Je m'attarde - Mot-clé - Montagne le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:13:33+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearPamir (Pamir, krisha mira / Roof of the world), de Vladimir Erofeyev (1928)urn:md5:c356ef1a5dc34b996b936abb17cf61622024-02-28T10:22:00+01:002024-02-28T10:25:01+01:00RenaudCinémaAllemagneCartographieDocumentaireEthnologieExplorationMontagneNeigeRussieScienceTadjikistan <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/pamir.jpg" title="pamir.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.pamir_m.jpg" alt="pamir.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Exploration précoce au Tadjikistan</strong></ins></span>
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<p>De vieilles bobines abîmées par le temps agrémentées d'une piste sonore dissonante et anachronique qui vaut le détour pour la rareté du matériau autant que pour le sujet : une expédition russe et allemande montée pour aller explorer le massif alors inexploré du Pamir, point culminant de l'Union soviétique situé à l'est de l'actuel Tadjikistan ayant des ramifications jusqu'en Afghanistan, en Chine et au Kirghizistan. Le but de cette mission scientifique était de cartographier la région mais aussi de tenter l'ascension des sommets locaux (des cols à près de 6000 mètres d'altitude et des pics au-delà de 7000 mètres). Une très belle vieillerie à réserver toutefois aux amateurs de pépites antiques récemment déterrées.</p>
<p>Comme de nombreux documentaires de l'époque, au hasard <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924">L'Épopée de l'Everest</a></ins> de <ins>J. B. L. Noel</ins> (1924), une bonne partie est consacrée à une sorte d'étude ethnographique des populations locales croisées en chemin, tandis que l'expédition traverse rivières, montagnes et glaciers. De longs moments sont ainsi dédiés aux coutumes et à l'artisanat des groupes d'agriculteurs et d'éleveurs observés en toute sérénité, de la pratique de religions à la consommation d'opium. On devine ainsi la diversité de la mission qui comptait dans ses rangs des géologues, des ethnographes, des cinéastes, des alpinistes et divers chercheurs issus d'autres disciplines variées. Dans le style des documentaires d'exploration aux pôles comme <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> de <strong>Frank Hurley</strong> (1919), le projet de l'exploration est présenté à l'aide d'une carte animée montrant les lieux traversés ainsi que la trajectoire prévue (et souvent adaptée aux imprévus), de Moscou jusqu'en Asie centrale, avec pour objectif l'établissement d'un camp de base à Och, au Kirghizistan actuel.</p>
<p>Une partie essentielle de ces voyages antédiluviens porte sur les préparatifs et les moyens de locomotion des vivres (à l'image de la très bonne série documentaire récente <ins>L'incroyable périple de Magellan</ins>), c'est-à-dire ici les centaines de chevaux et de chameaux réquisitionnés pour l'occasion. La partie ethnographique la plus saisissante est probablement celle qui s'intéresse à une tribu kirghize nomade et ses moyens de subsistance — essentiellement de la fabrication de produits laitiers à base de lait de chèvre et de jument, mais aussi la confection de vêtements ou la construction de yourtes, une communauté vivant en parfaite autonomie. À cette époque où la terre n'était pas cartographiée par satellite, ces gens partaient pendant des mois pour découvrir de nouveaux glaciers, s'improvisaient orpailleurs à 5000 mètres d'altitude, et partaient à la rencontre de populations sur lesquelles ils n'avaient aucune information a priori. </p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img1.png" title="img1.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img1_m.png" alt="img1.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img2.png" title="img2.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img2_m.png" alt="img2.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img3.png" title="img3.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img3_m.png" alt="img3.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img4.png" title="img4.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img4_m.png" alt="img4.png, févr. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/img5.png" title="img5.png, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.img5_m.png" alt="img5.png, févr. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pamir-de-Vladimir-Erofeyev-1928#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1359Bandits à Orgosolo (Banditi a Orgosolo), de Vittorio De Seta (1961)urn:md5:b3f481b2478b2f8b0802f3d6acce17562023-11-14T15:50:00+01:002023-11-14T15:51:02+01:00RenaudCinémaBergerChasseEauElevageFuiteItalieMontagneMoutonNéoréalismeRuralitéSardaigneVittorio De Seta <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/bandits_a_orgoloso.jpg" title="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.bandits_a_orgoloso_m.jpg" alt="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Western des bergers sardes</strong></ins></span>
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<p>Au terme d'une décennie passée à réaliser des courts-métrages documentaires décrivant les aspects très diversifiés de corps sociaux italiens variés (parmi lesquels on peut citer les plus célèbres <ins>Isole di fuoco</ins> sur des éruptions volcanique en Sicile, <ins>Le Temps de l'espadon</ins> sur la pêche à la lance, <ins>Surfarara</ins> sur des mines de souffre ou encore <ins>Parabola d'oro</ins> sur des paysans siciliens), il n'est pas totalement étonnant de retrouver <strong>Vittorio De Seta</strong>, au détour de son premier long métrage, dans une fiction très largement perméable aux composantes documentaires. Et rurales, plus particulièrement, au travers de ces décors rocailleux des montagnes de Sardaigne magnifiquement capturées dans "Banditi a Orgosolo".</p>
<p>C'est ce qui frappe d'entrée de jeu : la profondeur des contrastes de l'image de <strong>Vittorio De Seta </strong>(lui-même directeur de la photographie et scénariste en plus de son poste de réalisateur), qui confère à la nature sarde une dimension incroyablement photogénique, avec dans les hauteurs les espaces partagés entre l'élevage et la chasse. Michele, avec son très jeune frère Peppeddu, s'occupe de son troupeau de moutons dans ce cadre magique, entre conditions extrêmes et vie recluse. L'arrivée de trois étrangers qui ont volé des cochons et recherchés à ce titre par les carabiniers, provoquant la mort de l'un de ces derniers, dégénèrera en quiproquo puisque Michele se retrouvera accusé à tort de tous ces méfaits. N'ayant aucune confiance en sa capacité à démontrer son innocence mais surtout par peur de perdre son bétail (son unique capital garantissant sa subsistance voire même sa survie) durant l'instruction et un probable séjour en prison, il choisit l'option de la fuite dans les montagnes.</p>
<p>Avec sa veine puissamment néoréaliste qui s'attache à décrire des hommes luttant contre la nature (le dénivelé en montagne, le stress hydrique qui affecte autant les hommes que les bêtes, la faim qui ne tarde pas à gronder aussi), <ins>Bandits à Orgosolo</ins> ressemble à une hybridation entre une tradition documentaire héritée de <strong>Flaherty </strong>(les montagnes ici sont l'élément contre lequel on bataille au même titre que la mer enragée dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-d-Aran-de-Robert-Flaherty-1934">L'Homme d'Aran</a></ins>) et l'acharnement du sort contre une communauté au bord de la misère — il suffit de remplacer les pêcheurs de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-terre-tremble-de-Luchino-Visconti-1948">La terre tremble</a></ins> chez <strong>Visconti </strong>par des éleveurs. Les sentiments sont très variés ici, entre la défiance contre les représentants de l'autorité et le refus de se rendre et d'abandonner son troupeau, symbole de toute une vie, et ils sont parfaitement embrassés par les véritables bergers qui tiennent les rôles principaux dans ce western des montagnes. Le seul passage au cours duquel les protagonistes descendent de ces hauteurs, pour rejoindre leur famille dans un moment intime intense, rompt avec l'âpreté de la fuite et constitue un de ces moments incroyables, comme en apesanteur.</p>
<div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img3.jpg" title="img3.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img4.jpg" title="img4.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img5.jpg" title="img5.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img6.jpg" title="img6.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img7.jpg" title="img7.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bandits-a-Orgosolo-de-Vittorio-De-Seta-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1279Plus bas dans la vallée, de Ron Rash (2022)urn:md5:cd3ebbd1dc0b3157999a6438505167582023-08-01T10:21:00+01:002023-08-01T10:21:00+01:00GillesLectureDéforestationExploitationForêtMontagneNovellaParc nationalPauvretéRecueil de nouvellesRoman noirTravail <p><img style="margin: 0 auto; display: block;" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.plus-bas-dans-la-vallee-ron-rash-2022_m.jpg" alt="plus-bas-dans-la-vallee-ron-rash-2022.jpg, juil. 2023" title="plus-bas-dans-la-vallee-ron-rash-2022.jpg, juil. 2023" /></p>
<p><strong>Ron Rash</strong> a écrit un prolongement à son roman <ins>Serena</ins> (2011) sous la forme d’une novella intitulée <ins>Plus bas dans la vallée</ins>. </p>
<p>Serena... Vous ne connaissez pas Serena ?!</p>
<p>Laissez-moi vous présenter cette femme qui met le monde à ses pieds. Issue d'une famille d'exploitants de bois et de scieries du Colorado, elle arrive en 1929 dans les Smoky Mountains en Caroline du Nord sous le bras de son époux George Pemberton. Ce couple mégalomane embauche les paysans de la région pour abattre des pans entiers de forêt. Montant un cheval blanc en fauconnier, Serena veille d'une manière vorace à l'avancée du travail de ses ouvriers. La faune et la flore disparaissent bientôt sous le travail forcené d'une main d’œuvre qui afflue de tout horizon durant cette époque de Grande Dépression...</p>
<p>Dans <ins>Plus bas dans la vallée</ins>, on retrouve les protagonistes laissés après une ellipse de plusieurs mois. Sur tous les aspects, la continuité est évidente, l'épopée reprend, la tragédie se remet en branle, elle est dévastatrice. Souvent j’ai pensé à <ins>La Peste</ins> de <strong>Camus</strong> ou à <ins>Naufrages</ins> d’<strong>Akira Yoshimura</strong>, d'abord pour les réactions d'une collectivité et sa violence presque primitive émanant de l'exploitation de la nature et des hommes, mais surtout pour leur narration cherchant à décrire la réalité telle qu'elle est, sans idéalisation, ni illusion. Les dialogues entre les bûcherons offrent une fenêtre
imparable sur leur quotidien infernal avec une langue rurale de derrière les fagots. </p>
<p><strong>Ron Rash</strong> fait partie de ces écrivains qui vous semblent sonder d'une intelligence supérieure la condition humaine avec force et poésie. Le frémissement de la
conopée à chaque arbre qui tombe parvient même à jeter un tressaillement dans les pages jusqu'à la croupe montagneuse, l'épine dorsale du lecteur happé. Serena prépare toujours un coup d’avance, soumettant les bons,
les brutes et les truands en leur imposant sa
volonté ou en les éliminant quand la corruption est vaine. Souvent serviles
et résignés, ces locaux qui ont arrêté de labourer, moissonner,
faucher, et façonner leur lopin de terre pour renforcer les rangs de
cette exploitation forestière dévastatrice, donnent une cruelle
résonance à nos servitudes et nos actuelles responsabilités dans
l'effondrement du vivant. La disparition des animaux est admirablement décrite dans des passages lyriques qui entrecoupent les chapitres de la novella comme une sinistre mélopée. A lire absolument.</p>
<p>Changements de lieux, de temps et de personnages pour les six autres courtes nouvelles du recueil qui partagent en commun une écriture d'orfèvre.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Plus-bas-dans-la-vall%C3%A9e-Ron-Rash-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1216La Montagne, de Thomas Salvador (2022)urn:md5:7d9b4d58ef480b2f0644e4d9372be9e22023-07-05T09:43:00+02:002023-07-05T15:30:30+02:00RenaudCinémaAlpesAlpinismeChamonixFantastiqueLouise BourgoinMont BlancMontagneNeigeThomas Salvador <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.montagne_m.jpg" alt="montagne.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Passion alpinisme et symbolisme en excès</strong></ins></span></div>
<p>Dommage qu'il y ait pas mal de petits trucs désagréables dans le film de <strong>Thomas Salvador </strong>qui m'empêchent d'adhérer pleinement à l'invitation au voyage montagneux, car je sens derrière le geste du cinéaste-acteur une douceur et une sensibilité à la base d'une originalité vraiment attrayante. <ins>La Montagne</ins> est en ce sens un complément intéressant aux <ins>Huit Montagnes</ins> de <strong>Felix Van Groeningen</strong> et <strong>Charlotte Vandermeersch</strong>, sur un thème voisin mais doté d'un traitement radicalement différent.</p>
<p>Si on devait les énumérer, les maladresses et autres dispositions déplaisantes sont nombreuses. Le contexte posé à la truelle du cadre parisien ingénieur en robotique qui se découvre subitement une attirance pour la montagne lors d'un déplacement à Chamonix, la romance avec <strong>Louise Bourgoin</strong> (surtout dans la dernière partie affreusement explicative), la métaphore de la renaissance pour clore la partie fantastique du film... Mais étonnamment elles ne parviennent pas vraiment à entacher la sympathie suscitée par le reste, sans doute parce que <strong>Thomas Salvador</strong> est parvenu à rendre très crédible la découverte d'une passion, en commençant par les tentes 2 secondes Quechua et en allant jusqu'au matos complet de l'alpiniste (Scarpa, Petzl, Millet, cordes, baudar, crampons, piolet, assureur, longes, dégaines, manquent que les coinceurs), même si la transition aurait mérité plus de développement.</p>
<p>Le fait que beaucoup de scènes aient été tournées en altitude, dans le massif du Mont Blanc, aide beaucoup à amplifier l'effet d'immersion. Les bivouacs dans la neige, ça fait frétiller les jambes il faut l'avouer... et ce sentiment une fois perché là-haut de ne pas avoir envie de redescendre, aussi, est pas mal. Il faut adhérer au mutisme du film et de son personnage principal, au moins autant qu'à la composante surnaturelle qui survient dans la seconde partie. Pierre absorbé par la minéralité de la montagne, le message est gros dans la fusion avec les éléments, mais on peut apprécier la position qui ne cherche pas à tout expliquer sans pour autant verser dans le grand n'importe quoi démesurément auteurisant. Le traitement naturaliste de phénomènes surnaturels est intrigant comme démarche, même si je n'accroche vraiment pas à tout le pan figuratif du symbolisme, que je trouve assez lourdingue.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Montagne-de-Thomas-Salvador-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1190Le Grand Jeu, de Céline Minard (2016)urn:md5:8f1b4a80c2ce3ad01d1cdde8401c92172023-06-30T15:08:00+01:002023-07-01T08:31:40+01:00GillesLectureErmiteEscaladeJeuMontagnePhysiqueRefugeSolitude <p><img style="margin: 0 auto; display: block;" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.le-grand-jeu-celine-minard-2007_m.jpg" alt="le-grand-jeu-celine-minard-2007.jpeg, juin 2023" title="le-grand-jeu-celine-minard-2007.jpeg, juin 2023" /></p>
<p>Au grand jeu des comparaisons des quatrièmes qui font saliver, le premier roman de <strong>Céline Minard</strong> <ins>le Dernier Monde</ins> (2007) et <ins>le Grand Jeu</ins> (2016) rivalisent, d'un côté un cosmonaute abandonné à son exil volontaire
dans une station spatiale et de l'autre une femme quittant la vie en société pour s'installer dans un refuge accroché à une paroi rocheuse en
pleine montagne, imaginé et conçu par elle-seule. Les leitmotivs : la solitude volontaire, le journal de bord, la capsule énergétiquement autonome et le passage entre ciel et terre. </p>
<p>Deux poussées contraires. La quatrième a encore fait naître l'envie de lecture quand bien même <strong>Céline Minard</strong> m'avait laissé une assommante impression lors de ma lecture avortée du <ins>Dernier Monde,</ins> qui tient une solide réputation bien résumée par <strong>vda </strong>sur <a href="http://www.culture-sf.com/" title="CSF">CSF</a> : <q> une logorrhée polyphonique schizophrène, vraisemblablement bourrée
d'érudition. Bref, on attend désespérément sinon une action, au moins
une réflexion qui, hum, ne vient pas. (...) </q></p>
<blockquote><p>Je peux, seule, grimper en m’auto-assurant. C’est long et technique mais c’est possible. Quand je suis sur une paroi, je peux utiliser cette corde, ces pitons et ce grigri qui bloquera ma chute et maintiendra la vitesse acceptable et le juste intervalle entre mon corps et les roches au fond du gouffre. Sur quels pitons, avec quel grigri, sur quelle corde arrimer la marche d’une vie ? Comment maintenir la bonne distance avec ce qui arrive, au moyen de quoi ? De quelles règles, de quel guidage et comment les évaluer ?<br />Être vigilant, se placer où il faut dans les conditions optimales. Ni en danger ni hors de danger.<br />Les nuages, la pluie, la roche, les semis, les bois, les corps, sont des guides savants.<br />Je ne suis pas détachée par erreur, ni par lassitude, ni par aveuglement. Je travaille à mon détachement. Je suis en pleine santé. </p>
</blockquote><div>Commençons par la fin sans toutefois <em>spoiler</em>, le "grand jeu" peut être considéré comme la chute du roman, ce moment où la réflexion de la narratrice mute pour prendre la forme concrète et émancipatrice d'un <em>jeu</em>. Autrement dit, une intrigue est discrètement incorporée dans le récit de la narratrice sur laquelle je me suis cramponné. L'élément perturbateur qui va (un peu) accélérer et mouvementer les choses est la rencontre avec une marmotte... à moins que ce soit plutôt l'inopinée apparition d'une vieille ermite aux ongles de dix centimètres qui va bouleverser l'ascèse de l'héroïne.</div>
<p>Le style de <strong>Céline Minard</strong> ne laisse pas indifférent. Je ressors assoiffé comme si la prose faisait son travail de sape. Son "style acéré" - dixit l'éditeur - me semble parfaitement seoir à l'écriture de l'écrivaine. Il y a les nombreuses listes de choses à faire, l'entretien du logis, du potager, la liste des choses observées par un regard parfois atypique, l'exploration des voies et versants des sommets environnants et la quête existentielle. Cette recherche des principes et des causes de cette retraite montagnarde et de cette vie suspendue prend la forme d'une cascade de questions semées deci-delà dans ce journal de bord. Ce n'est pas l'enthousiasme qui prévaut en lisant <strong>Céline Minard </strong>mais une légère curiosité persiste pour les questionnements soulevés et cette errance formelle.<strong><br /></strong></p>
<blockquote><p>Ma présence est construite à partir de formes animales. Qu’est-ce que
cela change ? Si je pouvais lever la carte de leurs perceptions, quel
contour aurait mon corps ? À quoi ressembleraient mes gestes ? […] Et
si c’était seulement au milieu d’une multitude de formes de vie différentes
qu’on pouvait obtenir la sienne propre ? La plus complexe, la plus libre,
la plus désintéressée. </p>
</blockquote>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Grand-Jeu-C%C3%A9line-Minard-2016#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1202Mythologies Alpines, collectif dirigé par François Damilano (2012)urn:md5:e51e2945b95ddaa7a5fbeeef37bd87842023-05-25T13:37:00+01:002023-05-25T13:37:00+01:00GillesLectureAlpesAlpinismeMontagneMythe <p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.mythologies_alpines_collectif_damilano_2012_m.jpg" alt="mythologies_alpines_collectif_damilano_2012.jpg, mai 2023" style="display:table; margin:0 auto;" title="mythologies_alpines_collectif_damilano_2012.jpg, mai 2023" /></p>
<p>Quarante passionnés au pedigree éclectique - des alpinistes, des guides, des journalistes, des chercheurs, des écrivains - ont été invités pour élaborer leur critique des mythologies alpines.
Ces courts textes de deux à quatre pages maximum, pas tous de la même plume, forment un recueil inégal mais réussi. Les rétrospectives historiques (<ins>le mythe alpinistique</ins> de <strong>Jean Corneloup</strong>, <ins>une courte histoire de l'Alpe homicide</ins> de <strong>Claude Gardien</strong>, <ins>la solidarité alpine</ins> de<strong> Michel Raspaud)</strong> jouxtent d'autres textes aux perspectives originales.</p>
<p>Si je pioche parmi les textes les plus marquants, <ins>8000</ins> aurait une place élevée dans mon palmarès. <strong>Bernard Amy</strong>, chercheur en sciences cognitives et écrivain, y interroge brillamment la symbolique de ce seuil des huit mille mètres.</p>
<blockquote><p>Le fait de fonder une mythologie sur une altitude pose cependant quelques problèmes liés aux incertitudes de la mesure des dénivelés. Les physiciens le savent : toute mesure est entachée d'erreur. Pour être sérieux, une indication d'altitude devrait être suivie d'une estimation de la marge d'erreur. Ce n'est pas le cas des cartes réalisées par les alpinistes. Et puis les altitudes ne sont pas figées une fois pour toutes. Le niveau de référence, celui de la mer, est, dit-on, appelé à s'élever sans que le sommet des montagnes suive pour autant ce mouvement ascensionnel. Par ailleurs, la tectonique des plaques terrestres continue de pousser les cimes un peu plus vers le ciel, tandis que l'érosion les abaisse.</p>
<p></p></blockquote>
<p>On pourra prolonger ce texte avec <ins>L'altitude</ins> de <strong>Pierre Olivier Dupuy</strong> qui se penche sur les maux et la pharmacologie des alpinistes qui ne peut être la Panacée. Dans <ins>Le haut et le bas, le pur et l'impur</ins>, <strong>Erik Decamp</strong> défait les fadaises de la montagne pure qui élève l'âme. Le saut est vite fait de porter aux nues les alpinistes dont les aspirations élevées flairent parfois l'alibi spirituel. L'auteur conclue sa critique ainsi :</p>
<blockquote><p>Le haut est connoté positivement, le bas négativement ; le bon est en haut, le mauvais en bas ; le beau est en haut, le laid en bas ; l'élite est en haut, la masse en bas. On parle de hautes pensées et de basses besognes, de haut du panier et de bas de gamme. La perception de la montagne est enlisée dans cette association d'idées, qui contamine l'opinion que les alpinistes se font d'eux-mêmes. Qu'ils y mettent ce qu'il faut de complaisance, et le haut devient le supérieur, le bas l'inférieur. La connivence sémantique avec la supériorité d'un groupe humain n'est pas loin.</p>
<p></p></blockquote>
<p>Dans cette voie, les portraits de grands alpinistes qui jalonnent le recueil sont loin d'être glorifiants et cherchent davantage à retrouver l'homme derrière le mythe. A ce titre, le cas <strong>Maurice Herzog</strong> - légende contestée - est traitée à sa juste mesure dans le texte de <strong>Benoît Heimermann</strong> intitulé <ins>l'Annapurna</ins>. L'incontournable<strong> Desmaison</strong> est raconté fabuleusement par <strong>Antoine Chandelier</strong> puis contrebalancé avec une certaine malice dans <ins>Moi, Simone D., femme de mythe</ins> de <strong>Patricia Jolly.</strong> D'autres de ces célèbres et incontournables alpinistes <strong>Messner</strong>, <strong>Rébuffat</strong>, <strong>Berhault</strong>, <strong>Edlinger</strong> et j'en passe, tiennent une place de choix dans le livre.</p>
<p>D'autres auteurs creusent un sillon plus personnel. <strong>Dominique Potard</strong> raconte son ascension tendue lors de la première solitaire du pilier Boccalatte sous l'influence du mythe <strong>Berhault</strong> (<ins>Beau oui comme Berhault</ins>). Ou encore, la tentative d'ascension par <strong>Michel Paccalet</strong> d'une voie mythique baptisée <ins>Une sale affaire de sexe et de crime</ins> dont l'intérêt disparaît peu à peu, pour tomber bientôt dans l'oubli, à la vitesse des glaciers qui se rétractent et des nouvelles longueurs encore plus lisses qui apparaissent en dessous de l'attaque originelle.</p>
<blockquote><p>Surplombant la mer de Glace, une voie très dure, dénuée de prises, nous défiait tant l'adhérence et l'équilibre y semblaient aléatoire. Sa cotation extrême (ABO/7A/270m) impressionnait. Son nom sonnait, obscur et mystérieux comme une nouvelle d'Edgar Allan Poe : <em>Une sale affaire de sexe et de crime</em>. L'imaginaire des grimpeurs forgea vite la mythologie de cet itinéraire. (...) David Chambre et Jibé Tribout l'ont réalisée à vue en 1984, un exploit stupéfiant jamais réédité. Astucieux et déterminés, ils avaient enduit la gomme de leurs chaussons de résine d'épicéa. (...) L'histoire est mythique aussi à cause de cette fameuse ruse.</p>
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<p>Enfin je note que les figures de style sont bien représentées reflétant l'envie littéraire de leur auteur. Une personnification : <ins>Le Petit Dru de Walter Bonatti</ins> d'<strong>Eliane Patriarca</strong> qui donne la parole à ce monolithe écorché. Une prosopopée : <strong>Christophe Raylat</strong> imagine une interview de <em>Tintin</em>, âgé de ses 95 ans à Moulinsart, pour évoquer avec lui son aventure au Tibet en quête de Tchang son ami disparu. Deux synecdoques : <ins>le piolet</ins> de <strong>Sylvain Jouty</strong> et <ins>l'écheveau de la passerelle</ins> de <strong>Pierre-Yves Chays</strong>. Ses brins de tissus et de sangles usées restés accrochés après avoir servis pour les rappels des skieurs et des alpinistes (en l'occurrence les rappels en fil d'araignée depuis la passerelle de l'Aiguille du Midi) témoignent à leur façon de l'alpinisme. Ou encore un acrostiche à partir du nom de la fleur mythique <ins>l'edelweiss</ins> par <strong>Virginie Rajaud-Allanau</strong>.</p>
<p>Ce recueil concocté par <strong>François Damilano</strong>, éditeur de cette petite maison <a href="http://www.jmeditions.fr/" title="Site web de JMEdition">JMEditions</a> à qui on doit cette collection « <em>les petits livres jaunes</em> », se picore et offre en quelques textes un panorama captivant de la montagne et de l'alpinisme. Celui-ci a trouvé un prolongement paru l'année dernière (2022) <a href="https://jmeditions.jimdo.com/les-livres/petits-livres-jaunes/nouvelles-mythologies-alpines/" title="Nouvelles Mythologies Alpines">Nouvelles Mythologies Alpines</a> avec 44 nouveaux textes.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Mythologies-Alpines-collectif-Damilano-2012#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1169La Lumière bleue, de Leni Riefenstahl et Béla Balázs (1932)urn:md5:8c7114afd7889355c11ddc154a00e7e12023-01-02T13:24:00+01:002023-01-02T13:24:00+01:00RenaudCinémaAllemagneFantastiqueFemmeItalieLeni RiefenstahlMagieMontagneSorcellerieSuisseTrahison <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.lumiere_bleue_m.jpg" alt="lumiere_bleue.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Conte des montagnes<br /></strong></ins></span>
</div>
<p><ins>La Lumière bleue</ins> est le tout premier film réalisé par <strong>Leni Riefenstahl </strong>après avoir passé quelques années devant la caméra de grands noms du cinéma comme <strong>Arnold </strong>ou <strong>Pabst</strong>. Très loin de ce qu'elle pourra produire à la fin des années 30 (comme par exemple les magnifiques <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Dieux-du-stade-de-Leni-Riefenstahl-1938"><ins>Dieux du stade</ins></a>), ce film de montagne niché dans les Dolomites italiennes prend la forme d'une sorte de conte à l'esthétique radicalement différente. Il flotte autour de cette montagne proche de la Suisse une ambiance vaguement fantastique, relevant presque de la magie, entièrement construite autour de la figure d'une jeune femme, Junta (interprétée par <strong>Riefenstahl </strong>elle-même), attirée par une étrange lueur bleue en haut de la montagne les nuits de pleine lune, entraînant derrière elle de nombreux hommes qui échouent à escalader, dévissent et périssent tragiquement. Les villageois, les femmes surtout, pensent à ce titre que c'est une sorcière et Junta échappera de peu à la lapidation grâce à l'intervention d'un peintre ayant récemment rejoint le village.</p>
<p> c'est sur la base de ce film qu'Hitler, impressionné par ses talents de formaliste, chargera la cinéaste allemande de faire les films de propagande du Troisième Reich. On est en droit de divaguer et de se demander ce que sa carrière aurait donné si elle n'avait pas pris ce tournant... On sent que 1932 est une époque charnière dans le cinéma allemand, au tout début d'un parlant encore bien maladroit dans ses codes pas tout à fait intégrés : le rythme est parfois aussi périlleux que l'escalade et fait se succéder des scènes de dialogue et des scènes d'ascension muettes sans trop de liant. Du bricolage qu'on peut très facilement excuser et oublier, à la faveur du rapport primitif, quasi mystique, qu'entretient la femme avec la montagne, ou encore la dimension tragique que revêt la dernière partie suite à la plus cruelle des trahisons.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lumiere_bleue/.img1_m.png" alt="img1.png, déc. 2022" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Lumiere-bleue-de-Leni-Riefenstahl-et-Bela-Balazs-1932#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1100