« Le bien dont on n'use pas est enclin à se transformer en mal. »

Le démon, de Ken Bruen (2012)

Ce roman noir chouravé dans la hotte de Noël de mon fréro s'inscrit dans la lignée de Angel Heart de William Hjortsberg (fraîchement chroniqué ici) avec lequel on peut tirer plusieurs parallèles, à commencer par l'antihéros de l'histoire :

Jack Taylor,

Profession : détective privé, ex-flic mis à l'amende.
Genre : lettré, paumé, arrogant, cynique, alcoolique, et drogué.
Point particulier : on devine parfois chez lui une sensibilité à fleur de peau derrière un tempérament de tête brûlée.
Pedigree :
  • Delirium Tremens, Une enquête de Jack Taylor (2001)
  • Toxic Blues, Une enquête de Jack Taylor (2005)
  • Le martyre des Magdalènes, Une enquête de Jack Taylor (2006)
  • Le dramaturge, Une enquête de Jack Taylor (2007)
  • La main droite du diable, Une enquête de Jack Taylor (2008)
  • Chemins de croix, Une enquête de Jack Taylor (2009)
  • En ce sanctuaire, Une enquête de Jack Taylor (2010)

Ken Bruen fait partie de ces incontournables auteurs contemporains de romans noirs au côté de James Ellroy, Joe R. Lansdale, Cormac McCarthy - et bien d'autres - ou encore Fred Vargas, DOA, Serge Quadruppani pour ne citer que trois de nos plumes françaises. Bien que ce soit mon premier Bruen, je ne me suis pas senti en marge de l'histoire du fait de ne pas avoir lu les précédentes enquêtes de Jack Taylor. En prenant le train en marche, on s'expose bien sûr aux allusions à ses vieilles rencontres, à ses enquêtes révolues et à ses affres de passé d'ex-flic et de détective privé, mais rien qui pénalise ou gène dans le plaisir sardonique d'écouter le récit des déboires de Jack par Jack à la répartie savoureuse.

En essayant de fuir ses vieux démons, Jack Taylor se retrouve flanqué d'un Malin aux basques. Le récit entre-ouvre la porte du fantastique entretenant ce suspens qu'à tout moment les personnages pourraient en franchir le seuil. A l'instar de Angel Heart, le livre est épris du même souci de réalisme d'une époque, cette fois-ci la nôtre (crise financière, toussa toussa), et d'un pays, cette fois-ci feu sur l'Irlande : sa Guinness, son whisky, son patois, ses us, son catholicisme, ses petits gens, son chômage, sa précarité. Autre particularité, notre antihéros lettré, flânant de pubs en pubs pour se requinquer, balise son récit de nombreuses références littéraires, musicales, et cinématographiques jetées pêle-mêle aux lecteurs curieux. Son chemin jalonné de frasques cinglantes et de cadavres troublants se clôt - non pas en twist final façon Angel Heart - mais par un non moins démoniaque cliffhanger. Lisez le..! C'est exquis..!