Je m'attarde - Mot-clé - Neige le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearHitokiri, le châtiment (人斬り, Hitokiri), de Hideo Gosha (1969)urn:md5:3d003163378921b1c794f913617ec1712024-03-12T10:52:00+01:002024-03-12T10:54:03+01:00RenaudCinémaChanbaraHideo GoshaHonneurJaponManipulationNeigeSamouraïTatsuya NakadaiYukio Mishima <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/hitokiri_le_chatiment/hitokiri_le_chatiment.jpg" title="hitokiri_le_chatiment.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/hitokiri_le_chatiment/.hitokiri_le_chatiment_m.jpg" alt="hitokiri_le_chatiment.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Servitude aveugle d'un ronin bourrin</strong></ins></span>
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<p><ins>Hitokiri</ins> est une grosse gourmandise offerte par <strong>Hideo Gosha </strong>dans le registre du chanbara iconoclaste, pas nécessairement de la trempe des <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Trois-Samourais-hors-la-loi-de-Hideo-Gosha-1964"><ins>Trois Samouraïs hors-la-loi</ins></a> ou <ins>Le Sabre de la bête</ins> pour rester dans le même sillon thématique, mais doté de très solides arguments mis au service de ces films de katanas qui s'attachent à montrer le versant le moins reluisant du bushido en cette fin d'ère Edo. C'est également un complément appréciable à l'autre réalisation sortie en cette même année 1969, <ins>Goyokin - La Terreur des Sabaï</ins>, qui s'intéressait elle aussi à écorner l'image plus conventionnelle du samouraï et de ses codes d'honneur, mais peut-être dans une formulation moins radicale. Plus héroïque et plus enneigée, aussi. Sans prétendre rivaliser avec le mètre-étalon du genre (chez moi, il s'agit de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hara-Kiri-de-Kobayashi-a-Miike">Seppuku</a></ins> aka "Harakiri" de <strong>Masaki Kobayashi</strong>), il décrit une facette du Japon du XIXe siècle prenante et percutante à travers un personnage de samouraï sans maître qui se fera méchamment piétiner par les ambitions venimeuses d'un chef de clan .</p>
<p>On peut poser le décor immédiatement en précisant que le ronin servant de protagoniste, Izo Okada, est interprété par <strong>Shintaro Katsu </strong>— si vous passez la séance à vous demander pourquoi on dirait un cousin éloigné de l'acteur <strong>Tomisaburō Wakayama </strong>(le héros de la série des <ins>Baby Cart</ins> notamment, mais aussi un membre du complot dans le très beau <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Secret-du-ninja-de-Satsuo-Yamamoto-1962">Le Secret du ninja</a></ins>) au visage légèrement défiguré, c'est tout à fait normal : il s'agit de son frère cadet. C'est un personnage qui prend beaucoup de place, qui consomme autant de saké que de sexe, marqué par de nombreux excès, et si l'on n'adhère pas à sa composition <ins>Hitokiri</ins> pourrait s'avérer long. Et qui de mieux que <strong>Tatsuya Nakadai </strong>dans le rôle de son nouveau mentor Hampeita Takechi pour incarner un de ces puissants cruels et sanguinaires qui se servira de lui comme d'un pion, ou comme d'un chien, comme un de ses compagnons d'infortune lui évoquera pour le mettre en garde... Son regard blême et statique sert en tous cas admirablement bien son personnage. Je referme le paragraphe "joie du casting" en précisant que l'on compte dans les rangs des samouraïs l'écrivain <strong>Yukio Mishima</strong>, dont la présence très remarquée se soldera dans le film par un grand coup d'éclat, un seppuku vif comme l'éclair, en un sens annonciateur de celui qu'il se fera un an plus tard dans la réalité, suite à une tentative ratée de coup d'État — racontée par <strong>Paul Schrader </strong>dans le flamboyant <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Mishima-de-Paul-Schrader-1985">Mishima - Une vie en quatre chapitres</a></ins>.</p>
Il existe à mes yeux deux solides arguments en faveur du film de <strong>Gosha</strong>, au-delà de son contenu explosif et de son esthétique illustrant tout le potentiel de grisaille contenu dans la pellicule couleur de l'époque.
<p>Tout d'abord, c'est une intrigue qui ne sacrifie jamais l'intelligibilité de son déroulement : les films historiques de ces décennies 1960/1970 sont très nombreux à circonscrire le cadre de leur fiction dans un carcan très précis avec profusion d'éléments contextuels, de faits d'armes, de personnages relatifs à l'histoire du Japon des deux ou trois siècles passés. Il n'est pas rare qu'on se perde dans ce dédale de références et d'intervenants. Il n'en sera rien ici, la structure du récit étant remarquablement limpide et les événements parfaitement explicites (ce qui n'empêche en rien la multiplication de complots et autres coups fourrés, cela va de soi), faisant du film — certes un peu long — un moment très agréable à suivre.</p>
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Il y a aussi un parti pris qui pèse dans la réception de <ins>Hitokiri</ins> à chercher du côté de la chorégraphie des scènes impliquant le maniement des armes. Dès le début, on nous montre bien que le personnage utilise un sabre qui est tout sauf en carton (disons pour le dire autrement qu'on est loin des productions de la Shaw Brothers, avec tout le respect que j'ai pour nombre de films produits par la société), et les coups de sabre s'illustrent par leur brutalité : ils découpent des corps, et tout ce qui traîne autour dans le décor. L'effet recherché est manifestement de faire du personnage de Izo une brute épaisse, et il faut avouer qu'il est réussi. </div><p><ins>Hitokiri</ins> montre donc la trajectoire de ce ronin d'ascendance paysanne, un peu naïf, essentiellement mû par ses problèmes financiers, qui intègrera néanmoins le clan Tosa avec une sincérité aussi prégnante que son impétuosité. C'est bien parce qu'il cherche à faire ses preuves auprès de Takechi qu'il se montrera incroyablement performant au combat, un samouraï on ne peut plus violent qui ne comptera pas ses heures supplémentaires dès lors qu'il s'agit de décimer des antagonistes — et dès lors qu'il reçoit son salaire en échange, bien entendu. Lui qui oubliera bien vite sa bonne résolution de l'année : crier très fort "Tenchu !" ("châtiment divin" en japonais) à chaque mise à mort, comme ces samouraïs croisés dans la rue qui n'accomplissaient pas très bien leur tâche à ses yeux. Cela occasionne une séquence d'anthologie, grand moment de combats bourrins où l'on dénombre les corps cisaillés par dizaines, après qu'il a traversé la moitié du pays à pied en vociférant "Je suis Okada Izoooooooo !" (à noter que cette scène baroque s'inspire d'événements historiques documentés puisque Okada aurait couru un petit marathon de 45 kilomètres avant d'entrer dans l'arène sanglante). Mais c'est au final une histoire de manipulation et de calcul politicien avant tout, puisqu’il ne verra à aucun moment les manigances de son supérieur (il faut le dire passablement agacé par les débordements meurtriers de son nouveau poulain). C'est un chanbara extrêmement sale où l'honneur est piétiné et où les pauvres hères sont manipulés comme de bons petits chiens dociles, au service des puissants ivres de pouvoir. Il finira crucifié (aux sens propre et figuré), mais en paix avec lui-même : l'image finale restera très longtemps en mémoire.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Hitokiri-le-chatiment-de-Hideo-Gosha-1969#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1356Pamir (Pamir, krisha mira / Roof of the world), de Vladimir Erofeyev (1928)urn:md5:c356ef1a5dc34b996b936abb17cf61622024-02-28T10:22:00+01:002024-02-28T10:25:01+01:00RenaudCinémaAllemagneCartographieDocumentaireEthnologieExplorationMontagneNeigeRussieScienceTadjikistan <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/pamir.jpg" title="pamir.jpg, févr. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/pamir/.pamir_m.jpg" alt="pamir.jpg, févr. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Exploration précoce au Tadjikistan</strong></ins></span>
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<p>De vieilles bobines abîmées par le temps agrémentées d'une piste sonore dissonante et anachronique qui vaut le détour pour la rareté du matériau autant que pour le sujet : une expédition russe et allemande montée pour aller explorer le massif alors inexploré du Pamir, point culminant de l'Union soviétique situé à l'est de l'actuel Tadjikistan ayant des ramifications jusqu'en Afghanistan, en Chine et au Kirghizistan. Le but de cette mission scientifique était de cartographier la région mais aussi de tenter l'ascension des sommets locaux (des cols à près de 6000 mètres d'altitude et des pics au-delà de 7000 mètres). Une très belle vieillerie à réserver toutefois aux amateurs de pépites antiques récemment déterrées.</p>
<p>Comme de nombreux documentaires de l'époque, au hasard <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924">L'Épopée de l'Everest</a></ins> de <ins>J. B. L. Noel</ins> (1924), une bonne partie est consacrée à une sorte d'étude ethnographique des populations locales croisées en chemin, tandis que l'expédition traverse rivières, montagnes et glaciers. De longs moments sont ainsi dédiés aux coutumes et à l'artisanat des groupes d'agriculteurs et d'éleveurs observés en toute sérénité, de la pratique de religions à la consommation d'opium. On devine ainsi la diversité de la mission qui comptait dans ses rangs des géologues, des ethnographes, des cinéastes, des alpinistes et divers chercheurs issus d'autres disciplines variées. Dans le style des documentaires d'exploration aux pôles comme <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> de <strong>Frank Hurley</strong> (1919), le projet de l'exploration est présenté à l'aide d'une carte animée montrant les lieux traversés ainsi que la trajectoire prévue (et souvent adaptée aux imprévus), de Moscou jusqu'en Asie centrale, avec pour objectif l'établissement d'un camp de base à Och, au Kirghizistan actuel.</p>
<p>Une partie essentielle de ces voyages antédiluviens porte sur les préparatifs et les moyens de locomotion des vivres (à l'image de la très bonne série documentaire récente <ins>L'incroyable périple de Magellan</ins>), c'est-à-dire ici les centaines de chevaux et de chameaux réquisitionnés pour l'occasion. La partie ethnographique la plus saisissante est probablement celle qui s'intéresse à une tribu kirghize nomade et ses moyens de subsistance — essentiellement de la fabrication de produits laitiers à base de lait de chèvre et de jument, mais aussi la confection de vêtements ou la construction de yourtes, une communauté vivant en parfaite autonomie. À cette époque où la terre n'était pas cartographiée par satellite, ces gens partaient pendant des mois pour découvrir de nouveaux glaciers, s'improvisaient orpailleurs à 5000 mètres d'altitude, et partaient à la rencontre de populations sur lesquelles ils n'avaient aucune information a priori. </p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Pamir-de-Vladimir-Erofeyev-1928#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1359Baïonnette au canon (Fixed Bayonets!), de Samuel Fuller (1951)urn:md5:6406b5f11e1a0152c4bd8780064b33eb2024-01-16T09:52:00+01:002024-01-16T10:54:06+01:00RenaudCinémaCorée du NordCorée du SudDouteEtats-UnisGene EvansGuerreGuerre de CoréeHiverJames DeanNeigeSamuel Fuller <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/ba%C3%AFionnette_au_canon/ba%C3%AFionnette_au_canon.jpg" title="baïionnette_au_canon.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/baïionnette_au_canon/.baïionnette_au_canon_m.jpg" alt="baïionnette_au_canon.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"You're not aiming at a man. You're aiming at the enemy. Once you're over that hump, you're a rifleman."</strong></ins></span>
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<p>Quand j'avais découvert le film de <strong>Samuel Fuller</strong> <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/J-ai-vecu-l-enfer-de-Coree-de-Samuel-Fuller-1951">J'ai vécu l'enfer de Corée</a></ins> (The Steel Helmet), la comparaison avec <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Cote-465-de-Anthony-Mann-1957">Côte 465</a></ins> (Men in War) réalisé quelques années plus tard par <strong>Anthony Mann </strong>m'avait sauté aux yeux : même sujet, la guerre de Corée sous l'angle des difficultés du camp américain, même budget limité, même approche sous la forme d'un exercice de style (qui s'est sans doute imposé naturellement étant donnée la limitation des moyens). Mais en réalité il y avait encore plus proche : même sujet, même budget, même approche... et même réalisateur, ainsi que même année, et même acteur principal, puisque <strong>Fuller </strong>réalisait également en 1951 <ins>Fixed Bayonets!</ins> mettant en scène <strong>Gene Evans</strong>. Drôle de cumul de points communs, alors que le résultat est sensiblement différent.</p>
<p>Retour sur le front coréen, alors que la guerre est encore active à l'époque, pour examiner une autre dimension (un peu moins sordide, même si on ne peut pas dire que la joie soit franchement au rendez-vous). Un immense régiment américain comptant 15000 hommes doit fuir face à la domination des troupes communistes dans la région. Pour éviter que la retraite soit trop ostensible, ce qui laisserait à l'ennemi le moyen de leur infliger de lourdes pertes, une petite escouade d'une cinquantaine d'hommes est formée pour simuler une présence stable dans un lieu stratégique et permettre au restant de la troupe d'évacuer les lieux. Pas de bol pour ces hommes, même si le calcul est vite vu d'un point de vue purement comptable : il va falloir résister le plus longtemps possible dans le froid, dans les montagnes, pour que les copains aient le temps de rentrer sains et saufs.</p>
<p>Le choix des conditions hivernales est intéressant car il permet de dresser un contexte peu fréquent, mais il se heurte malgré tout très vite aux problèmes de moyens — tout est bien sûr tourné en studio et on ne peut pas dire qu'une fortune ait été dépensé dans les décors... C'est rachitique, à tel point que même la neige ressemble à du sable blanc (l'avantage de la pellicule noir et blanc, elle limite la casse), ça en est même probablement. Une grosse partie de l'action se jouera donc avec une poignée de figurants perchés dans leur grotte située en hauteur, repoussant inlassablement les assauts plus ou moins timides de l'ennemi. <strong>Fuller </strong>montre bien les conditions extrêmes, on se frotte les pieds pour se réchauffer (ils sont tellement froids et engourdis qu'on frotte ceux du voisin sans s'en rendre compte), il y aura pas mal de combats rapprochés (d’où le titre), et un petit lieutenant verra ses supérieurs mourir les uns après les autres. De telle sorte qu'un beau jour, il se retrouve en charge du commandement de son unité.</p>
<p><strong>Fuller</strong>, à travers ce personnage, insiste lourdement sur son incapacité a priori à commander, sur ses doutes, sur ses peurs, sa croyance en son inaptitude, avec des voix intérieures répétitives... Pour que le moment venu, sa prise en main du peloton paraisse héroïque. Tout ça semble quand même bien rabougri du scénario, même s'il parvient à éveiller quelques moments de grosse tension (l'emplacement des mines notamment) ou de surprise (le vol d'un clairon ennemi). Un film d'hommes entre eux, parmi lesquels on pourra apercevoir <strong>James Dean </strong>à la toute fin — attention à ne pas cligner des yeux, ça dure moins de 5 secondes — et qui insiste sur un quotidien angoissant, peu trépidant, avec une opposition entre deux groupes filmée un peu comme un western. Une œuvre de commande à travers laquelle <strong>Fuller </strong>réussit à insérer quelques belles séquences (qui plus est sans excès propagandiste majeur) à l'image du très beau plan final montrant des survivants qui défilent, au clair de lune, éreintés, en traversant un cours d'eau.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/ba%C3%AFionnette_au_canon/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/baïionnette_au_canon/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/ba%C3%AFionnette_au_canon/img4.png" title="img4.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/baïionnette_au_canon/.img4_m.png" alt="img4.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Baionnette-au-canon-de-Samuel-Fuller-1951#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1329Guerre et Paix (Война и мир, Voïna i mir), de Sergueï Bondartchouk (1967)urn:md5:41309557633c8174cb1a53b1e5a74f202023-10-17T18:12:00+02:002023-10-17T18:12:00+02:00RenaudCinémaAristocratieFranceFresqueFroidGuerreLéon TolstoïMortMoscouNapoléonNeigeRomanceRussieTrahison <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/guerre_et_paix/guerre_et_paix.jpg" title="guerre_et_paix.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/guerre_et_paix/.guerre_et_paix_m.jpg" alt="guerre_et_paix.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Querelles sentimentales feutrées et boucherie des champs de bataille</strong></ins></span></div>
<p><ins>Guerre et Paix</ins> de <strong>Sergueï Bondartchouk</strong>, c'est en quelque sorte la version soviétique, en couleur et parlant du pharaonique <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Napoleon-de-Abel-Gance-1927">Napoléon</a></ins> d'<strong>Abel Gance</strong>, une fresque historique aussi épique qu'immense, et dans le même temps une sorte de revanche pour l'URSS en pleine Guerre froide (il reçut l'Oscar du film étranger) sur l'adaptation américaine un peu falote de <strong>King Vidor </strong>sortie une dizaine d'année plus tôt. On le présente souvent comme une orgie technique en avançant des arguments-massues, des centaines de milliers de figurants directement prélevés dans les rangs de l'armée rouge, des scènes de batailles dantesques qui durent près d'une heure, des costumes réalisés par milliers par des musées, une durée de tournage / montage de quatre ans, ou encore un budget démentiel qui s'élèverait à 100 millions de dollars de l'époque (soit 700 millions d'aujourd'hui), même si ces chiffres sont contestés et pourraient être en réalité 10 fois moindre. Mais cela pourrait très bien relever, il faut oser l'écrire, du détail : ce qui frappe en premier lieu dans ce film, à mes yeux, c'est cette vision typiquement russe de l'histoire, multipliant les personnages sans jamais quitter un point de vue très distant et extérieur aux drames qui se nouent devant la caméra, qu'ils surviennent dans les intérieurs dorés de l'aristocratie moscovite ou sur les champs de bataille ensanglantés jonchés de cadavres.</p>
<p>Près de sept heures de film, agréablement découpées en 4 parties, cela a de quoi intimider — à titre personnel, il m'aura fallu 6 ans pour oser m'y lancer et deux jours pour en venir à bout. L'ampleur de la fresque historique est monumentale, étalée sur deux décennies au début du XIXe siècle, et centrée sur la campagne napoléonienne de Russie, sur l'invasion française de l'empire russe, des succès de la France qui se soldent par la prise de Moscou jusqu'au harcèlement de la Grande Armée pendant la retraite française. Au-delà des parties qui le composent, on peut segmenter <ins>Guerre et Paix</ins> en deux grands mouvements : les séquences en intérieur, avec les mondanités aristocratiques, ses grands bals dégageant un faste et une opulence sans comparaison, ses petits scandales récurrents, et le destin de plusieurs familles fortunées déchirées par la guerre ; puis les séquences en extérieur, en grande partie dévolues à des reconstitutions de batailles renversantes, impressionnantes par l'immensité de leurs décors autant que par leur caractère immersif et chaotique — c'est là qu'il faut reconnaître que oui, en effet, les centaines de milliers de figurants font la différence, l'horizon est saturé de bataillons, avec des mouvements de foule à perte de vue, l'artillerie s'en donne à cœur joie, les combats font rage sur des kilomètres carrés, les charges des régiments de cavalerie sont incroyables, il y a seulement quelques duels à la baïonnette qui manquent un peu de vigueur.</p>
<p>Si presque toutes les séquences ayant trait aux combats armés sont convaincantes, il n'en est pas de même pour les épisodes plus intimes, entre amours, amitiés, déceptions, trahisons. Sans pouvoir juger personnellement la qualité de l'adaptation du roman de <strong>Tolstoï</strong>, on peut avoir le sentiment d'un abus de gros plans sur le magnifique visage de <strong>Lioudmila Savelieva </strong>en pleurs, la comtesse Natalia, avec ses yeux d'un bleu abyssal, de même qu'il y a tout de même une certaine obstination dans le jeu très (très) affecté de <strong>Sergueï Bondartchouk </strong>lui-même dans le rôle de Pierre Bezoukhov. Malgré tout il reste une finesse dans les descriptions psychologiques et une diversité dans les thématiques abordées on ne peut plus appréciables, quand bien même la démesure du lyrisme sur sept heures pourrait éreinter. La voix off permet de distiller agréablement le texte de <strong>Tolstoï</strong>, mais peut aussi se transformer par endroits en d'ennuyeux monologues, contrepoids parfois un peu maladroits aux tourments existentiels des personnages principaux.</p>
<p>Le film regorge en outre de tableaux apocalyptiques, dans le froid mortel des plaines sibériennes comme dans les flammes de Moscou dévasté après le passage des troupes françaises. Le formalisme russe conserve une part d'émerveillement conséquente, même passé à travers la machine académique d'une production de cette envergure. En matière de combats phénoménaux qui confinent au surréaliste, je crois bien que cette reconstitution de la bataille de la Moskova (ou Borodino) est la chose la plus sidérante que j'aie vue, avec des envolées lyriques qui pourraient être reliées qu'un <strong>Sokourov </strong>n'aurait pas renié (avec notamment de nombreuses séquences en grand angle multipliant les distorsions optiques sur les bords, accentuant ci et là l'horreur sur les visages). Difficile par ailleurs de ne pas voir quelques allusions directes à <strong>Gance</strong>, avec par exemple quelques plans composés sous la forme de triptyques horizontaux. Au-delà des références, cette adaptation de <ins>Guerre et Paix</ins> est aussi exigeante, de par l'implication qu'elle demande, qu'elle est gratifiante dans son impétuosité pour raconter un morceau de l'histoire russe.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Guerre-et-Paix-de-Serguei-Bondartchouk-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1257La Montagne, de Thomas Salvador (2022)urn:md5:7d9b4d58ef480b2f0644e4d9372be9e22023-07-05T09:43:00+02:002023-07-05T15:30:30+02:00RenaudCinémaAlpesAlpinismeChamonixFantastiqueLouise BourgoinMont BlancMontagneNeigeThomas Salvador <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.montagne_m.jpg" alt="montagne.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Passion alpinisme et symbolisme en excès</strong></ins></span></div>
<p>Dommage qu'il y ait pas mal de petits trucs désagréables dans le film de <strong>Thomas Salvador </strong>qui m'empêchent d'adhérer pleinement à l'invitation au voyage montagneux, car je sens derrière le geste du cinéaste-acteur une douceur et une sensibilité à la base d'une originalité vraiment attrayante. <ins>La Montagne</ins> est en ce sens un complément intéressant aux <ins>Huit Montagnes</ins> de <strong>Felix Van Groeningen</strong> et <strong>Charlotte Vandermeersch</strong>, sur un thème voisin mais doté d'un traitement radicalement différent.</p>
<p>Si on devait les énumérer, les maladresses et autres dispositions déplaisantes sont nombreuses. Le contexte posé à la truelle du cadre parisien ingénieur en robotique qui se découvre subitement une attirance pour la montagne lors d'un déplacement à Chamonix, la romance avec <strong>Louise Bourgoin</strong> (surtout dans la dernière partie affreusement explicative), la métaphore de la renaissance pour clore la partie fantastique du film... Mais étonnamment elles ne parviennent pas vraiment à entacher la sympathie suscitée par le reste, sans doute parce que <strong>Thomas Salvador</strong> est parvenu à rendre très crédible la découverte d'une passion, en commençant par les tentes 2 secondes Quechua et en allant jusqu'au matos complet de l'alpiniste (Scarpa, Petzl, Millet, cordes, baudar, crampons, piolet, assureur, longes, dégaines, manquent que les coinceurs), même si la transition aurait mérité plus de développement.</p>
<p>Le fait que beaucoup de scènes aient été tournées en altitude, dans le massif du Mont Blanc, aide beaucoup à amplifier l'effet d'immersion. Les bivouacs dans la neige, ça fait frétiller les jambes il faut l'avouer... et ce sentiment une fois perché là-haut de ne pas avoir envie de redescendre, aussi, est pas mal. Il faut adhérer au mutisme du film et de son personnage principal, au moins autant qu'à la composante surnaturelle qui survient dans la seconde partie. Pierre absorbé par la minéralité de la montagne, le message est gros dans la fusion avec les éléments, mais on peut apprécier la position qui ne cherche pas à tout expliquer sans pour autant verser dans le grand n'importe quoi démesurément auteurisant. Le traitement naturaliste de phénomènes surnaturels est intrigant comme démarche, même si je n'accroche vraiment pas à tout le pan figuratif du symbolisme, que je trouve assez lourdingue.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juin 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/montagne/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Montagne-de-Thomas-Salvador-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1190La Maison dans l'ombre, de Nicholas Ray et Ida Lupino (1952)urn:md5:66ea63b8e87736fdbe3458a244ae6aac2023-06-22T16:34:00+02:002023-06-22T16:34:00+02:00RenaudCinémaFilm noirIda LupinoMeurtreNeigeNicholas RayPoliceRobert RyanRomanceRuralitéSolitudeVilleViolence <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maison_dans_l-ombre/.maison_dans_l-ombre_m.jpg" alt="maison_dans_l-ombre.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Friends? Cops have no friends. Nobody likes a cop."</strong></ins></span>
</div>
<p>L'exploration du versant "films noir" de la filmographie de <strong>Nicholas Ray </strong>se révèle très riche en élargissement des horizons, sur des territoires extrêmement différents de ceux définis par ses œuvres les plus connues comme <ins>Rebel Without a Cause</ins> et <ins>Johnny Guitar</ins>. C'est ici un film policier des 50s très étonnant, co-réalisé avec <strong>Ida Lupino </strong>(qui interprète également un second rôle dans lequel elle est très convaincante), qui fait preuve d'une rupture de ton franche tout à fait inhabituelle, toutes époques confondues. C'est quasiment un film coupé en deux, avec une première partie urbaine concentrée sur une enquête autour du meurtre d'un policier, et une seconde partie rurale perdue dans des paysages enneigés à la poursuite d'un autre fugitif. Ce second segment fait à ce titre beaucoup penser à un autre film noir dans la neige, <ins>Poursuites dans la nuit</ins> aka "Nightfall" de <strong>Jacques Tourneur</strong> qui lui aussi, d'ailleurs, proposait une alternance entre ville et campagne.</p>
<p><strong>Robert Ryan </strong>reprend en quelque sorte le rôle du violent (flic ici en l'occurrence) de <strong>Humphrey Bogart </strong>dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Violent-de-Nicholas-Ray-1950">In a Lonely Place</a></ins>, un gars aux méthodes qualifiées de musclées et critiquées par ses collègues et supérieurs. Il en fait preuve durant toute la première partie, jusqu'à ce qu'il soit envoyé paître à la campagne en guise de punition pour se détendre. Cette première partie est intrigante à plusieurs titres, principalement pour une composante qu'on pourrait qualifier de réaliste au travers des nombreuses séquences montrant les policiers chez eux en train de se préparer pour aller bosser. L'ambiance y est tendue sur 30 minutes, plongée dans la nuit, sans que le cœur des enjeux ne soit à proprement parler détaillé — on sait juste qu'un flic a été tué et que deux hommes sont en fuite. Tous les codes du film noir sont présents. Y compris les tirades : "<em>Friends? Cops have no friends. Nobody likes a cop.</em>" ou encore "The city can be lonely too. Sometimes people who are never alone are the loneliest."</p>
<p>C'est au contact de la neige campagnarde (et du personnage de <strong>Lupino</strong>, une femme aveugle et touchante) qu'il se découvrira un cœur, en quelque sorte. Le virage avec la première partie est brutal, dépaysement total, cette fois-ci dans un environnement diurne. Bon, c'est là aussi que <ins>La Maison dans l'ombre</ins> (le titre original est "On Dangerous Ground") trouve sa principale limite, à savoir la faiblesse de la profondeur psychologique des personnages. <strong>Ryan </strong>se transforme en un clin d'œil ou presque en flic droit et juste, il maîtrise son comparse violent, il découvre les vertus de l'amour salvateur, etc. Zéro transition non plus du côté de l'enquête, si on rate 5 minutes on peut penser qu'il est encore sur la même piste bien que déporté loin de la ville. Un peu dommage car les deux blocs de solitudes qui se rencontrent auraient mérité plus de développement, moins de facilités, et une conclusion moins abrupte. De même, le personnage du sidekick violent se trouve une conscience sitôt le gamin tué : c’est une évolution morale quelque peu expéditive et sans finesse de trait.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maison_dans_l-ombre/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maison_dans_l-ombre/.img2_m.png" alt="img2.png, juin 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maison_dans_l-ombre/.img4_m.png" alt="img4.png, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Maison-dans-l-ombre-de-Nicholas-Ray-et-Ida-Lupino-1952#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1172Le Métier des armes, de Ermanno Olmi (2001)urn:md5:b13a65da175dfd1e379d774ee4bd7c8e2023-04-28T18:07:00+02:002023-04-29T09:10:05+02:00RenaudCinémaChevalerieErmanno OlmiFroidGuerreItalieMilitaireMoyen ÂgeNeigeRenaissance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.metier_des_armes_m.jpg" alt="metier_des_armes.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un tournant dans l'art des guerres médiévales</strong></ins></span>
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<p><strong>Ermanno Olmi </strong>était jusqu'alors connu pour ses chroniques de la vie quotidienne italienne des années 60, tout en minimalisme et en humour absurde discret (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961">L'Emploi</a></ins>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Fiances-de-Ermanno-Olmi-1963">Les Fiancés</a></ins>), ainsi que pour la fresque paysanne de plus de trois heures qui observait la vie d'une métairie à la fin du XIXe siècle (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Arbre-aux-sabots-de-Ermanno-Olmi-1978">L'Arbre aux sabots</a></ins>, palme d'or en 1978). Il était donc en un sens plutôt naturel d'être loin de l'imaginer, à 70 ans, investir un récit médiéval du début XVIe siècle autour de la personne de Jean de Médicis, dit Jean des Bandes Noires, un jeune chevalier de 28 ans capitaine de l'armée papale engagé contre les lansquenets, fantassins de l'empereur d'Allemagne Charles Quint. Dans cette perspective historique, <ins>Le Métier des armes</ins> raconte autant la guerre d'escarmouches qu'il livra au général Frundsberg, se soldant par la mort de Jean de Médicis et par le sac de Rome en 1527, que le point de bascule dans la vision tactique et idéologique de la guerre entre Moyen Âge et Renaissance.</p>
<p>Pour un non-initié à la période des guerres d'Italie et ses onze conflits étalés sur près d'un siècle, on peut assez instinctivement penser que le film d'<strong>Olmi </strong>ne permettra pas de saisir l'intégralité du contexte. L'introduction est d'ailleurs une sorte d'aveu de ce point de vue, car les 10 premières minutes se révèlent parfaitement incompréhensibles, avec une profusion d'informations, de personnages et de lieux laissant le commun des mortels dans un état de perdition avancé. Mais cette introduction n'est que le point de départ plantant le décor, à savoir la mort du Jean de Médicis, pour mieux revenir une semaine auparavant et relater les événements ayant conduit à l'événement tragique de manière beaucoup plus intelligible et appréciable.</p>
<p><ins>Le Métier des armes</ins> se sert de l'invention du fauconneau, une pièce d'artillerie légère présentée comme la première capable de transpercer les armures des chevaliers, pour illustrer le basculement d'une guerre aux allures héroïques, constituées de batailles rangées et de sacrifices correspondant à la norme chevaleresque, vers une guerre beaucoup plus tournée vers la tactique, avec ses escarmouches et ses attaques surprises — Jean de Médicis sera dans le film autant auteur que victime de cette transformation, auteur dans le harcèlement des troupes luthériennes et victime par sa blessure à la jambe qui sera gagnée par la gangrène. Le refus du spectaculaire pourra à ce titre être rebutant, pour qui s'attend à quelque chose à ce niveau-là.</p>
<p>La description de cette bascule historique est vraiment passionnante, sorte de révolution militaire qui n'est sans doute pas consciente à l'époque (même si le film prend le soin de montrer la fabrication des canons avec beaucoup d'emphase, une scène qui rappelle directement celle de la cloche dans <ins>Andrei Roublev</ins>), un art de la guerre en mutation explicitement cité au travers de lectures politiques de <strong>Machiavel</strong>. <strong>Olmi </strong>instaure un climat d'une froideur incroyable, imposant une distance qu'il faut apprécier, compensée par une composition proprement fabuleuse. La beauté de la photographie est d'une intensité folle, avec de très nombreuses séquences capturées comme des tableaux de la Renaissance, dans des jeux de lumière stupéfiants: les éclairages dans les forteresses, les torches qui bravent la tempête en extérieur, les arbres nus desquels pendent des cadavres, les paysages enneigés couverts de brume, l'architecture des intérieurs immenses, tout cela est fascinant pour les yeux.</p>
<p><strong>Olmi </strong>referme son film sur une atmosphère chargée d'une mélancolie indélébile, un sentiment diffus de solitude coriace renforcé par l'éclairage sur les derniers jours pour le moins éreintants de la vie de Jean de Médicis, au travers d'une succession de tableaux retraçant un segment de l'évolution du métier de soldat. Un récit tout sauf héroïque, moins porté sur les troupes et les combats que sur les trahisons et les réminiscences intimes au moment de l'agonie. Un film sur la vanité humaine, aussi, avec des déambulations méditatives : le décor de la chambre dans laquelle le héros succombe est un écrin de choix avec toutes ses peintures et sculptures. À la mort du condottiere, il fut demandé l'abolition des armes à feu nous font comprendre les dernières minutes du film : une demande qui resta bien sûr lettre morte.</p>
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