Je m'attarde - Mot-clé - Chasse le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearBandits à Orgosolo (Banditi a Orgosolo), de Vittorio De Seta (1961)urn:md5:b3f481b2478b2f8b0802f3d6acce17562023-11-14T15:50:00+01:002023-11-14T15:51:02+01:00RenaudCinémaBergerChasseEauElevageFuiteItalieMontagneMoutonNéoréalismeRuralitéSardaigneVittorio De Seta <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/bandits_a_orgoloso.jpg" title="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.bandits_a_orgoloso_m.jpg" alt="bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Western des bergers sardes</strong></ins></span>
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<p>Au terme d'une décennie passée à réaliser des courts-métrages documentaires décrivant les aspects très diversifiés de corps sociaux italiens variés (parmi lesquels on peut citer les plus célèbres <ins>Isole di fuoco</ins> sur des éruptions volcanique en Sicile, <ins>Le Temps de l'espadon</ins> sur la pêche à la lance, <ins>Surfarara</ins> sur des mines de souffre ou encore <ins>Parabola d'oro</ins> sur des paysans siciliens), il n'est pas totalement étonnant de retrouver <strong>Vittorio De Seta</strong>, au détour de son premier long métrage, dans une fiction très largement perméable aux composantes documentaires. Et rurales, plus particulièrement, au travers de ces décors rocailleux des montagnes de Sardaigne magnifiquement capturées dans "Banditi a Orgosolo".</p>
<p>C'est ce qui frappe d'entrée de jeu : la profondeur des contrastes de l'image de <strong>Vittorio De Seta </strong>(lui-même directeur de la photographie et scénariste en plus de son poste de réalisateur), qui confère à la nature sarde une dimension incroyablement photogénique, avec dans les hauteurs les espaces partagés entre l'élevage et la chasse. Michele, avec son très jeune frère Peppeddu, s'occupe de son troupeau de moutons dans ce cadre magique, entre conditions extrêmes et vie recluse. L'arrivée de trois étrangers qui ont volé des cochons et recherchés à ce titre par les carabiniers, provoquant la mort de l'un de ces derniers, dégénèrera en quiproquo puisque Michele se retrouvera accusé à tort de tous ces méfaits. N'ayant aucune confiance en sa capacité à démontrer son innocence mais surtout par peur de perdre son bétail (son unique capital garantissant sa subsistance voire même sa survie) durant l'instruction et un probable séjour en prison, il choisit l'option de la fuite dans les montagnes.</p>
<p>Avec sa veine puissamment néoréaliste qui s'attache à décrire des hommes luttant contre la nature (le dénivelé en montagne, le stress hydrique qui affecte autant les hommes que les bêtes, la faim qui ne tarde pas à gronder aussi), <ins>Bandits à Orgosolo</ins> ressemble à une hybridation entre une tradition documentaire héritée de <strong>Flaherty </strong>(les montagnes ici sont l'élément contre lequel on bataille au même titre que la mer enragée dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-d-Aran-de-Robert-Flaherty-1934">L'Homme d'Aran</a></ins>) et l'acharnement du sort contre une communauté au bord de la misère — il suffit de remplacer les pêcheurs de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-terre-tremble-de-Luchino-Visconti-1948">La terre tremble</a></ins> chez <strong>Visconti </strong>par des éleveurs. Les sentiments sont très variés ici, entre la défiance contre les représentants de l'autorité et le refus de se rendre et d'abandonner son troupeau, symbole de toute une vie, et ils sont parfaitement embrassés par les véritables bergers qui tiennent les rôles principaux dans ce western des montagnes. Le seul passage au cours duquel les protagonistes descendent de ces hauteurs, pour rejoindre leur famille dans un moment intime intense, rompt avec l'âpreté de la fuite et constitue un de ces moments incroyables, comme en apesanteur.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img2.jpg" title="img2.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img3.jpg" title="img3.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img4.jpg" title="img4.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img5.jpg" title="img5.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img6.jpg" title="img6.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, nov. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/img7.jpg" title="img7.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bandits_a_orgoloso/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, nov. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bandits-a-Orgosolo-de-Vittorio-De-Seta-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1279À chacun son dû, de Elio Petri (1967)urn:md5:960be579b81cbf3e1bfbda1f15ccdcbb2023-06-09T09:29:00+02:002023-06-09T08:30:08+02:00RenaudCinémaChasseCorruptionElio PetriGian Maria VolontéInfidélitéItalieMafiaMeurtreMilitantismePolitiqueSicile <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/a_chacun_son_du.png" alt="a_chacun_son_du.png, mai 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La vaine quête de la vérité</strong></ins></span></div>
<p>On peut regretter le format travaillé par <strong>Elio Petri </strong>dans <ins>À chacun son dû</ins>, quand même, qui à mon sens nuit davantage qu'il ne joue en faveur du rythme, de l'immersion et de la sensation d'oppression grandissante autour du personnage principal interprété par <strong>Gian Maria Volonté</strong>. Même en mettant de côté, pour une fois, tout ce qui a trait à la production cinématographique italienne de l'époque et tout ce qu'elle compte comme soucis techniques de post-synchronisation (à mes yeux en tous cas), je trouve que le cadre est quand même très oppressant, de manière involontaire et désagréable cette fois-ci, avec son recours dénué de parcimonie à des effets un peu grossiers comme le zoom / dézoom et tout ce que la caméra à l'épaule peut induire comme désagréments épileptiques. Je suis aussi à deux doigts de penser que l'interprétation du protagoniste aurait peut-être profité d'un acteur moins charismatique que <strong>Volonté</strong> car il n'est pas toujours aisé de croire à sa faiblesse psychologique, un point au cœur des enjeux du film, à mesure qu'il explore l'antre des maux italiens.</p>
<p>Quand un film de <strong>Petri </strong>commence par le meurtre d'un médecin et d'un pharmacien d'un village sicilien pendant une partie de chasse à la palombe, on se doute qu'il ne sera pas question des apparences avancées en première intention, à savoir des relations extra-conjugales de la part de l'un d'entre eux. Surtout que le spectateur est mis dans la confidence au sujet des lettres de menace que l'autre recevait. Surtout quand c'est un ami à eux qui mène l'enquête et que ce dernier se trouve être un professeur et militant politique...</p>
<p>Il y a plusieurs intérêts dans le développement de cette enquête, à commencer par la description de la culture dans cette région de Sicile, avec ses coutumes, ses notables, et l'emprise de la mafia. Mais le principal argument tourne autour de l'engrenage dans lequel cet homme se fourre, dans un premier temps assez courageux, au-delà de son intégrité nette, mais peu à peu prisonnier d'une certaine impuissance en lien avec sa méconnaissance de l'environnement social dans lequel il évolue. Petit à petit, il perd confiance en lui, il transpire à chaque nouvelle rencontre, il cherche à se faire discret — tout en essayant de se rapprocher de la veuve, très convaincante <strong>Irene Papas</strong>. L'ampleur grandissante des menaces qui se structurent autour de sa personne contribue à une atmosphère très pesante, en dépit d'une première moitié presque légère en comparaison, surtout si on pense à la façon qu'à <strong>Volonté </strong>de ne pas lâcher l'affaire et coller aux basques de la notabilité locale. La distance imposée par la narration enferme un peu <ins>À chacun son dû</ins> dans une froideur typique de ces films politiques italiens des années 60-70, mais le final puissamment tragique (ensevelissement d'un corps dans une carrière abandonnée d'un côté, mariage vécu comme une trahison posthume en grandes pompes de l'autre) permet d'en sortir sur une note très positive.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mai 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mai 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/a_chacun_son_du/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mai 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/A-chacun-son-du-de-Elio-Petri-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1160L'Animal et la mort, de Charles Stépanoff (2021)urn:md5:d591cc484b1a21bfef088eb6b415f46b2022-06-17T18:53:00+02:002022-06-17T17:57:04+02:00RenaudLectureAnimalAnthropologieChasseEthnologieExploitationNature <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/LECTURE/animal_et_la_mort/.animal_et_la_mort_m.jpg" alt="animal_et_la_mort.jpg, juin 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Animal-matière et animal-enfant<br /></strong></ins></span>
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<p>À l'origine de <ins>L'Animal et la mort</ins>, il y a chez l'ethnologue <strong>Charles Stépanoff</strong> par ailleurs spécialiste de la Sibérie (et de ses chamans) la volonté de comprendre l'origine d'un hiatus omniprésent dans les sociétés modernes, et de multiples paradoxes afférents. La confrontation ne se limite pas aux considérations banales de pro- et d'anti-chasse que l'on entend partout et tout le temps, et l'analyse creuse avec une profondeur assez renversante le rapport contrasté (hypocrite, aveugle, antipodique, etc.) que l'on entretient avec les animaux. Il introduit le principe d'exploitection, c'est-à-dire la co-existence de deux concepts fondamentalement antinomiques que sont l'extrême sensibilité (protection des animaux) et l'extrême insensibilité (exploitation des animaux) dans un cadre cosmologique.</p>
<p>On peut comprendre que <strong>Stépanoff</strong>, dans son argumentaire comme dans son enquête de terrain, accorde une place infiniment plus importante à la sociologie de la chasse pour mieux en comprendre les fondements et les rapports, plutôt qu'à la vision opposée largement exposée médiatiquement — pas toujours sous un angle constructif. Cela en fait un bouquin vraiment passionnant pour décortiquer ce rapport schizophrénique que l'on entretient généralement à l'animal : il y a les animaux-enfants, nos animaux de compagnie que l'on chérit plus que tout, et les animaux-matière, ceux qui finissent en barquette plastique dans des rayons de supermarché, et dont la mise à mort est dissimulée, institutionnellement occultée.</p>
<p>Cette immersion anthropologique dans le monde de la chasse est très intéressante également du point de vue des témoignages, des reportages dans différentes communautés de chasseurs (de différents types, battues, chasses à courre, etc.). Certains parallèles établis avec le chamanisme sibérien ne paraissent pas toujours justifiés — pas tangibles du moins — et clairement l'opposition entre chasseurs et militants n'est pas à la hauteur du reste de l'ouvrage. J'y ai ressenti beaucoup d'angles morts et une forte asymétrie dans la profondeur de la caractérisation. Disons que malgré une certaine neutralité et une distance au sujet évidente, le fait que le contenu puisse être exploité pour légitimer certaines pratiques me met assez mal à l'aise, comme s'il manquait une perspective complémentaire essentielle. Ce sont en tous cas les chapitres qui m'ont le plus rebuté dans leur longueur un peu excessive.</p>
<p>Mais très clairement <strong>Stépanoff </strong>pointe avec élégance et profondeur une contradiction historique entre sensibilité protectrice et économie productiviste, qu'il date principalement depuis la Renaissance. Sa considération pour la chasse comme une altérité résistant à monde domestiqué et artificialisé ne manque pas de titiller certaines convictions, même si l'espace est exigu dans la région définie par les chasseurs ruraux authentiques et la préservation de la ressource sauvage. À mes yeux la chasse comme pratique consciente de protection de la nature n'est pas établie dans le bouquin, pas plus que la compassion pour leurs proies n'est démontrée (objectivement j'entends, car les témoignages personnels affirmant cela abondent, ce qui est très intéressant). Comme si <strong>Stépanoff </strong>n’avait pas décodé une partie codée du message. En revanche il met le doigt sur quelque chose de fondamental, l'éthique de ceux qui tuent pour se nourrir et la relégation dans l'invisible de l'exploitation (animale, agricole, etc.) véhiculée par la consommation de matière carnée industrielle.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Animal-et-la-mort-de-Charles-Stepanoff-2021#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1061Happy People : un an dans la Taïga, de Werner Herzog et Dmitry Vasyukov (2010)urn:md5:bd0f4669b6d8b6794106234115a322d02021-04-01T20:25:00+02:002021-04-01T19:26:23+02:00RenaudCinémaBoisChasseChienForêtIsolementNaturePêcheRussieSibérieTaïgaWerner Herzog <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.happy_people_un_an_dans_la_taiga_m.jpg" alt="happy_people_un_an_dans_la_taiga.jpg, mar. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Au pays du bois et de la neige<br /></strong></ins></span></div>
<p>Sans doute faut-il préciser et insister sur le fait qu'il ne s'agit pas vraiment d'un film de <strong>Herzog</strong>, puisque le réalisateur allemand est parti d'un travail documentaire effectué par <strong>Dmitry Vasyukov </strong>pour la télévision russe (quatre épisodes d'une heure) et y a seulement dans un second temps apposé sa célèbre voix off anglaise, teutonne et monotone. Précision importante qui n'entrave en rien le plaisir et la sidération émanant très naturellement de ce témoignage de la vie des trappeurs au fond de la taïga sibérienne, au sein d'environnements boisés et glacés magnifiques qui rappellent ceux des Inuits des régions arctiques de l'Amérique du Nord — avec toutefois la spécificité des forêts de bouleau et les trognes incroyables des chasseurs russes.</p>
<p>Deux éléments un peu fâcheux : la musique, un peu trop bassement lyrique, assez éloignée de ce qu'a pu composer <strong>Popol Vuh</strong> par le passé, et la qualité d'image, qui ne fait pas vraiment honneur à la magnificence spontanée des lieux.</p>
<p><ins>Happy People</ins> aurait pu durer deux heures de plus, on ne se serait toujours pas lassé de regarder Gennady Soloviev, Nikolay Nikiforovitch Siniaev et Anatoly Tarkovsky dans leurs activités quotidiennes au gré des saisons. Sauf exception, les conditions autarciques absolues dans lesquelles ils vivent les ont poussés à développer une autonomie et une indépendance surhumaines (ou préhistoriques, comme le dit <strong>Herzog</strong>). L'étendue des tâches qu'ils réalisent avec seulement un couteau et une hache est littéralement démentielle : ils construisent des skis pour avancer sur les immenses étendues neigeuses, ils fabriquent des canots pour naviguer sur le fleuve Ienisseï, ils construisent de nombreux pièges différents (en bois ou en acier) pour attraper principalement des zibelines, ils déploient des filets pour pêcher des énormes brochets sous la glace épaisse, ils construisent (et réparent) des refuges à l'aide de troncs, de terre et de mousse pour l'isolation, et de toiles plastiques pour les fenêtres (car les ours cassent trop facilement le verre). Tout juste utilisent-ils une tronçonneuse pour abattre les plus gros arbres et une petite motoneige pour parcourir des centaines de kilomètres par jour avec un chien qui suit derrière.</p>
<p>Petit moment semi-comique lorsque Gennady atteint son refuge au crépuscule, au terme d'une journée bien remplie, pour découvrir qu'un arbre a chuté sur le toit : patiemment, avec sa pelle et sa hache, il déplace des mètres cubes de neige et il débite le tronc imposant par moins 30 degrés. On rigole en revanche beaucoup moins lorsqu'il raconte l'épisode de l'affrontement avec l'ours qui coûta la vie à deux de ses chiens, éviscéré par la bête.</p>
<p>Mais ce qui domine dans <ins>Happy People</ins> à mes yeux, au-delà de ce mode de vie hallucinant qui nous parvient par bribes hallucinées, c'est le rapport intense et intime à la nature et à la matière. Le bois est coupé, recoupé, taillé, biseauté, troué, raboté, brûlé, durci, élargi. On en fait des outils, des canots, des abris, des pièges, de la chaleur, et même des coins fendeurs. Ils fabriquent même du répulsif anti-moustique à partir de concentré d'écorce de bouleau mélangé à de l'huile, à destination des adultes, des enfants et même des chiens. Inutile de lutter contre la neige, on compose avec, on déblaye le strict nécessaire pour pouvoir rentrer ou pour protéger le toit, on perce des ouvertures pour accéder à l'eau des rivières gelées. Ces gens-là vivent seuls, au rythme des éléments presque toute l'année, ils travaillent le bois le matin, ils installent des filets de pêche le midi et ils réparent des maisons le soir.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.bois_m.jpg" alt="bois.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.gennady_m.jpg" alt="gennady.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.maison_m.jpg" alt="maison.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.piege_m.jpg" alt="piege.jpg, mar. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/happy_people_un_an_dans_la_taiga/.taiga_m.jpg" alt="taiga.jpg, mar. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Happy-People-un-an-dans-la-Taiga-de-Werner-Herzog-et-Dmitry-Vasyukov-2010#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/926La Bête lumineuse, de Pierre Perrault (1982)urn:md5:dee91663e9e09a9bdd98de13c0720bc32019-08-04T23:03:00+02:002020-12-17T15:05:16+01:00RenaudCinémaCanadaChasseDocumentaireOrignalPierre PerraultQuébec <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bete_lumineuse/.bete_lumineuse_m.jpg" alt="bete_lumineuse.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="bete_lumineuse.jpg, août 2019" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>L'orignal imaginaire</strong></ins></span>
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<p>Voilà une plongée au pays de la chasse à l'orignal à laquelle on ne s'attend résolument pas. Dans la première partie de ce documentaire très bizarre, <strong>Pierre Perrault </strong>fait le portrait de quelques quarantenaires québécois au cours de leurs préparatifs pour une petite virée dans la région de Maniwaki. Au programme : des parties de chasse (avec en ligne de mire le mythique et emblématique orignal) et des moments de recueillement dans une petite cabane au milieu du muskeg, une région marécageuse composée de tourbières typiques du Canada. Ils ont tous l'air un peu particulier, dans leurs sujets de discussion, dans leur façon d'acheter des volailles, dans leur pratique du tir à l'arc. Dans cette séquence introductive, on ne remarque rien de franchement différent chez Albert, qui a juste l'air d'avoir des prédispositions pour la rhétorique et la poésie que ses compagnons ne partagent pas. Quand il discute avec celui qui est présenté comme son ami d'enfance, Bernard, on se dit qu'il est simplement un doux rêveur, un peu plus branché ésotérisme que les autres. Et toute la suite démontrera que cette différence anodine en apparence se révèlera bien plus conséquente.</p>
<p>Car dans la suite, il ne sera franchement pas beaucoup question de chasse. Bien sûr, c'est la toile de fond et l'objet de presque toutes les discussions et prévisions, ces retrouvailles entre amis étant l'objet de paris quant au nombre de trophées qui seront ramenés par chacun. Mais très vite, <ins>La Bête lumineuse</ins> se transforme en une sorte d'essai sociologique insolite, une étude dégénérée sur un groupe de chasseurs qui s'assimile à une meute de loups à la recherche d'un orignal — aussi appelé souffre-douleur. Plus les jours passent et plus les remontrances s'intensifient. Albert qui souhaite démontrer, en dépit de toutes ses non-dispositions pour ces activités, sa capacité à persévérer en dépeçant un lapin mais qui finit inévitablement par vomir, Albert qui s'en va chercher de l'eau et à qui on fait croire qu'il a raté un orignal, Albert qui goûte du foie d'orignal cru (après un premier mouvement instinctif de rejet) pour faire comme les autres avant de vomir à nouveau... L'initiation d'un bizut dans toute sa splendeur. Et Albert d'en rajouter, à mesure que l'humiliation s'accroît et que l'alcool imbibe les sens, dans son côté poète bavard et dans sa vantardise, de fanfaronner au sujet de sa culture. Lui le poète aux beaux discours, eux les rustres aux blagues graveleuses. Plus il évoque son amitié avec Bernard, plus l'impression qu'il s'agit d'un fantasme (comme celui de la chasse) enfle. Plus il boit, plus il se confie, plus il perd en lucidité, donnant autant de billes à ses compagnons pour qu'ils l'enfoncent encore un peu plus. Cette humiliation ne se fera à aucun moment à travers l'expression d'une haine quelconque, mais plutôt dans le fracas de l'opposition entre le fantasmé et le pragmatique, dans le choc entre l'expérience idéalisée et sa réalisation chaotique.</p>
<p>À noter qu'<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Lache-pas-la-patate-et-tire-toi-une-buche-on-va-se-sucrer-le-bec-et-se-paqueter-la-fraise-au-Quebec">on ne verra à aucun moment un orignal vivant</a> dans ce film. Et c'est en ce sens l'élément le moins anormal.</p>
<p><em><ins>N.B.</ins> : Le film est disponible ici : <a href="https://www.onf.ca/film/bete_lumineuse/" title="https://www.onf.ca/film/bete_lumineuse/">https://www.onf.ca/film/bete_lumineuse</a>.</em></p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bete_lumineuse/.chasseurs_m.jpg" alt="chasseurs.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="chasseurs.jpg, août 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Bete-lumineuse-de-Pierre-Perrault-1982#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/700