Je m'attarde - Mot-clé - Répétition le temps d'un souffle<br />2024-03-29T08:45:23+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearSaigneurs, de Vincent Gaullier et Raphaël Girardot (2017)urn:md5:6e07351a8daa49822d2b48ebb38a04af2022-08-17T11:19:00+02:002022-08-17T10:20:04+02:00RenaudCinémaAbattoirDocumentaireFatigueRépétitionUsureVacheViande <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/saigneurs/.saigneurs_m.jpg" alt="saigneurs.jpg, juin 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Saigneurs, Affiche" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Malaise de la découpe industrielle<br /></strong></ins></span>
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<p>Film très proche de celui de <strong>Manuela Fresil</strong>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Entree-du-personnel-de-Manuela-Fresil-2013"><ins>Entrée du personnel</ins></a> (côté poulet), dans l'exploitation de la chair humaine qu'il donne à voir au milieu de la chair animale débitée pendant 1h40 — régulièrement en hors champ ici. L'approche est très originale et ne manquera pas de faire grincer des dents dans des camps opposés : <strong>Vincent Gaullier </strong>et <strong>Raphael Girardot </strong>font le choix de montrer la misère des prolos dans ces salles d'abattoir où on a plutôt l'habitude de discuter de la cause animale. Excellente œuvre compagnonne de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Animal-et-la-mort-de-Charles-Stepanoff-2021"><ins>L'Animal et la mort</ins></a> de <strong>Charles Stépanoff</strong>, à ce titre : on nage en plein animal-matière, en pleine abstraction assumée par l'immense majorité des consommateurs de viande.</p>
<p>Les deux films partagent aussi une certaine propension à l'humour savamment déplacé, ici beaucoup plus réussi à mes yeux. C'est le cas principalement lorsque la caméra capte des moments d'échauffement dignes (ou presque) de grands sportifs, avec tous les employés qui font des exercices pour éviter autant que possible les tendinites et autres troubles musculo-squelettiques. C'est particulièrement drôle de voir ces gens, habillés en saigneurs avec leurs cirés blancs et leurs gants bleus, faire des gestes étranges dans le contexte d'un abattoir. Ici la caméra sait également saisir des choses de tout autres registres, comme notamment une femme en charge de découper les têtes de vaches qui attend la carcasse suivante avec son couteau fermement serré dans sa main. Le plan est glaçant. Le seul plan en trop à mon goût, c’est celui observant le contrechamp avec une vache en train d’agoniser à la fin, un peu trop explicite et surlignant quelque chose qui était déjà suffisamment clair il me semble.</p>
<p>On a souvent parlé des horreurs de ces lieux de mise à mort des animaux à la chaîne, mais très rarement de l'exploitation en miroir des hommes, soumis à un travail répétitif, sous-payé, fatigant, rebutant, summum de la précarité néolibérale — cf. cet homme de 52 ans qui avoue à son DRH qu'il ne pourra pas être employé ailleurs à son âge, totalement soumis, et qu'il accepte à peu près tout ce que son supérieur lui reproche ("des moments de relâchement en fin de journée quand tu fatigues, c'est du détail mais faut corriger ça") : la faiblesse de cet homme est horrible. Un sale boulot parmi d'autres. Un nouveau label à imaginer : viande garantie sans souffrance humaine.</p>
<p>Le film brille par son immersion et sa volonté de ne pas opposer les hommes aux animaux, il n'y a pas concurrence de la douleur. Son sens du cadrage aussi, je garde en mémoire cette femme en fond, avec son couteau, tandis qu'un ballet d'abats occupe le premier plan. On nage en plein taylorisme avec ses cadences infernales et ses milliers de bêtes tuées chaque jour. La plongée dans cet univers est très soignée, avec tout particulièrement un environnement sonore très travaillé, le bruit incessant des machines, le bruit du métal des couteaux contre la matière organique, le bruit de l'os sectionné par d'énormes pinces coupantes... Et plein d'outils dont j'ignore le nom. Le but est vraiment d'empêcher les ouvriers de réfléchir, d'anéantir tout espace qui pourrait s'y prêter, et de les abrutir avec des tâches pénibles, symbole d'une répétitivité absolue.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/saigneurs/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, juin 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Saigneurs-de-Vincent-Gaullier-et-Raphael-Girardot-2017#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1062Haewon et les hommes, de Hong Sang-Soo (2013)urn:md5:c3fdc198186bfde14a0a0588efb5d8272017-06-26T11:42:00+02:002017-06-26T10:44:22+02:00RenaudCinémaCinéma asiatiqueCorée du SudHong Sang-SooOnirismeRomanceRépétition <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/haewon_et_les_hommes/.haewon_et_les_hommes_m.jpg" alt="haewon_et_les_hommes.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="haewon_et_les_hommes.jpg, juin 2017" /><div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Variations émotionnelles<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p>Encore un regard partagé entre légèreté et intensité sur le sentiment amoureux. Encore cette délicatesse et cette acuité toutes deux immenses pour décrire des faiblesses émotionnelles. Encore une fois, l'étude de variations infinitésimales autour d'une position d'équilibre, pour légèrement souligner des failles existentielles à peine perceptibles de prime abord. Plus je parcours la filmographie de <strong>Hong Sang-Soo</strong>, plus je me dis que l'on apprécie (au sens de l'adhésion ainsi que de l'évaluation) son cinéma à l'aune de ces micro-variations : soit on y est sensible, réceptif, et on parvient à les capter, soit certaines prédispositions (ou absences de prédispositions) empêchent toute empathie et diluent le message dans un océan d'inintelligibilité.</p>
<p>L'élément perturbateur dans <ins>Haewon et les hommes</ins> le déclencheur des variations autour d'un certain équilibre, c'est l'incertitude du cadre familial de Haewon, bousculée par le départ de sa mère pour le Canada. Pendant 1h30, on ne fait que suivre les conséquences de cet abandon (relatif) et l'épreuve du carpe diem, auquel appelle la mère, face à la réalité. Profiter de l'instant présent, suivre ses désirs : des principes faciles à énoncer mais difficiles à mettre en pratique pour Haewon. Un questionnement aux prémisses d'un dérèglement existentiel, laissant le rêve envahir peu à peu la réalité.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/haewon_et_les_hommes/.bar_m.jpg" alt="bar.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="bar.jpg, juin 2017" />
<p><strong>Hong Sang-Soo</strong>, ce n'est pas la première fois, offre la peinture d'une intimité par des touches et des couches successives, légères et éparses, de manière parfaitement indirecte, et dans une très grande pudeur des sentiments. C'est à la fois bordélique et minutieux : la confusion entre les aspirations réelles de Haewon et ses réalisations fantasmées est très appuyées (avec plus ou moins de subtilité), tout comme la déconstruction du récit. La perspective se concentre à l'orée de l'échec, au milieu du doute et de l'indécision, sans qu'on puisse véritablement se prononcer sur le succès ou non des pérégrinations sentimentales de la protagoniste. A-t-elle rêvée ce qu'on a vu, ou l'a-t-elle vécu ? On ne sait pas de manière certaine. Une seule chose est sûre : le portrait de Haewon a quelque chose de bouleversant, et <strong>Hong Sang-Soo </strong>prend le soin d'en désamorcer toute la dimension potentiellement et démesurément empathique. Exactement à l'image de la 7ème symphonie de Beethoven crachée par des haut-parleurs miteux, un schéma musical tout en contraste qui se retrouve d'ailleurs, moyennant quelques différences, dans son dernier film, <ins>Le Jour d'après</ins>.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/haewon_et_les_hommes/.reve_m.jpg" alt="reve.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="reve.jpg, juin 2017" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Haewon-et-les-hommes-de-Hong-Sang-Soo-2013#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/420Yourself and Yours, de Hong Sang-Soo (2016)urn:md5:89bd4ec4a4857bad13aac297a870e5dc2017-05-31T11:11:00+02:002017-05-31T18:54:49+02:00RenaudCinémaCinéma asiatiqueCorée du SudHong Sang-SooRomanceRépétition <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/yourself_and_yours/.yourself_and_yours_m.jpg" alt="yourself_and_yours.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="yourself_and_yours.jpg, mai 2017" /><div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>L'art délicat de la litote romantique</strong></ins></span></p>
</div>
<p>Deux films (<a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-jour-avec-un-jour-sans-de-Hong-Sang-Soo-2015"><ins>Un jour avec, un jour sans</ins></a> et celui-ci, au moment du visionnage, même si d'autres sont venus compléter ce sentiment par la suite) seulement auront suffi a susciter une certaine fascination pour <strong>Hong Sang-Soo</strong>. Les procédés de mise en scène sont quasiment les mêmes, et l'effet produit toujours aussi surprenant. Beaucoup de plans fixes en plan-séquence pour capter d'infimes variations autour d'une position d'équilibre. Des aléas des rencontres et des comportements dépeignant toute la fragilité des relations humaines et toute l'incertitude des lendemains, on progresse doucement vers une autre forme d'étude de mœurs, également subtile et délicate. Toujours les mêmes gestes cinématographiques, toujours les mêmes ambiances, toujours les mêmes préoccupations, semble-t-il, confinant à la lubie aussi douce qu'obsessionnelle.</p>
<p>Si je n'ai aucun mal à imaginer qu'un tel degré de minimalisme dans la mise en scène et dans l'approche thématique puisse rebuter et laisser en partie insensible (triste sort, cependant), il m'est en revanche beaucoup plus difficile de comprendre et donc d'expliciter les raisons qui font surgir de ce même minimalisme, pour peu qu'on y soit réceptif, autant d'émotion(s). En regard de la carapace inhibitive que l'on se construit tous plus ou moins naturellement au cours de nos cinéphilies, la mienne étant particulièrement développée, cela relève de l'extraordinaire. Quatre ou cinq personnages, trois ou quatre lieux, deux ou trois motifs narratifs, et de cette récurrence explose un cocktail sensitif en toute fin de film qu'on ne voit vraiment pas venir. On a beau rapidement identifier les schémas qui reviennent, les répétitions dans la forme, la logique du récit, cela n'empêche en rien le fait qu'on se fait cueillir par la conclusion et ses enseignements, partagés entre simplicité, délicatesse et universalisme. On prend conscience que l'existence, à travers ses interactions sociales dépeintes comme ici, est composée d'une infinité de variations infinitésimales dont les effets peuvent s'avérer gigantesques. C'est une forme de litote cinématographique qui flatte mes prédispositions et ma sensibilité, en s'attaquant à un sujet de manière parfaitement détournée sans pour autant le fuir.</p>
<p>En termes plus prosaïques, j'aime beaucoup le fait que <strong>Hong Sang-Soo </strong>ne lève pas catégoriquement le voile sur les raisons qui poussent Minjung à se comporter ainsi, y préférant une multiplicité diffuse d'interprétations. Mensonge, folie, acte parfaitement conscient issu d'un désespoir ou dédoublement de la personnalité naissant, véritable gémellité : on ne saura jamais vraiment et ce faisceau d'indices et de possibilités donne toute sa profondeur au personnage. Un personnage à l'identité incertaine, aux contours volontairement flous et à la limite du vertige. Un personnage perdu dans sa solitude, une individualité isolée au milieu de toutes les autres et dont les failles sont simplement un peu plus apparentes. De cette incertitude (diégétique et extra-diégétique, personnages et spectateurs flottant globalement dans le même nuage d'incompréhension) naissent les principaux enjeux du film.</p>
<p><ins>Yourself and Yours</ins> se termine comme il a commencé, avec les deux personnages dans le même lit. Sauf que tout a changé. Exactement comme dans <ins>Un jour avec, un jour sans</ins>, les deux séquences sont <em>presque </em>identiques et tout réside dans le "presque", dans les micro-variations qui en font un moment infiniment plus tendre, au point qu'on se demande s'il s'agit de la même personne. Une chose est sûre, ce n'est plus la même femme, que la métamorphose soit physique ou psychologique. La magie renouvelée des premiers moments amoureux rendue reproductible, si ce n'est éternelle, à la faveur d'un tout petit pas de côté, d'une once de recul, d'un léger décalage du regard romantique.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/yourself_and_yours/.rue_m.jpg" alt="rue.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="rue.jpg, mai 2017" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/yourself_and_yours/.bar_m.jpg" alt="bar.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="bar.jpg, mai 2017" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/yourself_and_yours/.lit_m.jpg" alt="lit.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="lit.jpg, mai 2017" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Yourself-and-Yours-de-Hong-Sang-Soo-2016#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/409L'Île nue, de Kaneto Shindō (1960)urn:md5:d40c03dcc9604a10395189638d4d60d32016-12-05T13:25:00+01:002016-12-05T13:49:03+01:00RenaudCinémaAgricultureCinéma muetIleJaponKaneto ShindōNobuko OtowaRépétition <p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.ile_nue_m.jpg" alt="ile_nue.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="ile_nue.jpg, déc. 2016" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>Le dur labeur d'un Sisyphe insulaire<br /></strong></ins></span></p>
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<p>On pourrait croire qu’avec de tels partis pris esthétiques et narratifs, aussi puissants que radicaux, <ins>L’Île nue</ins> constituerait l’essence même de l’œuvre profondément clivante. En choisissant comme cadre un îlot au sud du Japon, isolé au sein d’une mer intérieure, <strong>Kaneto Shindō </strong>aurait pu se contenter d’un récit à la structure simple et laisser parler ces images fabuleuses. Mais ce n'est pas le cas, ce serait mal le connaître. Pour témoigner sur un ton quasi-documentaire de la dureté de la vie et du labeur paysans sous de telles latitudes, il adopte une perspective proche du cinéma muet, sans aucun dialogue, mais avec un environnement sonore foisonnant. Et le résultat est saisissant : la poésie déjà présente naturellement au creux de ces paysages et de ce rythme de vie séculaire semble portée à son paroxysme.</p>
<p>On retrouve <strong>Nobuko Otowa </strong>(actrice proche de <strong>Shindō </strong>que l’on peut admirer dans les très bons <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Onibaba-de-Kaneto-Shindo-1964"><ins>Onibaba</ins></a> ou <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Black-Cat-de-Kaneto-Shindo-1968"><ins>The Black Cat</ins></a>) dans le rôle d’une agricultrice, habitante de l’îlot perdu avec son mari et ses deux enfants. L’essentiel des journées de la famille est rythmé par l’inexorable tâche liée à l’eau douce : au dur labeur d’agriculteur se joint celui non moins dur de porteur d’eau, qu’il faut aller chercher sur l’île principale. C’est un véritable rituel, incroyablement répétitif et à ce titre éprouvant, matérialisé par deux sceaux portés sur les épaules et transportés en barque d’une rive à l’autre. La préciosité infinie de l’eau devient ainsi palpable, et presque paradoxale étant donnée l’omniprésence de l’eau (salée) avoisinante. L’insistance et la minutie avec lesquelles est filmée l’arrosage des rangées de plants à flanc de colline, par tout petits sceaux cette fois-ci, ainsi que les bruitages qui accompagnent cette cérémonie, confèrent à l’eau douce et au travail de la terre une valeur inestimable.</p>
<p>Mais pour pleinement apprécier <ins>L’Île nue</ins>, il faut réussir à franchir une première étape, celle que nous impose <strong>Shindō </strong>lors de la première demi-heure sous la forme d’un ballet incessant, extrêmement répétitif d'un point de vue narratif, visuel et sonore, à la chorégraphie parfaitement orchestrée. À la simplicité des tâches prises de manière individuelle (remplir des sceaux, conduire une barque, arroser, etc.) se substitue une forme de difficulté insurmontable. Un travail herculéen qui revisite le mythe de Sisyphe (arroser, sans cesse, en transportant de lourds sceaux d’eau douce) de la même manière que le revisitait <ins>La Femme des sables</ins> avec du sable. C’est une entrée en matière qui peut être très rebutante, mais pour peu qu’on y soit sensible, elle finit par libérer une puissance poétique étonnante et détonante, axée sur la pénibilité d'une tâche nécessaire, un peu comme la sève que parvenaient à extraire <strong>Jean Epstein </strong>ou <strong>Robert Flaherty </strong>des plus durs travaux dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Finis-Terrae-de-Jean-Epstein-1929"><ins>Finis terrae</ins></a>, <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Nanouk-l-Esquimau-de-Robert-Flaherty-1922"><ins>Nanouk l’esquimau</ins></a> et <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-d-Aran-de-Robert-Flaherty-1934"><ins>L'Homme d'Aran</ins></a>. C'est la quintessence pour nous d'un quotidien banal pour eux, capté dans un élan lyrique relativement austère.</p>
<p>C'est seulement une fois ce cap de la répétition passé et ce cycle de l'eau appréhendé que l'ambiance visuelle et l'environnement sonore peuvent pleinement produire leur effet.</p>
<p><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.Otowa_m.jpg" alt="Otowa.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Otowa.jpg, déc. 2016" /></p>
<p>Visuellement, c'est <strong>Mikhaïl Kalatozov </strong>(ou plutôt <strong>Sergueï Ouroussevski</strong>, son chef opérateur) qui est convoqué dès la séquence d'introduction : ces plans tournés à bord d'un hélicoptère dévoilant le caractère majestueux de l'île en travelling avant au début puis en travelling arrière à la fin font irrémédiablement et anachroniquement penser à deux de ses œuvres : l'introduction de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Soy-Cuba-de-Mikhail-Kalatozov-1964"><ins>Soy Cuba</ins></a> (1964) et la conclusion de <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Lettre-inachevee-de-Mikhail-Kalatozov-1959"><ins>La Lettre inachevée</ins></a> (1960). En dressant le portrait d'un mode de vie ancestral, presque entièrement dédié à l'île et à son microcosme, sans repère visuel notable, on finit par oublier quelque repère temporel que ce soit et on accepte ce récit comme un conte hors du temps. Il faudra attendre un court épisode en ville, séjour effectué par pure nécessité, pour réaliser que les années 60 ont bien atteint le Japon : les images de danseuses pop à la télévision renvoient celles de la famille insulaire et paysanne à un imaginaire presque médiéval.</p>
<p>Du point de vue sonore, on reste dans l'expérimentation et dans une approche relativement contre-intuitive. L'utilisation du (quasi-)muet ne se fait pas ou très peu selon les codes et les formes d'expression classiques du cinéma muet, à base d'exagérations propres au burlesque ou au mélodrame par exemple. Non, l'approche est encore une fois proche du documentaire : les arrangements musicaux sont relativement discrets et accompagnent l'action sans la souligner de manière exagérée. La culture de cette terre ingrate produit une constellation bigarrée de sons en tous genres, comme le bruit de l'eau versée sur la terre, des sceaux en bambou qui s'entrechoquent, du vent qui souffle dans les branches. Le paysage sonore parachève cette idée de poème cinématographique mettant en scène des êtres humains luttant noblement mais inexorablement contre les forces de la nature, comme un instantané de l'équilibre parfait entre la beauté du cadre et l'âpreté de son contenu.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.barque_m.jpg" alt="barque.jpg" title="barque.jpg, déc. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.arrosage_m.jpg" alt="arrosage.jpg" title="arrosage.jpg, déc. 2016" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.ile_m.jpg" alt="ile.jpg" title="ile.jpg, déc. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.pente_m.jpg" alt="pente.jpg" title="pente.jpg, déc. 2016" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.contrejour_m.jpg" alt="contrejour.jpg" title="contrejour.jpg, déc. 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/ile_nue/.contrejour2_m.jpg" alt="contrejour2.jpg" title="contrejour2.jpg, déc. 2016" /></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-ile-nue-de-Kaneto-Shindo-1960#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/370Un jour avec, un jour sans, de Hong Sang-Soo (2015)urn:md5:e97bcf5548b6360e5174760eb8fbe8402016-06-07T00:23:00+02:002016-06-06T23:37:46+02:00RenaudCinémaCinéma asiatiqueCorée du SudHong Sang-SooRencontreRomanceRépétition <p><img title="A4 UN JOUR AVEC UN JOUR SANS.indd, juin 2016" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="A4 UN JOUR AVEC UN JOUR SANS.indd" src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/un_jour_avec_un_jour_sans/.un_jour_avec_un_jour_sans_m.jpg" /></p>
<div id="centrage"><p><span style="font-size: 18pt;"> <ins><strong>La réalité disponible en deux versions<br /></strong></ins></span></p>
</div>
<p>Ne connaissant <strong>Hong Sang-Soo </strong>que de réputation, je ne saurais mesurer à quel point ce film constitue une (énième, légère) variation dans sa carrière. Peu importe, à vrai dire. Indépendamment de ces considérations d'auteur, il y a dans <ins>Un jour avec, un jour sans</ins> une forme de subtilité, de simplicité, et d'étude de variation d'une touchante sincérité. L'air de rien, il dit beaucoup.</p>
<p>Un film, une histoire, mais deux versions. Un cinéaste de renom rencontre une apprentie peintre dans une petite ville loin de Séoul, et deux déclinaisons de leur relation naissante s'offrent à nous, deux positions par rapport à la sincérité des sentiments. La magie du dispositif réside dans ces subtiles variations entre les deux récits presque identiques qui ont des conséquences sur la suite, pour un résultat final sensiblement différent. En quelques plans fixes, en quelques plan-séquences, <strong>Hong Sang-Soo </strong>donne à voir les aléas des rencontres et des comportements. La conclusion est un peu simple en elle-même, mais elle n'en reste pas moins attendrissante, et même surprenante dans le chemin qui l'a précédée et qui nous y a conduits : la sincérité primera toujours sur la flagornerie, la sincérité jusque dans nos défauts sera toujours la seule façon de se révéler (et s'accepter) pleinement.</p>
<p>Mais l'intérêt du film se trouve plus dans le cheminement que dans cette conclusion limpide. Comment se fait-il qu'on s'engage dans deux directions aussi différentes en ayant pris le même chemin ? Le minimalisme de la mise en scène et le procédé de répétition poussent à se concentrer sur ces infimes détails qui font dériver l'histoire des deux personnages du sentier qui semblait tout tracé. Tout en subtilité : on ne passe pas de l'échec au succès amoureux, mais plutôt de l'amertume et de la frustration des fausses promesses à la candeur d'un instant partagé sincèrement et d'une rencontre qui se termine sur des points de suspension. En deux petites heures, <strong>Hong Sang-Soo </strong>a réussi à dépeindre la fragilité des rencontres, l'incertitude des lendemains, et l'importance des aléas. Et on réalise à quel point ces instants de vérité et de simplicité pures sont rares.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/un_jour_avec_un_jour_sans/.rencontre1_m.jpg" alt="rencontre1.jpg" title="rencontre1.jpg, juin 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/un_jour_avec_un_jour_sans/.cafe_m.jpg" alt="cafe.jpg" title="cafe.jpg, juin 2016" /><br /><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/un_jour_avec_un_jour_sans/.repas_copines_m.jpg" alt="repas_copines.jpg" title="repas_copines.jpg, juin 2016" /> <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/un_jour_avec_un_jour_sans/.rencontre2b_m.jpg" alt="rencontre2b.jpg" title="rencontre2b.jpg, juin 2016" /></div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-jour-avec-un-jour-sans-de-Hong-Sang-Soo-2015#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/323