Je m'attarde - Mot-clé - Mythe le temps d'un souffle<br />2024-03-29T14:52:11+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearBois-aux-Renards, d'Antoine Chainas (2023)urn:md5:b8c517b95f04454092b9cbeade9698322023-08-26T00:18:00+01:002023-08-27T13:03:03+01:00GillesLectureCommunautéConteForêtLégendeMytheRoman noirSerial killer <p><img class="media-center" src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.Bois-aux-Renards-Antoine-Chainas-2023_m.jpg" alt="G03294_BoisAuxRenards_CV.indd, août 2023" title="Bois-aux-Renards, d'Antoine Chainas (2023)" /></p>
<p>C’est un demi-été passé dans les <ins>Bois-aux-renards</ins>. Faut dire que ce plutôt long roman d’<strong>Antoine Chainas </strong>couplé à une lecture intermittente a fait durer le périple. Son écriture est parée de beaux ornements pour le roman noir, la langue participe au réalisme inquiétant de l’histoire. <span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">Même si parfois j’ai glapi comme un renard à cause des longueurs et du regain de cruauté, le tableau impressionne</span><span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">. Je verrais bien ce livre adapté au cinéma par </span><strong style="font-family: var(--sans-serif);">Dominik Moll</strong><span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">. L’adaptation par ce dernier du roman de </span><strong style="font-family: var(--sans-serif);">Colin Niel</strong><span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">, </span><ins style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">Seules les bêtes</ins><span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">, partage une intrigue qui, par une série de coïncidences invraisemblables, lie intimement plusieurs personnages que l’on suit. Ajoutez à cela un terreau surnaturel où les monstruosités du genre humain prennent les tournures d’un conte. </span><ins style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);">Bois-aux-Renards</ins><span style="font-family: var(--sans-serif); font-size: var(--body-font-size);"> se présente vraiment à nous sous la forme d’une fable :</span></p>
<blockquote>
<p>An 01</p>
<p>Au commencement étaient les hommes. Puis vinrent les armes et la chasse. Ensuite, il y a eu l’accumulation, et l’on bâtit des routes et des abris.</p>
<p>La femme apparut alors que le prix des choses était déjà fixé. L’accumulation devint multiplication, il fallut restaurer l’équilibre ancien.</p>
<p>Ainsi fut créé l’animal. On l’appela vie, mais son œuvre était mort.</p>
<p>Extrait d'un carnet retrouvé dans un hameau abandonné du Haut Pays. Plusieurs pages arrachées en tête de volume suggèrent des hésitations. L'ouvrage s'intitule Bois-aux-Renards. (Contes, légendes et mythes)</p>
</blockquote><p>L’itinéraire d’un couple de tueurs, Yves et Bernadette, parti en vacances en camping-car nous fait rapidement oublier ce mystérieux incipit pour plonger dans un roman noir en bon et due forme. Leur intrusion dans les Bois-aux-Renards advient après une macabre cavalcade sous tension. Cet égarement dans une forêt profonde avec ses hameaux abandonnés sonne comme le début d’une autre histoire au sein d'une communauté de chasseurs-cueilleurs déconcertante ; la dimension merveilleuse au sens littéraire apparaît alors avec ses croyances sylvestres.</p>
<p>C’est aussi la troublante histoire de Chloé qui fut laborantine le temps d’une expérimentation de domestication de renards aux Bois-aux-Renards et d’Anna une enfant attardée qui se retrouve témoin d’un meurtre perpétré par Yves et Bernadette. </p>
<p>Il y a un puits et une tour au cœur des Bois-aux-Renards participant grandement aux légendes de ces lieux. Ce carnet retrouvé - roublarde mise en abîme d’<strong>Antoine Chainas</strong> - constitue finalement un récipiendaire des secrets, des aveux, des oublis et des remords de plusieurs personnages hauts en couleur dont les existences se télescopent.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Bois-aux-Renards-Antoine-Chainas-2023#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1245Mythologies Alpines, collectif dirigé par François Damilano (2012)urn:md5:e51e2945b95ddaa7a5fbeeef37bd87842023-05-25T13:37:00+01:002023-05-25T13:37:00+01:00GillesLectureAlpesAlpinismeMontagneMythe <p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.mythologies_alpines_collectif_damilano_2012_m.jpg" alt="mythologies_alpines_collectif_damilano_2012.jpg, mai 2023" style="display:table; margin:0 auto;" title="mythologies_alpines_collectif_damilano_2012.jpg, mai 2023" /></p>
<p>Quarante passionnés au pedigree éclectique - des alpinistes, des guides, des journalistes, des chercheurs, des écrivains - ont été invités pour élaborer leur critique des mythologies alpines.
Ces courts textes de deux à quatre pages maximum, pas tous de la même plume, forment un recueil inégal mais réussi. Les rétrospectives historiques (<ins>le mythe alpinistique</ins> de <strong>Jean Corneloup</strong>, <ins>une courte histoire de l'Alpe homicide</ins> de <strong>Claude Gardien</strong>, <ins>la solidarité alpine</ins> de<strong> Michel Raspaud)</strong> jouxtent d'autres textes aux perspectives originales.</p>
<p>Si je pioche parmi les textes les plus marquants, <ins>8000</ins> aurait une place élevée dans mon palmarès. <strong>Bernard Amy</strong>, chercheur en sciences cognitives et écrivain, y interroge brillamment la symbolique de ce seuil des huit mille mètres.</p>
<blockquote><p>Le fait de fonder une mythologie sur une altitude pose cependant quelques problèmes liés aux incertitudes de la mesure des dénivelés. Les physiciens le savent : toute mesure est entachée d'erreur. Pour être sérieux, une indication d'altitude devrait être suivie d'une estimation de la marge d'erreur. Ce n'est pas le cas des cartes réalisées par les alpinistes. Et puis les altitudes ne sont pas figées une fois pour toutes. Le niveau de référence, celui de la mer, est, dit-on, appelé à s'élever sans que le sommet des montagnes suive pour autant ce mouvement ascensionnel. Par ailleurs, la tectonique des plaques terrestres continue de pousser les cimes un peu plus vers le ciel, tandis que l'érosion les abaisse.</p>
<p></p></blockquote>
<p>On pourra prolonger ce texte avec <ins>L'altitude</ins> de <strong>Pierre Olivier Dupuy</strong> qui se penche sur les maux et la pharmacologie des alpinistes qui ne peut être la Panacée. Dans <ins>Le haut et le bas, le pur et l'impur</ins>, <strong>Erik Decamp</strong> défait les fadaises de la montagne pure qui élève l'âme. Le saut est vite fait de porter aux nues les alpinistes dont les aspirations élevées flairent parfois l'alibi spirituel. L'auteur conclue sa critique ainsi :</p>
<blockquote><p>Le haut est connoté positivement, le bas négativement ; le bon est en haut, le mauvais en bas ; le beau est en haut, le laid en bas ; l'élite est en haut, la masse en bas. On parle de hautes pensées et de basses besognes, de haut du panier et de bas de gamme. La perception de la montagne est enlisée dans cette association d'idées, qui contamine l'opinion que les alpinistes se font d'eux-mêmes. Qu'ils y mettent ce qu'il faut de complaisance, et le haut devient le supérieur, le bas l'inférieur. La connivence sémantique avec la supériorité d'un groupe humain n'est pas loin.</p>
<p></p></blockquote>
<p>Dans cette voie, les portraits de grands alpinistes qui jalonnent le recueil sont loin d'être glorifiants et cherchent davantage à retrouver l'homme derrière le mythe. A ce titre, le cas <strong>Maurice Herzog</strong> - légende contestée - est traitée à sa juste mesure dans le texte de <strong>Benoît Heimermann</strong> intitulé <ins>l'Annapurna</ins>. L'incontournable<strong> Desmaison</strong> est raconté fabuleusement par <strong>Antoine Chandelier</strong> puis contrebalancé avec une certaine malice dans <ins>Moi, Simone D., femme de mythe</ins> de <strong>Patricia Jolly.</strong> D'autres de ces célèbres et incontournables alpinistes <strong>Messner</strong>, <strong>Rébuffat</strong>, <strong>Berhault</strong>, <strong>Edlinger</strong> et j'en passe, tiennent une place de choix dans le livre.</p>
<p>D'autres auteurs creusent un sillon plus personnel. <strong>Dominique Potard</strong> raconte son ascension tendue lors de la première solitaire du pilier Boccalatte sous l'influence du mythe <strong>Berhault</strong> (<ins>Beau oui comme Berhault</ins>). Ou encore, la tentative d'ascension par <strong>Michel Paccalet</strong> d'une voie mythique baptisée <ins>Une sale affaire de sexe et de crime</ins> dont l'intérêt disparaît peu à peu, pour tomber bientôt dans l'oubli, à la vitesse des glaciers qui se rétractent et des nouvelles longueurs encore plus lisses qui apparaissent en dessous de l'attaque originelle.</p>
<blockquote><p>Surplombant la mer de Glace, une voie très dure, dénuée de prises, nous défiait tant l'adhérence et l'équilibre y semblaient aléatoire. Sa cotation extrême (ABO/7A/270m) impressionnait. Son nom sonnait, obscur et mystérieux comme une nouvelle d'Edgar Allan Poe : <em>Une sale affaire de sexe et de crime</em>. L'imaginaire des grimpeurs forgea vite la mythologie de cet itinéraire. (...) David Chambre et Jibé Tribout l'ont réalisée à vue en 1984, un exploit stupéfiant jamais réédité. Astucieux et déterminés, ils avaient enduit la gomme de leurs chaussons de résine d'épicéa. (...) L'histoire est mythique aussi à cause de cette fameuse ruse.</p>
<p></p></blockquote>
<p>Enfin je note que les figures de style sont bien représentées reflétant l'envie littéraire de leur auteur. Une personnification : <ins>Le Petit Dru de Walter Bonatti</ins> d'<strong>Eliane Patriarca</strong> qui donne la parole à ce monolithe écorché. Une prosopopée : <strong>Christophe Raylat</strong> imagine une interview de <em>Tintin</em>, âgé de ses 95 ans à Moulinsart, pour évoquer avec lui son aventure au Tibet en quête de Tchang son ami disparu. Deux synecdoques : <ins>le piolet</ins> de <strong>Sylvain Jouty</strong> et <ins>l'écheveau de la passerelle</ins> de <strong>Pierre-Yves Chays</strong>. Ses brins de tissus et de sangles usées restés accrochés après avoir servis pour les rappels des skieurs et des alpinistes (en l'occurrence les rappels en fil d'araignée depuis la passerelle de l'Aiguille du Midi) témoignent à leur façon de l'alpinisme. Ou encore un acrostiche à partir du nom de la fleur mythique <ins>l'edelweiss</ins> par <strong>Virginie Rajaud-Allanau</strong>.</p>
<p>Ce recueil concocté par <strong>François Damilano</strong>, éditeur de cette petite maison <a href="http://www.jmeditions.fr/" title="Site web de JMEdition">JMEditions</a> à qui on doit cette collection « <em>les petits livres jaunes</em> », se picore et offre en quelques textes un panorama captivant de la montagne et de l'alpinisme. Celui-ci a trouvé un prolongement paru l'année dernière (2022) <a href="https://jmeditions.jimdo.com/les-livres/petits-livres-jaunes/nouvelles-mythologies-alpines/" title="Nouvelles Mythologies Alpines">Nouvelles Mythologies Alpines</a> avec 44 nouveaux textes.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Mythologies-Alpines-collectif-Damilano-2012#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1169Il était une fois les mythesurn:md5:409733cbd03da770b764d4ab012c1a692017-03-23T19:16:00+00:002017-03-23T20:37:38+00:00GillesIdéesEpopéeHistoireLinguistiqueMytheThéorie <p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.Article_LeMonde_Mythologie_m.jpg" alt="Article_LeMonde_Mythologie.jpg" title="Aperçu en couleur de la double page de l'article. Illustration d'Isabel Espanol" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>Cet enthousiasmant article de <strong>Stéphane Foucart</strong> a été publié en 2014 dans le supplément <em>Culture & Idées</em> du journal <em>Le Monde</em>. Il a consacré deux pleines pages aux travaux de <strong>Michael Witzel</strong>, professeur de sanskrit à Harvard, sur les origines des mythes lors de la sortie de son ouvrage académique : <ins>The Origins of the World’s Mythologies</ins> (2013).</p>
<p>Le contenu de l’article est accessible aux abonnés du <em>Monde</em> à <a href="http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/03/13/il-etait-une-fois-les-mythes_4382701_3246.html" title="Il était une fois les Mythes, un article de Stéphane Foucart (2014)">ce lien</a> ; pour tous les autres, vous pouvez télécharger le scan de sa version papier que m’avait gentillement glissé sous le nez un collègue de travail pendant la pause café (merci Fabrice !). </p>
<div id="centrage"><a href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/page-1.jpg" title="page-1.jpg"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/.page-1_s.jpg" alt="page-1.jpg" /></a> <a href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/page-2.jpg" title="page-2.jpg"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/DIVERS/.page-2_s.jpg" alt="page-2.jpg" /></a><br /><em>Cliquez pour aggrandir les pages, ou bien téléchargez le pdf en annexe.</em></div>
<p>La coïncidence de deux chroniques récentes m’y a fait repenser - à savoir deux chefs-d'œuvre : un roman <ins>Lavinia</ins> d'<strong>Ursula K. Le Guin</strong> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Lavinia-de-Ursula-K-Le-Guin-2008">lien</a>) et un film <ins>Les Nibelungen</ins> en deux parties <em>La Mort de Siegfried</em> et <em>La vengeance de Kriemhild</em>, de <strong>Fritz Lang</strong> (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Nibelungen-La-Mort-de-Siegfried-et-La-vengeance-de-Kriemhild-de-Fritz-Lang-1924">lien</a>). Le spectateur et le lecteur découvrent souvent les récits fondateurs de la mythologie au travers d'œuvres contemporaines qui sont des réécritures et des interprétations se chargeant avec finesse et érudition, en tout cas pour ces deux-là, de les développer. Autrement dit, ils ne contentent pas de les commémorer mais de leur faire prendre de nouveaux chemins de sens en adoptant des points de vue narratifs originaux.</p>
<p>L’émergence et la diffusion de certains mythes et motifs sont des sujets fascinants, particulièrement quand on les analyse dans leur ensemble. Il existe de nombreuses études et thèses qui interrogent de manière théorique et pluridisciplinaire les chemins de transmission, de mutation et de métamorphose des récits mythologiques, depuis les bribes d'histoires originelles jusqu’aux versions actuelles de ces épopées. Cet article est une géniale plongée dans la géographie mythologique du monde ainsi qu'un habile résumé de la théorie de<strong> Witzel</strong> dont l’exposé a quelque chose de profondément stimulant.</p>
<br />
<div id="centrage"><strong> Bonne lecture ! :-)</strong></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Il-etait-une-fois-les-mythes#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/397Lavinia, de Ursula K. Le Guin (2008)urn:md5:314763d0c581fe331df9042201fa60312017-03-19T18:26:00+00:002017-03-21T09:32:15+00:00GillesLectureEpopéeFantômesFemmeGuerreItalieMytheNatureVirgileÉnéide <img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.Lavinia_LeGuin_m.jpg" alt="Lavinia, d'Ursula K. Le Guin (2008)" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Lavinia, d'Ursula K. Le Guin (2008), mar. 2017" />
<p>Dans une interview de l'auteure, <strong>Ursula K. Le Guin</strong> dit que son intérêt pour les cultures les plus diverses tient surement à une affinité de tempérament ou d’intellect avec son père qui était anthropologue : <em>lui </em>étudiait des sociétés étrangères, <em>elle</em> en invente. Elle a ainsi écrit de <a href="https://www.noosfere.org/icarus/livres/auteur.asp?NumAuteur=314" title="Bibliographie de Le Guin">nombreux romans et nouvelles</a> en suivant une inclination pour les genres de l’imaginaire dont elle est devenue une incontournable artisane. <ins>Lavinia</ins> paru en 2008 se situe pour sa part à mi-chemin entre l’Histoire et la Mythologie Antique.</p>
<p><a href="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/uklg.jpg" title="Ursula K. Le Guin"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/GILLES/LIVRES/.uklg_m.jpg" alt="Photo d'Ursula K. Le Guin" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Ursula K. Le Guin" /></a></p>
<p><strong>Le Guin</strong> raconte une grande épopée au travers le regard et la vie d’un personnage féminin peu documenté du nom de <strong>Lavinia</strong>. Elle est la fille de <strong>Latinus</strong> qui était un souverain sur les terres du <em>Latium</em>, durant la période faisant suite à la guerre de <em>Troie</em>. Selon la légende, le troyen <strong>Énée</strong> reçoit la prophétie d’un oracle : il ira avec ses compagnons, obligés à l’exil, vers cette région de l’ouest de l’Italie (<em>Latium</em>) pour trouver une nouvelle cité et fonder la lignée qui érigera un grand empire (<em>Rome</em>). Le poète <strong>Virgile</strong> - à la fin du premier siècle avant JC - a donné une nouvelle vie à cette légende à travers l’<ins>Énéide</ins>, un poème subdivisé en douze chants qui retracent le périple d'<strong>Énée</strong>. <strong>Lavinia</strong> y tient une place centrale car son destin se trouve croisé et intimement lié à celui d’<strong>Énée</strong>.</p>
<blockquote><p>Comme Hélène de Sparte j’ai causé une guerre. La sienne, ce fut en se laissant prendre par les hommes qui la voulaient ; la mienne, en refusant d’être donnée, d’être prise, en choisissant mon homme et mon destin. L’homme était illustre, le destin obscur : un bon équilibre.</p>
</blockquote>
<p><strong>Lavinia</strong> reste cependant une figure muette dans l’<ins>Énéide,</ins> jusqu'à ce que <strong>Le Guin</strong> s'attarde récemment sur ce personnage laissé à l'arrière-plan, pour lui donner une complexité nouvelle et une véritable personnalité. Cette œuvre contemporaine vient compléter merveilleusement le récit de <strong>Virgile,</strong> qui mourut en laissant son poème inachevé, en donnant une perspective nouvelle – un point de vue féminin – à cette épopée. L’<ins>Énéide</ins> de <strong>Virgile</strong> s’arrête en effet abruptement après la guerre qui affronta<strong> Énée</strong> et un prince local du nom de <strong>Turnus</strong>, tous deux prétendants à la main de <strong>Lavinia</strong>.</p>
<p>Le lecteur ne trouvera pas le merveilleux mythologique de l’<ins>Iliade</ins> ou l’<ins>Odyssée</ins> d'<strong>Homère</strong> auquel il pourrait s'attendre, mais une vision beaucoup plus humaine et réaliste du récit mythologique. Le récit de <strong>Lavinia</strong> comporte cependant de subtiles intrusions fantastiques et ouvre de subtiles portes entre la réalité et la fiction. Le récit de <strong>Lavinia</strong> prend en effet une dimension troublante (on pourrait dire métaphysique) lorsqu'elle entre par le biais de ses rêves en conversation avec son poète, <strong>Virgile</strong> lui-même. Elle prend ainsi conscience de sa propre essence fictionnelle tandis qu’elle n’est encore qu’une enfant dans son présent à elle. Quant à <strong>Virgile</strong>, en provenance du futur, il est sur son lit de mort quand <strong>Lavinia</strong> découvre de sa voix la prophétie attachée à sa personne : elle devra épouser un étranger et non un prince latin.</p>
<p>Tantôt la narration est lente dans le roman, tantôt elle jette au lecteur un souffle qui le porte. <strong>Le Guin</strong> ne confond pas vitesse et précipitation construisant méticuleusement une histoire fabuleuse à partir de <em>petites choses</em> pour raconter la <em>grande épopée</em>. Dans un passage vraiment étonnant, <strong>Le Guin</strong> retranscrit en une seule page presque chaque scène des violents combats de l’<ins>Énéide</ins>, en imprimant un rythme saisissant, résumant ainsi de manière cynique et réjouissante le passage de vie à trépas des illustres protagonistes de cette violente guerre qui opposa Troyens et Italiens.</p>
<p>La simplicité et la beauté de la prose de <strong>Le Guin</strong>, sa crédible évocation d’un autre lieu et d’un autre temps, son appréciation subtile et continue pour les beautés de la vie de tous les jours émanant de la cité ou de la nature sont autant de qualités qui ravivent cette épopée au côté d'<strong>Énée</strong> et <strong>Lavinia</strong></p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Lavinia-de-Ursula-K-Le-Guin-2008#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/382Les Nibelungen : La Mort de Siegfried et La vengeance de Kriemhild, de Fritz Lang (1924)urn:md5:773361e8550e2f6203040a8e641e05902017-03-11T20:35:00+01:002017-03-11T21:23:39+01:00RenaudCinémaAllemagneDragonEpopéeFritz LangGuerreMoyen ÂgeMytheVengeance <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/nibelungen.jpg" alt="nibelungen.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="nibelungen.jpg, mar. 2017" /><div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>La chute des Huns et la mort des autres<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p><span style="font-size: 18pt;">Partie 1 : Le talent de Siegfried, chasseur de dragons.</span></p>
<p>Les 150 minutes de la première partie des <ins>Nibelungen</ins> procurent le même effet qu'un rouleau-compresseur épique et émotionnel : on en ressort tétanisé, complètement époustouflé par l'audace formelle et narrative de ce travail de titan. C'est une superproduction du muet qui va plus loin encore dans la recherche de l'effet de sidération que les meilleures séquences que <strong>Griffith </strong>tourna huit ans plus tôt dans <ins>Intolérance</ins>, axées sur la chute de Babylone. L'ampleur de la fresque prend des proportions incroyables.</p>
<p>Il fallait une ambition (et du talent, évidemment) non-négligeable pour reconstituer l'univers d'un mythe fondateur allemand aussi énorme que celui des <em>Nibelungen </em>("les fils de la brume" littéralement), datant du 13ème siècle, lui-même écrit sous l'influence d'un autre mythe, scandinave, de dix siècles son aîné. Et les aventures de Siegfried trouvent ici un écrin magnifique, d'une redoutable efficacité, dans la toile esthétique tissée par <strong>Fritz Lang </strong>pour envelopper ses exploits.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_9_m.jpg" alt="Siegfried_9.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Siegfried_9.jpg, fév. 2017" /></p>
<p>Ces séquences en forêt ! Ces passages oniriques à la peinture ! Ces accès de lyrisme qui emportent tout sur leur passage ! Cette présentation d'une guerrière, Brunhil, reine d'Islande ! Cette présence marquante, Hagen de Tronje, avec sa trogne horrible, sa silhouette menaçante, et ce casque de fer orné de plumes de corbeau ! Ces costumes, ces décors, bon sang ! Et ce dragon ! C'est tout bonnement insensé d'être parvenu à animer un animal gigantesque de la sorte dans les années 20, avec aussi peu de moyens techniques à disposition. Il se dégage de presque chaque plan une puissance écrasante, étourdissante, qui confère au récit un souffle épique passionnant. Le seul bémol, si l'on voulait faire la fine bouche, porterait sur la figure du roi, un peu fade en comparaison des autres personnages.</p>
<p>Siegfried se baignant dans le sang du dragon qu'il vient de terrasser, avec une feuille de tilleul posée sur le haut de son dos annonçant un drame proche du mythe (du talon) d'Achille, tout comme certains objets d'apparat fantastiques (à l'image du heaume magique), achèvent de conférer à ce film-fleuve une ampleur démentielle et une aura surnaturelle, merveilleuse, renversante. Le pari de redonner vie à cette légende monumentale et à un imaginaire enchanteur me paraît on ne peut plus réussi.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_1_m.jpg" alt="Siegfried_1.jpg" title="Siegfried_1.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_2_m.jpg" alt="Siegfried_2.jpg" title="Siegfried_2.jpg, fév. 2017" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_3_m.jpg" alt="Siegfried_3.jpg" title="Siegfried_3.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_4_m.jpg" alt="Siegfried_4.jpg" title="Siegfried_4.jpg, fév. 2017" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_5_m.jpg" alt="Siegfried_5.jpg" title="Siegfried_5.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_6_m.jpg" alt="Siegfried_6.jpg" title="Siegfried_6.jpg, fév. 2017" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_7_m.jpg" alt="Siegfried_7.jpg" title="Siegfried_7.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Siegfried_8_m.jpg" alt="Siegfried_8.jpg" title="Siegfried_8.jpg, fév. 2017" /></div>
<p><span style="font-size: 18pt;">Partie 2 : Là où Kriemhild passe, l'herbe trépasse.</span></p>
<p>Le changement de rythme et de ton est d'une radicalité sans commune mesure. Cette seconde partie enterre la dimension littéralement merveilleuse de la légende pour entamer une lente et destructrice descente aux enfers. Au milieu des flammes, drapée dans sa robe aux motifs hypnotisants, le visage fermé, la tête coiffée de son nouvel apparat d'impératrice : Kriemhild, la nouvelle reine des Huns, est une des figures les plus imposantes, les plus surprenantes et les plus noires de cette fresque. Son regard glaçant est de ceux qu'on n'oublie pas.</p>
<p>Tous les personnages sombrent peu à peu dans la folie (la leur ou les conséquences de celle des autres) avant de mourir dans un fracas destructeur. Le carnage est aussi immense qu'inéluctable : c'est le pendant extrêmement noir de toute la première partie qui suivait le chemin du mythe envoûtant et légendaire. Très vite, <strong>Fritz Lang </strong>décrit les peuples huns dans un souci de contraste assez clair avec les populations burgondes présentes dans la première partie : aux châteaux austères des uns répondent les cahutes insalubres des seconds, d'un côté des armures étincelantes et de beaux tissus, et de l'autre des peaux de bête et des gueules menaçantes. En rejoignant la tribu du roi Etzel (ou Attila, selon la langue...), elle termine son processus de transformation depuis la mort de Siegfried et consacre définitivement le début de l'apocalypse.</p>
<p>Le regard perçant de <strong>Margarete Schön </strong>irradie ce deuxième volet, il accompagne sa vengeance jusqu'à la scène finale : l'assaut du palais des Huns dans lequel sont enfermées les dernières forces des Burgondes. Cette dernière séquence est à l'image du film dans son ensemble, elle est d'une puissance colossale et elle la doit notamment à des décors gargantuesques, sans aucune limite, et à une horde de figurants donnant littéralement corps à la tuerie. Les combats sont âpres, la haine viscérale, et la violence vengeresse ne laissera que des cendres sur son passage. Et le film se termine sur une vision extrêmement traumatique, avec une armée de cadavres gisant au sol, dans la plus pure démesure, et à ce titre (et à ce titre uniquement) dans la droite ligne de sa première partie.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_1_m.jpg" alt="Kriemhild_1.jpg" title="Kriemhild_1.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_2_m.jpg" alt="Kriemhild_2.jpg" title="Kriemhild_2.jpg, fév. 2017" /><br />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_7_m.jpg" alt="Kriemhild_7.jpg" title="Kriemhild_7.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_8_m.jpg" alt="Kriemhild_8.jpg" title="Kriemhild_8.jpg, fév. 2017" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_9_m.jpg" alt="Kriemhild_9.jpg" title="Kriemhild_9.jpg, fév. 2017" /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_10_m.jpg" alt="Kriemhild_10.jpg" title="Kriemhild_10.jpg, fév. 2017" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_11_m.jpg" alt="Kriemhild_11.jpg" title="Kriemhild_11.jpg, fév. 2017" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nibelungen/.Kriemhild_12_m.jpg" alt="Kriemhild_12.jpg" title="Kriemhild_12.jpg, fév. 2017" /><br />
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