La Route, par Cormac McCarthy

Peut être que dans la destruction du monde, il serait possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L’accablant contre-spectacle des choses entrain de cesser d’être.

Comme toutes les autres créations culturelles, la littérature invente du possible. En imaginant l’après fin du monde, Cormac McCarthy la rend familière, ouverte, représentable, pensable, en d’autres termes habitable. McCarthy tire des plans sur le chaos avec un style puissant et poétique, des dialogues minimalistes, une action ciselée, des descriptions dépouillées de tous éléments superflus. Les très courts paragraphes se succèdent, et aussi longtemps que les évènements demeurent voilés, notre imagination suscite toutes sortes de peurs.

L'année à peine écoulée c'étaient des feux sur les crêtes et des psalmodies de gens dérangés. Les hurlements des gens mis à mort. En plein jour les morts empalés sur des pics au bord de la route. Qu'avaient-ils fait ? L'idée lui vint qu'il se pourrait même dans l'histoire du monde qu'il y eût plus de châtiments que de crimes mais il n'en tirait guère de réconfort.

Cet homme et son enfant nous apprennent que la lutte contre le chaos va sans affinité avec l’ennemi. Marchant vers le sud, la peur et la faim au ventre, ils espèrent trouver une mer encore bleue, et un espoir de réchapper à la mort. La singularité du point de vue, le génie narratif, la bonté des deux personnages placent ce livre très haut dans mes coups de cœur.