Je m'attarde - Mot-clé - Pardon le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe capitaine Volkonogov s'est échappé (Kapitan Volkonogov bezhal), de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov (2022)urn:md5:4a86d73a745b681294769724a028c3b22023-10-09T11:22:00+02:002023-10-09T10:26:20+02:00RenaudCinémaChasse à l hommeFuitePardonPersécutionPolicePolitiquePurgesRussieRédemptionRépressionStalineTortureTotalitarisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/capitaine_volkonogov_s-est_echappe/.capitaine_volkonogov_s-est_echappe_m.jpg" alt="capitaine_volkonogov_s-est_echappe.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>S'évader du NKVD <br /></strong></ins></span>
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<p><ins>Le capitaine Volkonogov s'est échappé</ins> est un film de coulisses portant sur une thématique bien connue, et c'est cette dimension-là de captation à la marge qui en constitue l'argument principal à mes yeux. Les coulisses des grandes purges staliniennes de la fin des années 1930, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, vues à travers les yeux d'un membre de la police politique (le NKVD) précisément en charge de la mise en œuvre de cette répression — arrestations, interrogatoires, torture, exécution. <strong>Natalia Merkoulova </strong>et <strong>Alexeï Tchoupov </strong>ont eu l'excellente idée de ne pas se lancer dans un réquisitoire trop évident sur l'horreur frontale mais plutôt de suivre le point de vue très subjectif de Volkonogov, hier tortionnaire et aujourd'hui victime du régime, dans sa fuite. Il en résulte un film original, dans l'environnement décrit, au plus près des hommes en rouge du Service de sécurité nationale, et un film haletant, dans l'échappée immersive d'un capitaine se sachant condamné, au creux d'un microcosme façonné par les persécutions politiques et leurs conséquences.</p>
<p>C'est annoncé assez tôt dans l'intrigue : la fuite prendra la forme d'une quête de rédemption pour le protagoniste, frappé d'une vision lui révélant que pour l'absoudre de ses crimes, il devra affronter le regard des familles des personnes qu'il a torturées et obtenir leur pardon. Le trait est un peu épais mais il a le mérite d'être annoncé clairement plutôt que de se cacher dans un coin, et cette configuration permet de se confronter nous aussi, aux côtés de Volkonogov, aux séquences répétées au cours desquelles il va présenter ses excuses. L'effet d'annonce, au sens où on sait qu'il va parcourir les fiches de renseignement du dossier qu'il a volé et se confronter à différentes situations difficiles, fonctionne vraiment très bien et nourrit une tension parallèle à celle de sa propre fuite.</p>
<p>Une fois la chasse à l'homme lancée, le film se structure ainsi autour de ces rencontres qui se succèdent entre un ancien bourreau (devenu proie) et des proches de personnes exécutées par le régime policier totalitaire. Il faut reconnaître à <strong>Youri Borissov </strong>un talent manifeste dans la composition du rôle-titre, partagé entre la peur, le traumatisme, la ténacité et la révélation quasi-mystique, et aux auteurs un talent formel incroyable dans la confection d'une ambiance graphique crédible et prenante. Les confrontations se déroulent dans des lieux à chaque fois très différents, et la première d'entre elles fait partie des plus marquantes — une séquence dans une morgue, au fond d'une cave, en compagnie d'une ancienne médecin. Il y a quelque chose d'indélébile dans ces séquences qui recherchent des petits bouts d'humanité au sein d'une déshumanisation par définition, doublé d'un sentiment tragique de pardon impossible.</p>
<p>Il y a aussi un équilibre persistant dans les rues de Léningrad transformée en ville-fantôme, avec d'un côté une inclination réaliste qui ne nous épargne pas quelques moments de violence crue et de l'autre côté cette dimension symbolique, allégorique, dans la recherche du pardon de la part d'un Sisyphe errant machinalement d'un parent de victime à un autre. La structure narrative est émaillée de flashbacks relativement brefs, alimentant souvent un climat froid et angoissant, qui portent sur des épisodes de la vie de Volkonogov, un épisode de torture (sans esbroufe, en appuyant juste comme il faut) par-ci, une démonstration de mise à mort (un peu trop appuyée dans sa tonalité glaciale à mon goût, avec les victimes qui défilent froidement comme du bétail, en miroir de la séquence finale) par-là.</p>
<p>Il ne faut donc pas rechercher dans <ins>Le capitaine Volkonogov s'est échappé</ins> une reconstitution précise, historique et exhaustive d'un système totalitaire, mais plutôt une sorte de tableau expressionniste partagé entre des visions d'horreur et des répétitions presque comiques, le film n'étant pas avare en humour noir — il faut voir Volkonogov réitérer ces "votre proche a été exécuté, il lui a été appliqué des méthodes spécifiques", comme une déformation professionnelle, suivi d'un laconique "pouvez-vous s'il vous plaît me pardonner ?", dans un état de faiblesse et d'apathie maximales. En résulte un voyage temporel et sensoriel, poisseux et étouffant, insistant sous certains aspects (qui se révèleront plus ou moins comme des entraves à l'appréciation) mais qui en tous cas m'a vigoureusement saisi.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/capitaine_volkonogov_s-est_echappe/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/capitaine_volkonogov_s-est_echappe/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-capitaine-Volkonogov-s-est-echappe-de-Natalia-Merkoulova-et-Alexei-Tchoupov-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1249L'Homme que j'ai tué, de Ernst Lubitsch (1932)urn:md5:f5040bcee1ee4b98063c823d0d6471be2022-01-13T15:57:00+01:002022-01-13T15:58:24+01:00RenaudCinémaAllemagneCulpabilitéDouleurErnst LubitschFamilleFranceGuerreMortPardonPremière Guerre mondiale <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.homme_que_j_ai_tue_m.jpg" alt="homme_que_j_ai_tue.jpg, déc. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Le remord et le pardon<br /></strong></ins></span>
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<p>La puissance de ce drame historique ne se laisse pas débusquer facilement, chez <strong>Lubitsch</strong>, dans un registre où on ne l'attend pas nécessairement — voire pas du tout. Aux balbutiements du cinéma parlant, <ins>Broken Lullaby</ins> s'autorise un petit bond dans le passé, au lendemain de la Première Guerre mondiale, pour s'intéresser au cas d'un jeune soldat français littéralement rongé par le remord d'avoir tué un soldat allemand qui aurait pu être son frère, son ami, en tous cas un jeune homme avec qui il partageait beaucoup. La première partie est une plongée franche dans la torture imposée par la situation, car le protagoniste avait trouvé dans la poche de sa victime une lettre destinée à sa fiancée qui ne fait que remuer la baïonnette dans la plaie, a posteriori. D'autant que le corps à corps s'est révélé particulièrement tragique.</p>
<p>On s'engage ensuite dans une tentative d'absolution, devant les remords insoutenables qui l'accablent (le contexte de la guerre ne semble exercer aucune influence sur lui et leur mélomanie commune ne fait que raviver la douleur), puisqu'il partira à la recherche de la famille du défunt, en Allemagne, pour implorer leur pardon dans un premier temps — car sur place, le poids de la culpabilité étant trop lourd, il se fait passer pour un grand ami qu'il n'était pas.</p>
<p><strong>Lubitsch </strong>écarte ici toute satire de classe, toute connotation sexuelle : le ton est résolument sérieux, la fibre dramatique est alimentée par le commun qui unit les deux hommes, eux qui ont fréquenté par le passé le même conservatoire en France. Du drame de guerre à l'état brut, sans fioriture, et une très belle (simple et percutante) observation des tensions résiduelles dans un monde post-guerre qui ne laisse pas beaucoup de place à l'empathie. C'est un film sur l'innocence perdue, aussi, filmée comme un territoire dévasté, et en ce sens bien différent de la tournure que prend l'adaptation du récit qu'en a fait <strong>Ozon </strong>récemment dans <ins>Frantz</ins>.</p>
<p>On retrouve la finesse de l'écriture dans la relation qui unit le soldat français avec la jeune femme allemande, à travers une série d'évocations (comme celle de la fameuse lettre) ou de différentes formes de complicité plus ou moins tacite. Une œuvre touchante dans ses maladresses, très symbolique de ce temps où l'on disait "plus jamais ça", jusqu'au nouveau bégaiement de l'histoire.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.soldat_m.jpg" alt="soldat.jpg, déc. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.pretre_m.jpg" alt="pretre.jpg, déc. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/homme_que_j_ai_tue/.allemagne_m.jpg" alt="allemagne.jpg, déc. 2021" />
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