Je m'attarde - Mot-clé - Politique le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearR.A.S., de Yves Boisset (1973)urn:md5:ca4110851ed21080449659322483d6462024-01-07T12:33:00+01:002024-01-07T12:39:18+01:00RenaudCinémaAlgérieAnarchismeClaude BrossetCommunismeFranceGuerreguerre d AlgérieJacques SpiesserJacques VilleretJacques WeberJean-François BalmerJean-Pierre CastaldiMichel PeyrelonMilitairePhilippe Leroy-BeaulieuPolitiqueYves Boisset <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/r.a.s..jpg" title="r.a.s..jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.r.a.s._m.jpg" alt="r.a.s..jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Premier jet</strong></ins></span>
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<p>Probablement l'un des premiers films à aborder aussi frontalement la Guerre d'Algérie, une dizaine d'années après la fin du conflit et autant d'années de censure à ce sujet — <ins>R.A.S.</ins> en subit malgré tout les conséquences à sa sortie en 1973, avec des coupures imposées au montage et des perturbations par des fachos lors de projections. Si l'on n'avait pas peur des parallèles un peu trop hardis, on pourrait dire qu'il s'agit d'un <ins>Full Metal Jacket</ins> mineur à l'algérienne, avec un découpage en deux parties, une première étant dédiée à la préparation en France et une seconde dévolue aux conditions de guerre sur le terrain. <strong>Yves Boisset</strong>, on le sait, n'est pas le plus grand représentant de la finesse, mais étonnamment son côté un peu bourrin s'accorde assez bien avec l'âpreté de la situation, du moins beaucoup plus que dans <ins>Le Prix du danger</ins> par exemple. L'occasion ici de découvrir une belle brochette d'acteurs devenus depuis des célébrités mais inconnus à l'époque, <strong>Jacques Spiesser</strong>, <strong>Jacques Villeret</strong>, <strong>Jacques Weber </strong>(absolument méconnaissable), <strong>Claude Brosset</strong>, <strong>Jean-François Balmer</strong>, <strong>Michel Peyrelon</strong>, <strong>Jean-Pierre Castaldi</strong>. À noter également la présence de <strong>Philippe Leroy-Beaulieu</strong>, un peu vieilli depuis <ins>Le Trou</ins>.</p>
<p><ins>R.A.S.</ins> me fait beaucoup penser à un autre film français de l'époque, <ins>Le Pistonné</ins>, réalisé par <strong>Claude Berri </strong>en 1970 et montrant les déboires du soldats <strong>Guy Bedos </strong>envoyé de force au Maroc. Le ton est vraiment semblable, seuls les enjeux diffèrent — et la portée politique évidemment. C'est amusant de voir réunis de tels personnages ici, un anarchiste, un communiste, et un apolitique notamment, tous rechignant à combattre en Algérie, opposés sur beaucoup de sujets mais unis dans leurs déboires. Pour l'une des premières visions de la Guerre d'Algérie acceptée dans le circuit de distribution français, il faut quand même reconnaître à <strong>Boisset </strong>un certain tact, car même si on n'a pas affaire à un monument de subtilité, il sait conserver un regard assez neutre (le commandant est inspiré par une personne réelle, Jean Pouget). La violence est laissée en hors champ la plupart du temps, choix judicieux pour se concentrer sur l'état d'esprit des soldats sous la forme d'une chronique militaire relativement sobre de la part du réalisateur.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/img1.jpg" title="img1.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/r.a.s/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, janv. 2024" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/R.A.S.-de-Yves-Boisset-1973#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1319City Hall, de Frederick Wiseman (2020)urn:md5:e391a75ffae350029b1094c6317cf8ff2023-12-22T09:06:00+01:002023-12-22T09:06:00+01:00RenaudCinémaBostonDocumentaireEtats-UnisFrederick WisemanMunicipalitéPolitique <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/city_hall.jpg" title="city_hall.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/.city_hall_m.jpg" alt="city_hall.jpg, déc. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Differences don't have to divide us."</strong></ins></span>
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<p>De tous les documentaires de Frederick Wiseman, les 4h30 de <ins>City Hall</ins> consacrées à la municipalité de Boston entre 2018 et 2019 se rapprochent le plus des 3h20 de <ins>Ex Libris - The New York Public Library</ins>, occupées à parcourir les couloirs et les salles (de réunion bien sûr) de la troisième plus grande bibliothèque du monde. Indépendamment de leurs durées gargantuesques, le principal point commun réside dans une figure centrale servant de connexion entre toutes les séquences extensives, le directeur Anthony Marx en 2017 animant la plupart des réunions et discussions dans la bibliothèque, le maire Martin Walsh dans le bâtiment municipal et aux quatre coins de la ville.</p>
<p><ins>City Hall</ins> appartient en outre à la classe des docus de <strong>Wiseman </strong>que l'on pourrait qualifier d'interminables, avec beaucoup de superflu qui n'a pas été écumé au montage (alors qu'il s'agit d'un des projets pour lesquels il a collecté le moins d'heures de rushes, paradoxalement). C'est un film qui respire très bien, avec une alternance salvatrice entre les tunnels de discours / réunions où la parole ne cesse jamais et les plans silencieux volés à divers endroits de Boston, dans la rue avec les éboueurs ou dédiés à des éléments architecturaux variés. Mais on se dit à de nombreuses reprises que certaines séquences captées in extenso auraient su grandement tirer profit de coupures pour éliminer un peu de gras, sans pour autant conserver uniquement l'essentiel. Il y avait beaucoup de marge, et ce d'autant plus qu'à travers le film s'installe une certaine répétitivité thématique — l'intégration des préoccupations des habitants dans le processus d'aménagement de la ville.</p>
<p>Boston est la ville où est né <strong>Wiseman</strong>, mais c'est surtout la seule ville (sur six) à avoir répondu positivement à sa demande pour un tel tournage. Difficile de ne pas y voir malgré tout une réponse à un autre film avec lequel il forme un diptyque sur les résonances politiques états-uniennes, son précédent <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Monrovia-Indiana-de-Frederick-Wiseman-2018">Monrovia, Indiana</a></ins> et accessoirement portrait à peine voilé du trumpisme quotidien. C'est sans doute là que <ins>City Hall</ins> se fait le plus limitant et rébarbatif à la longue, puisqu'au terme du voyage, la sensation d'avoir reçu un message martelé 150 fois sur le thème "les équipes municipales travaillent dans un esprit collaboratif afin de déployer une politique sociale et égalitaire" est quand même particulièrement tenace. J'ai du mal à croire que <strong>Wiseman </strong>puisse tomber dans une telle forme de naïveté et qu'il boive passivement le flot conséquent de discours (démocrates, en l'occurrence) empreints d'un étrange idéalisme. Même si l'on peut comprendre la force voire la nécessité de l'espoir pour tourner la page dans un pays qui vient d'élire Trump.</p>
<p>C'est enfin une vision intéressante de la culture des communautarismes à l'américaine, d'un côté assez passionnante dans cette façon si typique qu'ont les communautés d'échanger entre elles, et d'un autre côté toujours aussi flippante dans l'impérialisme latent omniprésent qu'elle renferme — il faut toujours que les États-Unis se rêvent pays de la liberté, ouvrent la voie et montrent le chemin au reste du monde, même sur la conquête de valeurs progressistes. Si les innombrables discours de Walsh finissent fatalement par lasser ("<em>What we do in Boston can change this country. We've shown that differences don't have to divide us. When we come together, anything is possible</em>"), il reste en toile de fond des séquences tout aussi innombrables qui cassent la monotonie, décrivant la vie de la ville comme autant de très beaux micro-portraits : des anciens combattants, des résidents préoccupés par l'ouverture d’un magasin de cannabis près d'une école, des anonymes quémandant la clémence des autorités pour faire sauter des amendes, des équipes de police en briefing, des pompiers en intervention, des travailleurs en voirie, etc.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/img1.jpg" title="img1.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, déc. 2023" /></a>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/img6.jpg" title="img6.jpg, déc. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/city_hall/.img6_m.jpg" alt="img6.jpg, déc. 2023" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/City-Hall-de-Frederick-Wiseman-2020#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1311Lenny, de Bob Fosse (1974)urn:md5:7027f2fff557ccae310c2f210273d7642023-11-29T14:44:00+01:002023-11-29T14:44:00+01:00RenaudCinémaBiopicBob FosseComédieContre-cultureDrogueDustin HoffmanEtats-UnisHypocrisieJalousieLenny BrucePolitiqueProcèsSatireStrip-teaseSubversionValerie Perrine <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lenny/lenny.jpg" title="lenny.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lenny/.lenny_m.jpg" alt="lenny.jpg, nov. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Good thing we nailed him."</strong></ins></span>
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<p>Impossible de ne pas penser à l'autre célèbre film américain racontant les pérégrinations d'un comique subversif largement incompris en son temps qui acquit une notoriété conséquente à la fin de sa vie : <ins>Man on the Moon</ins>, de <strong>Miloš Forman</strong>, consacrée à la vie d'<strong>Andy Kaufman</strong>. J'avais jugé sans doute un peu trop vite <strong>Bob Fosse </strong>sur la base d'un <ins>Cabaret</ins> englué dans la fadeur d'une comédie dramatique arborant un académisme ronflant (avis extrêmement minoritaire, les tomates pourries sont juste-là), car il montre une facette radicalement différente avec ce biopic sur <strong>Lenny Bruce</strong>, un comique très controversé des années 60. Du bienfait du surpassement des préjugés...</p>
<p>En réalité, même si les thèmes des deux films cités sont très proches, la structure et le contenu diffèrent sensiblement. Là où <strong>Forman </strong>narrait tout le contexte, la vie en marge des numéros de <strong>Kaufman </strong>pour illustrer à quel point les deux se nourrissaient mutuellement, <strong>Fosse </strong>adopte une narration en flashbacks post-mortem, avec une mise en scène sous la forme d'un faux documentaire interviewant une poignée de proches (sa femme, sa mère, et son manager) pour tisser des passerelles avec des épisodes passés montés de manière pas toujours chronologiques, <ins>Lenny</ins> s'autorisant quelques allers-retours entre plusieurs époques.</p>
<p>Le contexte est même sans doute un peu plus fertile ici : le cadre posé est celui de l'Amérique puritaine du début des années 1960, c'est-à-dire les 50s encore mal dégrossies qui pèsent de tout leur poids sur la norme morale d'alors — qui n'a pas fondamentalement changé depuis, en ce qui concerne les mécanismes de l'hypocrisie en matière d'obscénités admissibles à la télévision en direct— et qui interdisent l'utilisation de mots comme "cocksucking" sous peine de poursuites pénales. L'occasion de scènes très drôles d'ailleurs, lorsque d'une part Lenny essaie de faire dire le mot interdit au président du tribunal en première instance, et d'autre part lorsque les témoins se trouvent obligés de les prononcer pour faire leur récit des événements (avec en prime une répétition par le greffier). En creux, le film de <strong>Bob Fosse </strong>entend montrer à quel point l'attention se sera portée sur la forme, le recours à des termes grossiers, tout en oubliant largement le fond des critiques portées par les discours très satiriques de Lenny.</p>
<p><ins>Lenny</ins> est rythmé par les punchlines, sans doute un peu trop même si on peut allègrement puiser dans les dialogues pour trouver son bonheur (une facile mais efficace, au sujet de la religion chrétienne et de la responsabilité de la mort de Jésus "Good thing we nailed him when we did, because if we had done it within the last 50 years, we'd have to contend with generations of parochial schoolkids with little electric chairs hanging around their necks"). Y figurent le <strong>Dustin Hoffman </strong>des grands jours, c'est-à-dire plutôt celui de <ins>The Graduate</ins> que celui de <ins>Tootsie</ins>, ainsi que la très convaincante <strong>Valerie Perrine </strong>dans le rôle de sa femme strip-teaseuse, à l'origine d'un matériau conséquent en matière d'analyse du couple, de la jalousie, et de l'émancipation à deux. C'est un film intéressant aussi parce qu'il n'hésite pas un instant à montrer les contradictions à l'œuvre qui sous-tendent tous ses numéros, et qui ose mettre en scène un long show raté de Lenny en intégralité, vers la fin de sa carrière, avant sa mort par overdose de morphine. Évocation d'une figure de la contre-culture qui pourrait être à l'origine du stand-up, qui se fait parfois un peu trop poussive dans ses logorrhées acides répétées, mais qui évite soigneusement les écueils classiques de l'hagiographie pour esquisser un portrait partiel, pluriel, féroce et stimulant.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lenny/img1.jpg" title="img1.jpg, nov. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/lenny/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, nov. 2023" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Lenny-de-Bob-Fosse-1974#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1293L'Interrogatoire (Przesluchanie), de Ryszard Bugajski (1989)urn:md5:7e04e7c27ab160d026d56b90581f19602023-11-01T09:59:00+01:002023-11-01T09:59:00+01:00RenaudCinémaFemmePolitiquePolognePrisonPrisonnierStalineTotalitarisme <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/interrogatoire.jpg" title="interrogatoire.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/.interrogatoire_m.jpg" alt="interrogatoire.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Extorsion d'aveux</strong></ins></span>
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<p>Entre l'hommage appuyé et la source d'inspiration conséquente, j'avoue ne pas avoir réussi à regarder <ins>L'Interrogatoire</ins> autrement que comme une variation de <ins>L'Aveu</ins> de <strong>Costa-Gavras</strong> qui aurait été transposé dans les années 50 polonaises. Non pas que cela amoindrisse lourdement l'intérêt du film de <strong>Ryszard Bugajski</strong>, mais disons que la parallèle impose un carcan et une lecture de presque tous les événements à travers ce filtre-là, et constitue à ce titre un léger handicap. Si le cadre des deux films est très similaire, c'est-à-dire une personne emprisonnée en 1951 par un régime pro-stalinien que l'on cherche à briser pour mieux lui faire confesser toutes sortes de choses, le style varie beaucoup en se plaçant du côté d'une chanteuse de cabaret.</p>
<p>Dans le rôle principal, l'actrice polonaise <strong>Krystyna Janda </strong>est vraiment très convaincante, dans un premier temps totalement ignorante des raisons qui l'ont conduite dans les locaux des services de la sûreté après une représentation, et ensuite prise dans le cycle infernal d'un régime polonais prêt à n'importe quelle forme de coercition pour obtenir des aveux. C'est donc avant tout un film de prison, avec 5 minutes à l'extérieur en introduction et en conclusion. Et dans cet univers carcéral, l'ambiance oscille entre <strong>Orwell </strong>et <strong>Kafka </strong>avec la description d'une oppression politique qui évoque sans détour l'époque contemporaine de la sortie du film dans les années 80 — chose pour laquelle le film fut interdit jusqu'en 1989 avec seulement des copies VHS circulant sous le manteau.</p>
<p>L'état mental de cette femme coupée de tout du jour au lendemain, bougée sans cesse de cellule en cellule, prisonnière dans la grisaille, constitue l'un des points forts du film qui n'en finit pas d'instaurer un climat anxiogène efficace. Une toile de fond dans laquelle on peut remarquer la réalisatrice polonaise <strong>Agnieszka Holland</strong>, ici actrice. On regrette simplement qu'il n'y ait pas eu davantage de progressivité dans l'évolution de son rapport aux tortionnaires, qui passe très rapidement de la crainte au détachement. De même, la relation qui s'installe entre Tonia et son bourreau dans la dernière partie, avec romance, confidence, aide et autolyse, est un choix assez curieux sur le plan scénaristique, n'aidant pas vraiment à la crédibilité de l'ensemble. Enfin, la structure extrêmement imagée de la naissance d'un enfant en prison qui vient en réponse de l'annonce de la mort de Staline, aurait gagnée à être un peu mieux incorporée dans le tableau.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/img1.jpg" title="img1.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, oct. 2023" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/img2.jpg" title="img2.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/interrogatoire/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, oct. 2023" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Interrogatoire-de-Ryszard-Bugajski-1989#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1263La Bataille du Chili (La batalla de Chile: La lucha de un pueblo sin armas), de Patricio Guzmán (1975, 1976, 1979)urn:md5:088bc7fdb0e7ec7985fd2af5cf33de222023-10-16T09:44:00+02:002023-10-16T08:45:54+02:00RenaudCinémaAugusto PinochetBourgeoisieCampagne électoraleChiliChris MarkerCoup d étatDocumentaireEtats-UnisGrèveMilitaireOuvrierPatricio GuzmánPolitiqueSalvador AllendeTémoignageViolence <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bataille_du_chili/bataille_du_chili.jpg" title="bataille_du_chili.jpg, oct. 2023"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/bataille_du_chili/.bataille_du_chili_m.jpg" alt="bataille_du_chili.jpg, oct. 2023" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Chroniques d'un coup d'état</strong></ins></span></div>
<hr />
<span style="font-size: 18pt;"><strong>1ère partie : L'Insurrection de la bourgeoisie</strong></span>
<p>Lorsqu'il enregistre les images et les sons de <ins>La Bataille du Chili</ins>, <strong>Patricio Guzmán </strong>réalise un documentaire en se trouvant exactement au bon endroit au bon moment, au détour d'une charnière historique dont il ne pouvait mesurer pleinement l'ampleur à l'époque du tournage, et qui aujourd'hui revêt une signification, une intensité et une émotion toutes incroyables. C'est sans doute un triptyque à ranger aux côtés du film de <strong>Abbas Fahdel </strong>en deux parties, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Homeland-Irak-annee-zero-de-Abbas-Fahdel-2016">Homeland : Irak année zéro</a></ins>, sur la chute de Saddam Hussein et l’invasion américaine de 2003. <strong>Guzmán </strong>sillonnait la capitale chilienne quelques mois avant le coup d'état militaire du 11 septembre 1973, et les images de rue autant que les témoignages glanés auprès des différentes parties ont une valeur littéralement inestimable.</p>
<p>C'est donc une chronique des tensions politiques naissantes au tout début de l'année 1973, alors qu'à la surprise générale le gouvernement de <strong>Salvador Allende </strong>(à qui il consacrera un documentaire en 2004 portant son nom) est démocratiquement élu. Ce sont les prémices de la contre-révolution, qui trouveront pour point d'orgue le renversement d'<strong>Allende </strong>par un putsch militaire activement soutenu par les États-Unis et l'installation au pouvoir d'une dictature dirigée par <strong>Augusto Pinochet </strong>qui durera près de 17 ans jusqu'en 1990.</p>
<p>Pendant tout le docu, on a l'impression de parcourir les coulisses (bien réelles) du film (de fiction) de <strong>Costa-Gavras</strong>, <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Missing-porte-disparu-de-Costa-Gavras-1982">Missing - Porté disparu</a></ins>, qui s'intéressait précisément à la disparition d'un écrivain américain dans le tumulte des événements autour de Santiago. <strong>Guzmán </strong>capte dans un premier temps l'effervescence de la campagne électorale, en parcourant les foules et les sympathisants de tous bords et en recueillant sur le vif des réactions diverses, des bourgeois et d'ouvriers. Progressivement la dynamique des rapports de force prend une tournure surprenante, pour peu que l'on fasse abstraction historiquement de ce que l'on sait qui va advenir, puisque l'opposition au gouvernement <strong>Allende </strong>élu de manière inattendue se structure autour d'une réponse de plus en plus violente. C'est donc par hasard que la caméra enregistre de l'intérieur la structuration d'une stratégie d'affaiblissement du gouvernement, pas à pas, jusqu'à l'asphyxie économique.</p>
<p>Au travers d'une série de reportages de rue, de rassemblements politiques, de confrontations violentes, on réalise à quel point <strong>Guzmán </strong>a eu de la chance (ou du flair) de réunir autant d'images de ces mouvements sociaux, comme notamment la grève des mines de cuivre ou nombre d'autres perturbations financées par l'administration Nixon. Et cette première partie, sous-titrée "L'Insurrection de la bourgeoisie", de se terminer sur une image aussi choquante que bouleversante, l'assassinat du caméraman argentin et suédois <strong>Leonardo Henrichsen </strong>par un soldat participant au coup d'état.</p>
<hr />
<span style="font-size: 18pt;"><strong>2ème partie : Le Coup d'État militaire</strong></span>
<p>Le deuxième volet de <ins>La Bataille du Chili</ins>, bien qu'il soit sorti un an plus tard (pour des raisons qu'on imagine liées à des contraintes de production d'un tel film dans de telles conditions, les pellicules provenant par exemple de France, cadeau de <strong>Chris Marker</strong>) reprend le cours des événements exactement là où le premier s'était arrêté, et laisse de côté la captation de l'ambiance des rues pour tracer la trajectoire qui mènera au coup d'état du 11 septembre 1973. En partant de la première tentative de renversement du pouvoir par le groupe paramilitaire fasciste Patrie et Liberté en juin 1973, repoussée par les troupes restées loyales au gouvernement, le film épouse l'intensification des conflits entre les différents camps et témoigne très bien du caractère exceptionnel de la situation à laquelle doit faire face <strong>Allende</strong>. Face à lui, entre autres, des mouvements de résistance soutenus et financés par le gouvernement américain — à l'image de cette impressionnante grève des transporteurs routiers financée par la CIA qui paralysera le pays via la distribution de nourriture et de carburant.</p>
<p><strong>Patricio Guzmán </strong>montre bien le basculement stratégique de l'opposition, qui après l'échec de la tentative de destitution d'<strong>Allende</strong>, adopte un comportement beaucoup plus violent à mesure qu'une partie de l'armée pose le terrain pour le coup d'état à venir. Au travers des témoignages nombreux, on ressent un climat hautement singulier, avec d'un côté des divisions profondes à gauche quant à la position à adopter face aux menaces, et de l'autre une intervention militaire en préparation que tout le monde pressent : tout le monde en parle. La guerre civile n'est pas bien loin en milieu d'année 1973, jusqu'à l'assassinat par l'extrême droite de l'aide de camp naval d'<strong>Allende</strong>, Arturo Araya Peeters. Parmi les officiers du camp loyaliste, lors de son enterrement, on remarque un certain Augusto Pinochet.</p>
<p>Ce volet se termine lui aussi sur des images d'une rare intensité, avec le bombardement du palais de la Moneda par des avions de chasse, avec en fond sonore les derniers messages radios d'<strong>Allende </strong>adressés au peuple chilien. Les dirigeants de la junte s'afficheront ensuite à la télévision, annonçant "le retour à l'ordre du pays" et la fin "du cancer marxiste qui aura duré trois ans".</p>
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<span style="font-size: 18pt;"><strong>3ème partie : Le Pouvoir populaire</strong></span>
<p>Pour clore son triptyque réalisé au cœur de la tourmente, <strong>Patricio Guzmán </strong>revient quelques années en arrière, autour de 1972 (le troisième volet sortira plus tardivement, en 1979) pour s'intéresser à la structuration du travail, chez les ouvriers et les paysans, qui a conduit à la formation de milliers de groupes locaux — le "Pouvoir populaire" du sous-titre — dont la mission consistait essentiellement à distribuer de la nourriture et empêcher le sabotage d'usines en ces temps de crise profonde. C'est à mes yeux le segment le moins percutant des trois, glissant du militantisme visible à la propagande un peu trop appuyée sans que la narration et la mise en scène ne s'accompagnent, par exemple, d'un lyrisme communicatif à la <strong>Eisenstein </strong>ou <strong>Kalatozov</strong>.</p>
<p>Le docu est concentré en quelque sorte sur la réponse des ouvriers au contenu du premier volet, "L'Insurrection de la bourgeoisie", et leur stratégie d'occupation des lieux de travail ainsi que d'autogestion en gestation au travers de la formation de "cordones industriales". En tant que témoignage de cette époque de l'histoire chilienne, le contenu reste éminemment intéressant, mais on se situe tout de même un gros cran en-dessous des deux premiers volets en matière de puissance documentaire. Dans cet épisode, le gouvernement <strong>Allende </strong>ne sera quasiment pas cité, le ton change assez radicalement pour mettre l'accent sur les vertus des expérimentations politiques locales. Instructif, mais peu passionnant.</p>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Bataille-du-Chili-de-Patricio-Guzman-1975-1976-1979#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1256Le capitaine Volkonogov s'est échappé (Kapitan Volkonogov bezhal), de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov (2022)urn:md5:4a86d73a745b681294769724a028c3b22023-10-09T11:22:00+02:002023-10-09T10:26:20+02:00RenaudCinémaChasse à l hommeFuitePardonPersécutionPolicePolitiquePurgesRussieRédemptionRépressionStalineTortureTotalitarisme <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/capitaine_volkonogov_s-est_echappe/.capitaine_volkonogov_s-est_echappe_m.jpg" alt="capitaine_volkonogov_s-est_echappe.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>S'évader du NKVD <br /></strong></ins></span>
</div>
<p><ins>Le capitaine Volkonogov s'est échappé</ins> est un film de coulisses portant sur une thématique bien connue, et c'est cette dimension-là de captation à la marge qui en constitue l'argument principal à mes yeux. Les coulisses des grandes purges staliniennes de la fin des années 1930, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, vues à travers les yeux d'un membre de la police politique (le NKVD) précisément en charge de la mise en œuvre de cette répression — arrestations, interrogatoires, torture, exécution. <strong>Natalia Merkoulova </strong>et <strong>Alexeï Tchoupov </strong>ont eu l'excellente idée de ne pas se lancer dans un réquisitoire trop évident sur l'horreur frontale mais plutôt de suivre le point de vue très subjectif de Volkonogov, hier tortionnaire et aujourd'hui victime du régime, dans sa fuite. Il en résulte un film original, dans l'environnement décrit, au plus près des hommes en rouge du Service de sécurité nationale, et un film haletant, dans l'échappée immersive d'un capitaine se sachant condamné, au creux d'un microcosme façonné par les persécutions politiques et leurs conséquences.</p>
<p>C'est annoncé assez tôt dans l'intrigue : la fuite prendra la forme d'une quête de rédemption pour le protagoniste, frappé d'une vision lui révélant que pour l'absoudre de ses crimes, il devra affronter le regard des familles des personnes qu'il a torturées et obtenir leur pardon. Le trait est un peu épais mais il a le mérite d'être annoncé clairement plutôt que de se cacher dans un coin, et cette configuration permet de se confronter nous aussi, aux côtés de Volkonogov, aux séquences répétées au cours desquelles il va présenter ses excuses. L'effet d'annonce, au sens où on sait qu'il va parcourir les fiches de renseignement du dossier qu'il a volé et se confronter à différentes situations difficiles, fonctionne vraiment très bien et nourrit une tension parallèle à celle de sa propre fuite.</p>
<p>Une fois la chasse à l'homme lancée, le film se structure ainsi autour de ces rencontres qui se succèdent entre un ancien bourreau (devenu proie) et des proches de personnes exécutées par le régime policier totalitaire. Il faut reconnaître à <strong>Youri Borissov </strong>un talent manifeste dans la composition du rôle-titre, partagé entre la peur, le traumatisme, la ténacité et la révélation quasi-mystique, et aux auteurs un talent formel incroyable dans la confection d'une ambiance graphique crédible et prenante. Les confrontations se déroulent dans des lieux à chaque fois très différents, et la première d'entre elles fait partie des plus marquantes — une séquence dans une morgue, au fond d'une cave, en compagnie d'une ancienne médecin. Il y a quelque chose d'indélébile dans ces séquences qui recherchent des petits bouts d'humanité au sein d'une déshumanisation par définition, doublé d'un sentiment tragique de pardon impossible.</p>
<p>Il y a aussi un équilibre persistant dans les rues de Léningrad transformée en ville-fantôme, avec d'un côté une inclination réaliste qui ne nous épargne pas quelques moments de violence crue et de l'autre côté cette dimension symbolique, allégorique, dans la recherche du pardon de la part d'un Sisyphe errant machinalement d'un parent de victime à un autre. La structure narrative est émaillée de flashbacks relativement brefs, alimentant souvent un climat froid et angoissant, qui portent sur des épisodes de la vie de Volkonogov, un épisode de torture (sans esbroufe, en appuyant juste comme il faut) par-ci, une démonstration de mise à mort (un peu trop appuyée dans sa tonalité glaciale à mon goût, avec les victimes qui défilent froidement comme du bétail, en miroir de la séquence finale) par-là.</p>
<p>Il ne faut donc pas rechercher dans <ins>Le capitaine Volkonogov s'est échappé</ins> une reconstitution précise, historique et exhaustive d'un système totalitaire, mais plutôt une sorte de tableau expressionniste partagé entre des visions d'horreur et des répétitions presque comiques, le film n'étant pas avare en humour noir — il faut voir Volkonogov réitérer ces "votre proche a été exécuté, il lui a été appliqué des méthodes spécifiques", comme une déformation professionnelle, suivi d'un laconique "pouvez-vous s'il vous plaît me pardonner ?", dans un état de faiblesse et d'apathie maximales. En résulte un voyage temporel et sensoriel, poisseux et étouffant, insistant sous certains aspects (qui se révèleront plus ou moins comme des entraves à l'appréciation) mais qui en tous cas m'a vigoureusement saisi.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/capitaine_volkonogov_s-est_echappe/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, sept. 2023" />
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-capitaine-Volkonogov-s-est-echappe-de-Natalia-Merkoulova-et-Alexei-Tchoupov-2022#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1249Nous sommes tous en liberté provisoire (L'istruttoria è chiusa: dimentichi), de Damiano Damiani (1971)urn:md5:53a0e15bcfd5a511420be537f8424af42023-09-30T16:11:00+02:002023-09-30T15:15:13+02:00RenaudCinémaArgentAssassinatCorruptionDamiano DamianiFranco NeroHomicideItalieMortPolitiquePrisonPrisonnierSexeSuicide <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nous_sommes_tous_en_liberte_provisoire/.nous_sommes_tous_en_liberte_provisoire_m.jpg" alt="nous_sommes_tous_en_liberte_provisoire.jpg, sept. 2023" class="media-center" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Silence et conscience</strong></ins></span></div>
<p>En matière de film de prison, <strong>Damiano Damiani </strong>ne révolutionne pas le genre avec <ins>Nous sommes tous en liberté provisoire</ins>, mais il arrive à mêler habilement les codes propres à ce segment avec les thématiques qu'il affectionne et que l'on retrouve régulièrement dans ses films. Aussi derrière cette situation où un architecte se retrouve emprisonné pour homicide involontaire, soupçonné d'avoir renversé quelqu'un en voiture, et où il y découvre toutes les horreurs auxquelles on peut s'attendre (et ce indépendamment de la belle image que le directeur entretient et propage dans son cercle), on voit bien sûr la portée toute autre du film. La corruption, la loi du silence, l'opportunisme guidé par les intérêts personnels... tous ces maux ne gangrènent évidemment pas que les murs des prisons et ne concernent pas uniquement les pires meurtriers parmi les détenus.</p>
<p>Mais on reste tout de même dans le cadre strict d'un film de prison, et <strong>Damiani </strong>ne se gêne pas pour nous le faire sentir. La progression du protagoniste interprété par <strong>Franco Nero </strong>(toujours aussi excellent, dans la lignée de <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Confession-d-un-commissaire-de-police-au-procureur-de-la-republique-de-Damiano-Damiani-1971">Confession d'un commissaire de police au procureur de la république</a></ins> ou <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Comment-tuer-un-juge-de-Damiano-Damiani-1975">Comment tuer un juge</a></ins>) est bien rythmée, on parcourt les différentes strates du pénitencier sans se presser, histoire de visiter tous les recoins de ce lieu abominable. Et bien sûr, corruption oblige, il n'y a pas que du côté des bagnards que le vice rampe... Ce qui donnera lieu à une scène d'assassinat maquillé en suicide d'une tension vraiment insoutenable. On passe beaucoup de temps à voir comment la condition de privilégié de <strong>Nero</strong>, du moins à l'extérieur de la prison, lui permet de s'octroyer quelques arrangements et quelques plaisirs (la fameuse salle de rayon X, gérée par un docteur tout aussi verni, seul endroit où communiquent les ailes masculine et féminine de la prison), mais aussi ses limites, car même en prison, l'argent facilite beaucoup de choses mais ne peut pas tout.</p>
<p>Quelques notes humoristiques, comme l'arrivée de <strong>Nero </strong>dans le bureau du directeur au tout début qui le confond avec un meurtrier condamné à 30 ans de réclusion — la gueule de <strong>Nero </strong>à ce moment, collector, pour nous faire comprendre qu'il n'y aura pas de distinction entre les différents crimes en ces murs, pas plus qu'entre un coupable et un présumé innocent. <strong>Damiani </strong>montre bien le positionnement du protagoniste selon plusieurs échelles de pouvoirs, le pouvoir économique, le pouvoir politique, et le pouvoir bassement physique : de quoi lui ménager quelques zones de confort, mais certainement pas un repos absolu. Et finalement le film laisse ouverte les raisons de sa libération, possiblement liée à son mutisme concernant un crime commis en prison : en tous cas, les limites de son honnêteté sont clairement exposées lorsqu'on le voit refuser de parler à la fille d'un homme assassiné, dont il connaît pourtant parfaitement les circonstances de la mort en prison</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/nous_sommes_tous_en_liberte_provisoire/.imf1_m.jpg" alt="imf1.jpg, sept. 2023" />
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