Je m'attarde - Mot-clé - Voyage le temps d'un souffle<br />2024-03-25T15:05:00+01:00Gilles P.urn:md5:53884a1dc0a56fcabb5795c6d1504dfbDotclearLe Héros (Nayak), de Satyajit Ray (1966)urn:md5:93c924d235bb3009fc5feb71524118c52024-03-11T10:53:00+01:002024-03-11T10:53:00+01:00RenaudCinémaCauchemarCupiditéIndeNew DelhiSatyajit RaySharmila TagoreTrainVoyage <div id="centrage">
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/heros_B.jpg" title="heros_B.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/.heros_B_m.jpg" alt="heros_B.jpg, mars 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/heros_A.jpg" title="heros_A.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/.heros_A_m.jpg" alt="heros_A.jpg, mars 2024" /></a>
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<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Conte moral sur l'empathie</strong></ins></span>
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<p>Hasard des visionnages, cela faisait déjà quelques films chez <strong>Satyajit Ray</strong> que le symbole du train s'était fait particulièrement tenace, notamment dans la trilogie d'Apu pour les films vus le plus récemment. Et voilà que <ins>Le Héros</ins> (Nayak) y consacre la quasi-intégralité de son intrigue, en faisant d'un voyage en train vers New Delhi, entre deux grandes régions de l'Inde, une sorte de radiographie de la société indienne en parallèle de l'introspection d'une star de cinéma bengali.</p>
<p>Si je n'ai pas été inconditionnellement séduit par tous les scénarios des films de <strong>Ray </strong>que j'ai vus, il reste quand même très rare que la démonstration de ses arguments verse dans l'excès. Dans cette figure de l'acteur imbu de lui-même en voyage pour recevoir un grand prix le récompensant, et confronté à une série de personnages / situations le contraignant à se remettre en question (c'est-à-dire tout ce que son extrême popularité ne le poussait pas à faire), on pourrait trouver que le cinéaste et scénariste a eu la main bien lourde. À vrai dire même l'unique personnage qui lui tient tête, la journaliste féministe (interprétée par une fidèle, <strong>Sharmila Tagore</strong>) qui se trouve être la seule personne ne le prenant pas pour un héros intouchable, m'a un peu agacé dans la visibilité de ses coutures, tellement son rôle transpire l'évidence et le programmatique, se faisant trop explicite où elle va amener le film.</p>
<p>On est malgré tout choyé, c'est un univers extrêmement soigné et raffiné pour aborder la question d'une sorte d'exorcisation chez ce personnage qui souffre de multiples culpabilités derrière son assurance de façade. La toile de fond, garnie avec les multiples personnages ayant chacun une fonction bien déterminée, fait la part belle à une société gangrénée par la cupidité et l'arrivisme — la palme revenant à ce publicitaire prêt à utiliser sa femme pour obtenir l'assentiment de son patron, et cette femme prête à accepter à condition d'en tirer profit ailleurs. <strong>Ray </strong>démontre encore une fois sa facilité à insérer des visions relatives à l'imaginaire d'une grande force, ici au travers de deux cauchemars marquants chez le protagoniste. La morale est belle mais un peu pataude malgré tout : il n'y ait personne qui ne nécessite un peu d'empathie.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/img1.jpg" title="img1.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/.img1_m.jpg" alt="img1.jpg, mars 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/img2.jpg" title="img2.jpg, mars 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/heros/.img2_m.jpg" alt="img2.jpg, mars 2024" /></a>
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</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Heros-de-Satyajit-Ray-1966#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1362Voyage sans retour (One Way Passage), de Tay Garnett (1932)urn:md5:5a142ca7e9421b7d991262722beb772f2024-01-18T10:49:00+01:002024-01-18T10:50:19+01:00RenaudCinémaAmourBateauComédieEtats-UnisHawaïHong KongKay FrancisMensongePré-CodeRomanceSan FranciscoSecretTay GarnettVoyageWarren HymerWilliam Powell <a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/voyage_sans_retour.jpg" title="voyage_sans_retour.jpg, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/.voyage_sans_retour_m.jpg" alt="voyage_sans_retour.jpg, janv. 2024" class="media-center" /></a>
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"These holidays are dynamite."</strong></ins></span>
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<p>Aiguillé par la place de choix que <strong>Bertrand Tavernier </strong>lui accorde dans son pavé <ins><a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Amis-americains-de-Bertrand-Tavernier-1993">Amis Américains</a></ins>, <strong>Tay Garnett </strong>s'immisce dans ma cinéphilie par l'entremise de cette romance aux accents comiques qui aurait très bien pu constituer le terreau idéal d'un mélodrame sirupeux et éreintant s'il n'avait pas éclos dans un cadre particulier : le Forbidden Hollywood, l'ère du Pré-Code. Quelques années avant que la censure du code Hays n'entre en scène en 1934, <ins>One Way Passage</ins> est un régal de comédie raffiné typique de ces années-là, le début de la décennie 1930. Un navire de croisière, une poignée de personnages aux destins mêlés, des flirts croisés, une série de bons mots, et la chose est lancée.</p>
<p>Tout le film est basé sur une contrainte sous-jacente, la cohabitation forcée entre plusieurs personnes, qui génèrera autant de rapprochements bienvenus pour les uns et redoutés pour les autres. Une histoire d'amour issue d'un coup de foudre dans un bar de Hong Kong se poursuit à bord d'un paquebot, pour le voyage retour en direction de San Francisco. Mais une histoire d'amour également pétrie de non-dits, de mensonges, de secrets : on apprendra rapidement que elle, Joan (<strong>Kay Francis</strong>), est condamnée par une maladie incurable qui lui ôtera bientôt la vie, et que lui, Dan (<strong>William Powell</strong>), est un condamné à mort qui retourne sur le continent nord-américain pour terminer sur une chaise électrique.</p>
<p>Mais jamais <ins>Voyage sans retour</ins> ne se fait lourd sur cette composante dramatique, bien au contraire : ce n'est qu'une configuration pour créer une certaine entrave dans leur relation, qui trouvera certes pour point de chute une séparation faussement optimiste (magnifique final où chacun a appris la condition de l'autre sans que l'autre ne le sache, et feignant des retrouvailles qui n'auront tristement jamais lieu) mais qui constituera un carburant permanent aux enjeux. Car autour d'eux rôdent différents personnages secondaires gratinés, avec notamment une fausse comtesse, le sergent (<strong>Warren Hymer</strong>, la tête idéale de l'emploi) en charge de l'arrestation de Dan qui tombera sous le charme de cette dernière, et un blagueur potache bourré tout du long dont la fonction sera essentiellement d'introduire un peu de chaos dans tout cela. Ce microcosme apporte la touche de légèreté bienvenue, avec des états d'âme surprenants (le flic se montrera magnanime avec les malfrats) et typiques du Pré-Code.</p>
<p>Quelques épisodes exotiques (dont une escale à Hawaï, sur les plages de Honolulu, ouvrant de nombreuses possibilités), une traversée en bateau qui scellera l'intégralité d'une histoire d'amour, de son commencement à son dernier souffle, sans qu'aucune des deux parties ne connaisse le sort de son amant, et une conclusion sous la forme d'un rendez-vous manqué au parfum tragique et délicat. Bonne pioche.</p>
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<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/img1.png" title="img1.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/.img1_m.png" alt="img1.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/img2.png" title="img2.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/.img2_m.png" alt="img2.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/img3.png" title="img3.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/.img3_m.png" alt="img3.png, janv. 2024" /></a>
<a href="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/img4.png" title="img4.png, janv. 2024"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/2024/voyage_sans_retour/.img4_m.png" alt="img4.png, janv. 2024" /></a>
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Voyage-sans-retour-de-Tay-Garnett-1932#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1332La Chasse à l'homme, de Édouard Molinaro (1964)urn:md5:b0e0de96ef5c12226618ab6b9396baa22022-12-10T15:15:00+01:002022-12-10T15:22:05+01:00RenaudCinémaAthènesBernard BlierCatherine DeneuveClaude RichComédieFrancis BlancheFrançoise DorléacGrèceJean-Claude BrialyJean-Paul BelmondoMarie DuboisMarie LaforêtMichel AudiardMichel SerraultVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasse_a_l-homme/.chasse_a_l-homme_m.jpg" alt="chasse_a_l-homme.jpg, nov. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>Détournement de mariage<br /></strong></ins></span>
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<p>On a sans doute là ce que la comédie française pré-Nouvelle Vague (bien que réalisée en 1964) peut produire de plus anticonformiste et de sophistiqué. Le fait que <ins>La Chasse à l'homme</ins> soit une sorte de film à sketches déguisé en une unité ne m'a pas du tout dérangé car on peut très bien se conter du fil rouge ténu qui unit les différentes parties, notamment grâce aux étincelles produites par les différents atouts de la distribution. J'ai littéralement passé 1h30 à bader la jeunesse étincelante et vibrionnante de cette pléthore d'acteurs et actrices à la fois un peu à l'étroit dans un exercice de style très balisé et dans le même temps incroyablement libre de leurs mouvements. <strong>Jean-Claude Brialy</strong>, <strong>Claude Rich</strong> et <strong>Jean-Paul Belmondo </strong>d'abord, côté masculin. Puis <strong>Marie Laforêt</strong>, <strong>Marie Dubois</strong>, <strong>Catherine Deneuve</strong>, <strong>Françoise Dorléac </strong>pour la réponse féminine. Avec dans les interstices libres <strong>Hélène Duc</strong>, <strong>Michel Serrault</strong>, <strong>Bernard Blier</strong>, <strong>Francis Blanche</strong>, et pas mal de dialogues d'<strong>Audiard </strong>qui font monter la sauce du liant — quand bien même il y aurait pas mal de <ins>Tontons flingueurs</ins> réchauffé.</p>
<p>Mais alors, la fraîcheur de <strong>Brialy</strong>, le raffinage de <strong>Rich</strong>, la désinvolture contenue de <strong>Belmondo</strong>... Et la beauté magique de <strong>Deneuve </strong>au début de ses 20 ans, elle ne tient pas une place majeure dans le film (à la différence de sa sœur, <strong>Dorléac</strong>, dans la seconde partie, un peu poussive malheureusement) mais elle l'irradie intensément.</p>
<p>Le reste est presque accessoire, au final on ne s'intéresse que très peu aux pérégrinations de l'homme sur le point de se marier dissuadé par ses copains : on est plutôt concentré sur le job de proxénète de l'un des deux et sur la croisière en Grèce dans laquelle l'homme presque marié s'engage. On s'accroche à quelques répliques d'<strong>Audiard </strong>(au sujet de <strong>Dorléac</strong>, on lui dit que si elle posait nue ce serait un Renoir, mais que si elle s'était cassée la gueule en escaladant l'hôtel, ce serait un Picasso, en substance), on suit de loin le jeu du chat et de la souris entre <strong>Brialy </strong>et <strong>Dorléac </strong>à Athènes, et au final on se satisfait beaucoup de rester en haut de la vague de la comédie vivace que faisait tourner avec vigueur une jolie bande de jeunes (futures) stars. Avec un brin de nostalgie au coin des yeux. On est à des années-lumières du policier glaçant <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Un-Temoin-dans-la-ville-de-Edouard-Molinaro-1959"><ins>Un témoin dans la ville</ins></a> sorti 5 ans avant, un style que <strong>Molinaro</strong> ne reproduira jamais dans sa carrière, mais qu'importe.</p>
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<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasse_a_l-homme/.img1_m.png" alt="img1.png, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasse_a_l-homme/.img2_m.png" alt="img2.png, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasse_a_l-homme/.img3_m.png" alt="img3.png, nov. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/chasse_a_l-homme/.img4_m.png" alt="img4.png, nov. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Chasse-a-l-homme-de-Edouard-Molinaro-1964#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1085Le Règne du jour, de Pierre Perrault (1967)urn:md5:a6db684719133ee85a0b9227c3092a412022-08-26T17:01:00+02:002022-08-26T17:01:00+02:00RenaudCinémaCanadaDocumentaireEthnologieFrancePaysanPierre PerraultQuébecVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/regne_du_jour/.regne_du_jour_m.jpg" alt="regne_du_jour.jpg, juil. 2022" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Le peuple est à la folie Marie !"<br /></strong></ins></span>
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<p>Quel voyage émouvant initié par <strong>Pierre Perrault</strong>, de retour du côté de chez les Tremblay à L'Isle-aux-Coudres, sur le Saint-Laurent, quelques années après <ins>Pour la suite du monde</ins>, pour les inviter à faire le déplacement en France et y retrouver les origines de leur famille et leurs ancêtres dans le Perche... Quels personnages, ces deux vieux Alexis et Marie, deux personnalités centrales au cœur du pèlerinage, donnant des portraits vraiment incroyables... On coche énormément de cases en ce qui me concerne : documentaire semi-ethnographique, paysannerie, culture québécoise.</p>
<p>Très touchant de découvrir un peu plus en détail l'intimité de ce couple très âgé (avec quand même 17 enfants, 72 petits-enfants, et 7 arrière-petits-enfants, de quoi peupler la région comme 3 siècle auparavant !), avec leurs caractères bien trempés, et surtout l'inscription de leur état d'esprit dans une chronologie culturelle. Le rapport de l'homme au temps et à son environnement est magnifique, merveilleusement bien capté ici à travers d'une part la peur tangible d'Alexis vis-à-vis du futur et de l'époque moderne ("Le peuple est à la folie Marie ! Le luxe… mais on vit moins bien qu’avant je te dis !") et d'autre part dans le contrepoint très calme et plus mesuré offert par Marie, justement, l'air de ne pas y toucher ("il a toujours été vieux… alors avec l’âge…" réplique collector).</p>
<p>Le voyage en France est aussi l'occasion d'établir une série de passerelles, des points communs et des différences, entre les paysans québécois et les paysans français, à travers plusieurs prismes : ils découvrent que les fermes françaises sont majoritairement louées là où au Québec les paysans sont propriétaires de leurs terres et de leurs bâtisses. La mécanisation est plus importante, les tracteurs sont présents un peu partout tandis que l'accès à l'eau courante n'est pas garanti. Surtout, le rite du cochon n'est pas effectué de la même manière, que ce soit pour le tuer, le peler, le préparer, gérer les abats, etc. Ce qui est très drôle, c'est que plus ces cousins éloignés échangent sur leurs différences, plus ils se rapprochent. Ils prennent carrément conscience d'appartenir à la même classe sociale, loin des aristocrates occupés par la chasse à courre par exemple (un très bon exemple qui conforte Alexis dans sa vision des choses, à quelques détails près liés à la résistance notamment).</p>
<p>Un documentaire qui recèle en outre une poésie insoupçonnée, sur les jeux de langues, les spécificités idiomatiques qui se croisent, les accents (délicieux) aussi bien sûr, les pratiques qui se répondent comme un écho de part et d'autre de l'Atlantique à la faveur d'un montage alterné savoureux. Très authentique dans sa démarche, très drôle dans la confrontation qu'il provoque entre ces vieux paysans qui n'étaient jamais sortis de leur Isle-aux-Coudres et qui débarquent en France. Je crois que le plus touchant dans cette histoire, c'est cette incompréhension profonde du monde moderne chez Alexis (le passage avec les motoneiges est à pleurer de rire), et la peur teintée de colère que cela occasionne.</p>
<div id="centrage">
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/regne_du_jour/.img1_m.png" alt="img1.png, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/regne_du_jour/.img2_m.png" alt="img2.png, juil. 2022" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/regne_du_jour/.img3_m.png" alt="img3.png, juil. 2022" />
</div>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Regne-du-jour-de-Pierre-Perrault-1967#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/1065Maine Océan, de Jacques Rozier (1986)urn:md5:fe5644c0da54d2bedd1aacf10ddaf0e32021-09-22T12:56:00+02:002022-01-30T13:12:57+01:00RenaudCinémaBernard MénezBrésilChansonComédieIleJacques RozierLoufoqueLuis RegoRevisionnageTrainVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maine_ocean/.maine_ocean_m.jpg" alt="maine_ocean.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>
L'euphorie éthylique de la samba vendéenne
</strong></ins></span></div>
<p><em>Première publication le 20/06/2020.</em></p>
<p><ins>Maine Océan</ins>, c'est l'histoire de <strong>Bernard Ménez </strong>et <strong>Luis Rego</strong>, deux contrôleurs de la SNCF qui finiront par se retrouver sur l'île d'Yeu après avoir rencontré une belle danseuse brésilienne n'ayant pas composté son ticket (elle n'a pas fait "chtong à la gare" comme dit <strong>Régo</strong>) défendue par une avocate interprète maladroite. Là-bas ils se mêleront à un groupe de marins bourrus, avec <strong>Yves Afonso </strong>en tête des festivités (inoubliable Marcel Petitgars avec son dialecte aussi attachant qu'à la limite de l'incompréhensible), ensorcelés par un improbable imprésario américain qui fera miroiter une carrière de "nouveau Maurice Chevalier" à <strong>Bernard Ménez</strong>, totalement envoûté et désinhibé par l'alcool (inoubliable "je suis le roi de la samba"). Un bordel monstre, en résumé, articulé par les incompréhensions infinies des différentes langues (français, brésilien, anglais, patois de marin-pêcheur) et des différents quiproquos, qui rejoint en ce sens la cacophonie importée par <strong>Pierre Richard </strong>et <strong>Jacques Villeret </strong>dans <a href="https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Naufrages-de-l-ile-de-la-Tortue-de-Jacques-Rozier-1976"><ins>Les Naufragés de l'île de la Tortue</ins></a>. Un peu comme du surréalisme prosaïque à la Dumont, en version ilienne et vendéenne.</p>
<p><strong>Bernard Ménez </strong>abandonnant son costume de contrôleur aigri dans la grisaille ferroviaire pour lentement se transformer en un fanfaron chanteur sous l'effet des vapeurs d'alcool, de l'air frais du large et des promesses fourbes d'un producteur fantasque, c'est un grand moment. On pourrait reprocher à <strong>Jacques Rozier </strong>une certaine longueur, pour peu qu'on n'adhère pas au délire hypnotisant de cette bande de gais-lurons qui déambulent de trains en bistrots et de pianos en bateaux. L'émancipation du contrôleur qui a vu ses rêves et ses désirs trop longtemps refoulés se fait en roue libre et son emballement peut ne pas faire rire, au même titre que les baragouinages incessants de Petitgars. Mais ce serait passer à côté d'un sens de l'aventure tellement particulier... La façon dont cette troupe hétéroclite s'envole de son quotidien et prend le large de manière impromptue est à mes yeux irrésistible.</p>
<p>La surprise du chaos narratif, partagé entre une forme de réalisme exacerbé et une certaine tendance à s'éterniser dans le plan, se poursuivra jusque dans le dernier temps du film, lorsque la réalité se rappellera au contrôleur, perdu au milieu de l'océan et contraint de sauter de bateau en bateau pour retrouver la rive et sa vie de train. Une échappée buissonnière totalement foutraque et insolite, clivante aussi, dont le caractère fantaisiste pourra être très rebutant, le propre des comédies loufoques. Mais cette façon de filmer une envolée existentielle, le temps d'une courte escapade, façonnée dans un pragmatisme quotidien paradoxal, se terminant en cuissardes, valise à la main, échoué sur un banc de sable après l'annulation d'un vol pour New York, est d'une tendresse incroyablement attachante. Le bazar absolu d'une soirée samba surréaliste dans une salle municipale, ce moment de liberté, au-delà des obstacles à la communication et avant le retour à la réalité, aura changé bien des choses.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/maine_ocean/.afonso_menez_m.png" alt="afonso_menez.png, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p><em>Première publication le 22/09/2021.</em></p>
<p>J'avais totalement oublié à quel point "Maine Océan" baigne dans ses propres flottements, avec des séquences qui s'étirent bien au-delà du raisonnable, des changements de tons incompréhensibles, et toutes ces approximations qui indiquent bien comment le film a été construit sur de l'improvisation et des aléas de tournage. De fait, l'intrigue n'existait qu'à l'état de squelette, et l'ensemble a dérivé au gré de l'inspiration. Dix années séparent ce film du précédent de Rozier, "Les Naufragés de l’île de la Tortue", qui n'a réalisé que quelques films entre 1960 et 2000.</p>
<p>On serait bien en peine d'identifier un protagoniste au sens strict, même si en lisant le film à l'envers on est tenté de voir Bernard Ménez comme le réceptacle du propos, à savoir le refoulement des rêves et des désirs, réveillés par la folie d'un weekend alcoolisé qui emporte tout sur son passage, comme une tornade, avant de retourner de manière brutale au pragmatisme quotidien et laborieux. Il faut apprécier les longueurs des scènes qui l'opposent, notamment, à Yves Afonso (Marcel Petitgas) en roue libre totale — il prend beaucoup d'espace et n'en laisse pas beaucoup à son avocate maladroite pas plus qu'à la danseuse brésilienne qui n'existe que le temps d'une danse hypnotisante.</p>
<p>Avec le recul, le délire loufoque m'a moins envoûté, mais l'inadaptabilité de ces fous à la norme est devenue plus palpable, avec pour point culminant l'errance finale du personnage sur une côte déserte. Les tensions premières disparaissent peu à peu, en échangeant, pour laisser place à des amitiés certes passagères. On garde les souvenirs d'une samba endiablée au cœur d'une échappée buissonnière, avec des alliages aussi exotiques qu'insolites qui sont bien difficiles à retranscrire à l'écrit. Un fond de philosophie de joie de vivre peut-être, ou du moins de l'euphorie passagère qui transperce les difficultés de communication et l'hétérogénéité des milieux.</p>https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Maine-Ocean-de-Jacques-Rozier-1986#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/795Castaway, de Nicolas Roeg (1986)urn:md5:34f19f0bac141186e1d413c07df3b1ed2020-06-02T10:39:00+02:002020-06-02T09:41:30+02:00RenaudCinémaAventuresCoupleCriseDésirErotismeIleIle déserteIsolementMariageNatureNicolas RoegOliver ReedVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.castaway_m.jpg" alt="castaway.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"I believe in our future here."</strong></ins></span>
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<p>La présence d’<strong>Oliver Reed </strong>dans un tel film, ça dépasse l'entendement. 15 ans après sa prestation outrée, hallucinée et over the top dans <ins>Les Diables</ins> de <strong>Ken Russell</strong>, on le retrouve embarqué dans cette histoire renversante, adaptée de deux livres autobiographiques, dédiée à la lubie romantique d’un écrivain échoué volontaire sur une île déserte australienne en très bonne compagnie — qu'il avait pris le temps de soigneusement sélectionner au préalable. C'est le récit authentique de Lucy Irvine, une employée londonienne de 25 ans, blasée par la vie citadine, qui répond à une annonce dans Time Out London stipulant "écrivain d'une trentaine d'années recherche jeune épouse pour passer une année dans une île tropicale"... Une annonce placée par Gerald Kingsland, 49 ans, qui sélectionna cette femme parmi plus de cinquante candidates et avec qui il se maria (afin de respecter une loi australienne restreignant l'immigration) pour aller passer un an sur l'île de Tuin. Chacun des deux écrira un livre à l'issue de cette aventure, base de travail pour cette adaptation réalisée par le décidément très singulier <strong>Nicolas Roeg</strong>.</p>
<p>Ainsi, <ins>Castaway</ins> (à ne pas confondre avec le film de <strong>Robert Zemeckis</strong>, <ins>Cast away</ins>, "Seul au monde" en français) se résume à 2 heures presque intégralement sur une île déserte, en compagnie d’<strong>Oliver Reed </strong>en écrivain rêveur emphatique puis bougon et d'<strong>Amanda Donohoe </strong>en aspirante à l'émancipation sous les tropiques, essentiellement nue — un argument marketing incontournable, sans aucun doute. Elle dira d'ailleurs de manière assez drôle, au sujet du tournage : "<em>Well, naked on a desert island with Oliver Reed – it was a tabloid fantasy, wasn't it? He was an alcoholic and his behaviour was erratic, but he was always a courteous and good actor. His personal life wasn't working but he never crossed any lines professionally.</em>" Ce rêve de publicitaire lubrique se révèlera comme la cohabitation d'un homme et d'une femme mal assortis, découvrant très rapidement qu'ils ne partagent pas tout à fait la même conception de l'idylle exotique et du paradis paresseux. Loin, très loin de la robinsonnade annoncée.</p>
<p>De manière tout à fait surprenante et improbable, <strong>Nicolas Roeg </strong>parvient à tisser une atmosphère originale et bizarre de ce postulat de départ rachitique, en instillant peu à peu les ingrédients discrets d'une discorde qui détruira le magnifique paysage. Elle rêvait d'apprendre à survivre sur cette île dotée d’un incroyable potentiel, un peu à l’image d’un peuple primitif profitant de la faune et de la flore locales, mais lui avait tout simplement prévu de vivre d'amour et d'eau fraîche (fraîchement et régulièrement envoyée par son éditeur, comme une avance sur la publication du livre retraçant cette expérience à paraître) et de se repaître de sa monumentale flemme. Aventurier dans les mots (cette façon de déclamer "<em>I believe in our future here</em>" avec grandiloquence...), mais pas vraiment dans les actes. Malheureusement, emmuré dans son obsession contemplative et voluptueuse, il perd l'assentiment de sa conjointe qui en retour refuse de faire l'amour — alors que, rappelons-le, elle passe l’essentiel de son temps à marcher dans le sable blanc et à nager dans les lagons avoisinants dénudée. Au final, c'est bien elle qui se révèlera la plus apte à vivre dans ces conditions et sous ces latitudes, avec le désir et la force de caractère nécessaires. Ce sera le point de départ d’une longue hystérie bicéphale, principalement articulée autour d’une série de monologues, décrivant une situation d'incommunicabilité délirante, ponctuée par-ci par-là d'infections et de maladies assez peu glamours. Sur un rythme vraiment très étrange, avec un sens très singulier de la poésie et de l’attente, le paradis annoncé se transforme en un purgatoire parfaitement insolite.</p>
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.cuisine_m.jpg" alt="cuisine.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.plage_m.jpg" alt="plage.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/castaway/.soleil_m.jpg" alt="soleil.jpg, juin 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" />https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Castaway-de-Nicolas-Roeg-1986#comment-formhttps://www.je-mattarde.com/index.php?feed/atom/comments/783Les Naufragés de l'île de la Tortue, de Jacques Rozier (1976)urn:md5:2fb2be18981d06c460edd6adec0a86e82020-01-02T13:13:00+01:002020-01-02T13:22:23+01:00RenaudCinémaAventuresComédieGuadeloupeIleIle déserteJacques RozierPierre RichardRobinson CrusoéVoyage <img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/.naufrages_de_l-ile_de_la_tortue_m.jpg" alt="naufrages_de_l-ile_de_la_tortue.jpg, janv. 2020" style="margin: 0 auto; display: block;" /><div id="centrage"><span style="font-size: 18pt;"><ins><strong>"Robinson démerde-toi, 3000 francs rien compris"</strong></ins></span>
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<p>Première incursion du côté de <strong>Jacques Rozier</strong>... et quel voyage ! Quel bordel, surtout. Aucun autre film, à ma connaissance, n'accompagne <strong>Pierre Richard </strong>dans un tel délire devant et derrière la caméra. Il est presque méconnaissable dans le rôle de cet agent de voyage qui pense avoir l'idée du siècle en proposant un séjour un peu particulier : partir sur une île déserte dans un dénuement quasi total, à l'image de Robinson Crusoé. C'est d'ailleurs le titre de leur offre commerciale, "Robinson démerde-toi, 3000 francs rien compris".</p>
<p>Sauf que le film, une vraie bizarrerie, n'adopte en rien le ton ou le rythme d'une comédie d'aventures telle qu'on la définirait. Au cours de ces 2h20, <ins>Les Naufragés de l'île de la Tortue</ins> (il n'y aura d'ailleurs ni véritable naufrage ni véritable tortue, seulement une simulation de naufrage ratée et une île inconnue sur laquelle personne ne voudra aller) n'en finit pas d'enchaîner les temps morts, au creux d'aléas dont on ne saurait trop décrire la nature : intentionnels, ou résultats de manœuvres plus ou moins involontaires lors du tournage ? À l'image de la première partie dans laquelle <strong>Pierre Richard </strong>cherche une fille portant un prénom particulier pour attiser la jalousie de sa femme, et se retrouve dans le lit d'une inconnue au cours d'une scène qui s'étire de manière inexpliquée. Un bordel incroyable, à tel point qu'on ne saura jamais vraiment où le film veut aller. C'est l'instabilité totale sur cette embarcation hasardeuse qui porte le récit d'une comédie d'aventures totalement floue et incertaine. Des personnages principaux vont même jusqu'à disparaître du champ sans crier gare, à l'instar de <strong>Maurice Risch </strong>aha Gros Nono resté à Paris et remplacé in extremis par son frère <strong>Jacques Villeret </strong>aka Petit Nono, alors comédien débutant — et dont l'impassibilité met souvent mal à l'aise —, ou encore <strong>Pierre Richard </strong>himself, dans un rôle sans équivalent dans sa filmographie, sous les traits de Jean-Arthur Bonaventure (pour la rime) qui se perd à la fin du film à la nage, avant qu'on ne le retrouve dans une prison.</p>
<p>Une chose est sûre, ce style est assez unique en son genre, qu'il soit constitutif ou pas du cinéma de <strong>Rozier</strong>. Une loufoquerie permanente, sans jamais qu'on sache si cette sensation est le résultat d'une mise en scène ou des conditions de tournage autour de la Guadeloupe. Si les organisateurs souhaitaient dans le film faire souffler le vent de l'aventure et se délecter de l'imprévu avec les clients, rien ne se passera comme prévu, et il serait tentant d'y voir là une sorte de mise en abyme du tournage du film lui-même, avec ses longueurs et ses sursauts de rythme,. Tout cela transpire l'improvisation, l'incertitude, mais aussi la liberté.</p>
<div id="centrage"><img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/.richard_m.jpg" alt="richard.jpg, janv. 2020" /><br />
<img src="https://www.je-mattarde.com/public/RENAUD/CINEMA/naufrages_de_l-ile_de_la_tortue/villeret.jpeg" alt="villeret.jpeg, janv. 2020" />
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