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"Priests need nuns, doctors need nurses, so whores need pimps"

Autant dire qu'avec les inserts d'extraits de films de blaxploitation (Willie Dynamite, The Mack, Dolemite), la réalité et la fiction se mélangent dans un fracas de "bitch" et de "pimp" qui découpent une ambiance unique, littéralement en immersion dans le monde du proxénétisme américain. Des macs afro-américains dans l'immense majorité, qui s'expriment librement devant la caméra des frères Hughes au gré des quelques chapitres que compte ce documentaire — assortis également de quelques représentations typiques du proxénète dans les médias. En matière de bijoux en or massif, de grosses voitures et d'insultes censées être affectueuses, on est bien, le tout sur fond de Isaac Hayes et Curtis Mayfield.

La quasi-totalité du docu est consacrée au proxénétisme illégal — donnant l'occasion aux macs de justifier leur présence et leur emprise sur les filles qu'ils exploitent en expliquant qu'ils sont là pour payer la caution des filles qui se retrouvent emprisonnées, par exemple — et se termine sur une petite note en pleine légalité avec un proxénète (blanc pour le coup) qui explique en toute décontraction comment il gère son ranch de prostituées (c'est le terme réel, je n'invente rien, c'est le Bunny Ranch dans le Nevada). On navigue ainsi entre Hawaï, San Francisco et Las Vegas afin de mieux se familiariser avec les coutumes locales, les tarifs, les théories et l'histoire éminemment subjective de la prostitution (au début, il s'agissait selon un intervenant d'exploiter le désir de l'homme blanc pour les femmes noires dont il ne pouvait plus disposer aussi aisément après l'abolition de l'esclavage).

Tout découle de ces témoignages bruts, et on peut savoir gré à Albert & Allen Hughes de les laisser s'exprimer aussi librement, sans filtre, et sans condamnation morale dans la façon dont l'ensemble est agencé et restitué. C'est au spectateur de se faire sa propre opinion et c'est très bien ainsi. Bien évidemment on reçoit toutes ces informations avec beaucoup de scepticisme, tant les proxénètes décrivent des relations idylliques avec les femmes qu'ils gèrent comme un troupeau pour la plupart. Des travailleuses qu'ils doivent surveiller pour s'assurer qu'elles font bien leur boulot, selon eux, ce qui dépeint une étonnante hiérarchie. Tous ou presque se voient davantage comme des business men qu'autre chose, c'est assez amusant de l'extérieur car on retrouve là l'attrait de l'argent facile et du clinquant classique. Le "pimping lifestyle" dans toute sa splendeur.

L'essentiel tourne autour des avantages du métier, de tout ce qu'ils ont pu se payer, en faisant très peu de cas de toutes celles et ceux pour qui ça s'est mal terminé (mort, prison, toxicomanie, etc.). Certains se sont reconvertis dans la chanson, afin de pouvoir conserver leur garde-robe en toute légalité (véridique), d'autres essaient d'établir des parallèles aussi fumeux que drôles ("Priests need nuns, doctors need nurses, so whores need pimps"). Passionnant dans les ambiguïtés qu'il dévoile avec un ton très neutre, en prise directe avec la réalité du pimp et ses méthodes de repérage des filles idéales (traduction : dont il saura exploiter la fragilité pour en faire ce qu'il veut), sur fond de figure vaguement paternelle. Avec en prime une collection d'anecdotes au moins aussi intéressantes, comme ce mac qui nous raconte la gorge serrée qu'une de ses "bitches" avait été victime du tueur en série du Zodiaque dans les années 1970. Un univers parallèle.

coiffeur.jpg, juil. 2021 white.jpg, juil. 2021 washington.jpg, juil. 2021