emily_the_criminal.jpg, janv. 2023
Engrenages

Je ne sais pas si on peut classer Emily the Criminal dans la série B, mais en tous cas le film correspond admirablement bien à ces œuvres détachées de toute ambition démesurée, traçant sa voie avec application, sans trop d'étincelles et sans trop d'embûches. La recette est souvent simple, mais son exécution relève d'un savoir-faire qui allie délicatesse et audace, pour un résultat agréable, fluide, sans anicroche majeure. On pourrait résumer cela à des auteurs qui ont choisi des acteurs et des actrices pas demeurés, qui ont travaillé avec des scénaristes ayant un minimum de respect pour les gens à qui ils proposent leur film, et qui mettent tout ça en forme de manière pas trop sale. Quand il y a en plus un bonus thématique (ici le contexte social dans lequel Emily galère), on est à deux doigts de la panacée. En me relisant, on dirait vraiment que j'en suis à me contenter de pas grand-chose, d'un alignement de petites planètes purement techniques... Mais au fond, tout cela a l'air bien simple.

Tout ça pour dire, une fois ces précautions prises, que la façon qu'à Emily de se retrouver engagée dans un réseau d'arnaque à la carte de crédit est très bien exécutée, c'est progressif, crédible, sans incohérence notable. J'ai en outre beaucoup apprécié la présence de Aubrey Plaza, elle incarne une femme dotée d'un sens de la débrouille assez singulier, pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, capable de détecter une situation minable assez tôt et de le faire savoir vertement. J'aime beaucoup ce portrait de femme, qui est capable de développer son propre modèle de force sans se calquer sur les modèles masculins classiques. À côté d'elle, Theo Rossi est également un très bon personnage secondaire, bien écrit, avec ses zones d'incertitudes qui le rendent très naturel et crédible, au creux d'une relation jamais trop lisible avec la protagoniste.

Cela étant, John Patton Ford verse un peu trop dans la surenchère contextuelle pour insister sur le fait qu'Emily se retrouve dans la merde car elle ne pouvait vraiment pas faire autrement — son employeur est un connard, les opportunités professionnelles sont minables, elle doit rembourser un prêt étudiant, elle a un casier judiciaire qui revient sans arrêt pointer le bout de son nez aux moments inopportuns, etc. On joue quelque peu à la limite de l'excès à ce niveau, sans jamais verser dans l'invraisemblable au demeurant. En revanche, tout le film est entièrement gouverné par un sens du suspense assez incroyable, on ne sait jamais dans quelle direction on va s'engager, participant ainsi à un climat de tension fort appréciable. Très agréable surprise en matière de petit film en dehors des sentiers battus.

img1.jpg, janv. 2023