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Selon certains, il est déjà mort depuis plus de vingt ans. D'autres affirment qu'il ressuscite de temps à autre. Ce qui est sûr, c'est que de bons westerns éclosent régulièrement, dans un genre — plutôt atypique si l'on se réfère au western classique — qui n'a de cesse de se renouveler. Le western aurait-il encore son mot à dire ?
La réponse semble être oui. Les années 1990-2000 ont vu fleurir une myriade de westerns en tout genre : Dead Man (1995), There Will Be Blood (2007), L'Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford (2007), Appaloosa (2008), Le Bon, La Brute Et Le Cinglé (2008), et plus récemment True Grit (2010). Beaucoup d'autres s'y sont essayés, avec plus ou moins de succès...

Blackthorn fait chateau_eau.jpgassurément partie des réussites, en reprenant le mythe de Butch Cassidy là où George Roy Hill l'avait laissé en 1969. À l'époque, Paul Newman et Robert Redford avaient enfilé les habits de Butch et Sundance Kid pour finir en Bolivie, où ils se seraient fait tuer en 1908 (1). La version espagnole prolonge le mythe et dépeint un Butch Cassidy reconverti en éleveur de chevaux, caché depuis vingt ans sous le nom de James Blackthorn. C'est au crépuscule de sa vie qu'il décide de retourner aux États-Unis, rongé par ses souvenirs et par l'existence de ce fils qu'il n'a jamais connu (ou peut-être est-ce celui du Kid ?). Sauf qu'ici, le Kid appartient au passé ; il est habilement « remplacé » par Eduardo, un jeune ingénieur qui aurait dérobé une grosse somme d'argent au magnat local, un riche propriétaire minier. Cette fois-ci, dans le rôle de Butch : Sam Shepard, parfait en cowboy épris de liberté, fatigué mais alerte, la barbe épaisse et grisonnante, le visage buriné par le soleil.
On peut cependant déplorer la présence de ces flash-back incessants, mielleux et un brin poussifs, assénés assez maladroitement tout au long du film, même si la classique confrontation présent / passé reste primordiale dans le film. Autre imperfection : le rythme du récit. Si la première moitié progresse à une allure folle, la seconde s'autorise des lenteurs savoureuses et nous laisse contempler des paysages grandioses qui semblent taillés sur mesure, comme ce saisissant désert de sel (le Salar de Uyuni, un lac salé asséché à 3500 mètres d'altitude). Mais cela n'empêche pas le réalisateur espagnol d'agrémenter le récit de scènes plutôt déroutantes, à l'image de cet ancien détective désabusé dont on suit les déboires (interprété par Stephen Rea, décidément à l'aise dans le rôle du flic marginalisé, cf. son rôle dans V pour Vendetta) et qui semble avoir perdu pied dans ce monde où les valeurs d'autrefois ont disparu.

Comme dans le western des frères Cohen, on voyage paisiblement avec les personnages, ici à travers la Bolivie, ses déserts, ses montagnes et ses vallées à perte de vue. Mateo Gil a su magnifier ces paysages grâce à une photographie particulièrement soignée ; on sort du film avec en tête des images de toute beauté, sur le rythme entêtant de chants traditionnels dont nous gratifie Sam Shepard et son banjo.
Mais surtout, on garde en bouche cette note amère et langoureuse : le temps passe et nous file entre les doigts, sans pouvoir l'infléchir de quelque manière que ce soit. Un constat qui prend tout son sens lors du dénouement, via cette parabole qui évoque une bien triste réalité : hier, on pillait les banques ; aujourd'hui, on vole les peuples.

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(1) Dans le Butch Cassidy et le Kid de 1968, on les avait quittés dans un ultime plan, un arrêt sur image, où Newman et Redford sortent de la banque, toutes armes dehors, face à l'armée bolivienne.