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A History of tolerance

La naïveté touchante du discours sur les métis indiens (et par extension, sur les Indiens — ou presque) sauve quelque peu le film de la platitude de ses enjeux et de son absence de souffle. Pour garder un point de repère, Griffith réalisait la même année l’imposant Intolérance… Un élément de comparaison qui appelle à la mesure dans l’appréciation de The Half-Breed, fable gentillette sur un l’avenir d’un enfant dont la mère indienne s'est suicidée après que son père blanc l'a abandonnée. Remis dans le contexte d'il y a plus d'un siècle, la dimension progressiste et humaniste de cette histoire ne fait aucun doute et donne aussi de manière indirecte une idée de la discrimination raciale qui régnait dans l'Ouest américain. On notera que les Indiens pur jus ne sont caractérisés que comme des alcooliques prompts à danser (même s'ils sont réduits à l'état de semi-esclaves par un commerçant blanc) et que la mère indienne peu courageuse et peu responsable laisse la charge du nourrisson et de l'éducation à suivre à un vieil ermite blanc, mais ces considérations souffrent sans aucun doute d'un anachronisme un peu trop obtus.

Le plus important, le centre de la dramaturgie, c'est donc ce métis incarné par Douglas Fairbanks : mais assez étonnamment, dépourvu de moustache et d'enthousiasme frondeur ou rieur, il se révèle assez pâlichon dans son rôle de benêt plutôt ingrat — et courageux, aussi, pour l'époque, dans cette prise de position. Le film d'Allan Dwan reste étonnant car il présente la ville comme le théâtre du vice et de la cupidité, avec en son centre le saloon vu comme le lieu des pires avilissements (alcool, jeu, filles de joie), par opposition à la vie saine et apaisée du demi-Indien dans la forêt de séquoias, présentée comme moralement supérieure. Deux personnages féminins achèvent ce portrait dual, avec d'un côté une très belle femme qui pense avant tout par son apparence (l’introduction de son personnage est à ce titre parfaitement réussie : en descendant un escalier, on voit ses chaussures, sa robe, son chapeau, et seulement ensuite son regard), et une autre qui comprend beaucoup mieux le statut de Fairbanks et qui sera la seule à aller vers lui pour le comprendre plus intimement, au-delà des apparences. Mais encore une fois, Fairbanks dans un rôle dramatique censé être profond, on a un peu de mal à le concevoir et l'accepter...

Le Métis conserve en outre une part de violence assez forte vu d'aujourd'hui, dans le refus constant opposé au protagoniste lorsqu'il entreprend ses virées dans la ville d'Excelsior. On lui fait bien comprendre que sa place n'est pas ici, avec beaucoup de dédain et de vanité, et que ses batifolages (pourtant très chastes et sincères) avec des femmes blanches sont intolérables. Le film insiste beaucoup sur l'hypocrisie de la société américaine, divisée derrière une apparente unité, puisqu'on tente d'un côté d'établir des règles de bonne conduite et de l'autre de pratiquer un ostracisme qui ne dit pas son nom. Les personnages du policier et du révérend sont à ce titre caractéristiques de cette intolérance non-assumée.

fairbanks.jpg, juin 2020