loin des résidences américaines, vraisemblablement) pour faire le tableau d'une société prospère et sûre d'elle, avec toutes les particularités des habitudes de l'époque : les courses au supermarché qui empilent les boîtes de conserve, les pauses agrémentées de bouteilles de coca ou de bière, les séances de ball-trap aussi sérieuses que les prédicateurs dans leurs églises, les émissions de télé consacrées au dressage des chiens militaires , etc. On peut même y voir des images de l'immense porte-conteneurs Ever Given, de la compagnie Evergreen, qui causa l'obstruction du canal de Suez pendant 6 jours en 2021. Un aperçu d'une société in vitro, transplantée dans cet endroit au carrefour des cultures et du commerce, prise dans son jus quotidien — parfois soporifique — partagé entre des éléments problématiques clairement identifiés (les violences familiales sont trois fois supérieures à la moyenne nationale) et une tendance de fond d'où se dégage une amertume discrète de la part de <strong>Wiseman</strong>.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/img1.jpg" title="img1.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/img2.jpg" title="img2.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/img3.jpg" title="img3.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/img4.jpg" title="img4.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/canal_zone/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, oct. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Canal-Zone-de-Frederick-Wiseman-1977#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1261La Bataille du Chili (La batalla de Chile: La lucha de un pueblo sin armas), de Patricio Guzmán (1975, 1976, 1979)urn:md5:088bc7fdb0e7ec7985fd2af5cf33de222023-10-16T09:44:00+02:002023-10-16T08:45:54+02:00RenaudCinémaAugusto PinochetBourgeoisieCampagne électoraleChiliChris MarkerCoup d étatDocumentaireEtats-UnisGrèveMilitaireOuvrierPatricio GuzmánPolitiqueSalvador AllendeTémoignageViolence <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bataille_du_chili/bataille_du_chili.jpg" title="bataille_du_chili.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bataille_du_chili/.bataille_du_chili_m.jpg" alt="bataille_du_chili.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Chroniques d'un coup d'état</strong></ins></span></div>
<hr />
<span style="font-size: 18pt;"><strong>1ère partie : L'Insurrection de la bourgeoisie</strong></span>
<p>Lorsqu'il enregistre les images et les sons de <ins>La Bataille du Chili</ins>, <strong>Patricio Guzmán </strong>réalise un documentaire en se trouvant exactement au bon endroit au bon moment, au détour d'une charnière historique dont il ne pouvait mesurer pleinement l'ampleur à l'époque du tournage, et qui aujourd'hui revêt une signification, une intensité et une émotion toutes incroyables. C'est sans doute un triptyque à ranger aux côtés du film de <strong>Abbas Fahdel </strong>en deux parties, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Homeland-Irak-annee-zero-de-Abbas-Fahdel-2016">Homeland : Irak année zéro</a></ins>, sur la chute de Saddam Hussein et l’invasion américaine de 2003. <strong>Guzmán </strong>sillonnait la capitale chilienne quelques mois avant le coup d'état militaire du 11 septembre 1973, et les images de rue autant que les témoignages glanés auprès des différentes parties ont une valeur littéralement inestimable.</p>
<p>C'est donc une chronique des tensions politiques naissantes au tout début de l'année 1973, alors qu'à la surprise générale le gouvernement de <strong>Salvador Allende </strong>(à qui il consacrera un documentaire en 2004 portant son nom) est démocratiquement élu. Ce sont les prémices de la contre-révolution, qui trouveront pour point d'orgue le renversement d'<strong>Allende </strong>par un putsch militaire activement soutenu par les États-Unis et l'installation au pouvoir d'une dictature dirigée par <strong>Augusto Pinochet </strong>qui durera près de 17 ans jusqu'en 1990.</p>
<p>Pendant tout le docu, on a l'impression de parcourir les coulisses (bien réelles) du film (de fiction) de <strong>Costa-Gavras</strong>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Missing-porte-disparu-de-Costa-Gavras-1982">Missing - Porté disparu</a></ins>, qui s'intéressait précisément à la disparition d'un écrivain américain dans le tumulte des événements autour de Santiago. <strong>Guzmán </strong>capte dans un premier temps l'effervescence de la campagne électorale, en parcourant les foules et les sympathisants de tous bords et en recueillant sur le vif des réactions diverses, des bourgeois et d'ouvriers. Progressivement la dynamique des rapports de force prend une tournure surprenante, pour peu que l'on fasse abstraction historiquement de ce que l'on sait qui va advenir, puisque l'opposition au gouvernement <strong>Allende </strong>élu de manière inattendue se structure autour d'une réponse de plus en plus violente. C'est donc par hasard que la caméra enregistre de l'intérieur la structuration d'une stratégie d'affaiblissement du gouvernement, pas à pas, jusqu'à l'asphyxie économique.</p>
<p>Au travers d'une série de reportages de rue, de rassemblements politiques, de confrontations violentes, on réalise à quel point <strong>Guzmán </strong>a eu de la chance (ou du flair) de réunir autant d'images de ces mouvements sociaux, comme notamment la grève des mines de cuivre ou nombre d'autres perturbations financées par l'administration Nixon. Et cette première partie, sous-titrée "L'Insurrection de la bourgeoisie", de se terminer sur une image aussi choquante que bouleversante, l'assassinat du caméraman argentin et suédois <strong>Leonardo Henrichsen </strong>par un soldat participant au coup d'état.</p>
<hr />
<span style="font-size: 18pt;"><strong>2ème partie : Le Coup d'État militaire</strong></span>
<p>Le deuxième volet de <ins>La Bataille du Chili</ins>, bien qu'il soit sorti un an plus tard (pour des raisons qu'on imagine liées à des contraintes de production d'un tel film dans de telles conditions, les pellicules provenant par exemple de France, cadeau de <strong>Chris Marker</strong>) reprend le cours des événements exactement là où le premier s'était arrêté, et laisse de côté la captation de l'ambiance des rues pour tracer la trajectoire qui mènera au coup d'état du 11 septembre 1973. En partant de la première tentative de renversement du pouvoir par le groupe paramilitaire fasciste Patrie et Liberté en juin 1973, repoussée par les troupes restées loyales au gouvernement, le film épouse l'intensification des conflits entre les différents camps et témoigne très bien du caractère exceptionnel de la situation à laquelle doit faire face <strong>Allende</strong>. Face à lui, entre autres, des mouvements de résistance soutenus et financés par le gouvernement américain — à l'image de cette impressionnante grève des transporteurs routiers financée par la CIA qui paralysera le pays via la distribution de nourriture et de carburant.</p>
<p><strong>Patricio Guzmán </strong>montre bien le basculement stratégique de l'opposition, qui après l'échec de la tentative de destitution d'<strong>Allende</strong>, adopte un comportement beaucoup plus violent à mesure qu'une partie de l'armée pose le terrain pour le coup d'état à venir. Au travers des témoignages nombreux, on ressent un climat hautement singulier, avec d'un côté des divisions profondes à gauche quant à la position à adopter face aux menaces, et de l'autre une intervention militaire en préparation que tout le monde pressent : tout le monde en parle. La guerre civile n'est pas bien loin en milieu d'année 1973, jusqu'à l'assassinat par l'extrême droite de l'aide de camp naval d'<strong>Allende</strong>, Arturo Araya Peeters. Parmi les officiers du camp loyaliste, lors de son enterrement, on remarque un certain Augusto Pinochet.</p>
<p>Ce volet se termine lui aussi sur des images d'une rare intensité, avec le bombardement du palais de la Moneda par des avions de chasse, avec en fond sonore les derniers messages radios d'<strong>Allende </strong>adressés au peuple chilien. Les dirigeants de la junte s'afficheront ensuite à la télévision, annonçant "le retour à l'ordre du pays" et la fin "du cancer marxiste qui aura duré trois ans".</p>
<hr />
<span style="font-size: 18pt;"><strong>3ème partie : Le Pouvoir populaire</strong></span>
<p>Pour clore son triptyque réalisé au cœur de la tourmente, <strong>Patricio Guzmán </strong>revient quelques années en arrière, autour de 1972 (le troisième volet sortira plus tardivement, en 1979) pour s'intéresser à la structuration du travail, chez les ouvriers et les paysans, qui a conduit à la formation de milliers de groupes locaux — le "Pouvoir populaire" du sous-titre — dont la mission consistait essentiellement à distribuer de la nourriture et empêcher le sabotage d'usines en ces temps de crise profonde. C'est à mes yeux le segment le moins percutant des trois, glissant du militantisme visible à la propagande un peu trop appuyée sans que la narration et la mise en scène ne s'accompagnent, par exemple, d'un lyrisme communicatif à la <strong>Eisenstein </strong>ou <strong>Kalatozov</strong>.</p>
<p>Le docu est concentré en quelque sorte sur la réponse des ouvriers au contenu du premier volet, "L'Insurrection de la bourgeoisie", et leur stratégie d'occupation des lieux de travail ainsi que d'autogestion en gestation au travers de la formation de "cordones industriales". En tant que témoignage de cette époque de l'histoire chilienne, le contenu reste éminemment intéressant, mais on se situe tout de même un gros cran en-dessous des deux premiers volets en matière de puissance documentaire. Dans cet épisode, le gouvernement <strong>Allende </strong>ne sera quasiment pas cité, le ton change assez radicalement pour mettre l'accent sur les vertus des expérimentations politiques locales. Instructif, mais peu passionnant.</p>
<div id="centrage">
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Bataille-du-Chili-de-Patricio-Guzman-1975-1976-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1256Les maraudeurs attaquent (Merrill's Marauders), de Samuel Fuller (1962)urn:md5:505e2b80f5ec97b5b4127964db39f9d32023-10-11T10:33:00+02:002023-10-11T09:36:14+02:00RenaudCinémaAllemagneBirmanieGuerreJaponJeff ChandlerJungleMaladieMilitaireSamuel FullerSeconde Guerre mondiale <div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/maraudeurs_attaquentA.jpg" title="maraudeurs_attaquentA.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/.maraudeurs_attaquentA_m.jpg" alt="maraudeurs_attaquentA.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/maraudeurs_attaquentb.jpg" title="maraudeurs_attaquentb.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/.maraudeurs_attaquentb_m.jpg" alt="maraudeurs_attaquentb.jpg, oct. 2023" /></a>
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Do you know what I'm going to do after the war? I'm going to get married and have six kids. Then I'm going to line them up and tell them what Burma was like. And if they don't cry, I'll beat the hell out of them."</strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Merrill's Marauders</ins> épouse très bien la catégorie des films de guerre américains à budget modéré ayant fleuri dans les décennies qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, et <strong>Samuel Fuller </strong>y a lui-même contribué de manière non-négligeable, en tant qu'ancien GI : <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/J-ai-vecu-l-enfer-de-Coree-de-Samuel-Fuller-1951">J'ai vécu l'enfer de Corée</a></ins> (The Steel Helmet, 1951) et <ins>Au-delà de la gloire</ins> (The Big Red One, 1980) notamment. Ils appartiennent à un sous-genre auquel j'associe d'autres films et d'autres cinéastes comme <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cote-465-de-Anthony-Mann-1957">Côte 465</a></ins> (Men in War, 1957) de <strong>Anthony Mann</strong>, <ins>Attack!</ins> (1956) de <strong>Robert Aldrich</strong>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-enfer-est-pour-les-heros-de-Don-Siegel-962">L'enfer est pour les héros</a></ins> (Hell is for Heroes, 1962) de <strong>Don Siegel</strong>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bastogne-de-William-A-Wellman-1949">Bastogne</a></ins> (Battleground, 1949) de <strong>William A. Wellman</strong>.</p>
<p><strong>Fuller </strong>ne s'est jamais caché au sujet de son aversion pour la guerre, liée à son expérience personnelle, sans pour autant s'adonner à des pamphlets cinématographiques militants. En choisissant le cadre d'un conflit en marge de la WW2 en Birmanie, où des soldats américains sont engagés auprès du général Frank D. Merill (sur la base de faits réels) dans des combats contre les soldats japonais non pas conventionnels mais plutôt dans une démarche d'escarmouche et de piège, il s'intéresse beaucoup plus aux difficultés quotidiennes des troupes avançant dans la jungle hostile. Bien sûr on ne nous épargne pas quelques séquences d'affrontements entre deux armées, avec des fusillades, des explosions, et toutes ces caractéristiques soporifiques en ce qui me concerne, mais ce n'est manifestement pas l'intérêt principal ici.</p>
<p>On parle ainsi beaucoup de l'angoisse qui précède les assauts, de la dureté des commandants qui ne laissent pas les soldats se reposer pour empêcher coûte que coûte la réunion des armées japonaise et allemande, des conditions extrêmes dans lesquelles les colonnes progressent (avec une prédominance de maladies tropicales mortelles). En ligne de mire : un régiment de 3000 hommes et sa décimation, ne laissant qu'une centaine de Gis survivants. En découle un récit très fonctionnel, sans grande surprise, pas aussi fortement critique vis-à-vis de l'engagement américain que ce qu'on pourrait attendre étant donnée la réputation de <strong>Fuller </strong>(l'horreur de la mission est claire, mais on glorifie comme toujours le corps militaire), avec un personnage de général interprété par <strong>Jeff Chandler </strong>(son tout dernier film, avant une opération médicale qui tourna très mal) assez conventionnel dans son respect affiché pour les hommes sous ses ordres mais en même temps contraint par la hiérarchie de poursuivre la boucherie.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/img1.jpg" title="img1.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/img2.jpg" title="img2.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/img3.jpg" title="img3.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maraudeurs_attaquent/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, oct. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-maraudeurs-attaquent-de-Samuel-Fuller-1962#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1252