Cet OFNI de 29 minutes qui se compose presque entièrement de photographies noir et blanc ou sépia, emprunte son étrange forme cinématographique à une visionneuse appelée « Pathéorama » (cf. le texte de Chris Marker : C'était un drôle d'objet ). L'histoire se déroule après la « troisième guerre mondiale » et la destruction nucléaire de toute la surface de la terre. Le héros est le cobaye de scientifiques qui cherchent à rétablir un corridor temporel afin de permettre aux hommes du futur de changer d'époque. Le héros est obsédé par une image d'enfance. Hanté par le visage d'une femme, et la scène de la mort d'un homme sur la jetée d'Orly, il semble rejouer une version désorganisée et méconnaissable de sa propre vie. Le montage génial de La Jetée allie le fond (voyages ou virtualités temporels, et non-fiabilité ou imprévisibilité de la mémoire) à la forme du film (l'ordonnance labyrinthique des souvenirs du héros à travers une succession de scènes fixes). Chris Marker nous entraîne, grâce à une organisation inhabituelle du scénario, vers une fin dans laquelle s'invite un sublime paradoxe temporel.
Mon second est un nanar de la plus belle eau, à l'esthétique outrageusement kitsch et au scénario ouvertement humoristique. Barbarella est un conte futuriste avec des personnages aux figures manichéennes. Les aventures ubuesques de Barbarella - une space-blond-girl interprétée par la très séduisante Jane Fonda - sont rythmées par ses apparitions héroïques et « érotiques ». Au fil de ses péripéties, Jane Fonda apparaît vêtue de tenues toujours plus saugrenues, et toujours plus légères à l'image de la séquence d'ouverture où elle exécute un strip-tease en apesanteur s'extirpant doucement de sa combinaison spatiale au rendu aluminium du plus bel effet. Ce classique semé d'accessoires bizarres, de détails co(s)miques pourraient toutefois faire sentir le poids de la fatigue sur vos paupières ou soutirer d'inévitables éclats de rire face aux situations tragi-comiques de Barbarella. A bon entendeur.
Qui mieux que son immense réalisateur, Bertrand Tavernier, pour pitcher le film : « Dans le futur tel que je l’imagine, les gens mourront de moins en moins, grâce aux progrès de la médecine. Les rares moribonds deviendront des bêtes curieuses qu’on montrera à la télévision. La mort en direct est l’histoire d’un homme chargé de suivre une femme atteinte d’une maladie mortelle. Cet enquêteur a pour mission de filmer les derniers moments de Romy Schneider, grâce aux caméras qu’on lui a greffées dans les yeux. »
La Mort en Direct est une œuvre d'anticipation sur le thème de la télé-réalité, on trouve sur ce sujet un autre long métrage - plus orienté film d'action - réalisé par le réalisateur français Yves Boisset intitulé Le Prix du Danger et adapté d'une nouvelle de Robert Sheckley (auteur connu pour ses "parodies" des histoires de l'âge d'or [1920-1950] de la science-fiction). La Mort en Direct est une œuvre lyrique déchirante, l'action se déroule dans la ville de Glasgow mettant en scène des monuments de la ville tels que la cathédrale, la nécropole, le City Chambers et l'Université de Glasgow. Ce paysage écossais futuriste et ses visions de destructions urbaines dépeignent une société condamnée à la pauvreté. Cette chasse voyeuriste construite sur le mensonge débouche sur un dénouement où poésie et tragédie s'allient à une émouvante réflexion sur l'acceptation de la mort. Romy Schneider y est superbe.
Mon quatrième est une histoire post-apocalyptique qui se déroule dans, et autour du château de Malevil, lieu où quelques cul-terreux survivront et tenteront de réorganiser une vie après l'explosion d'une (probable) bombe atomique. Cette adaptation du livre de Robert Merle aussi belle soit-elle ne peut pas se substituer à la lecture du roman. Quelques passages de ce dernier ont été supprimés afin de ne pas allonger la durée du film, et le regard minutieux de Robert Merle sur les comportements humains n'apparait pas toujours dans toute sa force. Pourtant, on ne boude pas le plaisir de voir rassembler dans ce paysage rural une belle ribambelle d'acteurs : Michel Serrault, Jacques Dutronc, Jean-Louis Trintignant, Jacques Villeret, Robert Dhéry, Emilie Lihou... Malevil est un très beau film, au charme suranné qui met en relief les effets de leadership, et d'interdépendance au sein d'un groupe dans un contexte de fin du monde.
Gandahar - René Laloux (1988)
d'après le roman Les Hommes-machines contre Gandahar de Jean-Pierre Andrevon

Il est probable que Miyazaki (Nausicaä, Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro...) verrait dans René Laloux une âme sœur qui partage plusieurs des mêmes convictions : l'importance de la nature, la coexistence avec nos frères humains (ou non-humains), et la valeur de la pensée libre. Gandahar est un conte futuriste et la bande annonce (accessible ici) me semble le meilleur moyen de vous plonger dans l'histoire et de vous rendre compte par vous même de son atmosphère si particulière.
2 réactions
1 De Renaud M. - 07/12/2012, 09:32
Merci Gilles pour ce billet made in France.
Bon on remarquera quand même qu'il y a pas mal de personnalités étrangères impliquées dans ces films, comme Jane Fonda dans Barbarella (dont j'ai adoré cette « esthétique kitsch », à défaut de m'être passionné pour le reste) et Harvey Keitel dans La Mort en Direct, ce dernier étant devenu pour moi une référence en matière d'anticipation des dérives de l'empire médiatico-télévisuel. Je le range aux côtés de Videodrome de Cronenberg (1983, soit 3 ans après le film de Tavernier) et de The Truman Show de Peter Weir (1998). Avec une nette préférence pour Videodrome tout de même...
2 De Gilles - 07/12/2012, 17:06
Sans parler des réalisateurs français comme François Truffaut qui réalise une adaptation du célèbre roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (mort cette année) en production britannique, ou encore comme Michel Gondry qui réalise le génial Eternal sunshine of the spotless mind en production américaine.
Pour continuer autour de ce sujet, côté bouquin cette fois-ci, on trouve l'excellent Jack Barron et l'éternité de Norman Spinrad (1969) réédité régulièrement :
Ma couverture préférée étant celle avec l'illustration de Tibor Csernus :