Après la traversée de l'île de La Réunion et avant le Tour du Mont Blanc, on s'attaque à la traversée des Pyrénées, l'année suivante, durant l'été 2011. Un brin moins "fou" — en apparence seulement —, puisque cette fois-ci, la randonnée couvre seulement un quart de la chaîne montagneuse, d'où l'appellation « oriental ». Il s'agit tout de même d'une très grosse randonnée, avec 200 kilomètres de marche pour presque 10 000 mètres de dénivelé positif, en reliant Mérens-les-Vals (Ariège, près de Ax-les-Thermes) à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées Orientales). Le GR 10  se faufile au travers des villes de Pyrénées 2000, Font Romeu, Mont-Louis, Mantet, Py, Vernet-les-Bains, Arles-sur-Tech, Las Illas et pour finir Le Perthus.

9 ans plus tard, on partira dans l'autre direction pour la partie ariégeoise du GR 10 : lien vers le billet.

gr10_oriental_carte.jpg, juin 2020 4_reflets_rouges.jpg, sept. 2020

Le modus operandi reste inchangé en ce qui nous concerne, avec tente, duvets, vivres pour la quasi totalité du séjour, entre 2 et 5 litres d'eau quotidiens et, fatale conséquence, des sacs de l'ordre de 23 kilos. Un seul mot d'ordre : prendre le train Dimanche 7 Août à 6 heures du matin, à Toulouse et arriver avant Lundi 15 Août au soir. Le timing se révélera parfait. Ou presque...

Au programme de ces 9 jours intenses :

  • Des épreuves. Au moins un col à franchir par jour, ascensions et descentes vertigineuses avec une partie d'escalade pour accéder au pic du Canigou (2784 mètres d'altitude), et parfois des journées de plus de 10 heures de marche.
  • Une faune variée. Les classiques chevaux, vaches, moutons et autres ovidés, mais aussi des marmottes en guise de réveil assourdissant, un troupeau d'isards aussi agiles que gracieux, des renards qui font « gniark gniark », des vipères sur le qui-vive, des sangliers qui n'aiment pas être dérangés, et un ours pas super content d'être réveillé.
  • Des paysages imposants. La montagne par tous les temps, les vastes forêts rafraîchissantes, les fameux lacs pyrénéens, des éboulis menaçants, et des rivières qui filent à flanc de montagne, depuis leurs sources inaccessibles au commun des mortels.
  • Une certaine difficulté à renouer avec la civilisation. La pire séquence fut lors de notre arrivée au Perthus, zone commerciale d'exhibition par excellence, après avoir passé 8 jours dans la nature. J'ai vraiment eu l'impression d'être un étranger, voire dans la peau d'un lépreux l'espace d'une demi-heure, tellement les gens nous dévisageaient...
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Le départ s'est fait dans la brume, en passant par une source d'eau sulfureuse située juste au-dessus de Mérens-les-Vals. On rejoint assez rapidement le premier col, la Porteille des Bésines, après 1300 mètres de dénivelé. La rapidité avec laquelle le paysage se transforme est frappante : la brume est très volatile, et parcourt les différentes vallées avant de s'écraser contre les versants, comme le ferait une vague contre la côte, au ralenti.

1_sources_merens.jpg, sept. 2020
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Les lacs et autres étangs sont très répandus de ce côté-ci des Pyrénées, mais se raréfient à mesure qu'on se rapproche de la côte méditerranéenne (parmi les plus connus, on trouve l'étang de Lanous, les étangs de Camporells, le lac des Bouillouses et celui de Matemale). Quelles qu'elles soient, ces vastes étendues d'eau sont tout simplement apaisantes, c'est mécanique. Un régal au réveil.

4_lanoux.jpg 2_lac.jpg, sept. 2020

Le passage au-dessus de Pyrénées 2000 et à travers Bolquère n'est pas des plus passionnants, avec toujours le même chemin de terre bordé de pins qui défile sous nos pieds. Petite réjouissance que de découvrir le train jaune (aux couleurs catalanes) à la Cabanasse, alimenté par le barrage des Bouillouses.
La zone autour du col Mitja est assez particulière, avec sa bergerie à plus de 2000 mètres d'altitude, et surtout... ses sifflements de marmottes en guise de réveil strident ! Après avoir passé le refuge de la Carança, on atteint le col del Pal, première occasion de lorgner sur le Canigou, pour ensuite traverser de tout petits villages comme Mantet et Py. C'est aussi l'occasion d'apprécier la différence entre les quelques gîtes et refuges gardés parsemés ça et là, avec des endroits accueillants comme le refuge de Mariailles (glaces faites maison succulentes), et d'autres moins charmants, comme celui des Cortalets (3€ la barre de céréales).

5_chevaux.jpg, sept. 2020 3_marmotte.jpg, sept. 2020

On a fait la première entorse au GR 10 dans les environs, puisque nous voulions passer par le pic du Canigou, sommet de légendes. L'ascension se révélera difficile, avec un passage d'escalade, collé à la paroi pour chercher les meilleurs appuis.
Après un tel effort, on est assez déçu de voir tant de personnes au sommet en train de se faire tirer le portrait (on peut accéder au pic par un second chemin, moins périlleux), mais la vue qui nous est offerte constitue tout de même une jolie récompense.

5_arago.jpg 6_canigou.jpg, sept. 2020

Après être redescendu à Arles-sur-Tech (ancienne ville minière) en suivant d'énorme câbles qui permettaient le transport aérien du fer, on rejoint le col Cerda, avec une vue sympathique sur Céret. Il est assez étonnant de voir autant de yourtes et de maisons retapées sur ces pentes escarpées, où les gens semblent vivre en autarcie, en harmonie.

La fin de l'aventure fut moins extraordinaire, puisqu'à partir du Perthus, le mauvais temps s'en est mêlé — après 7 jours de beau temps. Et surtout, la fatigue s'accumule, les plans foireux à la Pierre Richard se multiplient (réveil d'un ours dans un coin reculé à la frontière espagnole, passage bloqué par un énorme sanglier à la tombée de la nuit, accueil musclé de deux molosses plutôt agressifs, et j'en passe).

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Clou du spectacle. Le dernier jour, dès la mi-journée, la côte est en vue. Banyuls-sur-Mer nous tend ses bras, avec ses coteaux, ses vignes, et surtout sa plage ! Vous n'imaginez pas à quel point on rêve de s'y baigner, après 9 jours passés dans la montagne... Rajoutez à cela un mauvais calcul qui nous amena à passer 3 heures sans une goutte d'eau en plein soleil, et vous pouvez enfin nous imaginer la bave aux lèvres à l'idée de se prélasser dans la Méditerranée.
On arrive à la gare de Banyuls à 17h41 précises pour acheter nos billets de trains et ainsi profiter au maximum de la plage. Mais là, surprise : le dernier train pour Toulouse part à 17h45... Le choc cataplectique. Les images de la randonnée défilent devant mes yeux à une vitesse folle ; l'idée d'enlever ces instruments de torture que sont mes chaussures et de me relaxer dans une eau à 25° s'évanouit brutalement. Le train arrive, sonnant prématurément le glas de cette randonnée.

Mais quelle randonnée !

La suite, quelques années plus tard : le GR 10 Ariégeois, de Mérens-les-Vals à Bagnères-de-Luchon (ou presque).

D'autres périples : Le Tour du Mont Blanc en 7 jours, la Diagonales des Fous à La Réunion.