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What do we do now?

Votez McKay n'est pas un film exceptionnel en termes cinématographiques, mais il vaut pourtant le détour en proposant une vision intéressante de la chose politique aux États-Unis, entre calculs tactiques et show télévisé. Un regard qui a le mérite d'être clair et perspicace, à défaut d'être transcendant. En 1972, on s'intéressait déjà au parcours d'un jeune homme politique vaguement idéaliste, par opposition à son rival carriériste, et à l'incidence d'une campagne électorale sur toute forme de sens et d'intégrité.

Le film prend pour cadre les élections sénatoriales en Californie, et montre l'entrée dans l'arène politique de Bill McKay, un jeune avocat au charisme non-négligeable (Robert Redford lui prête ses traits). Il est recruté par un spécialiste pour faire face au très populaire candidat républicain annoncé largement gagnant. Même s'il refuse dans un premier temps, ne voyant dans cette chose qu'une mascarade politicienne, il finit par accepter quand on lui annonce qu'il n'aura aucune contrainte en matière d'expression, sous prétexte que la partie adverse sera quoi qu'il en soit victorieuse. Le voilà pris au jeu et pris au piège dans le même mouvement. Votez McKay s'efforce alors de montrer comment toutes les revendications sociales du candidat démocrate (emploi, aides sociales, racisme, droit à l'avortement, etc.) vont se dissoudre peu à peu dans le bain électoral, en dépit de la très grande bonne volonté de McKay. Son intégrité et son intransigeance s'amenuisent peu à peu, ses paroles se font de moins en moins précises : lui qui défendait ardemment moult combats, le voilà qui se retrouve à utiliser tout le jargon politique traditionnel et toutes les approximations langagières qui y ont trait. Son intégrité se retrouve tout entière engloutie par la machine du parti.

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Il y a un passage-clé sur le thème des paroles qui se vident de leur sens, lorsque McKay doit enregistrer une intervention pour la télévision. Il avait déjà constaté à quel point cet objet altérait la réalité, comment l'image phagocytait le sens pour ses propres spots de campagne. Mais à devoir répéter des discours creux et formatés devant une caméra, en maniant à son tour la plus pure langue de bois, la bêtise de la chose le saisit violemment et l'emprisonne dans une crise de nerf. Il prend conscience de sa condition de politicien enfermé dans son monde et de la fin de son innocence politique, du temps où il se tenait loin des caméras. Derrière les rires se cachent une immense désillusion.

On est au final assez loin du cynisme comique d'un film comme Des hommes d'influence (qui sortira 25 ans plus tard), mais la teneur prophétique n'en est au final pas tant éloignée, dans un registre différent, plus documentaire, focalisé sur la perte progressive de sens. De par les thématiques faussement revendiquées dans les différents camps à des fins politiques, de par les magouilles électorales mises en lumière lors de la capture d'images avec des malades ou des clochards, de par la manipulation et l'exploitation des faits divers, le film reste d'une brûlante actualité. Au final, peu importe ce que l'on dit, l'important est de le dire en donnant l'impression d'y croire. Et une fois la victoire acquise, une question reste en suspens, l'air penaud : "What do we do now?"

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