boss_nigger.jpg, avr. 2020
"You can tell my people that you just met two niggers who don't know how to sing or dance"

Boss Nigger est une série B bien grasse comme en regorge le cinéma des années 70, notamment dans la branche du western : on ne s'engage pas tout à fait de la même façon aux côtés des deux chasseurs de primes noirs interprétés par Fred Williamson et D'Urville Martin comme on le ferait avec John Wayne chez John Ford ni même avec Clint Eastwood chez Sergio Leone. On est en plein dans la période de blaxploitation, Melvin Van Peebles a sorti son Sweet Sweetback's Baadasssss Song il y a seulement quelques années, et c'est au tour de Fred "The Hammer" Williamson de jeter son (énième) pavé dans la marre à l'occasion de ce western qu'il produit, qu'il écrit, et dans lequel il interprète un cowboy badass.

L'affiche du film annonce la couleur d'emblée : "white man's town... black man's law!", et c'est très exactement le cœur de l'histoire puisque le protagoniste accompagné de son sidekick (Williamson et Martin forment un duo plutôt honnête et cohérent) investiront très tôt une petite ville de l'Ouest américain pour en devenir le shérif et l'adjoint, contre l'avis des habitants et du maire, majoritairement blancs. Avec cette petite musique funky digne de Shaft (Richard Roundtree aurait très bien pu apparaître ici) et son ton extrêmement décontracté, on comprend tout de suite où l'on met les pieds, et il serait à ce titre un peu hypocrite de reprocher à cette bisserie une série de prédispositions typique du genre. Boss Nigger recèle tout de même une certaine originalité, justement dans cette introduction de musique Funk dans le western mais aussi pour son impertinence revendiquée.

Dès le début, Boss Nigger et son acolyte Amos ne sont pas représentés comme des symboles de vertu : afin de s'assurer l'obéissance du maire, ils exploitent une information potentiellement scandaleuse le concernant — ses magouilles avec le grand méchant Jed ne sont pas connues des habitants. Et les deux larrons s'en donneront à cœur joie pour apprendre les bonnes manières à la population locale, que ce soit les formules de politesse ou les règles usuelles de bienséance : à chaque faux pas, passage par la case prison et amende requise pour en sortir. Si on ne répond pas "hello" à celui qui vous salue, hop, prison. Paradoxalement, si l'on entend le terme "nigger" une bonne centaine de fois dans le film, y compris dans la bouche du shérif, il s'ensuit de manière presque systématique une punition (racket, chantage, ou bastos dans le buffet).

Il y a de quoi être surpris de voir Jack Arnold à la réalisation, après L'Étrange Créature du lac noir, L’Homme qui rétrécit et autres Tarantula. C'est tout de même un film très peu aimable, certes sous couvert de mouvement des droits civiques contre la ségrégation raciale aux États-Unis, mais quand même très éloigné d'un film comme Django Unchained, au hasard. Ce n'est clairement pas un film à thèse sérieux, avec de nombreuses hésitations à la lisière de la comédie ou de l'érotique, toujours proche du cabotinage et des excès caractéristiques du genre. C'est d'ailleurs un joli palmarès de punchlines sur le thème de la blaxploitation, avec Boss Nigger qui embrasse une femme blanche avant de s'exclamer "that's just to satisfy your curiosity", qui termine le film sur "a black man's got enough problems without having a white woman follow him around", ou qui répond à un commentaire désobligeant de la sorte :

Miss Pruitt: I recall living in Boston and my family had black people working for us. You were good people. They used to sing and dance a lot. I used to love to watch them.
Boss Nigger: Thank you for the welcome, Mam. When you get back to Boston, you can tell my people that you just met two niggers who don't know how to sing or dance.
williamson.jpg, avr. 2020