Nouvelles choisies, présentées et traduites par Mélanie Fazi. La couverture est une création de Stéphane Perger.

Quand une jeune et talentueuse auteure française de fantastique sélectionne et traduit les nouvelles d’une moins jeune auteure américaine installée en Écosse dont elle est une grande admiratrice, cela donne un très beau livre avec des histoires parfaitement ciselées, et qui habillent merveilleusement le titre sibyllin de ce recueil de nouvelles.

« En 2004, j’ouvrais mon recueil Serpentine sur cette dédicace : À Lisa Tuttle, dont les livres m’ont appris que les plus effrayants des fantômes sont ceux qu’on porte en soi. Ils étaient toujours là, ces fantômes : entre les pages des textes que je découvrais en cherchant la matière qui composerait ce recueil. » 

Mélani Fazi

Le petit bijou (Rêves captifs) qui ouvre le recueil, est le récit d'une enfant enlevée, et séquestrée dans un placard. A l’instar des évasions imaginaires du Vagabond des étoiles de London (présenté ici par Clément), cette jeune fille nous livre les souvenirs confus de sa longue réclusion au milieu des sombres et misérables mètres carrés dans lesquels son ravisseur l’a enfermée. La chute cauchemardesque qui vient éclairer les circonstances de son évasion ne sont pas également sans évoquer le roman de Jack London quand l’esprit de Darrel Standing – camisolé de force et jeté au fond d’un cachot - rôde parmi les fantômes de ses vies antérieures.

Les histoires de Lisa Tuttle renforcent mon idée que je suis plus sensible aux mésaventures surnaturelles lorsqu’elles sont racontées de l’intérieur. Leur point de vue redouble l’effet de mystère puisque leur récit à la première personne interdit de tout voir ou de tout entendre. Et les fins n'en sont que plus exquises. Ces nouvelles obombrent, et si vous décidiez de les lire, vous serez certainement troublés par la sensibilité et par les singulières mésaventures de ces héroïnes qui donnent naissance à des visions névrotiques dans lesquelles elles projettent leur angoisse... ainsi naissent les fantômes.