Je m'attarde - Mot-clé - Poésie le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Funambule (Man on Wire), de James Marsh (2008)urn:md5:c5680662ac0885633e4e9077b8c28c572024-02-07T10:31:00+01:002024-02-07T10:31:00+01:00RenaudCinémaDocumentaireEtats-UnisFranceNew YorkPoésieSlackline <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/funambule.jpg" title="funambule.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/.funambule_m.jpg" alt="funambule.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>The artistic crime of the century</strong></ins></span>
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<p>Difficile de ne pas être touché par l'ampleur du coup monstrueux réalisé par <strong>Philippe Petit </strong>et un petit groupe d'amis proches, frasque géniale et grandiose qualifiée en son temps de "the artistic crime of the century" par les journaux. Le 7 août 1974, au petit matin, les badauds qui se promenaient à Manhattan virent en levant les yeux dans le ciel un homme perché sur un fil tendu entre les deux tours de feu le World Trade Center. <ins>Man on Wire</ins>, du nom du rapport de police qui avait conduit à son arrestation (et à sa libération rapide), raconte avec une malice extrême — et une parcimonie dans les images de l'événement un peu trop forte, aussi, il faut l'avouer — le projet complètement chtarbé, depuis son organisation méticuleuse digne du casse du siècle jusqu'à cette petite heure suspendue dans le temps, occupée à faire 8 allers-retours sur un câble perché à 400 mètres de hauteur sans assurage.</p>
<p>C'est à mon sens le seul vrai reproche qu'on peut faire au documentaire : faute de prises de vue directes qui auraient été amassées en quantité, <strong>James Marsh </strong>donne régulièrement l'impression de combler un vide. Beaucoup de reconstitutions maladroites, beaucoup de souvenirs mis en scène dans un noir et blanc qui fait toc, et au final très peu de matière pour alimenter le cœur des enjeux, lorsque l'apothéose est censée survenir. La structure du film est soignée, avec grosso modo une heure de montée en tension pour présenter le contexte dans lequel cette idée folle a germé et le plan d'action mis en place afin d'arriver au but, avant d'évoquer le passage de funambule à proprement parler. On a beau savoir a posteriori que la bande de loustics a réussi à investir les étages supérieurs du plus haut bâtiment au monde à l'époque et que tout s'est bien passé, l'expérience reste malgré tout non-dénuée de suspense et de pression.</p>
<p>Le plus drôle, évidemment, c'est l'observation des derniers préparatifs pour accomplir cette folie, en toute illégalité — chose qu'une fiction comme celle de <strong>Robert Zemeckis </strong>en 2015 ne peut pas capter à la hauteur de ce geste documentaire-là. Les images de ces préparatifs, elles, même si elles ne sont pas de la main et de l'œil d'un <strong>Herzog</strong>, sont abondantes et permettent de capter l'atmosphère bon enfant qui précèdent l'exploit surhumain. La beauté réside essentiellement dans la totale gratuité de l'acte, grand moment de poésie amateur et sans autre finalité, qui laissera même les policiers interloqués. Les heures précédant la traversée à proprement parler, à pénétrer les lieux du site de construction à l'aide de fausses cartes d'accréditation, à déjouer l'attention des gardes de sécurité, à tirer à l'arc une flèche qui permettra de tirer les câbles, à éviter les boulettes de dernière minute, sont littéralement incroyables. Tout sera parti d'une révélation artistique dans la salle d'attente d'un dentiste, embrayant sur des mois d'entraînement, de repérage et de préparation au sein d'une bande de gentils clowns, pour terminer sur une note amère, celle du groupe volant en éclats juste après l'exploit. À défaut d'une vision solide ou d'une approche pertinente, le docu n'est pas aussi fantastique qu'il aurait pu être, mais il donne un aperçu malgré tout jouissif de cette pitrerie des sommets.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/funambule/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Funambule-de-James-Marsh-2008#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1338Trafic, de Jacques Tati (1971)urn:md5:01b083d0f1152d1c50b60573924c80432024-01-06T11:17:00+01:002024-01-06T11:18:54+01:00RenaudCinémaAmsterdamBurlesqueComédieDessinFranceJacques TatiLoufoqueParisPays-BasPoésieUrbanismeVilleVoiture <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/trafic.jpg" title="trafic.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.trafic_m.jpg" alt="trafic.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Où allez-vous, monsieur Hulot ?"</strong></ins></span>
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<p>Le fond de l'air est décidément bien tristounet dans ce dernier épisode des aventures de Monsieur Hulot, vieillissant, souvent laissé sur le bas-côté et en marge de l'activité, qui fait suite quatre années plus tard à l'échec commercial (et pourtant magnifique) de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Playtime-de-Jacques-Tati-1967">Playtime</a></ins> ayant entraîné la faillite de la société de production de <strong>Jacques Tati</strong>. Il est malgré tout parvenu à se remettre en selle pour <ins>Trafic</ins>, et à dissimuler des contraintes matérielles inévitables derrière un certain minimalisme de mise en scène qui s'accorde assez bien, il faut le reconnaître, avec son style lunaire et son appétence pour le détail. Aucun problème pour passer près de deux minutes à observer des conducteurs se tripatouiller le nez en gros plan ou des hommes d'affaires évoluer de manière très saccadée à cause de fils délimitant les stands dans un immense hall d'exposition en plan large...</p>
<p>S'il y a bien un changement majeur par rapport aux précédents films de <strong>Tati</strong>, c'est la présence d'un objectif précis structurant la narration et l'irruption d'un personnage féminin d'importance : à la différence de <ins>Playtime</ins> ou de <ins>Mon oncle</ins> qui campait une position très observationnelle, on peut résumer l'histoire de <ins>Trafic</ins> à celle d'un dessinateur pour une petite entreprise automobile parisienne chargé de présenter sa dernière invention (une Renault 4L aménagée en voiture de camping révolutionnaire, l'avant-garde des vans aménagés en quelque sorte) au salon d'Amsterdam en compagnie d'une attachée de presse dont il ne restera pas insensible. C'est clair et intelligible, même si cela n'empêchera évidemment pas une cascade d'imprévus et de gags reflétant sans doute la définition même de la méthode <strong>Tati</strong>.</p>
<p>On retrouve le Monsieur Hulot observateur à la fois candide et circonspect de la société moderne, de ses évolutions, de son progrès. Les routes parcourues par le personnage, sillonnées par d'innombrables véhicules (dont on aura observé la construction au gré d'une introduction quasi-documentaire) alors que lui-même restera la plupart du temps immobilisé sur le bord du chemin, forment une métaphore à la fois simple, distante, et loufoque du regard qu'il semble poser sur son époque. Même si on n'échappe pas à une certaine répétitivité dans le geste, comme si <strong>Tati </strong>faisait du sur place en roue libre, il reste une ambiance (très particulière et immédiatement reconnaissable, du burlesque de bande-dessinée des années 1970) et un foisonnement de détails. On retrouve aussi cet amour pour la confusion sonore, avec des dialogues souvent inintelligibles, noyés dans une cacophonie désagréable tant qu'on cherche à identifier la partie utile du signal, pour finalement dériver vers une sorte de film muet dégénéré. Ça parle, ça parle, mais personne n'écoute vraiment : tout le monde s'en fout.</p>
<p>Il y a dans <ins>Trafic</ins> comme dans tous les <strong>Tati</strong> une dimension expérimentale qui peut rebuter, surtout lorsqu'elle est alliée à un humour aussi burlesque et suranné. On voit bien le cinéaste expérimenter, ici avec les décors et les couleurs, là avec les effets sonores et les propos incompréhensibles. Ces jeux, toujours en mode mineur, provoquent un effet de contrepoids avec le constat désabusé de son personnage devant une forme de déshumanisation de la société par la consommation, impassible devant la fourmilière hystérique. Ils évitent au film de verser dans la critique passéiste et amère, et forment un petit espace de calme et de confort au milieu du chaos.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img2.jpg" title="img2.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img3.jpg" title="img3.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img4.jpg" title="img4.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/img5.jpg" title="img5.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/trafic/.img5_m.jpg" alt="img5.jpg, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Trafic-de-Jacques-Tati-1971#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1315Assoiffé (Pyaasa), de Guru Dutt (1957)urn:md5:1180b11c724b08d10044520e3dedb1282024-01-03T13:06:00+01:002024-01-03T17:00:06+01:00RenaudCinémaChansonHypocrisieIndeMortMélodramePoésieProstitutionSatyajit Ray <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/assoiffe.jpg" title="assoiffe.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/.assoiffe_m.jpg" alt="assoiffe.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La dure vie du poète sincère</strong></ins></span>
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<p>La thématique du poète pauvre fidèle à son art mais rejeté par la société me fait spontanément et nécessairement penser à des personnages qu'on retrouve dans le cinéma de <strong>Satyajit Ray</strong> (à l'instar de l'ancien maharajah dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Salon-de-musique-de-Satyajit-Ray-1958">Le Salon de musique</a></ins>), le rapprochement étant un peu guidé, pour ne pas dire forcé, par ma large méconnaissance du cinéma indien. La comparaison me paraît malgré tout valable au-delà de cette seule histoire, à travers le rythme relativement lent de la narration, la mélancolie très forte qui infuse sur toute la durée, et ce noir et blanc qui alimente une esthétique si particulière avec les vêtements indiens et les lieux afférents. La grande différence, cela étant dit, se situe dans la présence de nombreux numéros de chant ici.</p>
<p>Et c'est là mon principal problème : j'ai beaucoup de mal avec ces passages chantés, et ils sont très nombreux, dans la tradition bollywoodienne — dont je ne connais pas grand-chose non plus, et dont je ne peux donc pas percevoir la variation / altération dans <ins>Pyaasa</ins>, s'il y en avait. C'est très préjudiciable à l'ensemble car au creux de ces séquences-là passent beaucoup de messages et de descriptions, avec des passages plus oniriques et d'autres plus ouvertement tristes. Je sens que je suis coupé d'une part non-négligeable du contenu et de l'affliction du poète Vijay (interprété par <strong>Guru Dutt </strong>lui-même) et de sa relation avec une prostituée et une amie d'enfance.</p>
<p>Dommage, car il y a beaucoup de particularités idiosyncratiques, en lien avec la production locale de poésie et l'édition (on parle même de rachat de papier pour l'industrie). Le mélodrame conserve malgré tout une bonne partie de son charme dans l'attrait de la prostituée pour les textes d'un poète incompris jusqu'alors, qui se sera battu en vain toute sa vie pour la reconnaissance. Les passages comiques portés par l'acteur <strong>Johnny Walker </strong>(nom véridique) ne sont pas du meilleur effet à mon goût, au même titre que les références crypto-christiques, mais le final à partir de l'anniversaire de la mort prétendue du poète (il avait donné sa veste à un sans-abri) délivre tout son potentiel dramatique vigoureusement. Il peut enfin crier son dégoût du monde, de l'hypocrisie et de la domination de l'argent. Très beau film sur la cruauté du monde envers les artistes intègres.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/assoiffe/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Assoiffe-de-Guru-Dutt-1957#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1316Le Quarante et unième, de Grigori Tchoukhraï (1956)urn:md5:b4c41612257de925b0e532a3a2e7fe772023-08-03T09:46:00+02:002023-08-04T05:38:21+02:00RenaudCinémaDésertGrigori TchoukhraïGuerreGuerre civileIleKazakhstanOuzbékistanPoésiePrisonnierRomanceRussieTempête <div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.quarante_et_unieme_m.jpg" alt="quarante_et_unieme.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.quarante_et_uniemeB_m.jpg" alt="quarante_et_uniemeB.jpg, juil. 2023" />
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La rouge et le blanc, en couleurs</strong></ins></span></div>
<p>Il y a très peu de surprise, du point de vue du schéma narratif, pour qui a déjà vu <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Quarante-et-unieme-de-Yakov-Protazanov-1927">la première adaptation</a> de la nouvelle de <strong>Boris Lavrenev</strong> en 1927 par <strong>Yakov Protazanov</strong>. Même si ce remake de <strong>Grigori Tchoukhraï </strong>fut réalisé quelques années après la mort de Staline, toutes les composantes qui unissent les bolchéviques et les tsaristes (et qui de ce fait éloignent le film des idéaux propagandistes traditionnels) étaient déjà présentes dans les années 20 du côté de la littérature et du cinéma soviétiques. Tout juste peut-on éventuellement observer que les affrontements entre les deux camps au sein de la guerre civile russe sont moins prononcés ici, en 1956, puisque le film démarre avec une troupe de soldats de l'armée rouge errant dans le désert de Karakorum, une introduction présentée comme une mission de reconnaissance et non comme une fuite suite à un combat perdu.</p>
<p>L'histoire reste inchangée : une seule femme appartient au groupe, elle est tireuse d'élite et cumule quarante morts du côté adverse, et au cours du dernier assaut un prisonnier est capturé. Un lieutenant de la garde blanche d'une importance toute particulière puisqu'il était censé convoyer des informations secrètes. Le blanc et la rouge se retrouveront, au terme d'un périple à travers le désert puis d'un naufrage au large de la mer d'Aral, isolés sur une île paradisiaque.</p>
<p>La grande évolution se situe en revanche du côté de la mise en scène, puisqu'on abandonne le muet en noir et blanc pour voir défiler des images d'une beauté frappante, en tons pastel typiques du procédé Sovcolor (un brevet soviétique fut déposé en 1946). Le rendu confère au récit une dimension totalement surréaliste, en altérant certaines couleurs et en exacerbant certaines autres, avec des pigments ressortant de manière très vives (le rouge, au hasard). Il en résulte une esthétique somptueuse qui met en valeur les différents éléments, le sable du désert, le bleu du ciel, de la mer et des yeux du prisonnier, ou encore les teintes rougeoyantes d'un feu de camp. L'occasion également pour le chef opérateur de <strong>Mikhaïl Kalatozov</strong>, <strong>Sergueï Ouroussevski</strong>, de s'adonner à de nombreux plans d'une rare beauté, avec des surimpressions renversantes (le visage de l'héroïne par-dessus lequel s'imprime des flammes et des étoiles, comme un hommage au cinéma muet) et des compositions qui brûlent la rétine autant qu'elles installent une ambiance unique, presque lunaire.</p>
<p>Le récit n'est sans doute pas à la hauteur de celui de l'autre film célèbre de <strong>Grigori Tchoukhraï</strong>, le magnifique <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Ballade-du-soldat-de-Grigori-Tchoukhrai-1959">La Ballade du soldat</a></ins> : si la naïveté de l'ensemble peut être accepté dans le cadre d'un mélodrame romantique, il y a tout de même quelques segments manquants dans la continuité psychologique qui font naître quelque chose d'étrange dans l'évolution des rapports entre les deux ennemis, avec quelques facilités d'écriture (comme le coup de fusil final) qui ne sont plus aussi facilement acceptables que dans l'écrin du muet. Mais bon sang, ne serait-ce que pour cette vision du paradis perdu dans la dernière partie du film, dans cette enveloppe graphique irréelle, <ins>Le Quarante et unième</ins> version 1956 est un somptueux coup d'éclat.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.img3_m.jpg" alt="img3.jpg, juil. 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.img4_m.jpg" alt="img4.jpg, juil. 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante_et_unieme_1956/.img7_m.jpg" alt="img7.jpg, juil. 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Quarante-et-unieme-de-Grigori-Tchoukhrai-1956#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1203Araya, de Margot Benacerraf (1959)urn:md5:485e4ba91312d2cf882b17725364edc12023-07-18T10:01:00+02:002023-07-18T10:01:00+02:00RenaudCinémaBateauDocumentaireEthnologieMerPoésiePêcheRobert J. FlahertySelVenezuela <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/araya/.araya_m.jpg" alt="araya.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Salt of the Earth</strong></ins></span>
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<p>Impossible de ne pas penser à <strong>Robert J. Flaherty </strong>en regardant <ins>Araya</ins>, qui peut se lire comme une version vénézuélienne, orientée vers une méthode ancestrale de récolte du sel, de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-d-Aran-de-Robert-Flaherty-1934">L'Homme d'Aran</a></ins>, qui était consacré aux pêcheurs et aux conditions de vie drastique sur l'île irlandaise. Même si les modes d'expression diffèrent en de nombreux points, il est vraiment frappant de retrouver des dénominateurs communs aussi forts, à 25 ans d'intervalle, à savoir la forme du poème visuel chargé d'un lyrisme expansif dédié au récit de travailleurs évoluant dans des paysages désolés.</p>
<p>Mais ici, point de côtes rocheuses et de bords de mer escarpés : l'horizon est constitué de terres arides et d'eaux salées dans lesquelles évoluent des hommes qui s'acharnent à extraire le seul matériau des alentours, tel un minerai précieux. À l'époque, il est d'ailleurs dit que le sel était quelque chose d'aussi précieux que d'autres métaux rares : des vestiges de forteresses espagnoles du XVIIe siècle sont là pour le rappeler. Et dans les années 50, on extrayait le sel selon un procédé qui n'avait pas varié au cours des 450 dernières années — autant dire que le travail se fait dans des conditions terribles, la peau brûlée par le soleil, les plaies ravivées par les cristaux de sel. En ce sens, <ins>Araya</ins> est un magnifique témoignage d'un mode de vie désormais révolu, en sachant que déjà l'époque de la réalisation, <strong>Margot Benacerraf </strong>se questionnait énormément sur le devenir de ces pratiques, à l'occasion d'un final montrant l'arrivée de puissantes machines thermiques comme autant de monstres insatiables à la solde d'une industrialisation menaçante.</p>
<p>La poésie est présente dans le choix des images, mais elle est également très marquée par les textes en voix off et la narration de <strong>José Ignacio Cabrujas</strong>. En décrivant le quotidien des hommes sur leurs montagnes de sel, sous un soleil écrasant, et sur leurs bateaux de pêche, il n'est pas interdit d'y voir une réactualisation du mythe de Sisyphe — dans lequel le rocher serait charrié dans des contenants en osier, pesé, éclaté en petits morceaux, et empaqueté. Le travail en mer évoque quant à lui, de par sa dimension ardue et répétitive, celui de la famille dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-terre-tremble-de-Luchino-Visconti-1948"><ins>La terre tremble</ins></a> de <strong>Luchino Visconti</strong> croisé avec l'opiniâtreté des paysans dans <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-ile-nue-de-Kaneto-Shindo-1960">L'Île nue</a></ins> de <strong>Kaneto Shindō</strong>. Les femmes ne sont pas en reste, loin des occupations maritimes et salées, avec la gestion de l'eau potable, la fabrication de poteries, et la récolte de crustacés. Le passage au village donne l'occasion de voir une très belle séquence au cimetière marin, sur les tombes duquel les fleurs sont remplacées par des bouquets de coquillages.</p>
<p>La dureté des conditions de vie alliée à la beauté des images retranscrites ici forment à elles deux un portrait aussi émouvant que magnifique.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/araya/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/araya/.img2_m.png" alt="img2.png, juin 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/araya/.img4_m.png" alt="img4.png, juin 2023" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Araya-de-Margot-Benacerraf-1959#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1189Le Quarante-et-unième, de Yakov Protazanov (1927)urn:md5:dd292c77edb3c52802c40d21ecb682012023-06-28T17:38:00+02:002023-06-28T16:42:30+02:00RenaudCinémaCinéma muetDésertGuerreGuerre civileIleKazakhstanOuzbékistanPoésiePrisonnierRomanceRussieTempête <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante-et-unieme/.quarante-et-unieme_m.jpg" alt="quarante-et-unieme.jpg, juin 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>La rouge et le blanc</strong></ins></span></div>
<p>Avant de s'attaquer au remake plus connu de <strong>Grigori Tchoukhrai</strong>, petite plongée dans la version muette originale de cette romance soviétique placée sous le sceau de l'amour impossible en temps de guerre. Le cadre est posé très rapidement, sans fioriture : l'ancien Empire russe est en plein déchirement, la guerre civile bat son plein, et un petit groupe de soldats bolchéviques se retrouve encerclé par l'armée fidèle au régime tsariste. Seule solution : fuir à travers le désert du Karakorum, une option qui semble a priori n'offrir qu'une mort alternative (en l'absence de stock d'eau et de nourriture) et seulement repoussée d'un certain temps, étant données les conditions drastiques de survie dans ces contrées hostiles.</p>
<p>C'est dans cette région d'Asie centrale, quelque part entre les actuels Kazakhstan et Ouzbékistan, que se noue une relation bien singulière entre une tireuse d'élite de l'armée rouge et un officier blanc — ce dernier aurait dû être la 41ème victime de la snipeuse, au moment où elle le rate et où il est fait prisonnier, c'est comme si le titre constituait un immense spoiler vis-à-vis de la suite, mais peu importe. Tout le film se tourne alors vers les sentiments contradictoires qui animent les deux personnages, qui se retrouveront isolés sur une île déserte à la Robinson Crusoé suite à une tempête en pleine mer d'Aral — à l'époque, une des plus grandes étendues lacustres du monde, mais dont la superficie a été annihilée au XXIe siècle.</p>
<p><ins>Le Quarante-et-unième</ins> joue essentiellement sur toutes les divergences qui peuvent émerger d'une telle association, un homme prisonnier contraint de cohabiter avec une femme héroïne de guerre, un blanc contre une rouge, un officier issu de l'aristocratie tsariste et une soldate bolchévique n'ayant que peu de capital culturel (elle se fera bien chambrer sur ses capacités limitées en matière de poésie). Il va même jusqu'au bout de son portrait de femme sûre de ses idéaux, puisqu'au dernier moment elle ne faiblira pas dans la mission qui lui avait été confiée. Seul vrai regret, dommage qu'il n'existe pas encore de restauration de ce film pour rendre hommage aux qualités esthétiques qu'on pressent derrière ces paysages désertiques et ces compositions typiquement soviétiques.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante-et-unieme/.img1_m.png" alt="img1.png, juin 2023" />
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/quarante-et-unieme/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, juin 2023" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Quarante-et-unieme-de-Yakov-Protazanov-1927#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1174Limite, de Mario Peixoto (1931)urn:md5:ce550519fc11d97a5c8d6812d0da94a32023-05-23T17:59:00+02:002023-05-23T17:59:00+02:00RenaudCinémaBrésilExpérimentalOcéanPoésieSolitude <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/limite/.limite_m.jpg" alt="limite.jpg, avr. 2023" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Un homme et deux femmes sur un bateau</strong></ins></span></div>
<p>Cette pépite méconnue du cinéma brésilien du début du XXe siècle (et de la fin du cinéma muet) et unique réalisation à 21 ans du cinéaste <strong>Mario Peixoto </strong>fera sans doute la joie d'une poignée d'amateurs, pas plus. Je n'ai moi-même pas totalement adhéré à l'exercice de style qui développe une toile narrative expérimentale extrêmement ténue et fragmentée, comme captée au travers d'un prisme déformant les perspectives, et faisant preuve d'une liberté artistique assez sauvage. Mais ne serait-ce que pour cette tentative d'expérimentation, j'ai une très grande sympathie pour le film et pour ce qui est véhiculé, pour des extraits picorés çà et là davantage que pour l'œuvre dans son ensemble qui reste un peu trop obscure et chaotique (expérimentale quoi, pour le redire encore une fois) à mon goût.</p>
<p>La théorie est très simple : deux femmes et un homme semblent piégés sur une barque au milieu de l'océan, et plusieurs flashbacks révèlent des images très parcellaires de leurs passés respectifs. On comprend très vaguement qu'une femme s'est échappée de prison, que l'autre s'est enfuie pour quitter son mari, et que l'homme a subi des péripéties sentimentales diverses (à base de tromperie et de lèpre, rien que ça). Tout cela est raconté avec une économie de mots, c'est-à-dire de cartons, assez extrême, il doit y avoir 5 lignes de sous-titres en deux heures : autant dire que la narration se fait presque exclusivement par l'image à forte résonance symbolique et par les musiques de Satie, Debussy et Stravinsky.</p>
<p>Même s'il y a beaucoup de moments de flottement sur la durée totale, on a l'impression de naviguer dans un rêve, avec des sentiments et des sensations communiquées de manière furtive et confuse. La dimension de film issu de la fin de l'ère de muet et cette façon très poétique de raconter une histoire me fait beaucoup penser à ce que j'ai ressenti lors du second visionnage de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Atalante-de-Jean-Vigo-1934">L'Atalante</a></ins> de <strong>Vigo</strong>, sans trop parvenir à fixer ces idées. L'image du visage féminin entouré de mains menottées est très forte, elle ouvre et ferme le film pour circonscrire le cadre de ce moment à la dérive, avec pas mal de passages un poil ennuyeux, avec des répétitions pas toujours probantes à mes yeux, mais qui laissent une empreinte graphique et sensitive toute particulière.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Limite-de-Mario-Peixoto-1931#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1153