Je m'attarde - Mot-clé - Ermanno Olmi le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Métier des armes, de Ermanno Olmi (2001)urn:md5:b13a65da175dfd1e379d774ee4bd7c8e2023-04-28T18:07:00+02:002023-04-29T09:10:05+02:00RenaudCinémaChevalerieErmanno OlmiFroidGuerreItalieMilitaireMoyen ÂgeNeigeRenaissance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.metier_des_armes_m.jpg" alt="metier_des_armes.jpg, mars 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un tournant dans l'art des guerres médiévales</strong></ins></span>
</div>
<p><strong>Ermanno Olmi </strong>était jusqu'alors connu pour ses chroniques de la vie quotidienne italienne des années 60, tout en minimalisme et en humour absurde discret (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961">L'Emploi</a></ins>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Fiances-de-Ermanno-Olmi-1963">Les Fiancés</a></ins>), ainsi que pour la fresque paysanne de plus de trois heures qui observait la vie d'une métairie à la fin du XIXe siècle (<ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Arbre-aux-sabots-de-Ermanno-Olmi-1978">L'Arbre aux sabots</a></ins>, palme d'or en 1978). Il était donc en un sens plutôt naturel d'être loin de l'imaginer, à 70 ans, investir un récit médiéval du début XVIe siècle autour de la personne de Jean de Médicis, dit Jean des Bandes Noires, un jeune chevalier de 28 ans capitaine de l'armée papale engagé contre les lansquenets, fantassins de l'empereur d'Allemagne Charles Quint. Dans cette perspective historique, <ins>Le Métier des armes</ins> raconte autant la guerre d'escarmouches qu'il livra au général Frundsberg, se soldant par la mort de Jean de Médicis et par le sac de Rome en 1527, que le point de bascule dans la vision tactique et idéologique de la guerre entre Moyen Âge et Renaissance.</p>
<p>Pour un non-initié à la période des guerres d'Italie et ses onze conflits étalés sur près d'un siècle, on peut assez instinctivement penser que le film d'<strong>Olmi </strong>ne permettra pas de saisir l'intégralité du contexte. L'introduction est d'ailleurs une sorte d'aveu de ce point de vue, car les 10 premières minutes se révèlent parfaitement incompréhensibles, avec une profusion d'informations, de personnages et de lieux laissant le commun des mortels dans un état de perdition avancé. Mais cette introduction n'est que le point de départ plantant le décor, à savoir la mort du Jean de Médicis, pour mieux revenir une semaine auparavant et relater les événements ayant conduit à l'événement tragique de manière beaucoup plus intelligible et appréciable.</p>
<p><ins>Le Métier des armes</ins> se sert de l'invention du fauconneau, une pièce d'artillerie légère présentée comme la première capable de transpercer les armures des chevaliers, pour illustrer le basculement d'une guerre aux allures héroïques, constituées de batailles rangées et de sacrifices correspondant à la norme chevaleresque, vers une guerre beaucoup plus tournée vers la tactique, avec ses escarmouches et ses attaques surprises — Jean de Médicis sera dans le film autant auteur que victime de cette transformation, auteur dans le harcèlement des troupes luthériennes et victime par sa blessure à la jambe qui sera gagnée par la gangrène. Le refus du spectaculaire pourra à ce titre être rebutant, pour qui s'attend à quelque chose à ce niveau-là.</p>
<p>La description de cette bascule historique est vraiment passionnante, sorte de révolution militaire qui n'est sans doute pas consciente à l'époque (même si le film prend le soin de montrer la fabrication des canons avec beaucoup d'emphase, une scène qui rappelle directement celle de la cloche dans <ins>Andrei Roublev</ins>), un art de la guerre en mutation explicitement cité au travers de lectures politiques de <strong>Machiavel</strong>. <strong>Olmi </strong>instaure un climat d'une froideur incroyable, imposant une distance qu'il faut apprécier, compensée par une composition proprement fabuleuse. La beauté de la photographie est d'une intensité folle, avec de très nombreuses séquences capturées comme des tableaux de la Renaissance, dans des jeux de lumière stupéfiants: les éclairages dans les forteresses, les torches qui bravent la tempête en extérieur, les arbres nus desquels pendent des cadavres, les paysages enneigés couverts de brume, l'architecture des intérieurs immenses, tout cela est fascinant pour les yeux.</p>
<p><strong>Olmi </strong>referme son film sur une atmosphère chargée d'une mélancolie indélébile, un sentiment diffus de solitude coriace renforcé par l'éclairage sur les derniers jours pour le moins éreintants de la vie de Jean de Médicis, au travers d'une succession de tableaux retraçant un segment de l'évolution du métier de soldat. Un récit tout sauf héroïque, moins porté sur les troupes et les combats que sur les trahisons et les réminiscences intimes au moment de l'agonie. Un film sur la vanité humaine, aussi, avec des déambulations méditatives : le décor de la chambre dans laquelle le héros succombe est un écrin de choix avec toutes ses peintures et sculptures. À la mort du condottiere, il fut demandé l'abolition des armes à feu nous font comprendre les dernières minutes du film : une demande qui resta bien sûr lettre morte.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img8_m.jpg" alt="img8.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img9_m.jpg" alt="img9.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img10_m.jpg" alt="img10.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img11_m.jpg" alt="img11.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img12_m.jpg" alt="img12.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img13_m.jpg" alt="img13.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img14_m.jpg" alt="img14.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img15_m.jpg" alt="img15.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img16_m.jpg" alt="img16.jpg, mars 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/metier_des_armes/.img17_m.jpg" alt="img17.jpg, mars 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Metier-des-armes-de-Ermanno-Olmi-2001#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1142L'Arbre aux sabots, de Ermanno Olmi (1978)urn:md5:df34c6a317e59622570336c4786c5d6c2020-06-25T16:57:00+02:002020-06-25T18:15:06+02:00RenaudCinémaAgricultureErmanno OlmiItalieNaturalismePaysanReligionRuralitéTerreVieillesse <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>
Chroniques paysannes
</strong></ins></span></div>
<p>C'est la mort de sa grand-mère, au milieu des années 60, et surtout des notes de ses grands-parents sur lesquelles il tomba en 1976 qui poussa <strong>Ermanno Olmi </strong>à écrire et réécrire le sujet de <ins>L'Arbre aux sabots</ins>, chronique paysanne d’une petite communauté de Bergame à la fin du 19ème siècle. Cette dimension personnelle est sans doute à l'origine de plusieurs dispositions (à commencer par le choix du lieu et des acteurs non-professionnels) qui contribuent à faire de ces trois heures une fresque intimiste aussi intense. Comme si le témoignage de ces quatre familles de métayers, dans leur environnement, avec le régisseur et le prêtre qui rôdent dans les parages, se faisait de manière simple et naturelle, comme s'il s'agissait d'un documentaire, sans effort, sans accroc. En ce sens (et en ce sens uniquement) pas si éloigné de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961"><ins>L'Emploi</ins></a> ou <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Fiances-de-Ermanno-Olmi-1963"><ins>Les Fiancés</ins></a>. Comme un cousin italien éloigné des films et séries <ins>Heimat</ins> de <strong>Edgar Reitz</strong>, croisé avec le vieux couple décrit dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Cousin-Jules-de-Dominique-Benicheti-1972"><ins>Le Cousin Jules</ins></a> ou les portraits de <strong>Depardon </strong>dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Profils-Paysans-par-Raymond-Depardon-2000-2004-et-2008"><ins>Profils paysans</ins></a>.</p>
<p>Une grande ferme en métairie exploitée par des familles de paysans pauvres, entre l’automne 1887 et l’été 1898, et c’est à peu près tout, sur le papier. <strong>Olmi </strong>tisse avec une grande sobriété le fil de leurs histoires presque indépendantes, reliées par le lieu et leur condition mais avec très peu d’interactions entre les quatre groupes. Mais sobriété ne signifie pas sécheresse émotionnelle ici, bien au contraire : derrière le parti pris de sa reconstitution minutieuse, et au-delà de ses détails techniques (dialecte bergamasque, activités agricoles, objets du quotidien paysan, rapport à l’animal), il se dégage de cette chronique une grande sensibilité et une grande justesse sur des thèmes variés (les liens familiaux, l’importance première du travail, la présence de la religion). La marque de l’attachement d’<strong>Olmi </strong>pour cette réalité perdue, comme s’il cherchait à en raviver les souvenirs tout en maintenant une forme supérieure de pudeur pour décrire cette condition paysanne. Il dira à propos du film "si j'insiste sur une certaine tendresse, c'est parce que les sentiments sont, pour les pauvres, le seul patrimoine".</p>
<p>Ainsi passe le temps et défilent les saisons, dans un cadre magnifiquement photographié, selon quelques arcs narratifs croisés au montage, avec le travail communautaire en perspective omniprésente : l’épluchage et égrainage des épis de maïs qui ont séché pendant tout l’automne, la mise à mort et la préparation du cochon sous la neige pour Noël, la plantation des semis de tomates à proximité de la grange dont la chaleur des pierres assurera une récolte précoce, ou encore des événements familiaux comme un mariage et une naissance. Cette année passe avec une douceur paradoxale et une tranquillité étonnante, sans nier la dureté de certains aspects, le long d’un chemin partagé entre sa tendance documentaire et ses élans de poésie pragmatique. La séquence où le père d’un enfant qui a cassé son sabot lui en fabrique un nouveau en secret, pendant que le reste de la famille prie, à partir d’un bois qu’il est allé lui-même (outrepassant ses droits de simple exploité) couper chez le propriétaire, est d’une rare émotion. L’espace d’un instant, on fait abstraction des lourdes conséquences.</p>
<p><ins>L'Arbre aux sabots</ins> trouve un autre équilibre dans l’expression de la communauté, avec d’un côté un sentiment d’appartenance imposé par la promiscuité et l’isolement de la ferme, et de l’autre une série d’actes égoïstes (à l’image du secret pour faire pousser les tomates avant celles des voisins, ou encore la séquence géniale où le père Finard trouve une pièce d’or en plein meeting socialiste, le sourire aux lèvres et en pouffant, avant de le cacher sous le sabot d’un cheval) guidés avant tout par la situation de survie. Tous sont sujets aux prélèvements réguliers du régisseur dont l’injustice restera en toile de fond, tous partagent le même rapport à la nature fertile, tous partagent des moments intimes de rassemblement pour des veillées nocturnes, des services religieux et diverses tâches ménagères. La dernière séquence, dans laquelle une famille est chassée de chez elle et quitte la ferme dans la nuit noire, sous le regard des autres familles rassemblées dehors, rappelle aussi leur état de dépendance et leur injustice commune.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_01_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_01.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_02_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_02.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_03_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_03.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_04_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_04.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_05_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_05.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_06_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_06.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_07_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_07.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_08_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_08.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_09_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_09.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_10_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_10.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_11_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_11.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_12_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_12.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_13_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_13.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_14_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_14.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_15_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_15.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_16_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_16.jpg, juin 2020" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/arbre_aux_sabots/.arbre_aux_sabots_17_m.jpg" alt="arbre_aux_sabots_17.jpg, juin 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Arbre-aux-sabots-de-Ermanno-Olmi-1978#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/792Les Fiancés, de Ermanno Olmi (1963)urn:md5:ce54798cfa2c00ebb7eb33bf2394e78d2019-06-26T17:03:00+02:002019-06-26T16:47:13+02:00RenaudCinémaErmanno OlmiItalieMinimalismeMélancolieRomanceSicileTravail <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fiances/.fiances_m.jpg" alt="fiances.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="fiances.jpg, juin 2019" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Des réminiscences d'un relation passée à la flamboyance d'un amour ravivé</strong></ins></span>
</div>
<p>Le précédent film d'<strong>Ermanno Olmi</strong>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961"><ins>L'Emploi</ins></a>, ne le laissait pas présager car il utilisait le mutisme de son protagoniste à des fins humoristiques, en dépeignant un monde du travail complètement absurde au milieu duquel déambulait un jeune candide. Mais ce qui frappe dans <ins>Les Fiancés</ins>, c'est ce minimalisme absolu, tant dans le scénario que dans la mise en scène, et son incroyable pouvoir de suggestion. Rien ne passe par les canaux d'expression habituels, rien n'est exprimé de manière directe ou classique pendant les trois quarts du film. Il faudra attendre la toute fin pour goûter à une conclusion d'une puissance difficilement prévisible.</p>
<p>Tout le film est basé sur une narration étrange, ni linéaire, ni réaliste, ni chaotique, ni onirique. <strong>Olmi </strong>manipule tous ces ingrédients avec un soin tout particulier apporté à la subtilité de leurs effets. C'est la raison pour laquelle on ne comprend pas tout de suite l'objet de cette fête servie en guise d'introduction, avec un couple étonnamment distant, a priori plongé dans une incompréhension mutuelle. Quelques fragments de ce qui s'apparente à un passé proche surgit de manière épisodique, sous la forme de flashbacks portés par quelques brèves images, permettant de dresser les contours de la situation. L'homme est ouvrier dans le Nord de l'Italie, et pour une raison laissée floue, il a choisi d'abandonner sa femme et son père afin d'aller travailler au Sud pour une durée indéterminée, en Sicile. On ne voit pas d'autres raisons : un joli pécule et une qualification supérieure.</p>
<p>Sa découverte de l'Italie du Sud est captée dans une atmosphère très étonnante, mêlant confusion, incompréhension, léthargie et autres incertitudes. Une poésie triste s'installe, entre réalisme et impressionnisme. Il ne semble pas éprouver de grands regrets à l'égard de sa vie passée mais manifestement, quelque chose le ronge de l'intérieur. L'aridité de ce long moment est frappante, un passage tout en intériorisation et en retranchement, dans une absence quasi totale de dialogue et de musique. L'état d'esprit du personnage est dépeint très sporadiquement, avec quelques images mentales, l'enfermant toujours un peu plus dans une forme de tristesse, une bulle de mélancolie qui éclatera bien plus tard dans le film. Dans cette longue partie centrale, le déracinement est retranscrit sur un ton banal, désarçonnant. Et soudain, à la faveur d'une lettre de sa fiancée, le récit s'embrase. Le couple se reforme spontanément, à distance, renforcé par leur séparation. On passe des réminiscences d'un relation passée à la flamboyance d'un amour ravivé, au cœur d'un lyrisme épistolaire bouleversant.</p>
<p>Il m'a cueilli en seulement deux films, <strong>Olmi</strong>. Cette subtilité dans la pratique du minimalisme, soit comique soit dramatique, un pied dans le réalisme et l'autre dans l'impressionnisme... J'en redemande.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/fiances/.moto_m.png" alt="moto.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="moto.png, juin 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Fiances-de-Ermanno-Olmi-1963#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/660L'Emploi, de Ermanno Olmi (1961)urn:md5:938b076efc21f57349b1f962c39405312019-03-01T12:28:00+01:002019-03-01T12:29:47+01:00RenaudCinémaAbsurdeErmanno OlmiItalieNéoréalismeOuvrierRomanceRécit d apprentissageTravail <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/emploi/.emploi_m.jpg" alt="emploi.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="emploi.jpg, mar. 2019" /><div id="centrage">
<span style="font-size: 18pt;"><ins><strong> "L'avenir vous semble-t-il sans espoir ? Buvez-vous souvent pour oublier vos problèmes ?" </strong></ins></span>
</div>
<p>Dans le cadre de cette époque du cinéma italien, on peut se lancer dans <ins>L'Emploi</ins> en croyant avoir affaire à une forme de néoréalisme plus ou moins classique. Si la toute première partie peut donner raison sous certains aspects, en se concentrant sur la famille d'un jeune fils d'ouvrier à travers la promiscuité qui règne au sein du foyer, cette grille de lecture s’avérera très vite caduque. <strong>Ermanno Olmi</strong> trace son chemin dans une direction étonnante, émouvante, et bien difficile à anticiper.</p>
<p>L'emploi du titre, c'est ce qui est au centre d'un récit d'apprentissage, celui de Domeneco, interprété par <strong>Sandro Panseri </strong>avec une tendresse bien curieuse, presque atone, lui qui semble invariablement partagé entre mollesse et incompréhension. La représentation de son état d'esprit incertain, comme s'il baignait constamment dans un flou dense, est excellente. On ne saura jamais vraiment ce qu'il en pense sincèrement, de cette batterie de tests stupides qu'on lui fait passer comme concours d'entrée dans une grande entreprise milanaise, de son rapport à la hiérarchie ou même à ses collègues, et plus généralement de son fameux emploi. La seule chose dont on est sûr, à la fin, c'est que Domeneco a clairement tourné le dos à son adolescence, finies l'innocence et l’insouciance, en étant devenu un employé de bureau comme tant d'autres. Un poste qu'il n'occupe ni franchement par dépit, ni par véritable choix personnel : un peu par défaut, poussé par des contraintes diverses. Une trajectoire désespérément banale.</p>
<p>Le monde du travail est d'abord décrit comme le lieu de l'étrange et de l'absurde, avec ces tests intellectuels bizarres (une heure pour calculer 620 x 3/4 x 4/5), ces examens physiques incongrus, et ces entretiens qui ne font à aucun moment sens ("L'avenir vous semble-t-il sans espoir ? Est-ce que le sexe opposé vous répugne ? Buvez-vous souvent pour oublier vos problèmes ?"). Mais il y fera également la rencontre d'une jeune fille aussi paumée que lui, et il s'en rapprochera jusqu'à ce que les lois de l'entreprise les séparent en les affectant à des départements différents. Le néoréalisme des débuts est ainsi très vite laissé de côté, pour laisser place tour à tour à un humour noir et absurde, ainsi qu'à une forme de romantisme très léger, toujours très en retrait.</p>
<p>On ne comprendra jamais ce qui motive l'ascension des différents échelons, ce qui se trame derrière les nombreux changements d'affectation, et toutes ces décisions sont observées avec une douce ironie, avec beaucoup de recul. Domeneco se soumet docilement aux différentes injonctions, mais on ne connaîtra jamais véritablement le fond de sa pensée, même si on ressent avec vigueur le décalage profond entre la promesse initiale d'une vie meilleure et la réalité de la vie "active" dans tout son prosaïsme, auquel il ne semblera pas réagir (la scène du manteau bien trop grand est à ce titre éloquente). Une approche délicate qui permet au film de rester sensible, intelligible, drôle et pertinent encore aujourd'hui, en dépit des transformations profondes du monde du travail depuis le milieu du XXe siècle.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/emploi/.chapeau_m.jpg" alt="chapeau.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="chapeau.jpg, mar. 2019" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Emploi-de-Ermanno-Olmi-1961#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/622