Je m'attarde - Mot-clé - David Lean le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Mur du son (The Sound Barrier), de David Lean (1952)urn:md5:d0bee305447aa3d03ef9f69eb088e6552024-02-09T10:16:00+01:002024-02-09T10:24:08+01:00RenaudCinémaAngleterreAnn ToddAvionDavid LeanFemmeMortRoyaume-UniSeconde Guerre mondiale <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/mur_du_son.jpg" title="mur_du_son.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/.mur_du_son_m.jpg" alt="mur_du_son.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I think its the most exciting sound I've ever heard."</strong></ins></span>
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<p>Au sein de la première partie de la filmographie de <strong>David Lean </strong>(que j'associerais à une exploration du mélodrame empreinte de classicisme), <ins>The Sound Barrier</ins> est un film qui détonne. À commencer par son sujet, qui ancre le récit dans l'époque contemporaine de sa sortie : on découvre une usine de construction aéronautique, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, construite par un riche magnat du pétrole qui souhaite réaliser des expérimentations dans la conception d'avions supersoniques. Et absolument tout tournera autour de cela, la dimension supersonique du vol, c'est-à-dire des appareils capables d'atteindre des vitesses supérieures à celle du son (environ 340 m/s soit 1200 km/h).</p>
<p>Première chose étonnante : <strong>Lean </strong>fait le choix d'inscrire sa fiction dans un contexte qui a toutes les apparences du documentaire, ou plutôt du biopic, comme si on revivait la découverte des expérimentations qui auraient conduit au franchissement du mur du son éponyme... sauf que dans la réalité c'est un pilote américain qui dépassa cette limite en 1947, 5 années avant la sortie du film, pour la première fois de l'histoire de l'aéronautique. Et <strong>Lean </strong>choisit d'ignorer totalement cela dans le cadre de sa fiction. L'effet produit est assez intéressant, produisant un certain inconfort constructif et un léger flou dans l'arrière-plan, au-delà de la narration, vis-à-vis des intentions.</p>
<p>La seconde chose qui surprend, et qui s'inscrit dans un cadre plus conforme à l'image que l'on peut avoir du cinéma de <strong>David Lean</strong>, c'est que le cinéaste britannique investit cette thématique aéronautique non pas au travers du prisme technique, scientifique (même si le film regorge d'éléments factuels) ou même patriotique, mais plutôt à l'aune de l'impact de ces essais sur un personnage féminin. Car la fille du propriétaire fortuné du site, interprétée par <strong>Ann Todd</strong>, verra plusieurs de ses proches risquer leurs vies — jusqu'à la mort. Son mari, ancien pilote de chasse pendant la guerre et nouveau pilote d'essai, périra au cours d'une expérimentation au seuil de Mach 1 (une fois la vitesse du son) tout comme son frère. Toute une trame émotionnelle est dédiée aux tensions entre cet homme et cette femme, comme si les deux étaient insensibles aux angoisses de l'autre (bon, surtout le père, qui donne l'impression de s'en foutre royalement de ruiner l'entourage de sa fille, mais passons).</p>
<p>C'est donc non sans une certaine surprise qu'on voit l'objet du film se positionner autour des relations se détériorer entre eux deux, sur fond d'un rêve, le franchissement de cette limite vu comme une étape décisive dans la conquête du ciel. D'un côté les passionnés, autour du père, comme aveuglés par l'exaltation d'un défi technique inintelligible au reste de la communauté, et de l'autre les sceptiques, autour de la fille, comme autant de points d'ancrage sur un pragmatisme humain et sentimental qui aurait pu être oublié.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/mur_du_son/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mur-du-son-de-David-Lean-1952#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1342Oliver Twist, de David Lean (1948)urn:md5:1dbee23f4820e7aeac43708a53a29c0b2021-04-15T12:09:00+02:002021-04-15T12:09:00+02:00RenaudCinémaAlec GuinnessAngleterreDavid LeanEnfanceOrphelinPauvretéRobert Newton <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/oliver_twist/.oliver_twist_m.jpg" alt="oliver_twist.jpg, avr. 2021" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Cry your hardest now, it opens the lungs, washes the countenance, exercises the eyes and softens down the temper."<br /></strong></ins></span></div>
<p>Dans l'immédiat après-guerre britannique, les bas-fonds crasseux de cette ville de l'époque victorienne a sans aucun doute dû entrer en résonance avec l'actualité nationale, alors régie par les rations et la dévastation ne 1948. Tout le monde connaît l'histoire d'Oliver Twist, même ceux qui n'ont pas lu le roman de <strong>Charles Dickens </strong>(dont je fais partie) : une jeune femme accouche d'un garçon avant de mourir, il grandira dans un orphelinat à la discipline de fer, il sera envoyé dans une entreprise de pompes funèbres dont le directeur n'est pas plus bienveillant, et il s'enfuira à Londres pour trouver refuge auprès d'une bande d'enfants emmenés par le fameux Fagin. Si l'ambiance n'y est pas aussi poisseuse, elle est en revanche beaucoup plus classique (dans le bon sens du terme) que celle de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Impasse-aux-violences-de-John-1960"><ins>L'Impasse aux violences</ins></a> (<strong>John Gilling</strong>, 1960), formant ainsi un diptyque assez peu ragoûtant des quartiers mal famés de l'Angleterre victorienne charbonneuse, celle qui pue le meurtre à chaque coin de rue mal éclairée.</p>
<p>Toute cette crasse, cette ambiance sombre et menaçante, est tout de même contrebalancée de manière significative par le final très heureux et en contraste avec tout ce qui a précédé, happy end qui voit l'orphelin reconnu par son grand-père et à qui on rend sa dignité toute aristocratique. Le pittoresque de toute l'intrigue reste plutôt rugueux, on n'est pas dans l'académisme du bien ou du mal, et la vision donnée de la société industrielle entre bouffonnerie et accès horrifiques est assez intéressante dans l'œuvre de <strong>David Lean </strong>ici à ses débuts. <strong>Alec Guinness </strong>dans le rôle de Fagin fait un sacré numéro (son nez aura fait couler beaucoup d'encre), et <strong>Robert Newton </strong>est un joli représentant de la lie de l'humanité.</p>
<p>Un travail conséquent sur la photographie et sur la gestion des lumières et des ombres, avec beaucoup de gens qui se dissimulent derrière un muret, un rideau, une porte... Ambiance inquiétante à souhait, dénuée de tout misérabilisme, qui fait la part belle à une galerie de tronches sacrément patibulaires.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/oliver_twist/.interieur_m.jpg" alt="interieur.jpg, avr. 2021" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/oliver_twist/.rendezvous_m.jpg" alt="rendezvous.jpg, avr. 2021" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Oliver-Twist-de-David-Lean-1948#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/943La Fille de Ryan, de David Lean (1970)urn:md5:a600d0aa0903cc7abd9dd4c6a7e2cea52019-11-18T16:51:00+01:002019-11-18T16:52:10+01:00RenaudCinémaDavid LeanGuerreIleIrlandePremière Guerre mondialeRobert MitchumRomance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fille_de_ryan/.fille_de_ryan_m.jpg" alt="fille_de_ryan.jpg, nov. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Anachronismes près de la foule déchaînée</strong></ins></span>
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<p>En l'an de grâce 1970 comme en 2019, l'anachronisme constitutif d'un film comme <ins>La Fille de Ryan</ins> pourrait constituer un obstacle majeur sur le chemin de l'appréciation — qualitative, j'entends : l'échec critique qu'il rencontra, et qui mit <strong>David Lean </strong>au ban pendant 14 ans avant une ultime excursion cinématographique, parle de lui-même. À l'époque de l'émergence du Nouvel Hollywood de l'autre côté de l'Atlantique, un an après <ins>Easy Rider</ins> et <ins>La Horde sauvage</ins>, <strong>David Lean</strong> s'embarque dans la réalisation d'une grande fresque romantique et historique à la <ins>Autant en emporte le vent</ins>, sur plus de trois heures et comportant des séquences d'ouverture et d'intermission dignes des fastueuses productions des années 40 et 50. On pourrait même déceler une parenté avec le cinéma muet dans la façon dont Rose déambule sur les bords de mer avec son ombrelle. La composante historique, bien qu'omniprésente en toile de fond, reste très clairement reléguée au second plan, loin du panarabisme qui animait <ins>Lawrence d'Arabie</ins> et des massacres russes rythmant <ins>Le Docteur Jivago</ins> : le point focal, esthétique et thématique, se fait ici sur une forme de romantisme lyrique incroyablement atemporel, renvoyant plutôt aux préoccupations d'un mélodrame classique des année 30. Ce sentiment anachronique se poursuit jusque dans les détails de mise en scène, à l'image de la séquence où Rosy Ryan et le major Randolph Doryan se retrouvent dans une forêt luxuriante pour une scène d'amour incroyablement longue et (délicieusement) surannée.</p>
<p>En regard de ces considérations, les conventions du mélodrame américain tourné en studio sont quant à elles gardées à bonne distance très rapidement : on est d'emblée projeté dans le microcosme de ce petit village côtier irlandais (spécialement construit pour le film selon les exigences maniaques de <strong>Lean</strong>, et rappelant le village de <ins>Qu'elle était verte ma vallée</ins>), avec ses panoramas incroyables qui allient des plages de sable blanc à une atmosphère vaporeuse, caractéristiques de l'archipel des îles Britanniques. On se croirait sur Lewis and Harris, dans les Hébrides extérieures au large de l'Écosse : la grisaille de la brume souligne la profondeur et l'intensité de l'ocre des bords de mer et du vert des herbes grasses. Au sein de ce cadre incroyablement photogénique s'insère une autre forme d'anachronisme, en filmant la côte irlandaise en pleine tempête, frappée par d'immenses vagues et balayée par les vents, avec une intensité et une audace faisant écho aux côtes d'une île du Finistère que <strong>Jean Epstein </strong>avait choisie pour raconter le quotidien des goémoniers dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929"><ins>Finis Terrae</ins></a>. Cette façon de capter une menace dans l'agitation de la mer au cours d'une opération de sauvetage, renforcée par les variations lumineuses du ciel, est un moment pictural incroyable. La férocité des conditions climatiques est on ne peut plus palpable.</p>
<p>C'est dans cet écrin de choix que prend forme l'histoire de ce petit village, au cours de la Première Guerre mondiale et aux prémices de la guerre d'indépendance irlandaise. Le temps long de l'histoire globale se mêle discrètement et agréablement aux différents temps courts des histoires particulières. Le personnage de Rose Ryan interprétée par <strong>Sarah Miles </strong>n'est pas sans rappeler celui de <strong>Julie Christie </strong>dans <ins>Loin de la foule déchaînée</ins> (1967) de <strong>John Schlesinger</strong>, dans leurs expérimentations sentimentales et dans leurs tentatives d'émancipation (amoureuse, entre autres) au sein d'un environnement relativement hostile. De nombreux personnages n'existent pas vraiment au-delà de leur fonction (à l'instar du prêtre ou de l'indépendantiste), mais ils participent à un tableau d'ensemble intéressant. D'abord attirée par la figure rassurante de l'instituteur avec qui elle se mariera, agrémenté d'une nuit de noce un peu particulière, elle subira de plein fouet un mouvement de désir charnel en sens opposé. À partir des premiers moments de doute s'installera un va-et-vient constant entre ces deux pôles, incarnés par <strong>Robert Mitchum </strong>(l'instituteur) et <strong>Christopher Jones </strong>(le major anglais). Dans cette phase, <ins>La Fille de Ryan</ins> se laisse aller à des séquences d'errance empreinte de rêverie, à l'image de cette scène où <strong>Mitchum </strong>erre sur la plage avec sa classe et contemple, impuissant, les fantômes des amants suscités par quelques traces de pas sur le sable.</p>
<p>Puis vient le temps de la dure réalité, qui anéantira toutes ces belles promesses oniriques. La dernière demi-heure du film, d'une grande brutalité à travers les thèmes du lynchage, du suicide et de l'exil, cristallise des divergences, des antagonismes et des conflits qui étaient restés relativement sous-jacents jusqu'alors. Dans les derniers regards que s'échangent Rose et Michael (l'idiot du village, au sens propre) au moment de se dire adieu, on reçoit en pleine face l'expression de ce dont ils ont souffert durant tout le film : au-delà de leurs différences aussi évidentes qu'innombrables, ce sont des parias, des marginaux, des monstres, des déviants. Lui, évidemment, aura subi les châtiments du village tout entier à cause de son handicap physique et mental. Elle, de manière plus progressive et détournée, se verra conspuée par une foule haineuse et édentée à cause de ses mœurs jugées immorales. Le personnage du major s'ajoute également à ces portraits de solitaires malgré eux, soldat de l'armée britannique envoyé en terre irlandaise inhospitalière et hanté par des traumatismes de guerre. Ces exclus éternels de la communauté, de par leurs différences qui ne seront jamais acceptées, participent à un autre paysage, beaucoup moins charmant et bucolique que celui des côtes irlandaises, d'une saisissante cruauté.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fille_de_ryan/.ombrelle_m.jpg" alt="ombrelle.jpg, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fille_de_ryan/.mer_m.jpg" alt="mer.jpg, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fille_de_ryan/.navire_m.jpg" alt="navire.jpg, nov. 2019" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fille_de_ryan/.reve_m.jpg" alt="reve.jpg, nov. 2019" />
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