Je m'attarde - Mot-clé - Napoléon le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearGuerre et Paix (Война и мир, Voïna i mir), de Sergueï Bondartchouk (1967)urn:md5:41309557633c8174cb1a53b1e5a74f202023-10-17T18:12:00+02:002023-10-17T18:12:00+02:00RenaudCinémaAristocratieFranceFresqueFroidGuerreLéon TolstoïMortMoscouNapoléonNeigeRomanceRussieTrahison <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/guerre_et_paix/guerre_et_paix.jpg" title="guerre_et_paix.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/guerre_et_paix/.guerre_et_paix_m.jpg" alt="guerre_et_paix.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Querelles sentimentales feutrées et boucherie des champs de bataille</strong></ins></span></div>
<p><ins>Guerre et Paix</ins> de <strong>Sergueï Bondartchouk</strong>, c'est en quelque sorte la version soviétique, en couleur et parlant du pharaonique <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Napoleon-de-Abel-Gance-1927">Napoléon</a></ins> d'<strong>Abel Gance</strong>, une fresque historique aussi épique qu'immense, et dans le même temps une sorte de revanche pour l'URSS en pleine Guerre froide (il reçut l'Oscar du film étranger) sur l'adaptation américaine un peu falote de <strong>King Vidor </strong>sortie une dizaine d'année plus tôt. On le présente souvent comme une orgie technique en avançant des arguments-massues, des centaines de milliers de figurants directement prélevés dans les rangs de l'armée rouge, des scènes de batailles dantesques qui durent près d'une heure, des costumes réalisés par milliers par des musées, une durée de tournage / montage de quatre ans, ou encore un budget démentiel qui s'élèverait à 100 millions de dollars de l'époque (soit 700 millions d'aujourd'hui), même si ces chiffres sont contestés et pourraient être en réalité 10 fois moindre. Mais cela pourrait très bien relever, il faut oser l'écrire, du détail : ce qui frappe en premier lieu dans ce film, à mes yeux, c'est cette vision typiquement russe de l'histoire, multipliant les personnages sans jamais quitter un point de vue très distant et extérieur aux drames qui se nouent devant la caméra, qu'ils surviennent dans les intérieurs dorés de l'aristocratie moscovite ou sur les champs de bataille ensanglantés jonchés de cadavres.</p>
<p>Près de sept heures de film, agréablement découpées en 4 parties, cela a de quoi intimider — à titre personnel, il m'aura fallu 6 ans pour oser m'y lancer et deux jours pour en venir à bout. L'ampleur de la fresque historique est monumentale, étalée sur deux décennies au début du XIXe siècle, et centrée sur la campagne napoléonienne de Russie, sur l'invasion française de l'empire russe, des succès de la France qui se soldent par la prise de Moscou jusqu'au harcèlement de la Grande Armée pendant la retraite française. Au-delà des parties qui le composent, on peut segmenter <ins>Guerre et Paix</ins> en deux grands mouvements : les séquences en intérieur, avec les mondanités aristocratiques, ses grands bals dégageant un faste et une opulence sans comparaison, ses petits scandales récurrents, et le destin de plusieurs familles fortunées déchirées par la guerre ; puis les séquences en extérieur, en grande partie dévolues à des reconstitutions de batailles renversantes, impressionnantes par l'immensité de leurs décors autant que par leur caractère immersif et chaotique — c'est là qu'il faut reconnaître que oui, en effet, les centaines de milliers de figurants font la différence, l'horizon est saturé de bataillons, avec des mouvements de foule à perte de vue, l'artillerie s'en donne à cœur joie, les combats font rage sur des kilomètres carrés, les charges des régiments de cavalerie sont incroyables, il y a seulement quelques duels à la baïonnette qui manquent un peu de vigueur.</p>
<p>Si presque toutes les séquences ayant trait aux combats armés sont convaincantes, il n'en est pas de même pour les épisodes plus intimes, entre amours, amitiés, déceptions, trahisons. Sans pouvoir juger personnellement la qualité de l'adaptation du roman de <strong>Tolstoï</strong>, on peut avoir le sentiment d'un abus de gros plans sur le magnifique visage de <strong>Lioudmila Savelieva </strong>en pleurs, la comtesse Natalia, avec ses yeux d'un bleu abyssal, de même qu'il y a tout de même une certaine obstination dans le jeu très (très) affecté de <strong>Sergueï Bondartchouk </strong>lui-même dans le rôle de Pierre Bezoukhov. Malgré tout il reste une finesse dans les descriptions psychologiques et une diversité dans les thématiques abordées on ne peut plus appréciables, quand bien même la démesure du lyrisme sur sept heures pourrait éreinter. La voix off permet de distiller agréablement le texte de <strong>Tolstoï</strong>, mais peut aussi se transformer par endroits en d'ennuyeux monologues, contrepoids parfois un peu maladroits aux tourments existentiels des personnages principaux.</p>
<p>Le film regorge en outre de tableaux apocalyptiques, dans le froid mortel des plaines sibériennes comme dans les flammes de Moscou dévasté après le passage des troupes françaises. Le formalisme russe conserve une part d'émerveillement conséquente, même passé à travers la machine académique d'une production de cette envergure. En matière de combats phénoménaux qui confinent au surréaliste, je crois bien que cette reconstitution de la bataille de la Moskova (ou Borodino) est la chose la plus sidérante que j'aie vue, avec des envolées lyriques qui pourraient être reliées qu'un <strong>Sokourov </strong>n'aurait pas renié (avec notamment de nombreuses séquences en grand angle multipliant les distorsions optiques sur les bords, accentuant ci et là l'horreur sur les visages). Difficile par ailleurs de ne pas voir quelques allusions directes à <strong>Gance</strong>, avec par exemple quelques plans composés sous la forme de triptyques horizontaux. Au-delà des références, cette adaptation de <ins>Guerre et Paix</ins> est aussi exigeante, de par l'implication qu'elle demande, qu'elle est gratifiante dans son impétuosité pour raconter un morceau de l'histoire russe.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Guerre-et-Paix-de-Serguei-Bondartchouk-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1257Napoléon, de Abel Gance (1927)urn:md5:faffd3adf99089717e606f3dd6f5297e2021-01-04T21:43:00+01:002021-01-04T21:43:00+01:00RenaudCinémaAbel GanceCinéma muetCorseFresqueGuerreNapoléonRévolution <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/napoleon/.napoleon_m.jpg" alt="napoleon.jpg, déc. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>L'orgie du portrait<br /></strong></ins></span></div>
<p>Aux 5h30 de cette version restaurée par le BFI en 2016 (en attendant la nouvelle restauration de 6h30 promise par la Cinémathèque française depuis de nombreuses années), on a envie d'y répondre par un assentiment bref et concis. À cette épopée monumentale autant sur le plan de la forme que dans sa dimension démesurément hagiographique, la sobriété et l'humilité en contraste total avec le gigantisme du projet d'<strong>Abel Gance </strong>s'imposent d'elles-mêmes. Il faudrait sans doute des heures de recherche et des pages de synthèse pour parvenir à recontextualiser cette œuvre pharaonique dans son contexte historique, à une époque où la célébration du patriotisme avait une dimension très différente, quand bien même elle serait exécutée avec une telle incandescence, une telle fougue, une telle vigueur, en insistant sur des éléments fondateurs de l'histoire moderne comme la Déclaration des Droits de l’Homme ou la République. <strong>Gance </strong>martèle ses symboles comme un ferronnier son métal : techniquement c'est impressionnant, mais il ne faut pas nécessairement venir y chercher de la dentelle.</p>
<p><ins>Napoléon</ins> se ressent comme la réponse à une autre fresque phénoménale de 12 ans son aînée, outre-Atlantique : c'est d'ailleurs précisément en voyant l'œuvre de <strong>Griffith </strong><ins>Naissance d'une nation</ins> que <strong>Gance </strong>trouva l'audace de s'attaquer à un morceau aussi costaud de l'histoire de France. On retrouve à ce titre une très belle continuité dans la forme et dans la narration des deux colosses, même si l'excroissance mégalomaniaque du côté français se situe beaucoup plus près de la fin de l'âge d'or du cinéma muet — ce qui nuira considérablement à l'export du film, les moyens nécessaires à la traduction n'ayant pas été trouvés au terme d'une production gargantuesque digne d'un <strong>Cimino </strong>chez United Artists (20 millions de francs à l'époque). On y retrouve à ce titre d'autres dénominateurs communs, comme une équivocité idéologique autour de la fierté nationaliste ainsi qu'un aspect d'abécédaire républicain.</p>
<p>S'il reprend certains codes du cinéma russe en termes de montage, avec de nombreuses séquences arborant une fréquence de plans à rendre épileptique un <strong>Eisenstein</strong>, il fait également preuve d'un avant-gardisme sidérant sur de nombreux autres tableaux. Difficile d'établir une hiérarchie... Mobilité incroyable de la caméra avec l'invention avant l'heure de la steadycam (on est en 1927 bon sang, l'année de <ins>Metropolis</ins> pourtant déjà bien novateur !), lui permettant de filmer avec un dynamisme renversant des batailles de boules de neige à l'école militaire comme des embardées à cheval sur un terrain militaire ou à la campagne. Triptyque panoramique à l'aide d'un dispositif non moins avant-gardiste conférant aux 20 dernières minutes consacrées à la campagne d'Italie un parfum de climax dionysiaque, une orgie visuelle qui varie les plans, les tons, les filtres et les rythmes pour un bouquet final anthologique. Mais aussi la reprise de la technique française plus classique, avec une utilisation à la fois appuyée et sporadique de surimpressions et de symbolismes (qui feront revenir les fantômes de la Révolution aux yeux de Napoléon, alors seul à la Convention : Danton fulminant, Robespierre derrière ses lunettes noires, Marat et Saint-Just). Et que dire du siège de Toulon... Seule la partie consacrée aux sentiments, lorsque Napoléon fait la cour à Joséphine, est un peu faiblarde : on ne sent pas <strong>Gance </strong>tout à fait à l'aise dans ce romantique-là. Bien moins que le romantisme du grand général contemplant l'horizon seul depuis la côte corse en tous cas.</p>
<p>Et dire que <strong>Gance </strong>souhaitait poursuivre cette épopée, au-delà de ce qui était censé constituer seulement le premier volet d'un monument en six épisodes...</p>
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