Je m'attarde - Mot-clé - Urbanisme le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearTrafic, de Jacques Tati (1971)urn:md5:01b083d0f1152d1c50b60573924c80432024-01-06T11:17:00+01:002024-01-06T11:18:54+01:00RenaudCinémaAmsterdamBurlesqueComédieDessinFranceJacques TatiLoufoqueParisPays-BasPoésieUrbanismeVilleVoiture <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/trafic.jpg" title="trafic.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.trafic_m.jpg" alt="trafic.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Où allez-vous, monsieur Hulot ?"</strong></ins></span>
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<p>Le fond de l'air est décidément bien tristounet dans ce dernier épisode des aventures de Monsieur Hulot, vieillissant, souvent laissé sur le bas-côté et en marge de l'activité, qui fait suite quatre années plus tard à l'échec commercial (et pourtant magnifique) de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Playtime-de-Jacques-Tati-1967">Playtime</a></ins> ayant entraîné la faillite de la société de production de <strong>Jacques Tati</strong>. Il est malgré tout parvenu à se remettre en selle pour <ins>Trafic</ins>, et à dissimuler des contraintes matérielles inévitables derrière un certain minimalisme de mise en scène qui s'accorde assez bien, il faut le reconnaître, avec son style lunaire et son appétence pour le détail. Aucun problème pour passer près de deux minutes à observer des conducteurs se tripatouiller le nez en gros plan ou des hommes d'affaires évoluer de manière très saccadée à cause de fils délimitant les stands dans un immense hall d'exposition en plan large...</p>
<p>S'il y a bien un changement majeur par rapport aux précédents films de <strong>Tati</strong>, c'est la présence d'un objectif précis structurant la narration et l'irruption d'un personnage féminin d'importance : à la différence de <ins>Playtime</ins> ou de <ins>Mon oncle</ins> qui campait une position très observationnelle, on peut résumer l'histoire de <ins>Trafic</ins> à celle d'un dessinateur pour une petite entreprise automobile parisienne chargé de présenter sa dernière invention (une Renault 4L aménagée en voiture de camping révolutionnaire, l'avant-garde des vans aménagés en quelque sorte) au salon d'Amsterdam en compagnie d'une attachée de presse dont il ne restera pas insensible. C'est clair et intelligible, même si cela n'empêchera évidemment pas une cascade d'imprévus et de gags reflétant sans doute la définition même de la méthode <strong>Tati</strong>.</p>
<p>On retrouve le Monsieur Hulot observateur à la fois candide et circonspect de la société moderne, de ses évolutions, de son progrès. Les routes parcourues par le personnage, sillonnées par d'innombrables véhicules (dont on aura observé la construction au gré d'une introduction quasi-documentaire) alors que lui-même restera la plupart du temps immobilisé sur le bord du chemin, forment une métaphore à la fois simple, distante, et loufoque du regard qu'il semble poser sur son époque. Même si on n'échappe pas à une certaine répétitivité dans le geste, comme si <strong>Tati </strong>faisait du sur place en roue libre, il reste une ambiance (très particulière et immédiatement reconnaissable, du burlesque de bande-dessinée des années 1970) et un foisonnement de détails. On retrouve aussi cet amour pour la confusion sonore, avec des dialogues souvent inintelligibles, noyés dans une cacophonie désagréable tant qu'on cherche à identifier la partie utile du signal, pour finalement dériver vers une sorte de film muet dégénéré. Ça parle, ça parle, mais personne n'écoute vraiment : tout le monde s'en fout.</p>
<p>Il y a dans <ins>Trafic</ins> comme dans tous les <strong>Tati</strong> une dimension expérimentale qui peut rebuter, surtout lorsqu'elle est alliée à un humour aussi burlesque et suranné. On voit bien le cinéaste expérimenter, ici avec les décors et les couleurs, là avec les effets sonores et les propos incompréhensibles. Ces jeux, toujours en mode mineur, provoquent un effet de contrepoids avec le constat désabusé de son personnage devant une forme de déshumanisation de la société par la consommation, impassible devant la fourmilière hystérique. Ils évitent au film de verser dans la critique passéiste et amère, et forment un petit espace de calme et de confort au milieu du chaos.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img5.jpg" title="img5.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Trafic-de-Jacques-Tati-1971#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1315Playtime, de Jacques Tati (1967)urn:md5:257afb4fd2bad835247408c433d6205b2019-05-23T19:40:00+02:002019-05-23T18:47:28+02:00RenaudCinémaBurlesqueComédieJacques TatiLoufoquePoésieUniformisationUrbanismeVille <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/playtime/.playtime_m.jpg" alt="Playtime" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Playtime, mai 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Tati, maître tatillon de la poésie inespérée</strong></ins></span>
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<p>Rarement un film aura autant produit des effets proches de certains psychotropes. Il y a toute une série de cases bizarroïdes à cocher avant de se lancer dans <ins>Playtime</ins> dans l'espoir d'en tirer quelque chose d'aussi réjouissant, à commencer par l'adhésion au registre comique très particulier qui fait résonner les codes du muet dans l'environnement terne de la France pré-pompidolienne, le non-rejet de l'esthétique monochrome de laquelle émergent, de manière ponctuelle et impromptue, des sursauts de poésie enchanteurs, ou encore le consentement à cette absence apparente de trame narrative dans son acception traditionnelle.</p>
<p>Et pourtant, j'irais plus loin. <ins>Playtime</ins> rayonne d'un humour à la fois discret et omniprésent, millimétré dans ses schémas répétitifs qui propagent des échos comiques du début à la fin et qui s'insèrent parfaitement dans un univers graphique composé avec une minutie obsessionnelle. <ins>Playtime</ins> développe ses fantaisies sur une toile de fond d'une incroyable fadeur, complètement atone dans ses tons de gris étalés sur les murs des immeubles, d'où percent inexorablement des rayons pop d'une étonnante vigueur, entre deux boutades visuelles et deux gags dans l'arrière-plan (qui en compte probablement une dizaine). <ins>Playtime</ins> ne raconte pas une histoire, il en dissémine des centaines, des minuscules, des farfelues, des faussement insignifiantes.</p>
<p><ins>Playtime</ins> pousse encore plus loin le délire maniaque qui naissait avec <ins>Mon Oncle</ins> dix ans auparavant, cet étalage incroyable de détails graphiques systématiquement accompagnés d'un grain de folie aigre-douce. Son sens perfectionniste du cadrage et de la composition est une source intarissable d'émerveillement. On ne se mouille pas trop en affirmant que le style de <strong>Tati </strong>est unique : cette douce poésie graphique, cette nébuleuse bruitée en guise de piste audio, cet assemblage de fragments très prosaïques qui forme un tout presque irréel, cette activité constante dans l'image à l'origine d'un fourmillement étourdissant... Le vertige guette, et on sort de cette odyssée kafkaïenne dans un état second. Mais tout le monde n'y sera pas sensible, c'est aussi triste que certain.</p>
<p>L'effet d'accumulation qui résulte tout de même de ce brouhaha étrange ne confine pourtant pas du tout au maniérisme ou au geste artistique gratuit et vaniteux. Le film regorge de micro-messages disséminés aux quatre coins de la pellicule, et dont nous avons la charge de déchiffrer. Il y a bien sûr de l'apocalypse à l'état pur, à l'image de cette imposante séquence dans la deuxième moitié du film centrée sur un restaurant en perdition, avec cette impression que le chaos final a longtemps mijoté et que l'ébullition a été parfaitement contrôlée, à la bulle près. Mais <strong>Tati </strong>fait preuve d'une lucidité constante, en illustrant sans cesse les travers de son époque, ici avec ce Noir qu'on refoule à l'entrée (avant de réaliser qu'il s'agit d'un musicien de l'orchestre) et là avec ces ouvriers savamment dissimulés dans le décor (pour ne pas importuner les clients fortunés). Le tout entre deux gags pour savoir qui picole en douce et comment faire semblant d'ouvrir une porte détruite, naturellement.</p>
<p>Il n'y a pas vraiment de règle chez <strong>Tati</strong>, et c'est sans doute ce qui constitue une grande part de son charme : on peut passer une dizaine de minutes dans une salle d'attente sans qu'aucun enjeu ne dépasse le cadre de cette scène, certaines boutades n'arrivent à maturité que dix minutes plus tard, après qu'on en ait oublié l'origine, ce qui paraît catastrophique à un moment donné devient totalement accessoire dans le suivant. Il questionne avec un acharnement certain la modernité, à travers l'usage de l'innovation qui trouve son point culminant dans une exposition délicieusement farfelue (ce "thro-out greek style", bon sang...), en prenant le soin de ne jamais tomber dans le constat aigre et plein de rancœur. <strong>Tati </strong>évolue au sein d'un univers loufoque dont il ne comprend pas grand-chose, en gentil curieux, lunaire parmi les lunaires, tantôt du côté de la circonspection amère face à la systématisation et l'uniformisation absurde du monde, tantôt du côté de la poésie innocente et l'infinité des possibles qui s'ouvre naturellement à lui, dans ce terrain de jeu s'étirant à perte de vue. Et c'est sans doute dans cette direction ambivalente-là que <ins>Playtime</ins> se révèle universel et atemporel — c'est en tous cas là où je m'y retrouve totalement.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/playtime/.appart_m.jpg" alt="appart.jpg" title="appart.jpg, mai 2019" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Playtime-de-Jacques-Tati-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/653