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Du dilemme moral au XXIème siècle chez Richard Berry

Dans le registre "comédie française avec sa bande de potes, à l'heure du bilan et des règlements de comptes", je demande non pas le pitoyable Barbecue d'Éric Lavaine (lire le billet) mais le pitoyable et scandaleux Nos femmes de Richard Berry.

Pour faire simple, Nos femmes, c'est l'histoire d'un cinquantenaire/soixantenaire friqué et coiffeur (Thierry Lhermite) qui dit avoir tué sa femme et se rend chez son ami cinquantenaire/soixantenaire friqué et radiologue (Richard Berry) pour que lui et son ami cinquantenaire/soixantenaire friqué et médecin (Christian Clavier euh... non, Daniel Auteuil) créent un alibi de toute pièce afin de l'innocenter.

Mettons de côté :

  • la mise en scène putassière mettant en valeur toujours les mêmes appartements bourgeois correspondant toujours aux mêmes idées aseptisées du confort (les belles étagères avec de belles lumières, la belle cuisine avec la belle cafetière, le beau salon avec les beaux fauteuils, la belle porte vitrée avec ses beaux rideaux flottants, le beau balcon avec la belle vue sur la tour Eiffel) ;
  • l'utilisation ridicule de la musique qui nous assène son concerto pour piano de Mozart, Dave Brubeck et NTM (tous excellents au demeurant) dans un étalage de clichés d'une remarquable constance ;
  • l'amplitude strictement croissante et insupportable des gestes et des cris des trois énergumènes au cours du film ;
  • la représentation salement misogyne de la femme (au choix, une pétasse qui ne cherche qu'à montrer ses nibards, une larve qui ne fait que dormir, ou bien une sorte de tyran qui ne tient pas en place et qui a l'outrecuidance d'exiger une relation claire) uniquement vue comme une source de contraintes ;
  • le désormais traditionnel règlement de comptes entre amis, fruit de nombreuses années de non-dits et d'apparences, avec (par exemple) le personnage qui pète les plombs en éructant ses quatre vérités et celui qui déverse sa bile en gardant son sang froid ;
  • et la fin de ce calvaire d'une heure et demie qui nous balance sa morale dégoulinante sans crier gare (parle à ta fille, parle à ta femme, prends tes responsabilités, le bonheur ne se trouve pas uniquement dans les études, ton beau-fils peut être quelqu'un de bien même s'il n'est pas médecin, sois adulte et fonde un foyer pour profiter de la joie d'être parent, et gnagnagna).

Que reste-t-il ? Un thème éminemment comique, le meurtre d'une femme par son mari (haha non, le con, il ne l'a pas tuée en fait, juste étranglée jusqu'à l'évanouissement, tout peut donc rentrer dans l'ordre). Nos femmes se fixe alors pour objectif la thématique du dilemme hautement moral, à savoir appeler le samu et les flics comme le ferait toute personne normalement constituée, ou bien camoufler le meurtre parce que bon, après tout, c'est un ami, et que dans le fond, il n'est pas si mauvais, il a ses défauts mais il a aussi des qualités, et puis il nous a prêté de l'argent par le passé donc on lui doit bien ça quand même. J'ai eu du mal à le croire, mais le cœur du film tourne autour de cela : la décision au sujet d'une éventuelle dénonciation ne tourne pas autour de sa culpabilité mais autour de sa personnalité : si c'est un bon pote et qu'on lui est redevable, on est prêt à fermer les yeux, mais si c'est un salaud de pervers qui se tape ma fille, alors là oui, il faut qu'il aille en prison. C'est à peu de chose près ma définition du film pitoyable et scandaleux.