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"You guys don't work, you don't go to school, you don't do anything. All you do is lay around and drive your cars and eat us out of house and home."

Bien au-delà du fait divers que le film illustre et de son potentiel dramatique qui explose lors du jugement final, alors que l'on prend conscience du caractère véridique de l'histoire en même temps que les sentences tombent sur la bande d'adolescents meurtriers, c'est dans la captation d'un état d'esprit et dans sa restitution que Bully brille particulièrement. La façon très froide de retranscrire les événements dans la dernière partie, par opposition avec la chaleur de tout le reste du film, tout comme l'absence de distance savamment orchestrée, prennent toutes deux autant à la gorge qu'aux tripes.

La démarche adopte une trajectoire sinueuse pour mieux consacrer une certaine frontalité finale, et c'est sans doute là que réside la plus grande réussite du film. En passant autant de temps en immersion dans ce microcosme adolescent, à décrire leur quotidien qui semble autant jalonné d'automatismes liés au sexe et à la drogue que dépourvu de véritable plaisir, Bully parvient à faire naître un malaise surprenant. Pourtant, il est loin d'éviter tous les clichés du genre, à commencer par le portrait de Bobby Kent, fils de bourgeois à la morale plutôt stricte et à l'homosexualité profondément refoulée... Mais le portrait croisé qui l'unit au personnage de Marty Puccio offre une série d’ambiguïtés et de tiraillements vraiment intéressante : l'interprétation de Brad Renfro, mort d'une overdose d'héroïne quelques années après la sortie du film, n'y est clairement pas étrangère.

L'authenticité ne se retrouve pas forcément dans les détails mais plutôt dans l'état d'esprit du groupe. Le rapport diffus à l'addiction, l'introduction graduelle de la violence, de la brimade d'un côté au calcul meurtrier de l'autre : il y a dans leur paresse morale et dans leur absence de distance critique quelque chose de profondément troublant. Pour ne pas dire terrifiant, d'une terreur malicieusement orchestrée par Larry Clark, à mesure que le regard sur la bande glisse de la bienveillance passive à l'abandon à leur sort. Ce mélange de détermination et d'innocence correspond parfaitement à l'adolescence, une dérive aussi douce que cruelle, un point de jonction entre l'enfance et l'âge adulte rendu parfaitement intelligible. L'horreur survient alors qu'on croyait avoir développé une relation empathique avec eux.

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