Évocation très personnelle et dans un style très singulier du mouvement d'émigration hongroise aux États-Unis au tournant du XIXe et du XXe siècles, à l'époque où le continent nord-américain était synonyme d'asile, de vie meilleure, de terre d'espoir et d'amélioration des conditions de vie. Péter Forgács réalise un travail d'historien autant que de documentariste dans Hunky Blues, du nom péjoratif (les hunkies) donné aux immigrants originaires de Hongrie, en exhumant et en exhibant une myriade de documents antiques, photos d'époque, témoignages et récits de vie qui se combinent pour former un ensemble très original, tableau constellé d'épisodes intimes retraçant l'histoire des centaines de milliers de Hongrois qui traversèrent l'Atlantique entre 1890 et 1921 pour nourrir leur American Dream.
La forme du documentaire emprunte régulièrement les codes et les schémas du cinéma expérimental (beaucoup d'effets contribuent à l'ambiance floue d'un rêve), multiplie les points de vue, enchaîne les modes de narration, avec en toile de fond la naissance du cinéma — des extraits de courts-métrages muets jalonnent périodiquement les témoignages. Que ce soit au travers de documents graphiques (photos de famille, films amateurs, documents institutionnels) ou de retranscriptions audio de témoignages (extraits de lettres, journaux, interviews), Forgács aborde le kaléidoscope de situations qui faisaient le quotidien des migrants hongrois, les complications lors de l'arrivée, les étapes de l'intégration (marquée par des discriminations), le rapport au travail (harassant, sans surprise) et toutes les confrontations culturelles que l'on peut imaginer avec la société états-unienne ("my back marked with chalk and told to get out"). Un des fils rouges de ces récits tient notamment à ce qui anime les émigrants : l'accès à une terre moins hostile pour garantir une vie plus sereine à sa descendance. La diversité des expériences humaines et personnelles est le résultat d'un effort de recherche qu'on imagine colossal de la part du réalisateur, alimentant une œuvre fragmentaire étonnamment poétique sur l'exil.
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