Je m'attarde - Mot-clé - Ile déserte le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearSans filtre, de Ruben Östlund (2022)urn:md5:c99c269e37ca5779a3448ecbe4a837b52023-01-19T10:26:00+01:002023-01-19T10:26:00+01:00RenaudCinémaArgentCaricatureComédieEdward AbbeyGrotesqueHumiliationIleIle déserteInfluenceurModePolitiqueProvocationRuben ÖstlundSatireSoumissionSurvivalWoody Harrelson <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.sans_filtre_m.jpg" alt="sans_filtre.jpg, déc. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Never argue with an idiot, they'll only bring you down to their level and beat you with experience."<br /></strong></ins></span>
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<p>Je trouve le cheminement de <strong>Ruben Östlund </strong>assez cohérent au cours des 15 dernières années, et fidèle à un style qu'il maîtrise bien. Le procédé est souvent le même, et peut agacer pour plein de raisons : il prend le format de la fable morale pour gratter à des endroits souvent douloureux. La dose de cynisme et de misanthropie peut varier, le schéma de démonstration peut lasser de par sa répétitivité au fil des films, la dimension grotesque volontaire peut exaspérer, mais malgré toutes ces potentielles réserves au sujet d'une recette qui pourrait paraître "facile", à titre personnel la direction dans laquelle <strong>Östlund </strong>mitraille et la manière avec laquelle il le fait me paraissent particulièrement pertinentes, et chose non-négligeables, drôles. Et puis des satires "faciles" de ce genre, je serai prêt à en regarder plus régulièrement, pour être tout à fait sincère.</p>
<p><ins>Triangle of Sadness</ins> n'est pas exempt de lourdeurs, et ce sont les séquences correspondant à l'introduction (l'addition au resto) et au dernier segment (survival sur une île déserte) qui m'ont le plus rebuté, indépendamment du caractère très pertinent du fond. La première parce qu'elle est lourde, maladroite et assez insistante, la seconde parce qu'elle est vraiment superflue et enfonce un coin fendeur sur lequel on avait déjà martelé à grands coups de merlin pendant deux heures.</p>
<p>Donc, après le petit monde de l'art contemporain dans son précédent film, c'est au tour de la mode et des influenceurs de prendre pour leur grade. Tout n'est que prétexte pour déverser un torrent de boue, mais pour une fois, la gratuité et le grotesque de la caricature m'ont paru extrêmement efficaces. J'ai autant rigolé lors de la scène du repas (et son crescendo vomitif accompagné d'oscillations du bateau en plein tangage) qu'en imaginant le public cannois devant un tel spectacle. La formule est vraiment éventée, on enchaîne les formes de violences, d'humiliations et de soumissions en tous genres avec une régularité métronomique, mais je n'y peut rien, j'ai savouré. Même <strong>Woody Harrelson </strong>en capitaine marxiste affrontant un industriel russe capitaliste ayant fait fortune avec du fumier au travers d'une joute verbale impliquant des citations de <strong>Ronald Reagan</strong>, <strong>Thatcher</strong>, <strong>Edward Abbey</strong>, <strong>Mark Twain</strong>, <strong>Karl Marx </strong>et <strong>Lénine </strong>m'a fait mourir de rire. "<em>Growth for the sake of growth is the ideology of a cancer cell — That's Edward Abbey</em>" ou "<em>Never argue with an idiot, they'll only bring you down to their level and beat you with experience. Mark Twain</em>" ou "<em>Do you know how to tell a communist? It's someone who reads Marx and Lenin. And do you know how to tell an anti-communist? It's someone who understands Marx and Lenin — It's Ronald Reagan</em>" ou encore "<em>The last capitalist we hang will be the one who sold us the rope. Karl Marx</em>". Complètement débile, mais tellement drôle. Même la tension qui s'impose dans le dernier tiers, avec des jeux multiples dans la mise en scène autour de la façon par laquelle une forme de violence sauvage pourrait surgir, m'a paru très convaincante.</p>
<p>Les fils sont gros, impossible de le nier. Le coup du couple de vieux britanniques et de leur fortune faite avec "des engins de précision" qui finissent explosés par ces mêmes engins, à savoir des grenades, sont sans doute l'archétype du procédé. Bourrin, mais efficace. Je suppose que tout découle de l'adhésion et de l'immersion, ou non, dans le délire et dans l'ambiance du yacht. Clairement le film n'est pas d'une modestie sans faille, il aurait pu écarter beaucoup de choses y compris dans la satire pure, mais impossible pour moi de nier que presque tout m'a fait marrer — même la remise à zéro des compteurs sur l'île façon Marivaux, avec inversion des rapports dominants / dominés, n'est pas complètement stérile. De voir le monde contemporain souillé de la sorte, en filant des pains dans toutes les directions (la misanthropie est surtout condensée dans le discours sur la réversibilité du mal tout à fait naturelle, qui verrait les dominations s'inverser à la moindre occasion, ce qui me paraît pertinent, par opposition avec l'angélisme d'une vision contraire), rappelle qu'on n'a pas si souvent l'occasion de s'y confronter dans le cadre de ce cinéma.</p>
<p>Je vois dans <ins>Sans filtre</ins> une étrange hybridation entre <strong>Haneke</strong>, <strong>Allen </strong>et <strong>Tati</strong>, avec une option de grande farce qui échantillonne soigneusement ses sujets et ses attaques. La gestion de l'équilibre entre rire et malaise, même si elle n'est ni nouvelle ni fine, demeure efficace dans son refus de la réconciliation. Ce n'est pas un film poli, c'est un euphémisme si on repense à quelques scènes — la vieille qui chavire de gauche à droite en essayant de vomir aux chiottes, bon sang. Bien sûr qu'on n'a pas attendu <strong>Östlund </strong>pour comprendre que les sociétés occidentales sont profondément inégalitaires, que richesse et amoralité ne sont pas antagonistes, et que la cupidité semble primer sur la solidarité dans nombre de situations. Mais son côté provocateur pour décrire le monde de l'argent roi carbure à un humour qui me parle beaucoup, et qui va au-delà de la caricature qu'il reprend de film en film, au-delà de la répétition, en poussant toujours plus loin les curseurs de la vacherie. Personnellement je trouve que c'est un miroir intéressant et fertile de la violence que l'on peut observer au quotidien.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, déc. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/sans_filtre/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, déc. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sans-filtre-de-Ruben-Ostlund-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1107Castaway, de Nicolas Roeg (1986)urn:md5:34f19f0bac141186e1d413c07df3b1ed2020-06-02T10:39:00+02:002020-06-02T09:41:30+02:00RenaudCinémaAventuresCoupleCriseDésirErotismeIleIle déserteIsolementMariageNatureNicolas RoegOliver ReedVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.castaway_m.jpg" alt="castaway.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I believe in our future here."</strong></ins></span>
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<p>La présence d’<strong>Oliver Reed </strong>dans un tel film, ça dépasse l'entendement. 15 ans après sa prestation outrée, hallucinée et over the top dans <ins>Les Diables</ins> de <strong>Ken Russell</strong>, on le retrouve embarqué dans cette histoire renversante, adaptée de deux livres autobiographiques, dédiée à la lubie romantique d’un écrivain échoué volontaire sur une île déserte australienne en très bonne compagnie — qu'il avait pris le temps de soigneusement sélectionner au préalable. C'est le récit authentique de Lucy Irvine, une employée londonienne de 25 ans, blasée par la vie citadine, qui répond à une annonce dans Time Out London stipulant "écrivain d'une trentaine d'années recherche jeune épouse pour passer une année dans une île tropicale"... Une annonce placée par Gerald Kingsland, 49 ans, qui sélectionna cette femme parmi plus de cinquante candidates et avec qui il se maria (afin de respecter une loi australienne restreignant l'immigration) pour aller passer un an sur l'île de Tuin. Chacun des deux écrira un livre à l'issue de cette aventure, base de travail pour cette adaptation réalisée par le décidément très singulier <strong>Nicolas Roeg</strong>.</p>
<p>Ainsi, <ins>Castaway</ins> (à ne pas confondre avec le film de <strong>Robert Zemeckis</strong>, <ins>Cast away</ins>, "Seul au monde" en français) se résume à 2 heures presque intégralement sur une île déserte, en compagnie d’<strong>Oliver Reed </strong>en écrivain rêveur emphatique puis bougon et d'<strong>Amanda Donohoe </strong>en aspirante à l'émancipation sous les tropiques, essentiellement nue — un argument marketing incontournable, sans aucun doute. Elle dira d'ailleurs de manière assez drôle, au sujet du tournage : "<em>Well, naked on a desert island with Oliver Reed – it was a tabloid fantasy, wasn't it? He was an alcoholic and his behaviour was erratic, but he was always a courteous and good actor. His personal life wasn't working but he never crossed any lines professionally.</em>" Ce rêve de publicitaire lubrique se révèlera comme la cohabitation d'un homme et d'une femme mal assortis, découvrant très rapidement qu'ils ne partagent pas tout à fait la même conception de l'idylle exotique et du paradis paresseux. Loin, très loin de la robinsonnade annoncée.</p>
<p>De manière tout à fait surprenante et improbable, <strong>Nicolas Roeg </strong>parvient à tisser une atmosphère originale et bizarre de ce postulat de départ rachitique, en instillant peu à peu les ingrédients discrets d'une discorde qui détruira le magnifique paysage. Elle rêvait d'apprendre à survivre sur cette île dotée d’un incroyable potentiel, un peu à l’image d’un peuple primitif profitant de la faune et de la flore locales, mais lui avait tout simplement prévu de vivre d'amour et d'eau fraîche (fraîchement et régulièrement envoyée par son éditeur, comme une avance sur la publication du livre retraçant cette expérience à paraître) et de se repaître de sa monumentale flemme. Aventurier dans les mots (cette façon de déclamer "<em>I believe in our future here</em>" avec grandiloquence...), mais pas vraiment dans les actes. Malheureusement, emmuré dans son obsession contemplative et voluptueuse, il perd l'assentiment de sa conjointe qui en retour refuse de faire l'amour — alors que, rappelons-le, elle passe l’essentiel de son temps à marcher dans le sable blanc et à nager dans les lagons avoisinants dénudée. Au final, c'est bien elle qui se révèlera la plus apte à vivre dans ces conditions et sous ces latitudes, avec le désir et la force de caractère nécessaires. Ce sera le point de départ d’une longue hystérie bicéphale, principalement articulée autour d’une série de monologues, décrivant une situation d'incommunicabilité délirante, ponctuée par-ci par-là d'infections et de maladies assez peu glamours. Sur un rythme vraiment très étrange, avec un sens très singulier de la poésie et de l’attente, le paradis annoncé se transforme en un purgatoire parfaitement insolite.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.cuisine_m.jpg" alt="cuisine.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.plage_m.jpg" alt="plage.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.soleil_m.jpg" alt="soleil.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Castaway-de-Nicolas-Roeg-1986#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/783Les Naufragés de l'île de la Tortue, de Jacques Rozier (1976)urn:md5:2fb2be18981d06c460edd6adec0a86e82020-01-02T13:13:00+01:002020-01-02T13:22:23+01:00RenaudCinémaAventuresComédieGuadeloupeIleIle déserteJacques RozierPierre RichardRobinson CrusoéVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/.naufrages_de_l-ile_de_la_tortue_m.jpg" alt="naufrages_de_l-ile_de_la_tortue.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Robinson démerde-toi, 3000 francs rien compris"</strong></ins></span>
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<p>Première incursion du côté de <strong>Jacques Rozier</strong>... et quel voyage ! Quel bordel, surtout. Aucun autre film, à ma connaissance, n'accompagne <strong>Pierre Richard </strong>dans un tel délire devant et derrière la caméra. Il est presque méconnaissable dans le rôle de cet agent de voyage qui pense avoir l'idée du siècle en proposant un séjour un peu particulier : partir sur une île déserte dans un dénuement quasi total, à l'image de Robinson Crusoé. C'est d'ailleurs le titre de leur offre commerciale, "Robinson démerde-toi, 3000 francs rien compris".</p>
<p>Sauf que le film, une vraie bizarrerie, n'adopte en rien le ton ou le rythme d'une comédie d'aventures telle qu'on la définirait. Au cours de ces 2h20, <ins>Les Naufragés de l'île de la Tortue</ins> (il n'y aura d'ailleurs ni véritable naufrage ni véritable tortue, seulement une simulation de naufrage ratée et une île inconnue sur laquelle personne ne voudra aller) n'en finit pas d'enchaîner les temps morts, au creux d'aléas dont on ne saurait trop décrire la nature : intentionnels, ou résultats de manœuvres plus ou moins involontaires lors du tournage ? À l'image de la première partie dans laquelle <strong>Pierre Richard </strong>cherche une fille portant un prénom particulier pour attiser la jalousie de sa femme, et se retrouve dans le lit d'une inconnue au cours d'une scène qui s'étire de manière inexpliquée. Un bordel incroyable, à tel point qu'on ne saura jamais vraiment où le film veut aller. C'est l'instabilité totale sur cette embarcation hasardeuse qui porte le récit d'une comédie d'aventures totalement floue et incertaine. Des personnages principaux vont même jusqu'à disparaître du champ sans crier gare, à l'instar de <strong>Maurice Risch </strong>aha Gros Nono resté à Paris et remplacé in extremis par son frère <strong>Jacques Villeret </strong>aka Petit Nono, alors comédien débutant — et dont l'impassibilité met souvent mal à l'aise —, ou encore <strong>Pierre Richard </strong>himself, dans un rôle sans équivalent dans sa filmographie, sous les traits de Jean-Arthur Bonaventure (pour la rime) qui se perd à la fin du film à la nage, avant qu'on ne le retrouve dans une prison.</p>
<p>Une chose est sûre, ce style est assez unique en son genre, qu'il soit constitutif ou pas du cinéma de <strong>Rozier</strong>. Une loufoquerie permanente, sans jamais qu'on sache si cette sensation est le résultat d'une mise en scène ou des conditions de tournage autour de la Guadeloupe. Si les organisateurs souhaitaient dans le film faire souffler le vent de l'aventure et se délecter de l'imprévu avec les clients, rien ne se passera comme prévu, et il serait tentant d'y voir là une sorte de mise en abyme du tournage du film lui-même, avec ses longueurs et ses sursauts de rythme,. Tout cela transpire l'improvisation, l'incertitude, mais aussi la liberté.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/.richard_m.jpg" alt="richard.jpg, janv. 2020" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/villeret.jpeg" alt="villeret.jpeg, janv. 2020" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Naufrages-de-l-ile-de-la-Tortue-de-Jacques-Rozier-1976#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/732