Je m'attarde - Mot-clé - Aventures le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearAventures fantastiques, de Karel Zeman (1958)urn:md5:b8b63a51f90a5a96449230272816ad652023-10-03T17:07:00+02:002023-10-03T17:07:00+02:00RenaudCinémaAnimationAventuresEnlèvementGeorges MélièsJules VernePrisonnierRépublique tchèqueScience-fiction <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/aventures_fantastiques/.aventures_fantastiques_m.jpg" alt="aventures_fantastiques.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Voyages et textures en papier</strong></ins></span>
</div>
<p>Le travail de <strong>Karel Zeman </strong>est assez impressionnant dans sa construction d'un univers d'aventures et de science-fiction exploratoire à la <strong>Jules Verne</strong>, basée sur un mélange de prises de vues réelles et un boulot colossal d'animation de figures de papier dessinées au crayon et découpées soigneusement. C'est assez net, je n'ai jamais vu un tel rendu, et finalement je trouve que cette ambiance, ce thème, et cette histoire forment un tout extrêmement plus cohérent et mature que <ins>Jeannot et Mariette</ins> du même réalisateur — même si ce dernier avait eu pour lui le bonus de la surprise et de la découverte, quoique sorti plus de 20 ans plus tard.</p>
<p>Sans trop d'originalité de ce côté-là, ce n'est pas l'histoire en elle-même qui revêt l'intérêt premier de ces <ins>Aventures fantastiques</ins> : un professeur met au point un explosif atomique dangereux, il se fait enlever avec son assistant par un inquiétant comte d'Artiga qui le contraint à travailler à son compte, et il ne se rend pas vraiment compte de la finalité des travaux qu'il poursuit à partir de là. Un peu bébête donc.</p>
<p>Mais cette histoire n'est qu'une petite partie du film qui regorge de trouvailles visuelles, avec des personnages déambulant au milieu de décors travaillés avec un soin incroyable, avec un accord entre les traits de crayon des éléments de décors rajoutés en surimpression (ou autres techniques) et les rayures des vêtements, des murs, et tous les éléments dans le champ des acteurs. Derrière cette confection des plans très artisanale on reconnaît une filiation avec les effets spéciaux de <strong>Georges Méliès </strong>et les débuts du cinéma, de la science-fiction imprégnée de <strong>Jules Verne </strong>qui fourmille de trucage sans que cela ne soit jamais écœurant. La technique d'animation en elle-même est passionnante, avec beaucoup d'humour et de poésie. On nage dans un univers de gravures anciennes, de machines dessinées et fumantes, avec une certaine naïveté dans les traits qui rendent l'atmosphère particulièrement charmante, à la différence d'autres essais dans ce registre comme <ins>Le Baron de Crac</ins>, particulièrement indigeste.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/aventures_fantastiques/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/aventures_fantastiques/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/aventures_fantastiques/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, sept. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/aventures_fantastiques/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, sept. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Aventures-fantastiques-de-Karel-Zeman-1958#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1244L'Odyssée de l'Endurance, de Ernest Shackleton (1919)urn:md5:846c3e15ee9da6d10f0608a1979a7adf2023-03-29T21:28:00+02:002023-03-29T21:28:00+02:00RenaudLectureAccidentAntartiqueAventuresExplorationGlacierNeigePremière Guerre mondialePôle SudSauvetage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/odyssee_de_l-endurance/.odyssee_de_l-endurance_m.jpg" alt="odyssee_de_l-endurance.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"We failed to reach the South Pole. I turned back. I chose life over death for myself and for my friends, which is why I am here to tell you about it tonight."</strong></ins></span>
</div>
<p>Les deux grandes aventures exploratoires britanniques au pôle Sud qui ont marqué le début du XXe siècle ont été racontées dans deux documentaires muets, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924">L'Éternel Silence</a></ins> (1924, sur l'expédition Terra Nova menée par le capitaine <strong>Robert Falcon Scott </strong>de 1910 à 1912 pour atteindre le pôle et devancée par celle de l'équipe norvégienne de <strong>Roald Amundsen</strong>) et <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">South</a></ins> (1919). Dans le prolongement de ce dernier, <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> est le récit autobiographique de l'explorateur <strong>Ernest Shackleton </strong>au sujet d'une autre mission magnifiquement et doublement ratée, de 1914 à 1917 : elle était composée de deux bateaux, l'Endurance (en partance des îles de Géorgie du Sud) censé déposer une équipée sur la côte nord du continent Antarctique pour une traversée en traîneau de mer à mer, et l'Aurora (en partance de la Nouvelle-Zélande) censé déposer des vivres sur le trajet de l'autre mission en partant du sud.</p>
<p>Et ce fut un véritable fiasco, autant l'Endurance que l'Aurora subirent les pires intempéries imaginables sous ces latitudes. Jamais l'Endurance n'accéda ne serait-ce qu'au point de départ de l'expédition sur la neige ferme, le bateau s'étant retrouvé prisonnier des glaces de mer (les fameux "packs" qui peuvent immobiliser un navire en une nuit et le broyer à petit feu) dans des conditions extrêmes (on parle de températures inférieures à -45°, des vents violents à plus de 200 km/h en rafales, des blizzards vecteurs d'engelures profondes et de gangrène, avec tous les risques sanitaires comme le scorbut). Jamais les dépôts de vivres et de matériel de l'Aurora ne servirent à quiconque, en conséquence, et à la différence de l'équipage de <strong>Shackleton</strong>, plusieurs personnes périrent sur la banquise dans des conditions assez dramatiques.</p>
<p>Mais <ins>L'Odyssée de l'Endurance</ins> parvient tout de même à trouver les ressources pour raconter, dans la douleur, l'histoire d'une exploration ratée transformée en une mission de sauvetage réussie, et ce d'autant plus que l'épopée a atteint des sommets de rocambolesque qui n'ont rien à envier à la fiction.</p>
<p>Il faut quand même relever un obstacle majeur à l'immersion dans le récit de <strong>Shackleton </strong>: la profusion de détails techniques sur la météo, sur l'état de la mer, sur l'orientation des différentes embarcations, sur l'horaire et les durées d'une multitude d'événements, et tout un tas d'éléments particulièrement accessoires qui rendent souvent pénible la lecture, à l'instar des cinquante premières pages essentiellement constituées d'observations sur la navigation entre la Géorgie du Sud et la banquise du pôle Sud. <strong>Shackleton </strong>ne brille pas par sa plume dans ces moments-là malheureusement assez nombreux.</p>
<p>Cela n'enlève en rien au grandiose de l'expédition et au caractère littéralement héroïque des 28 naufragés qui ont survécu pendant près de deux ans isolés sur un bout de glace, avec un stock de nourriture et de combustible extrêmement limité, vêtus d'une unique tenue et pourvus d'un unique sac de couchage. Inutile de préciser que le gore-tex n'existait pas à l'époque... Le sauvetage se déroula en plusieurs temps : d'abord, la dérive vers l'île de l'Éléphant pour établir un camp de fortune, puis un voyage en canot en équipe réduite de plus d'un millier de kilomètres (avec de grosses frayeurs : "<em>À minuit, j'étais au gouvernail. Soudain, vers le sud, m'apparut une ligne claire dans le ciel. J'en prévins les autres ; puis, après un instant, je compris que la clarté en question n'était pas un reflet dans les nuages, mais la crête blanche d'une énorme vague ! Après vingt-six ans de navigation, je connaissais l'océan dans toutes ses humeurs, mais jamais je n'avais rencontré sur ma route une vague aussi gigantesque. C'était un puissant soulèvement qui n'avait rien de commun avec les hautes lames coiffées de blanc, nos ennemies inlassables</em>") pour atteindre le sud de la Géorgie du Sud, la traversée de cette île à travers les glaciers et les crevasses digne d'une expédition d'alpinisme pour accéder au nord et surtout au point de rassemblement des baleiniers, pour finalement tenter de nombreuses missions de sauvetage (beaucoup de bateaux furent mobilisés sans succès) et récupérer le groupe resté coincé depuis 22 mois. Fatalement, au moment des retrouvailles, il y eut quelques difficultés à reconnaître un compagnon débarrassé de ses longs cheveux, de sa barbe, de sa crasse et de ses vêtements de gueux : "<em>Chose curieuse, ils ne reconnurent pas Worsley ; le bandit sale et chevelu qu'ils avaient quitté revenait pimpant et rasé. Ils le prenaient pour un des baleiniers. Soudain ils comprirent qu'ils parlaient à celui qui, pendant un an et demi, avait été leur plus proche compagnon</em>". Une part importante du plaisir tient en outre à la description des conditions de survie des différents groupes, il est passionnant d'apprendre comment ces hommes ont su gérer les stocks, réduire les rations, et rationaliser l'accès aux ressources. Vraiment incroyable comment des léopards de mer, des manchots, et mêmes parfois des oiseaux comme les albatros constituaient une source de provisions (viande pour l'alimentation et graisse pour l'entretien du feu) indispensable.</p>
<p>Ironie de l'histoire jusqu'au bout, l'équipage découvrit en renouant avec l'humanité en 1917 que la Première Guerre mondiale n'était pas terminée (une des raisons qui complexifia la mission de sauvetage) : tous furent impliqués d'une certaine manière et certains y moururent. <strong>Shackleton</strong>, c'est une part du mythe non-vérifiée, aurait recruté l'essentiel de l'équipage en ayant rédigé l'annonce suivante : "<em>Men Wanted for hazardous journey. Small wages, bitter cold, long months of complete darkness, constant danger, safe return doubtful. Honour and recognition in case of success</em>". Il n'y avait résolument pas tromperie sur la marchandise.</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/trajet.png" title="trajet.png, août 2017"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/south/.trajet_m.png" alt="trajet.png, août 2017" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a>
<div id="centrage"> <em>Clic clic clic pour agrandir !</em>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Odyssee-de-l-Endurance-de-Ernest-Shackleton-1919#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1151L'Éternel Silence, de Herbert Ponting (1924)urn:md5:5d695269cd3c90a85312574fea042dca2021-06-26T19:09:00+02:002021-06-28T11:53:22+02:00RenaudCinémaAntartiqueAventuresCinéma muetDocumentaireExplorationNeigePôle SudRevisionnage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.eternel_silence_m.jpg" alt="eternel_silence.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="eternel_silence.jpg, oct. 2017" />
<div id="centrage">
<p><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"It is a terrible disappointment and I am very sorry for my loyal companions. Great God! This is an awful place."<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><em>Première publication le 11-10-2017.</em></p>
<p><ins>L'Éternel Silence</ins> est un autre récit de voyage au Pôle Sud, une autre échappée documentaire vielle de cent ans, une autre expédition britannique magnifiquement ratée, racontée depuis l'intérieur de l'aventure à l'aide des différents appareils du photographe <strong>Herbert Ponting </strong>tout comme <strong>Frank Hurley</strong>, un autre photographe anglais, l'avait fait dans <ins>South</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919">lire le billet</a>) quelques années auparavant. Si ce dernier film sortit en 1919, il contait les exploits nuancés de la troupe réunie autour de <strong>Ernest Shackleton</strong> pour une mission en Antarctique baptisée "Endurance" qui dura de 1914 à 1917. Le présent documentaire, bien que sorti 5 ans plus tard en 1924, s'attachait à décrire une autre expédition, "Terra Nova", menée par le Capitaine <strong>Robert Falcon Scott </strong>de 1910 à 1912 et donc antérieure dans les faits à celle précédemment évoquée. Cette mission constituait les premiers pas britanniques au véritable Pôle Sud, en janvier 1912... tandis que le noyau dur de l'expédition découvrait avec stupeur, sur place, que l'équipe norvégienne de <strong>Roald Amundsen </strong>les avait devancés de près d'un mois. "<em>It is a terrible disappointment and I am very sorry for my loyal companions... Great God! this is an awful place.</em>" peut-on lire dans ses carnets à ce sujet. Un coup du sort dont ils ne se remettront pas, les 5 membres de cette équipe réduite n'ayant jamais réussi à retrouver le camp de base, prisonniers des tempêtes exceptionnelles cet hiver-là, morts de faim et de froid à seulement quelques kilomètres d'un point de ravitaillement qu'ils n'auront jamais réussi à localiser. Le final puissamment tragique de <ins>L'Éternel Silence</ins>, en ce sens, est beaucoup plus proche d'un autre récit d'aventures sorti la même année : <ins>L'Epopée de l'Everest</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924">lire le billet</a>), de <strong>J.B.L. Noel</strong>, qui racontait la fin non moins tragique des deux alpinistes britanniques <strong>George Mallory </strong>et <strong>Andrew Irvine </strong>en haut de l'Himalaya.</p>
<p>Le schéma suivant, comportant les données cartographiques actuelles dont ne bénéficiait évidemment pas l'expédition à l'époque, résume la dernière partie de leur périple (<em>cliquer sur l'image pour l'agrandir</em>).</p>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/map.png" title="map.png"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.map_m.png" alt="map.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="map.png, oct. 2017" /></a>
<p>Les images de <strong>Herbert Ponting </strong>constituent un document précieux du début du XXe siècle et permettent, à travers le faisceau de tous les autres documentaires cités précédemment, de donner une idée plurielle de la course à l'exploration qui motivait l'époque et des risques notables qu'ont pu prendre les citoyens de l'Empire britannique pour tenter d'en asseoir la suprématie. De nombreux extraits du journal de bord de <strong>Scott </strong>abondent dans ce sens, en soulignant la recherche de la gloire et des honneurs à mettre au compte de la couronne. Ses toutes dernières notes, datées du 29 mars 1912, sont par ailleurs poignantes :
</p>
<blockquote><p>"Had we lived, I should have had a tale to tell of the hardihood, endurance and courage of my companions. These rough notes and our dead bodies must tell the tale."</p>
</blockquote>
<blockquote><p>"Every day we have been ready to start for our depot 11 miles away, but outside the door of the tent it remains a scene of whirling drift. I do not think we can hope for any better things now. We shall stick it out to the end, but we are getting weaker, of course, and the end cannot be far. It seems a pity but I do not think I can write more.<br /><br />R. Scott.<br /><br />For God's sake look after our people."</p>
</blockquote>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.pole_sud_m.jpg" alt="pole_sud.JPG" style="margin: 0 auto; display: block;" title="pole_sud.JPG, oct. 2017" />Exactement comme son compatriote <strong>Hurley</strong>, <strong>Ponting </strong>insiste sur la nature scientifique de la mission à un moment donné du documentaire, alors que l'expédition atteignait le rivage de la l'Île de Ross. Une longue séquence (plus longue que celle de <ins>South</ins>, et non dénuée d'un certain anthropomorphisme presque touchant) est ainsi consacrée à des observations d'ordre géologique et zoologique, décrivant les modes de vie d'animaux tels que des orques, des manchots Adélie (avec ici aussi, étonnamment, une référence à <strong>Chaplin</strong>), des Skua antarctiques, des phoques de Weddell. C'était la première fois qu'une caméra atteignait le continent antarctique et ces images revêtaient sans aucun doute un intérêt capital.</p>
<p><strong>Ponting </strong>accompagna <strong>Scott </strong>depuis la Nouvelle-Zélande jusqu'en Antarctique mais pas dans la dernière partie (fatale) de l'expédition jusqu'au Pôle Sud à proprement parler : il se contente ici de raconter l'épopée des cinq aventuriers malchanceux à l'aide de quelques schémas et du journal retrouvé bien plus tard. Exactement comme dans <ins>L'Épopée de l'Everest</ins>, il capte dans un élan mélancolique évident les derniers instants filmés des explorateurs en vie, en direction de leur but, saluant la caméra, tout sourire, avant de s'enfoncer dans le brouillard polaire.</p>
<p>Le reste du documentaire présente les aspects "classiques" et non moins intéressants de l'expédition, de sa préparation (avec notamment un bestiaire composé de chiens et de... poneys sibériens) à la découverte des premiers icebergs. Les images de la coque du navire déchirant la banquise sont saisissantes, et leur obtention (à l'aide d'une plateforme accrochée sur le côté, à l'avant du bateau) a elle aussi été mise en scène pour montrer l'investissement acharné de <strong>Ponting </strong>dans sa tâche. En outre, un peu comme <strong>Robert Flaherty</strong> avec un igloo dans <ins>Nanouk l'esquimau</ins> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922">lire le billet</a>), <strong>Ponting </strong>a glissé sa caméra à l'intérieur d'une tente pour observer les conditions de vie spartiates de l'expédition finale : comment s'habiller, se déshabiller, cuisiner, et dormir dans un espace réduit et par des températures glaciales inimaginables.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.diner_m.jpg" alt="diner.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="diner.jpg, oct. 2017" /></p>
<p>En quittant la Nouvelle-Zélande au tout début de la mission, le capitaine <strong>Scott </strong>était conscient qu'une autre expédition concurrente, norvégienne, avait pour objectif identique la conquête du Pôle Sud : l'amertume qui se dégage de ses écrits, alors qu'il découvre la tente d'<strong>Amundsen </strong>à l'emplacement exact qui était censé marquer la victoire du courage et de la supériorité britannique, est immense. Elle nous parvient intacte, semble-t-il, cent ans plus tard.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.ponting_m.jpg" alt="ponting.jpg" title="ponting.jpg, oct. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.scott_m.jpg" alt="scott.jpg" title="scott.jpg, oct. 2017" />
<br />
<em>Le photographe <strong>Herbert Ponting</strong> et l'officier de la Royal Navy <strong>Robert Falcon Scott</strong>.</em>
</div>
<hr />
<p><em>Seconde publication le 26-06-2021.</em></p>
<p>Le cadre : l'âge héroïque de l'exploration en Antarctique (situé entre 1895 et 1922), que l'on compara à la course à l'espace dans les années 1960 qui se termina par l'alunissage le lundi 21 juillet 1969 au cours de la mission Apollo 11. On rejoint <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Rencontres-au-bout-du-monde-de-Werner-Herzog-2007"><ins>Rencontres au bout du monde</ins></a> de <strong>Werner Herzog</strong> (2007), en visite chez les pensionnaires de la base américaine McMurdo, en Antarctique.</p>
<p><strong>Robert Falcon Scott</strong>, un officier de la Royal Navy, est le leader de l'expédition Terra Nova menée entre 1910 et 1913 qui devait atteindre le pôle Sud. <strong>Scott </strong>a mené auparavant l'expédition Discovery en Antarctique de 1901 à 1904, pour explorer le littoral antarctique. Lorsqu'il quitte les côtes néozélandaises en 1910, il sait qu'une expédition norvégienne concurrente est également en lice, menée par l'explorateur <strong>Roald Amundsen </strong>— qui lui aussi disparaîtra (mais beaucoup plus tard, en juin 1928) en participant à une mission de recherche et sauvetage en bordure de la mer de Norvège.</p>
<p>Beaucoup d'expéditions et de films qui explorent les limites du monde tel qu'on le connaissait à un moment donné :<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/South-de-Frank-Hurley-1919"><ins>South</ins></a> (1919, <strong>Frank Hurley</strong>) : l'échec (sans aucun mort au demeurant) de l'expédition britannique Endurance, emmenée par <strong>Ernest Shackleton</strong>, au départ des Îles Sandwich du Sud et en direction du pôle Sud, de 1914 à 1917. <br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922"><ins>Nanouk l'Esquimau</ins></a> (1922, <strong>Robert Flaherty</strong>) : le mode de vie d'une famille Inuit de la région de Port Harrison sur la côte Est de la baie d'Hudson au Canada, d'après le récit de <strong>Flaherty </strong>qui commença son expédition en 1914 et ce pour plusieurs années.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924"><ins>L'Epopée de l'Everest</ins></a> (1924, <strong>J.B.L. Noel</strong>) : l'ascension de l'Everest par deux alpinistes britanniques, <strong>George Mallory </strong>et <strong>Andrew Irvine</strong>, en 1924, qui périrent dans les hauteurs enneigées.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Moana-de-Robert-J-Flaherty-1926"><ins> Moana</ins></a> (1926, <strong>Robert Flaherty</strong>) : <strong>Robert Flaherty </strong>et sa femme à la rencontre d'une tribu polynésienne, pendant deux ans sur une île de l'archipel des Samoa, au milieu des années 1920.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1950"><ins>L'Expédition du Kon-Tiki</ins></a> (1950, <strong>Thor Heyerdahl </strong>) : l'expédition du Kon-Tiki, vers l'archipel polynésien depuis le continent sud-américain en 1947, au cours de laquelle le biologiste <strong>Thor Heyerdahl </strong>souhaitait démontrer une théorie d'ordre anthropologique.<br />
- <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Moonwalk-One-de-Theo-Kamecke-1972"><ins> Moonwalk One</ins></a> (2014, <strong>Theo Kamecke</strong>) : l'histoire du vol d'Apollo 11, avec Armstrong, Collins et Aldrin, entre liturgie mystico-philosophique absconse sur le thème de l'exploration spatiale et description matérialiste de plusieurs aspects de la mission.</p>
<p>Les défauts : les séquences animalières, sans doute plus étonnantes à l'époque, sont beaucoup trop longues et constituent le ventre mou du film. Après les poneys sibériens et les chiens de traineau, les pingouins, les manchots, et même le saut de chat sur la neige. La musique, ajout de la restauration, est souvent abominable.</p>
<p>Les qualités : un film censé illustrer les talents exploratoires de l'empire britannique se transforme en un film testamentaire faisant l'éloge, par défaut, de la grandeur de l'âme britannique prête à tous les sacrifices. La beauté de l'échec est au moins aussi éloquente que la beauté des paysages glacés : il faut songer que sur une mission de trois ans, les deux camps opposés atteignirent le pôle Sud avec seulement 34 jours de différence, entre fin 1911 et début 1912. Les images du petit groupe de Terra Nova devant la tente de <strong>Amundsen </strong>et le drapeau norvégien valent tous les mélodrames de fiction. <strong>Amundsen</strong> qui déclarait à la même époque "<em>never underestimate the British habit of dying. The glory of self-sacrifice, the blessing of failure</em>"... Ce sont les toutes premières images ramenées de l'Antarctique. La visualisation de la carte de l’expédition, avec les différentes péripéties macabres sur le chemin retour, est d’un sens du dramatique vraiment très fort.</p>
<p><strong>Herbert Ponting </strong>ne semble pas intéressé par la dimension compétitive de l’entreprise : il filme la traversée de Nouvelle-Zélande vers l'Antarctique et le début de l'expédition, c’est tout. On voit des formations de glace telles des feuilles de nénuphar qui flottent à la surface avant de s'agglomérer. La sidération du spectateur dans les années 10 est sans doute semblable à celle du spectateur contemporain. Beaucoup de bébés pingouins et de phoques qui cassent la glace avec leurs dents, certes. Mais il y a de quoi être étonné par la rapidité et la réactivité du photographe qui utilise un matériel lourd et encombrant, en plus des conditions polaires glaciales qui rendent le travail sans doute très compliqué.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2b_bateau_m.jpg" alt="2b_bateau.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_debarquement_m.jpg" alt="2_debarquement.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2b_photo_m.jpg" alt="2b_photo.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_iceberg_m.jpg" alt="2_iceberg.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_poneys_m.jpg" alt="2_poneys.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_glace_m.jpg" alt="2_glace.jpg, juin 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/eternel_silence/.2_derniere_image_m.jpg" alt="2_derniere_image.jpg, juin 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Eternel-Silence-de-Herbert-Ponting-1924#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/451Le Vaisseau fantôme, de Michael Curtiz (1941)urn:md5:84cc16b852440474378c1bb12daf0a462020-10-08T12:13:00+02:002020-10-08T11:26:57+02:00RenaudCinémaAlcoolAventuresBateauEdward G. RobinsonHuis closIda LupinoMichael Curtiz <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/vaisseau_fantome/.vaisseau_fantome_m.jpg" alt="vaisseau_fantome.jpg, oct. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Life is the cheapest thing in the world."<br /></strong></ins></span></div>
<p>L'allégorie m'a échappé mais il est vrai qu'il est tentant de voir dans cette histoire de capitaine de bateau tyrannique une évocation de l'Europe sous le joug d'Hitler — le film sort en 1941, année de Pearl Harbor. Sous les traits du jeune <strong>Edward G. Robinson</strong>, le capitaine Wolf Larsen règne en dictateur violent et colérique et maltraite allègrement ses sujets tout en leur faisant miroiter de fausses promesses de richesses futures. En réalité, il ne s'agit que d'une fuite en avant sur l'eau.</p>
<p>Un petit côté théâtral, dans la semi-unité de lieu, se fait sentir lorsque se retrouvent par hasard sur ce même bateau pirate un écrivain, une femme évadée du bagne et un pickpocket poursuivi par la police. La dynamique de groupe n'est pas extrêmement travaillée et se limite à quelques aléas, lorsque la troupe sent que le leader sombre dans ses faiblesses, violent mal de crâne et cécité passagère. Quelques personnages secondaires servent de relais narratifs pour maintenir une forme de tension dramatique durant une grande partie, que ce soit à travers la figure du docteur constamment bourré qui alterne entre séquences comiques (on le fait décuver à coups de baffes et de seaux d'eau) et tragiques (il faut faire une transfusion de sang dans des conditions déplorables, voire aussi son acte suicidaire très théâtral du haut d'un mât) ou encore le personnage féminin d'<strong>Ida Lupino </strong>qui bien évidemment attire la convoitise sur un bateau pareil bourré de testostérone.</p>
<p>La dimension de film d'aventures ne trouvera cependant jamais de quoi s'enraciner solidement, au final, et le plus intéressant des personnages, à savoir le capitaine autoritaire, aurait vraiment gagné à être davantage développé, au-delà de sa collection de bouquins en éthique et ses tirades du genre "mieux vaut régner en enfer que servir au paradis". Une jolie tirade est à noter, ceci dit, lorsque l’écrivain demande au capitaine Wolf d’expliciter sa philosophie :</p>
<blockquote><p>"I held that life was a ferment, a yeasty something which devoured life that it might live, and that living was merely successful piggishness. Why, if there is anything in supply and demand, life is the cheapest thing in the world. There is only so much water, so much earth, so much air; but the life that is demanding to be born is limitless. Nature is a spendthrift. Look at the fish and their millions of eggs. For that matter, look at you and me. In our loins are the possibilities of millions of lives. Could we but find time and opportunity and utilize the last bit and every bit of the unborn life that is in us, we could become the fathers of nations and populate continents. Life? Bah! It has no value. Of cheap things it is the cheapest."</p>
</blockquote>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/vaisseau_fantome/.capitaine_m.jpg" alt="capitaine.jpg, oct. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Vaisseau-fantome-de-Michael-Curtiz-1941#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/844Castaway, de Nicolas Roeg (1986)urn:md5:34f19f0bac141186e1d413c07df3b1ed2020-06-02T10:39:00+02:002020-06-02T09:41:30+02:00RenaudCinémaAventuresCoupleCriseDésirErotismeIleIle déserteIsolementMariageNatureNicolas RoegOliver ReedVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.castaway_m.jpg" alt="castaway.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I believe in our future here."</strong></ins></span>
</div>
<p>La présence d’<strong>Oliver Reed </strong>dans un tel film, ça dépasse l'entendement. 15 ans après sa prestation outrée, hallucinée et over the top dans <ins>Les Diables</ins> de <strong>Ken Russell</strong>, on le retrouve embarqué dans cette histoire renversante, adaptée de deux livres autobiographiques, dédiée à la lubie romantique d’un écrivain échoué volontaire sur une île déserte australienne en très bonne compagnie — qu'il avait pris le temps de soigneusement sélectionner au préalable. C'est le récit authentique de Lucy Irvine, une employée londonienne de 25 ans, blasée par la vie citadine, qui répond à une annonce dans Time Out London stipulant "écrivain d'une trentaine d'années recherche jeune épouse pour passer une année dans une île tropicale"... Une annonce placée par Gerald Kingsland, 49 ans, qui sélectionna cette femme parmi plus de cinquante candidates et avec qui il se maria (afin de respecter une loi australienne restreignant l'immigration) pour aller passer un an sur l'île de Tuin. Chacun des deux écrira un livre à l'issue de cette aventure, base de travail pour cette adaptation réalisée par le décidément très singulier <strong>Nicolas Roeg</strong>.</p>
<p>Ainsi, <ins>Castaway</ins> (à ne pas confondre avec le film de <strong>Robert Zemeckis</strong>, <ins>Cast away</ins>, "Seul au monde" en français) se résume à 2 heures presque intégralement sur une île déserte, en compagnie d’<strong>Oliver Reed </strong>en écrivain rêveur emphatique puis bougon et d'<strong>Amanda Donohoe </strong>en aspirante à l'émancipation sous les tropiques, essentiellement nue — un argument marketing incontournable, sans aucun doute. Elle dira d'ailleurs de manière assez drôle, au sujet du tournage : "<em>Well, naked on a desert island with Oliver Reed – it was a tabloid fantasy, wasn't it? He was an alcoholic and his behaviour was erratic, but he was always a courteous and good actor. His personal life wasn't working but he never crossed any lines professionally.</em>" Ce rêve de publicitaire lubrique se révèlera comme la cohabitation d'un homme et d'une femme mal assortis, découvrant très rapidement qu'ils ne partagent pas tout à fait la même conception de l'idylle exotique et du paradis paresseux. Loin, très loin de la robinsonnade annoncée.</p>
<p>De manière tout à fait surprenante et improbable, <strong>Nicolas Roeg </strong>parvient à tisser une atmosphère originale et bizarre de ce postulat de départ rachitique, en instillant peu à peu les ingrédients discrets d'une discorde qui détruira le magnifique paysage. Elle rêvait d'apprendre à survivre sur cette île dotée d’un incroyable potentiel, un peu à l’image d’un peuple primitif profitant de la faune et de la flore locales, mais lui avait tout simplement prévu de vivre d'amour et d'eau fraîche (fraîchement et régulièrement envoyée par son éditeur, comme une avance sur la publication du livre retraçant cette expérience à paraître) et de se repaître de sa monumentale flemme. Aventurier dans les mots (cette façon de déclamer "<em>I believe in our future here</em>" avec grandiloquence...), mais pas vraiment dans les actes. Malheureusement, emmuré dans son obsession contemplative et voluptueuse, il perd l'assentiment de sa conjointe qui en retour refuse de faire l'amour — alors que, rappelons-le, elle passe l’essentiel de son temps à marcher dans le sable blanc et à nager dans les lagons avoisinants dénudée. Au final, c'est bien elle qui se révèlera la plus apte à vivre dans ces conditions et sous ces latitudes, avec le désir et la force de caractère nécessaires. Ce sera le point de départ d’une longue hystérie bicéphale, principalement articulée autour d’une série de monologues, décrivant une situation d'incommunicabilité délirante, ponctuée par-ci par-là d'infections et de maladies assez peu glamours. Sur un rythme vraiment très étrange, avec un sens très singulier de la poésie et de l’attente, le paradis annoncé se transforme en un purgatoire parfaitement insolite.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.cuisine_m.jpg" alt="cuisine.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.plage_m.jpg" alt="plage.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.soleil_m.jpg" alt="soleil.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Castaway-de-Nicolas-Roeg-1986#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/783La Conquête de l'Everest, de George Lowe (1953)urn:md5:eb50c3da9533a83ed45ba4eed3e504ae2020-05-23T16:55:00+02:002020-05-23T15:56:32+02:00RenaudCinémaAlpinismeAventuresEverestNeigeTibet <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/conquete_de_l-everest/.conquete-de-l-everest_m.jpg" alt="conquete-de-l-everest.jpg, mai 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"What they are carrying also is a dream that is turning ripe"</strong></ins></span>
</div>
<p>Ce documentaire de <strong>George Lowe </strong>qui relate l'exploit du néo-zélandais <strong>Edmund Hillary </strong>et le sherpa <strong>Tensing Norgay</strong>, les premiers à avoir réussi à atteindre le sommet de l'Everest le 29 mai 1953, ne parviendra étonnamment pas à se hisser au niveau de celui de <strong>J.B.L. Noel</strong>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Epopee-de-l-Everest-de-J-B-L-Noel-1924"><ins>The Epic of Everest,</ins></a> qui relata l'ascension (ratée, elle, puisqu'ils y sont encore enterrés / enneigés) par deux alpinistes britanniques, <strong>George Mallory </strong>et <strong>Andrew Irvine</strong>, trente ans plus plus tôt, en 1924. Il manque un souffle, un panache, quelque chose qui élève l'exploit au-delà de la pure contingence technique. Le film ne parvient tellement pas à construire son propre émerveillement que même le narrateur reprendra la formule de <strong>Mallory </strong>au sujet de ce qui anime ces alpinistes, et pourquoi ils s'acharnent à grimper sur le toit du monde : "<em>because it's there</em>".</p>
<p>Ainsi le documentaire en couleurs dresse un cadre très succinct du contexte de l'année 1953, marquée par deux grands événements dans le référentiel britannique : le couronnement de la reine Elizabeth, et l'ascension réussie de l'Everest, donc, présentée dans la même continuité de gloire et de fierté nationale. <strong>George Lowe </strong>passe un peu de temps pour essayer d'extraire la moelle technique et scientifique derrière l'exploit, en détaillant les préparatifs et l'équipement de pointe (pour l'époque, ce qui fait sourire bien évidemment) dont bénéficiera une partie des membres de l'expédition. Un court passage sera ensuite consacré à la vie des populations tibétaines dans un village traversé par l'expédition, en passant très rapidement sur le portrait à caractère sociologique. En ce sens, le film fait vraiment pâle figure comparé à la description que faisait <ins>L'Épopée de l'Everest</ins> d'une autre partie du Tibet, en dépit de l'approche très paternaliste qu'il adoptait. Dans le fond, la valeur de témoignage était bien plus importante, même si l'expédition de disposait pas de pellicules couleurs et même si elle n'insistait pas démesurément sur l'aspect collectif de l'exploit de <strong>Mallory </strong>et <strong>Irvine</strong>.</p>
<p>Pour le reste, avec ses schémas tracés à la main, <ins>The Conquest of Everest</ins> appuie sans doute un peu trop fortement sur la dimension de l'exploit et sur la nature constante de la lutte contre les éléments. Avec beaucoup d'emphase, aussi, en comparant le Col Sud de l'Everest à la lune, "<em>a place outside of human experience</em>", et en s’exclamant qu'en plus des lourds chargements sur le dos des sherpas, "<em>what they are carrying also is a dream that is turning ripe</em>". On s'extasie énormément devant le tissu en nylon résistant aux vents les plus puissants, la nourriture conditionnée sous vide, et les équipements légers en aluminium comme les échelles. On ne peut pas dire que l'enthousiasme soit du niveau d'un documentaire comme <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1950"><ins>L'Expédition du Kon-Tiki</ins></a>, qui lui est pourtant contemporain et qui fut même produit 3 ans avant. Restent bien sûr quelques beaux passages sur l'ascension à proprement parler, quelques franchissements ardus d'immenses corniches, et pour unique image du sommet une photo de <strong>Hillary</strong>.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/conquete_de_l-everest/.fin_m.jpg" alt="fin.jpg, mai 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Conquete-de-l-Everest-de-George-Lowe-1953#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/778L'Expédition du Kon-Tiki, de Thor Heyerdahl (1948)urn:md5:5b116495d093723c2ae675e65dc7ba412020-01-07T14:26:00+01:002020-01-07T14:26:00+01:00RenaudLectureAmérique du SudAventuresBateauExplorationMarinNorvègeOcéan PacifiquePolynésiePérouWhisky <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.expedition_du_kon-tiki_m.jpg" alt="expedition_du_kon-tiki.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Cent jours sur un radeau pour traverser le Pacifique</strong></ins></span>
</div>
<p>Le récit de l'expédition du Kon-Tiki écrit par <strong>Thor Heyerdahl</strong> en 1948, d'après les notes de son journal de bord, est un excellent complément au pendant cinématographique (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1950">lire le billet</a>) qui sortit 2 ans plus tard, sous le même nom. Les images de l'expédition maritime à travers l'Océan Pacifique viennent très agréablement illustrer la description factuelle des événements, et les détails du contexte historique, des préparatifs ou de l'état d'esprit du groupe complètent tout aussi agréablement le compte-rendu graphique. Deux approches différentes pour raconter un voyage un peu fou, initié par un pari en marge d'une réflexion scientifique : traverser l'océan du Pérou jusqu'en Polynésie, en passant près de l'île de Pâques, à bord d'un radeau construit selon un procédé fidèle à la civilisation inca. L'objectif de l'anthropologue et archéologue norvégien était de démontrer par l'expérience la validité de l'hypothèse selon laquelle les îles polynésiennes avaient pu être colonisées par des peuples sud-américains issus de l'ère précolombienne.</p>
<p>Le livre montre très bien comment le groupe d'apprentis explorateurs s'est constitué de manière chaotique autour de la personne de <strong>Heryerdahl</strong>, au gré du hasard et des rencontres fortuites. On réalise assez vite à quel point cette expédition s'avère dangereuse, avec 5 Norvégiens et 1 Suédois tous rigoureusement amateurs en matière de navigation (pour reproduire les conditions des apprentis marins incas), réunis en partie pour tenir tête à une communauté scientifique, décrite comme sceptique et méprisante, qui affirmait que la traversée du Pacifique sur un radeau rudimentaire était évidemment impossible. Peu importe si on sait aujourd'hui, grâce à des moyens plus performants, que les îles polynésiennes ont été peuplées par des cultures asiatiques : la beauté du geste, un peu comme une conquête de l'inutile chère à <strong>Herzog </strong>(<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Conquete-de-l-inutile-de-Werner-Herzog-2009">lire le billet</a>), reste entière.</p>
<p><strong>Heryerdahl</strong> n'est pas un poète ou un écrivain, limitant ainsi le récit à un style très pragmatique, sans envolée littéraire, et en quelque sorte conforme à l'expérience particulièrement dépouillée de cette aventure. Elle est racontée en 8 grands chapitres : une théorie, naissance d'une expédition, en Amérique du Sud, sur l'océan, à mi-chemin, le Pacifique traversé, arrivée aux îles, et avec les Polynésiens. Une grande partie est donc consacrée aux contours du voyage, tant du côté des longs préparatifs que des semaines passées sur une île inhabitée de l'autre côté de l'océan, à l'arrivée. Au départ, il y a les histoires racontées par un vieillard rencontré sur Fatuhiva, une île de la Polynésie française, avec toute une mythologie autour des dieux, des vents et des courants constituant les fondements d'une croyance sur l'origine du peuplement. L'idée d'une expédition sera ensuite partagée au Club des explorateurs, en étayant le faisceau d'indices (vestiges archéologiques, sculptures, traits culturels communs) accréditant la thèse d'une colonisation par une civilisation andine antérieure aux Incas, avant de rallier Washington pour discuter avec les diplomates de l'ONU et étudier l'équipement qui pourrait être chargé sur l'embarcation (au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de matériel militaire en était encore à un stade expérimental). Un long passage raconte les péripéties au fin fond de la jungle sud-américaine pour trouver les bons troncs de balsa, prendre un dernier bol d'air en haut d'une montagne et les pieds sur terre, échapper aux bandits et aux chasseurs de têtes, ramener le balsa coupé dans un chantier naval péruvien après avoir déposé un dossier de 12 kilos de paperasse au préalable, et enfin procéder à la construction (en n'utilisant que les matériaux et techniques disponibles à l'époque des Incas, naturellement). Viendra ensuite le temps de la navigation, après un départ mouvementé,
après un rendez-vous raté avec un avion censé les photographier en haute
mer : d'abord les angoisses, avec la lutte permanente contre des lames
de plus en plus grandes, l'eau qui imprègne les troncs, les frottements
des cordes contre le bois, et enfin le plaisir, la multitude de poissons
volants à côté desquels parfois ils se réveillent, la rencontre avec un
requin-baleine, le plus grand poisson actuellement sur Terre, et la contemplation quotidienne d'un horizon vierge et exaltant.</p>
<p>Une fois engagés dans la navigation loin des côtes, rassurés par la stabilité du Kon-Tiki face aux vagues et même aux tempêtes, l'océan devient pour eux un immense terrain de jeu. On adopte le rythme lent de la traversée, qui s'apparente enfin à une divagation paisible d'une centaine de jours sur plus de 8000 kilomètres. Avec leur perroquet et leur crabe adoptifs, ils optimisent la gestion de l'eau potable en mélangeant l'eau douce à un peu d'eau de mer, ils étudient le caractère comestible du plancton (le zooplancton phosphorescent étant beaucoup plus digeste que le phytoplancton), ils constatent l'apparition de fourmis logées au creux des troncs et réveillées par l'humidité, ils apprennent à reconnaître la faune d'une incroyable diversité qui passe sous le radeau (dorades, requins, pilotes, rémoras à ventouses, thons, bonites, pieuvres), ils captent de temps en temps un signal radio venu de l'autre bout de la planète. Quelques frayeurs se font sentir, lorsqu'une tempête vient sévèrement menacer l'intégrité du radeau pendant plusieurs jours consécutifs ou lorsqu'un homme tombe à la mer (il est impossible de faire machine arrière) après avoir glissé sur le pont. Mais ils arriveront tous au bout de leur voyage sains et saufs, avec une facilité (toute relative, sans aucun doute) vraiment étonnante.</p>
<p>Les derniers moments du voyage, lorsqu'ils aperçoivent pour la première fois depuis trois mois un petit bout de terre ferme (l'atoll de Puka Puka), sont tout aussi merveilleux que le reste. Le premier contact avec des indigènes, la dangerosité des récifs coralliens (baptisés le chaudron des sorcières) pourtant magnifiques, et enfin le naufrage à proprement parler au large d'une île déserte. Cette ultime robinsonnade, lorsqu'ils posent leurs pieds sur le sable d'une région paradisiaque et inhabitée, est un enchantement. Leur joie et leur émerveillement deviennent tangibles, comme si on était là avec eux pour célébrer leur réussite, au milieu de la fête improvisée par des Polynésiens.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.club_m.jpg" alt="club.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.balsa_m.jpg" alt="balsa.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.sur_le_bateau_m.jpg" alt="sur_le_bateau.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.construction_m.jpg" alt="construction.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.premiere_sortie_m.jpg" alt="premiere_sortie.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.dinghy_m.jpg" alt="dinghy.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.voile_m.jpg" alt="voile.jpg, janv. 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/expedition_du_kon-tiki_livre/.arrivee_m.jpg" alt="arrivee.jpg, janv. 2020" /></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Expedition-du-Kon-Tiki-de-Thor-Heyerdahl-1948#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/734